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27/09/2018 | FRANCE | N°17/01810

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 27 septembre 2018, 17/01810


N° RG 17/01810














Décision du


Tribunal d'Instance de Villeurbanne


Au fond


du 31 janvier 2017





RG : 11-16-0012











SARL ENOVIA





C/





X... B...


Y... Philippe


S.A BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE








RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE LYON





6ème Chambre<

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ARRET DU 27 Septembre 2018

















APPELANTE :





SARL ENOVIA


[...]





Représentée par la SELARL C&S AVOCATS, avocat au barreau de LYON














INTIMES :





Mme B... X...


née le [...] à Bayonne


[...]











M. Philippe Y...


né le [...] à Mons (Belgique)


[...]





Représ...

N° RG 17/01810

Décision du

Tribunal d'Instance de Villeurbanne

Au fond

du 31 janvier 2017

RG : 11-16-0012

SARL ENOVIA

C/

X... B...

Y... Philippe

S.A BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 27 Septembre 2018

APPELANTE :

SARL ENOVIA

[...]

Représentée par la SELARL C&S AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Mme B... X...

née le [...] à Bayonne

[...]

M. Philippe Y...

né le [...] à Mons (Belgique)

[...]

Représentés par Me Isabelle A..., avocat au barreau de LYON

Assistés de Me Karine Z..., avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[...]

Représentée par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 27 Mars 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Septembre 2018

Date de mise à disposition : 27 Septembre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président

- Catherine CLERC, conseiller

- Karen STELLA, conseiller

assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier

A l'audience, Dominique BOISSELET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Le 14 janvier 2014, B... X... a signé le bon de commande auprès de la SARL Enovia d'un kit photovoltaïque intégral d'une puissance de 5 Kwc, comprenant onduleur et accessoires, au prix de 25.900 euros ttc.

Le même jour, B... X... et Philippe Y... ont accepté une offre de crédit affecté de la SA Sygma banque pour un montant de 25.900 euros, remboursable en 180 mensualités de 226,91 euros hors assurance, après un report de 12 mois, au taux de 5,76 % l'an.

Les travaux ont été effectués le 20 mars 2014 et l'installation a été mise en service le 13 octobre 2014 sur leur propriété de Foziers (Hérault).

Par acte d'huissier de justice des 24 et 26 mai 2016, Mme X... et M. Y... ont fait assigner la SARL Enovia et la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, devant le tribunal d'instance de Villeurbanne.

Ils réclamaient :

- l'annulation du contrat qu'ils ont conclu avec la SARL Enovia,

- l'annulation consécutive du contrat de crédit conclu avec la SA Sygma Banque,

- la condamnation de la SA BNP Paribas Personal Finance à leur rembourser les sommes versées, soit 3.731,36 euros arrêtée au 24 mai 2016, somme à parfaire au jour du jugement,

- la privation de la SA BNP Paribas Personal Finance de tout droit de remboursement contre les requérants,

- la condamnation de la SARL Enovia à rembourser le capital versé par la SA BNP Paribas Personal Finance,

- la condamnation solidaire de la SARL Enovia et de la SA BNP Paribas Personal Finance à prendre en charge le coût des travaux de dépose des panneaux photovoltaïques et de remise en état des existants,

- la condamnation solidaire de la SARL Enovia et de la SA BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 2.000 euros en application de I'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- le prononcé de l'exécution provisoire.

La SARL Enovia s'est opposée à toutes les demandes de Mme X... et M. Y... et la condamnation des requérants à leur verser la somme de 2.600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA BNP Paribas Personal Finance a sollicité à titre principal le rejet des demandes d'annulation du contrat principal et du contrat de crédit.

A titre subsidiaire, la société BNP Paribas Personal Finance a demandé qu'il soit dit que la SA Sygma n'a commis aucune faute et a réclamé :

- la condamnation solidaire de Mme X... et M. Y... à restituer le capital prêté,

- le débouté de l'ensemble de leurs prétentions,

- la garantie par la SARL Enovia de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- la garantie de la SARL Enovia du remboursement du capital prêté,

- l'indemnisation par la SARL Enovia de son préjudice résultant de la perte des intérêts escomptés, soit la somme de 14.954,60 euros.

En tout état de cause, la société BNP Paribas Personal Finance demandait la condamnation de Mme X... et M. Y... et de la SARL Enovia à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- le prononcé de l'exécution provisoire du présent jugement.

Par jugement en date du 31 janvier 2017, le tribunal d'instance de Villeurbanne a

- prononcé I'annulation du contrat conclu le 14 janvier 2014 entre, d'une part, Mme X... et M. Y..., et d'autre part, la SARL Enovia,

- ordonné à la SARL Enovia de procéder à la dépose de I'ensemble du kit photovoltaïque et à la remise en état des existants dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, après quoi elle sera présumée y avoir renoncé,

- constaté I'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 14 janvier 2014 entre d'une part, Mme X... et M. Y..., et d'autre part, la SA Sygma Banque,

- déboute la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement du capital dirigée à I'encontre de Mme X... et M. Y... ;

- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à rembourser à Mme X... et M. Y... l'intégralité des sommes versées par eux, soit la somme de 3.731,36 euros arrêtée au 24 mai 2016, outre les échéances échues et payées postérieurement,

- condamné la SARL Enovia à rembourser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 25.900 euros au titre du capital versé,

- débouté la SA BNP Paribas Personal Finance du surplus de ses demandes,

- condamné la SARL Enovia à payer à Mme X... et M. Y... la somme de 1.000 euros en application de l'articIe 700 du code de procédure civile,

- débouté les autres parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Enovia aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La SARL Enovia a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour le 9 mars 2017.

En ses dernières écritures du 22 janvier 2018, la SARL ENOVIA demande à la cour, au visa des articles L.121-23 ancien du code de la consommation, 1338 ancien, 1240 et 1343-5 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, de bien vouloir :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 31 janvier 2017 rendu par le Tribunal d'instance de Villeurbanne, sauf en ce qu'il a débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant à voir condamner la société Enovia à l'indemniser du montant de son préjudice résultant de la perte des intérêts escomptés soit la somme de 14.954,60 euros ;

- réformer ledit jugement et :

à titre principal,

- juger qu'il n'existe aucune cause de nullité du contrat conclu le 14 janvier 2014 entre la société Enovia et les consorts X... et Y... ;

- rejeter chacune des demandes, fins et prétentions adverses ;

à titre subsidiaire,

- juger que les consorts X... et Y... ont tacitement confirmé le bon de commande signé le 14 janvier 2014 et ainsi couvert toute cause éventuelle de nullité ;

- rejeter chacune des demandes, fins et prétentions adverses ;

à titre plus subsidiaire,

- juger que la remise des choses en leur état antérieur est disproportionnée puisque les consorts X... et Y... peuvent produire de l'électricité et la revendre ;

- autoriser les consorts X... et Y... à conserver les panneaux photovoltaïque et, en conséquence,

- condamner les consorts X... et Y... à verser à la société Enovia la somme de 17.735 euros en contrepartie de la conservation des panneaux photovoltaïques ;

- condamner les consorts X... et Y... à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance le montant du capital emprunté, ou le cas échéant et à tout le moins accorder à la société Enovia des délais de paiement aux fins de rembourser la société BNP Paribas Personal Finance en 24 mensualités égales, ce remboursement devant être limité à la somme de 25.900 euros ;

en tout état de cause,

- juger que les consorts X... et Y... ont abusivement agi contre la société Enovia sans fondement et de pure mauvaise foi ;

- les condamner en conséquence solidairement à lui payer la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive ;

- rejeter la demande de dommages et intérêts de la société BNP Paribas Personal Finance, aucun préjudice n'ayant été subi, ni démontré ;

- condamner solidairement les consorts X... et Y... à verser à la société Enovia la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 19 janvier 2018, B... X... et Philippe Y... demandent à la cour, vu les articles L.121-21 s. et L.311-20 s. et R.121-3 et suivants du code de la consommation (rédaction antérieure à la Loi du 17 mars 2014) et 1134, 1184 et suivants du code civil, de confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Villeurbanne le 31 janvier 2017 en toutes ses dispositions, et notamment :

- confirmer la nullité du contrat de vente conclu entre Enovia et les consorts X... et Y... au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile ;

- confirmer la nullité consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre les consorts X... et Y... et Sygma ;

en conséquence,

- confirmer la condamnation de Sygma, aujourd'hui BNP Paribas Personal Finance, à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par les consorts X... et Y... au titre de l'emprunt souscrit, soit la somme de 8.802,42 euros arrêtée au 24 janvier 2018, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir ;

- constater les fautes imputables à Sygma, aujourd'hui BNP Paribas Personal Finance ;

- priver BNP Paribas Personal Finance de fait de tout droit à remboursement contre les consorts X... et Y... s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Enovia ;

- confirmer la condamnation de la société Enovia à rembourser le capital versé par Sygma/ BNP Paribas Personal Finance directement entre les mains de Sygma/ BNP Paribas Personal Finance ;

- confirmer la condamnation d'Enovia à procéder aux travaux de dépose des panneaux photovoltaïques et de remise en état du toit ;

- condamner la société Enovia à payer aux consorts X... et Y... la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

Par dernières conclusions du 13 novembre 2017, la SA BNP Paribas Personal Finance, vu les articles L.121'3 et L.311'1 et suivants du code de la consommation, 1184 et 1338 alinéa 2 du code civil, de :

- juger que les conditions de nullité du contrat principal du 14 janvier 2014 ne sont pas réunies ;

- juger qu'en toute hypothèse que M. Y... et Mme X... ne peuvent plus invoquer la nullité de ce contrat, et donc du contrat de prêt suite à l'acceptation de l'installation, le paiement des échéances du prêt, marquant la confirmation des contrats de telle sorte que l'action n'est pas valable en application de l'article 1338 alinéa 2 du code civil ;

en conséquence,

- réformer le jugement du tribunal d'instance de Villeurbanne du 31 janvier 2017 ;

- débouter M. Y... et Mme X... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- juger que M. Y... et Mme X... resteront tenus de rembourser les échéances mensuelles du contrat de crédit du 14 janvier 2014 ;

à titre subsidiaire, en cas de nullité du contrat principal et donc du contrat de crédit,

- juger que M. Y... et Mme X... ne démontrent pas la prétendue faute commise par la société BNP Paribas Personal Finance ;

- débouter M. Y... et Mme X... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner en conséquence solidairement M. Y... et Mme X... à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 25.900 euros au titre du capital financé ;

- condamner la société Enovia à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 14 954 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte des intérêts escomptés ;

à titre plus subsidiaire,

- juger qu'une éventuelle faute de la société BNP Paribas Personal Finance et donc le remboursement des échéances versées par les emprunteurs ne pourra avoir lieu qu'après exécution par les emprunteurs de leur obligation de restituer le matériel financé ;

- juger que la société Enovia devra garantir la société BNP Paribas Personal Finance du capital prêté, soit la somme de 25.900 euros à laquelle elle sera condamnée ;

en tout état de cause,

- condamner M. Y... et Mme X... à payer à la société seule faire une somme de 2.500 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lévy-Roche-Sarda, avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2018.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le bon de commande ayant été signé en date du 14 janvier 2014, les articles du code de la consommation visés ci-après s'entendent dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi 2014-344 du 17 mars 2014.

Concernant le prêt, l'offre préalable ayant été régularisée après l'entrée en vigueur de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 mais avant le 1er juillet 2016, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et le décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la demande de nullité du contrat de vente

Le tribunal a considéré que le contrat ne respecte pas les exigences de l'article L.121-23 4° et 5° du code de la consommation, prescrites à peine de nullité, en ce qu'il ne contient pas :

- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

- et les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services.

En l'espèce, le contrat du 14 janvier 2014 indique : 'Kit photovoltaïque intégral d'une puissance de 5 Kwc comprenant onduleur et accessoire. Installation complète en intégration du bâti. Forfait administratif. BYPASS : revente ERDF et autoconsommation pendant 20 ans'.

Le tribunal a observé à juste titre que cette formulation n'indique pas la marque ni les références de chacun des produits vendus, ni leurs caractéristiques précises. Le contrat ne mentionne pas non plus les détails techniques de la pose de ces matériels.

Le bon de commande est, en effet, particulièrement imprécis, ne permettant pas de connaître le détail des équipements contenus dans le 'kit photovoltaïque' : nombre et dimension des panneaux, lieu d'installation et positionnement, absence de toute indication sur les quantités, marques, types et puissances des appareils accessoires (onduleur, coffret de protection électrique, connectique...).

On ne saurait donc considérer que les acquéreurs étaient valablement informés de la nature et des caractéristiques des biens livrés, la seule information utile étant, en définitive, la puissance globale de l'équipement.

Mme X... et M. Y... font aussi valoir avec justesse que le formulaire de rétractation n'est pas conforme aux exigences des articles R.121-4 et R.121-6 du code de la consommation parce qu'il contient des logos et un numéro vert étrangers à toute demande de rétractation.

En revanche, contrairement à ce que soutiennent Mme X... et M. Y..., l'indication du délai de livraison de 4 mois est suffisante, ce délai se comprenant nécessairement comme commençant au jour de la commande.

Ils soutiennent aussi que le fait de devoir user de ciseaux pour détacher le formulaire de rétractation n'en fait pas un formulaire détachable, mais il suffit que ce formulaire soit détachable du contrat sans l'endommager, quel qu'en soit le moyen.

La société Enovia répond que Mme X... et M. Y... avaient déjà signés un premier bon de commande le 4 décembre 2013, qui était resté sans suite à raison, selon la société Enovia, de l'exigence de la société Sygma que M. Y... soit également partie au contrat de crédit.

L'appelante en déduit que les intéressés ont eu tout loisir de prendre connaissance des éventuels vices affectant le formulaire contractuel et sont de mauvaise foi lorsqu'ils critiquent la police de caractères minucules et illisibles.

Sur ce, il est constant que la méconnaissance des exigences légales relatives aux mentions contractuelles est une nullité relative, à laquelle les consommateurs peuvent renoncer en connaissance de cause.

En l'espèce, conformément aux exigences légales, il est reproduit au verso du bon de commande, après les conditions générales de vente, les dispositions des articles L.121-23 à L.121-24 du code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles. Cette obligation légale a pour objet de permettre au consommateur normalement attentif de prendre connaissance de ses droits et en tirer les conséquences en décidant soit de poursuivre le contrat en dépit des vices qui l'affectent, soit d'y mettre fin.

Mme X... et M. Y... ne pouvaient donc ignorer que les divers manquements relevés ci-dessus quant aux exigences légales formelles, en particulier l'imprécision sur le bien commandé, leur permettaient de se prévaloir de la nullité du contrat et renoncer à son exécution, même après l'expiration du délai de renonciation.

Or, ils ont bien poursuivi l'exécution du contrat et n'ont formulé aucune réserve après les travaux et après la mise en service de l'installation de production électrique, laquelle a fonctionné au moins pendant deux ans jusqu'à l'engagement de leur action.

Conformément aux dispositions de l'article 1338 (devenu 1182) du code civil, l'exécution volontaire du contrat par Mme X... et M. Y..., en connaissance des vices affectant le bon de commande, vaut confirmation du contrat et les prive de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles qu'ils dénoncent.

L'action de Mme X... et M. Y... s'inscrit en réalité dans la déception fréquente des acquéreurs de ce type d'équipement, lorsqu'ils constatent que la vente de la production électrique ne couvre pas les mensualités de remboursement du prêt.

Ils ne cachent d'ailleurs pas qu'ils ont initié leur action après découverte d'un contentieux massif opposant des consommateurs aux installateurs de panneaux photovoltaïques.

Ils exposent de manière crédible, comme la plupart des acquéreurs, que les démarcheurs leur ont fait espérer un auto-financement de l'équipement et un gain après amortissement du prêt.

Pour autant, aucun engagement du vendeur n'a été pris par écrit quant à la quantité d'énergie électrique devant être produite par l'installation vendue et, par suite, quant aux recettes attendues par les clients.

Dans leur courrier du 6 janvier 2016 adressé à la société Enovia, Mme X... et M. Y... font mention d'un document 'explicatif' établi le 14 janvier 2014, destiné à les convaincre mais cette pièce n'est pas versée aux débats.

Leur affirmation n'est corroborée par aucun élément du dossier, de sorte que les éventuelles promesses des démarcheurs n'ont pas de portée contractuelle.

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente et, par suite, ordonné la dépose du kit photovoltaïque.

Sur la demande de nullité du contrat de crédit

Le tribunal a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté à la suite de l'annulation du contrat principal, en application de l'article L.311-32 du code de la consommation.

Le contrat de vente n'étant pas annulé, le jugement ne peut qu'être réformé sur ce point, le contrat de prêt ne faisant l'objet d'aucun débat quant à sa régularité formelle.

Sur les autres demandes

Le tribunal a estimé à bon droit que le prêteur a commis une faute en se contentant de la production du certificat de livraison ou de fourniture de service signé par un des deux emprunteurs alors qu'il ne pouvait pas ignorer que l'installation n'était pas en service.

La BNP Paribas Personal Finance soutient que le prix ne portait que sur la livraison et l'installation de l'équipement et non sa mise en service. Le bon de commande mentionne effectivement que le raccordement ERDF est pris en charge par la société Enovia mais il s'agit d'évidence d'une formule de style habituelle en matière commerciale :

Les engagements des parties sont déterminés selon l'économie globale du contrat : Le fait que certaines prestations soient présentées comme offertes au client par l'entrepreneur (forfait administratif, raccordement ERDF) ne saurait cacher l'inclusion de leur coût dans le prix global, ce qui est d'ailleurs mentionné dans la facture établie par l'entrepreneur.

Cette faute est néanmoins sans conséquence, dès lors que le contrat de crédit n'est pas nul: Le déblocage prématuré des fonds est sans effet dommageable après exécution complète des obligations de l'entrepreneur quant aux démarches administratives et au raccordement de l'ouvrage au réseau ERDF.

En conséquence, l'exécution du contrat de prêt doit se poursuivre, Mme X... et M. Y... restant tenus au paiement des échéances contractuelles. Sans qu'il y ait lieu de statuer sur les demandes subsidiaires des parties, le jugement ne peut qu'être réformé en toutes ses dispositions.

Concernant la demande de dommages et intérêts de la société Enovia, si l'argumentation soutenue quant aux irrégularités contractuelles formelles ne relève pas toujours d'une parfaite bonne foi de la part de ses clients, il n'en demeure pas moins que l'entrepreneur est responsable de l'indigence des mentions du bon de commande et des agissements de ses démarcheurs.

Pour être juridiquement infondée, l'action de Mme X... et M. Y... n'est pas abusive et la demande de dommages et intérêts formulée par l'appelante sera rejetée.

Mme X... et M. Y..., parties perdantes, supportent les dépens de la procédure mais, en équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 31 janvier 2017 par le tribunal d'instance de Villeurbanne ;

Statuant à nouveau,

Déboute B... X... et Philippe Y... de toutes leurs demandes ;

Dit qu'ils sont tenus de poursuivre l'exécution du contrat de crédit conclu le 14 janvier 2014 avec la SA Sygma Banque devenue BNP Paribas Personal Finance ;

Condamne Mme X... et M. Y... aux dépens de 1ère instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement direct de la SELARL Lévy-Roche-Sarda, avocat ;

Déboute la SARL Enovia et la SA BNP Paribas Personal Finance de leurs autres demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17/01810
Date de la décision : 27/09/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 06, arrêt n°17/01810 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-27;17.01810 ?
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