N° RG 17/04759
Décision du
Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 27 avril 2017
RG : 15/02863
1ère chambre civile
SA MONCEAU GENERALE ASSURANCES
C/
SA X...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 11 Septembre 2018
APPELANTE :
La Compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES SA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés [...]
[...]
Représentée par la SELARL JURISQUES, avocats au barreau de LYON
INTIMÉE :
La SA X..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par la SELARL LEXFACE, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
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Date de clôture de l'instruction : 15 Février 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Juin 2018
Date de mise à disposition : 11 Septembre 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Christophe GARNAUD, greffier
A l'audience, Florence PAPIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES garantit le bâtiment de type industriel dont la SCI DÉVELOPPEMENT DU PARC DU CRET DE MARS est propriétaire ZA CRET DE MARS, à la RICAMARIE (42), notamment contre le risque d'incendie.
Une partie de ce bâtiment, ainsi que leurs abords immédiats, ont été donnés en location à la SARL BOUMRANGS par contrat de bail en date du 19 octobre 2007.
Cette société a souscrit auprès de la compagnie d'assurances X... une police d'assurance destinée à garantir sa responsabilité civile.
Il résulte d'un rapport de police que dans la nuit du jeudi 30 avril au vendredi 1er mai 2009, un incendie a pris naissance dans un container à ordures se trouvant à proximité de la façade du bâtiment loué à la société BOUMRANGS.
L'incendie s'est communiqué à l'intérieur du bâtiment où il a occasionné de sérieux dommages immobiliers qui ont été pris en charge par la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES, assureur de la société propriétaire, pour un montant de 267 705,00 € selon PV de constatations et d'évaluation de dommages contradictoires régularisés par les experts des parties notamment le 29 octobre 2009.
En sa qualité de subrogée dans les droits et actions de son assurée, la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES a vainement tenté de faire aboutir son recours à l'encontre de la compagnie X..., assureur de la responsabilité de la SARL BOUMRANGS.
Par exploit du 28 avril 2014, la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES a fait délivrer assignation au fond à la compagnie X... afin d'interrompre la prescription à son égard et de solliciter la condamnation de l'assureur du locataire à lui rembourser la somme de 267 705,00 €, représentant le montant des dommages, vétusté déduite, selon procès-verbal contradictoire et accepté.
Suivant jugement rendu le 2 juillet 2015, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE.
Suivant jugement rendu le 27 avril 2017, le tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE a débouté MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES de sa demande, estimant qu'il existait une clause de renonciation à recours dans le bail conclu entre la société SCI DÉVELOPPEMENT DU PARC et la société BOUMRANGS rendant irrecevable toute action à l'encontre de la société X....
Le tribunal a par ailleurs indiqué, qu'en tout état de cause, un tel sinistre était régi non pas par les dispositions de l'ancien article 1384 alinéa 2, mais par celles de l'article 1733 du code civil et que la circonstance que le feu soit d'origine criminelle était suffisante pour exonérer le preneur.
La compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES a été condamnée à payer une somme de 5 000 € à la société X... au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 février 2018, elle demande à la cour de :
Vu l'article L 121-12 du code des assurances,
Vu l'article 1242 alinéa 2 du code civil
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 avril 2017 par le tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE ;
- Dire et juger la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES recevable et bien fondée en son action ;
- Dire et juger que la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES justifie d'un intérêt à agir dès lors qu'elle a intégralement indemnisé le préjudice de la SCI DÉVELOPPEMENT PARC DU CRET DE MARS et en justifie ;
- Déclarer recevable et bien fondée la demande de la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES, agissant tant personnellement que subrogée dans les droits et actions de la SCI DÉVELOPPEMENT PARC DU CRET DE MARS ;
- Dire et juger que la société BOUMRANGS est responsable de l'incendie ayant ravagé l'immeuble loué conformément à la présomption de responsabilité prévue à l'article 1242 alinéa 2 du Code Civil ;
- Dire et juger que la SARL BOUMRANGS a commis une faute en plaçant un container à ordures au contenu inflammable exposé à un risque d'incendie la veille d'un jour férié tout contre la façade du bâtiment loué ;
- Déclarer la SARL BOUMRANGS entièrement responsable des conséquences dommages du sinistre incendie du 1er Mai 2009 ;
- Condamner la compagnie X... à payer à MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES la somme de 267 705 € en remboursement de l'indemnité versée du fait du sinistre, outre intérêts de droit.
- Condamner la compagnie X... à payer à la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la compagnie X... en tous les dépens, dont distraction au profit de la SELARL JURISQUES, avocat aux offres de droit,
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que la société BOUMRANGS est responsable de l'incendie ayant ravagé l'immeuble loué conformément à la présomption de responsabilité prévue aux articles 1732 et 1733 du code civil ;
- Condamner la compagnie X... à payer à la Société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES la somme de 267 705 € en remboursement de l'indemnité versée du fait du sinistre, outre intérêts de droit ;
- Condamner la compagnie X... à payer à la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter la compagnie X... de sa demande visant à obtenir la condamnation de la société MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES à lui payer la somme de 8 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamner la compagnie X... en tous les dépens, dont distraction au profit de la SELARL JURISQUES, avocat aux offres de droit.
Elle soutient que :
- la clause par laquelle le bailleur s'engage à renoncer au recours prévoit une réciprocité, qu'à défaut d'engagement identique du preneur la clause n'existe plus,
- cette clause n'est pas automatique, elle devait être portée à sa connaissance et acceptée par elle, sinon elle lui est inopposable,
- c'est l'article 1242 al 2 du code civil qui a vocation à s'appliquer et non 1733 s'agissant d'un incendie dont le foyer se situe en dehors des biens loués,
- il résulte de ce texte que dès lors que le preneur a commis une faute ou une imprudence dont le lien de causalité est établi, sa responsabilité est engagée,
- en l'espèce sortir les poubelles la veille du 1er mai en les entreposant contre la façade de l'immeuble litigieux alors qu'elle savait que d'autres incendies avaient été déclenchés dans le quartier et qu'une tentative d'incendie avait été perpétrée sur l'immeuble quelques jours plus tôt est fautif, et engage la responsabilité de la société BOUMERANGS et de son assureur X... .
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 13 février 2018, la SA X... demande à la cour, au visa des articles 1134 (1103), 1732, 1733,1384 (1242) du code civil, de confirmer la décision déférée et y ajoutant de condamner l'appelante à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par son conseil.
Elle soutient que la rédaction de la clause est claire, opposable à l'appelante et rend irrecevable toute action à son encontre.
À titre subsidiaire, qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la société BOUMRANGS, s'agissant d'un acte criminel présentant le caractère de force majeure, seules les dispositions de l'article 1733 ayant vocation à s'appliquer.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine :
Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ;
Sur le fond :
Attendu qu'en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.
Attendu que la subrogation légale de l'assureur contre le tiers responsable, instituée par les dispositions de l'art. L. 121-12 du code des assurances qui ne sont pas impératives, n'exclut pas l'éventualité d'une subrogation conventionnelle.
Attendu que la clause litigieuse est ainsi rédigée :
Article 11-Assurances
'le bailleur assurera la totalité de l'ensemble immobilier ...contre le risque d'incendie, d'explosion..
Le preneur fera assurer les agencements, son mobilier, matériel ..
Le bailleur s'engage de son côté à renoncer et à faire renoncer ses assureurs subrogés à tous recours contre le preneur et ses assureurs sous réserve de réciprocité.
Les abandons de recours réciproques seront sans effet si le responsable des dommages a commis une faute dolosive, intentionnelle ou lourde'
Attendu que le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a considéré :
- que seules les dispositions de l'article 1733 du code civil étaient applicables en l'espèce et non les dispositions de l'article 1242 du code civil s'agissant de rapports entre propriétaires et locataires, et que les parties peuvent déroger par des clauses limitatives ou élusives de responsabilité à ces dispositions qui ne sont pas d'ordre public,
- que la clause stipulée à l'article 11 du contrat de bail est valable, l'absence d'information par le bailleur à son assureur de la renonciation à tout recours contre le locataire et son assureur, en cas notamment de dommage au bien loué résultant d'un incendie, si tant est qu'elle soit démontrée, n'étant pas de nature à la priver d'effet,
Attendu qu'il résulte bien de ladite clause un engagement réciproque du bailleur et du preneur, l'argument de l'appelante à ce sujet étant inopérant,
Attendu que dès lors, aucune faute intentionnelle, dolosive ou lourde du preneur étant alléguée, c'est à juste titre qu'en application de ladite clause, le premier juge a débouté la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES de sa demande, celle-ci ne pouvant pas être subrogée légalement ou conventionnellement dans des droits dont le bailleur ne dispose pas,
Attendu que la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES est dès lors déboutée de sa demande principale et subsidiaire, fondée sur les articles 1732 et 1733 du code civil,
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que la décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens, que l'appelante est condamnée aux dépens d'appel et à payer à la compagnie X... la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qu'elle est déboutée de sa demande du même chef.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision déférée,
Y ajoutant,
Condamne la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES SA à verser à la SA X... une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
Condamne la compagnie MONCEAU GÉNÉRALE ASSURANCES SA aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE