N° RG 16/08090
N° RG 16/08101
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 19 octobre 2016
RG : 09/03753
ch n°1 cab 01 A
X...
C/
LEGONIDET...
Y...
Z..., NOTAIRE RETRAITE
X...
A...
SCP STÉPHANE Z... - AGNÈS R... - PATRICK BOUI N, NOTAIRES ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 04 Septembre 2018
APPELANT ET INTIMÉ :
M. Francis Claude X...
né le [...] à VIENNE (38)
[...]
Représenté par Me Cécile B..., avocat au barreau de LYON
INTIMÉ ET APPELANT :
M. Bernard X...
né le [...] à DIGOIN (71)
[...]
Représenté par Me Philippe C... de la SELARL CABINET D'AVOCATS PHILIPPE PET IT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
M. Yves S... E...
né le [...] à AUBENAS (07)
[...]
Représenté par Me Eymeric D..., avocat au barreau de LYON
Me Jean Z..., ancien notaire associé de la SCP Jean Z... et Stéphane Z...
[...]
Représenté par Me Bertrand F... de la SELARL E... F..., avocat au barreau de LYON
Mme Christiane A... épouse G...
[...]
Représentée par Me Edith H... de la SCP ATHOS - EDITH H... AVOCAT, avocat au barreau de LYON
SCP Z..., notaires associés titulaires d'un office notarial
[...]
Représentée par Me Bertrand F... de la SELARL E... F..., avocat au barreau de LYON
******
Date de clôture de l'instruction : 05 Juin 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Juin 2018
Date de mise à disposition : 04 Septembre 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Par jugement du 6 janvier 1996, M. Claude A... a adopté en la forme simple M. Yves S... E..., le fils de son épouse Marguerite X....
Pharmacien biologiste ayant connu une importante réussite professionnelle, M. Claude A... était titulaire, en 2005, après le décès de son épouse d'un patrimoine évalué à plus de 6 millions d'euros, composé en grande partie de biens immobiliers.
Alors que son fils était jusqu'alors désigné comme le principal légataire de sa fortune, M. Claude A... a consenti à partir de septembre 2006 plusieurs donations à deux neveux de feu son épouse, MM. Bernard et Francis X..., et les a désignés bénéficiaires de plusieurs testaments et de contrats d'assurance-vie, portant sur la totalité de son patrimoine.
Il a ainsi établi :
- une donation de la nue-propriété des biens et droits dépendant d'un ensemble immobilier sis [...] (CALUIRE ET CUIRE), suivant acte reçu par Me Jean Z..., notaire, le 4 décembre 2006, en faveur de Bernard X...,
- une donation de manière indivise à concurrence de moitié chacun, de la pleine et entière propriété d'une maison d'habitation ('[...], au lieudit Boulouris, sur le territoire de la commune de SAINT RAPHAËL (Var), suivant acte reçu par Me Jean Z..., notaire, les 2 et 13 novembre 2006, en faveur de Bernard X... et de Francis X...,
- une donation de la nue-propriété des biens et droits dépendant d'un ensemble immobilier sis [...], [...], suivant acte reçu par Me Jean Z... le 7 décembre 2006 en faveur de Francis X...,
- un testament olographe le 5 septembre 2006, un testament olographe le 29 septembre 2006, deux testaments olographes le 10 octobre 2006, un testament authentique le 6 novembre 2006, deux testaments olographes le 28 novembre 2006, et un codicille le 10 janvier 2007.
Ultérieurement, considérant avoir été abusé, M. Claude A... a déposé plainte auprès du procureur de la République de LYON des chefs d'abus de faiblesse et d'extorsion de fonds le 15 octobre 2007.
Puis il a assigné MM. Bernard X... et Francis X... devant les tribunaux de LYON, DRAGUIGNAN et PARIS aux fins de voir annuler les donations qu'il leur avait consenties.
Les procédures engagées devant les tribunaux de DRAGUIGNAN et PARIS ont été renvoyées devant le tribunal de grande instance de LYON.
Par jugement en date du 23 juillet 2009, le juge des tutelles du tribunal d'instance de LYON a placé M. Claude A... sous le régime de la curatelle renforcée. M. Yves S... E... ayant été désigné en qualité de curateur, il est intervenu volontairement dans la cause en cette qualité dans les procédures engagées par son père adoptif.
M. Bernard X... a appelé dans la cause Me Z... et la SCP Z..., notaires.
M. Claude A... est décédé le [...], M. Yves S... E... est intervenu volontairement en sa qualité d'héritier pour poursuivre l'action introduite par le défunt.
Par acte d'huissier du 9 décembre 2013, M. Francis X... a fait assigner M. Yves S... E... et M. Pierre Y... devant le tribunal de grande instance de LYON à l'effet de voir déclarer nul le testament établi par Claude A... le 4 septembre 2007 ainsi que son codicille du 17 novembre 2008.
Cette procédure a été jointe à la première.
Par jugement du 19 octobre 2016, le tribunal a :
- déclaré recevable l'action en nullité des testaments olographes en date des 5 et 29 septembre 2006, 10 octobre 2006, 28 novembre 2006, du testament authentique du 6 novembre 2006 et du codicille du 10 janvier 2007 engagée par M. Yves S... E...,
- annulé la donation du 4 décembre 2006 en faveur de M. Bernard X... de la nue-propriété des biens immobiliers de CALUIRE et ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière,
- annulé la donation en date des 2 et 13 novembre 2006 reçue par Me Jean Z... en faveur de MM. Bernard X... et de Francis X..., de l'immeuble de BOULOURIS ('villa Marguerite') et ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière,
- annulé la donation en date du 7 décembre 2006 en faveur de Francis X..., reçue par Me Jean Z... de la nue-propriété des biens immobiliers de PARIS, et ordonné la publication au service de la publicité foncière,
- annulé le testament olographe du 5 septembre 2006, le testament olographe du 29 septembre 2006, les deux testaments olographes du 10 octobre 2006, le testament authentique du 6 novembre 2006, les deux testaments olographes du 28 novembre 2006, et le codicille du 10 janvier 2007, ainsi que le testament du 4 septembre 2007 et le codicille du 17 novembre 2008,
- débouté M. Yves S... E... et M. Bernard X... de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de Me Jean Z... et la SCP Z...,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné in solidum MM. Bernard X... et Francis X... à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile :
* à M. Yves S... E... une somme de 5 000 €,
* à Me Jean Z... une somme de 2 000 €,
- condamné in solidum MM. Bernard X... et Francis X... aux dépens.
M. Francis X... et M. Bernard X... ont chacun interjeté appel. Les instances ainsi introduites ont fait l'objet d'une jonction.
Au terme de conclusions notifiées le 4 juin 2018, M. Francis X... demande à la cour de:
- déclarer irrecevable l'action en nullité des testaments des 5 et 29 septembre 2006, du 10 octobre 2006, du 28 novembre 2006, du testament authentique du 6 novembre 2006 et du codicille du 10 janvier 2007,
- infirmer le jugement,
- débouter M. S... E... de sa demande en annulation des donations et testaments qui lui ont été consentis,
- subsidiairement, condamner Me Z... et la SCP Z... à le relever et garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre et à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- débouter Me Z... et la SCP Z... de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner M. S... E... ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 15000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de Me B....
Au terme de conclusions notifiées le 2 octobre 2017, M. Bernard X... demande à la cour de :
- déclarer irrecevable l'action en nullité des testaments olographes des 5 et 29 septembre 2006, du 10 octobre 2006, du 28 novembre 2006, du testament authentique du 6 novembre 2006 et du codicille du 10 janvier 2007,
- infirmer le jugement,
- débouter M. Yves S... E... de sa demande en annulation des donations et testaments et de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, condamner solidairement Me Z... et la SCP Z... à le relever et garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre et à lui payer la somme de 216 897,12 € en remboursement des sommes qu'il a versées à M. Claude A... et M. Yves S... E... au titre des indemnisations mises à sa charge lors de l'instance pénale ainsi que celle de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- débouter Me Z... et la SCP Z... de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner M. S... E... ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 25000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de Me C....
Au terme de conclusions notifiées le 27 mars 2018, M. Yves S... E... demande à la cour de :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes dirigées contre Me Jean Z... et la SCP Z...-R...-BOUIN venant aux droits de la SCP Jean Z... et Stéphane Z...,
- condamner solidairement Me Jean Z... et la SCP Z...-R...-BOUIN à lui payer :
* la somme de 41 023,76 € à titre de dommages et intérêts en remboursement du montant des frais, émoluments et formalités perçus sur les donations annulées,
* la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel constitué par le paiement des frais d'entrée du nouveau contrat de capitalisation UNOFI-CAPITAL PLUS [...],
* 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner in solidum M. Francis X..., Me Jean Z... et la SCP Z...-R...-BOUIN à lui payer la somme de 25 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me D....
Au terme de conclusions notifiées le 3 mai 2018, Me Jean Z... et la SCP Z... demandent à la cour de :
- déclarer irrecevables les demandes formées à leur encontre en cause d'appel par M. Francis X...,
- confirmer le jugement,
subsidiairement,
- débouter M. Francis X... de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre,
- dire qu'ils devront être intégralement garantis par M. Bernard X...,
en tout état de cause,
- condamner M. Bernard X... et M. Francis X... ou qui mieux le devra à leur payer la somme de 5 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL E... F....
Au terme de conclusions notifiées le 7 avril 2017, Mme Christiane A... demande à la cour de:
- confirmer le jugement déféré,
- débouter M. Francis X..., M. Yves S... E..., Me Jean Z..., la SCP Z..., M. Pierre Y... et M. Bernard X... de toute demande qu'ils pourraient former à son encontre,
- condamner M. Francis X... ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. Pierre Y... n'a pas été assigné en cause d'appel de sorte que la cour n'est pas saisie à son égard.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'appel dirigé contre Mme Christiane A... épouse G...
Aucune demande n'est formulée à l'encontre de Mme Christiane A... épouse G... de sorte que celle-ci doit être purement et simplement mise hors de cause.
Sur la recevabilité de l'action en nullité des testaments
M. S... E... a, par conclusions du 4 juin 2014, formulé dans le cadre de la première instance en sus de la demande de nullité des donations, une demande de nullité des testaments.
L'article 65 du code de procédure civile dispose que constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures de sorte que la demande de nullité des testaments s'analyse en une demande additionnelle.
MM. X... soutiennent que cette demande est irrecevable en ce qu'elle constitue une demande nouvelle.
Toutefois, aucune disposition du code de procédure civile ne prohibe les demandes nouvelles devant les juridictions de première instance. Selon l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l'espèce, l'existence d'un lien suffisant avec la procédure en nullité des donations engagée par M. A... résulte du fait que la demande nouvelle porte également sur des actes de disposition de son patrimoine établis par le demandeur initial, qu'elle est dirigée contre les mêmes parties que les prétentions originaires et pour les mêmes motifs.
MM. X... soutiennent encore que M. S... E... est sans intérêt à agir dès lors que ces testaments ont été révoqués par de nouvelles dispositions testamentaires postérieures aux actes litigieux.
Toutefois, le testament du 4 septembre 2007 encourt la nullité pour la même cause que les testaments antérieurs dès lors qu'est invoquée l'insanité d'esprit de son auteur de sorte que le demandeur à l'action a un intérêt né et actuel à agir.
MM. X... soutiennent enfin que l'action serait prescrite faute d'avoir été introduite dans le délai de cinq ans au motif que ce délai a commencé à courir le 4 décembre 2008, date d'introduction de l'instance devant le tribunal de grande instance de LYON par M. A....
C'est toutefois par de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a écarté cette fin de non recevoir et retenu que la prescription n'avait couru qu'à compter du décès de M. Claude A..., survenu le [...], de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité des testaments.
Sur les actions en nullité pour insanité d'esprit
M. S... E... fait valoir :
- qu'en cinq mois, entre le mois de septembre 2006 et le mois de janvier 2007, M. Claude A... a régularisé 10 libéralités en faveur de MM. X... portant sur l'intégralité de son patrimoine mobilier et immobilier représentant une valeur totale de 5 millions d'euros, droits de donation inclus,
- que la décision de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de LYON a autorité de la chose jugée au civil, le pourvoi et le recours en révision formés par M. Bernard X... ayant été rejetés, de sorte que s'imposent à la juridiction civile les éléments retenus par la juridiction pénale au soutien de la caractérisation de la particulière vulnérabilité de M. Claude A..., à savoir une déficience psychologique et une maladie dégénérative, et que l'intégralité des libéralités litigieuses est nulle comme ayant été consenties sous l'empire d'un trouble mental,
- que l'ensemble des pièces médicales et des témoignages recueillis établissent que l'état de santé mentale de M. Claude A... s'est profondément dégradé au [...],
- que le diagnostic a été posé en 2008 de maladie d'Alzheimer à composante vasculo-cérébrale ou syndrome démentiel d'origine mixte, maladie évoluant depuis plusieurs années et que le certificat médical du docteur I... du 28 août 2006 invoqué par les appelants ne saurait faire la preuve que M. Claude A... était en pleine possession de ses moyens intellectuels,
- que l'étude du docteur J... produite par M. Bernard X... est également dépourvue de valeur probante comme effectuée sans examen du patient ni des pièces médicales,
- que l'existence d'un accident neurologique en 2007 n'est pas établi,
- que M. Bernard X... a été rendu destinataire de l'intégralité des évaluations médicales effectuées par le docteur K..., cardiologue qui suivait M. Claude A... et qui, dès le mois de janvier 2006 avait posé l'hypothèse d'une dégénérescence sénile, de sorte que lui et les siens étaient au courant de la dégradation importante des facultés intellectuelles de leur parent.
Les appelants font valoir :
- que l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de LYON en date du 13 décembre 2012 ayant condamné Bernard X... pour abus de faiblesse n'a pas autorité de la chose jugée au civil faute de s'être prononcé sur l'insanité d'esprit de M. Claude A..., que cette décision n'est en tout état de cause pas opposable à Francis X... qui n'était pas partie à la procédure pénale,
- que l'ouverture d'une mesure de protection est insuffisante à établir l'existence d'un trouble mental au moment où les actes contestés ont été conclus,
- qu'aucun des éléments médicaux produits ne démontre une altération des facultés mentales de M. Claude A..., que l'AIT dont celui-ci a été victime en 1998 n'a laissé aucune séquelle, que les docteurs L... et M..., radiologues qui l'ont examiné en mars et octobre 2005 n'ont constaté aucune lésion,
- que le docteur K... indique dans une attestation du 2 mars 2013 qu'il n'a jamais évoqué dans ses courriers de janvier et de juin 2006 de démence de type Alzheimer et que ses préconisations quant à une maison médicalisée ne préjugeaient pas d'une altération spécifique des capacités intellectuelles et cognitives du sujet, qu'il n'avait jamais évaluées de façon spécifique ni jugé nécessaire de faire évaluer par un confrère, de sorte que ses comptes rendus ne sauraient corroborer l'existence d'un trouble mental comme allégué par M. S... E...,
- que M. Claude A... a retrouvé sa forme suite aux soins qui lui ont été prodigués ainsi que cela résulte d'un courrier du docteur K... en date du 20 septembre 2006, ce qui dément l'existence d'une maladie dégénérative par définition irréversible,
- que la chute de M. A... dans sa salle de bains en avril 2006 n'a pas entraîné de quelconques troubles hallucinatoires,
- que celui-ci a, entre le 2 mars 2005 et le 31 octobre 2006, vendu 11 appartements constituant la quasi-totalité de son patrimoine immobilier locatif, qu'il a également consenti une donation importante à Yves LEGONIDET..., que les consultations patrimoniales établies par son notaire en juin 2005 et juillet 2006 démontrent qu'il comprenait parfaitement les tenants et les aboutissants des opérations patrimoniales qui lui étaient proposées, qu'en 2007, sur les conseils de son notaire, il a modifié des clauses bénéficiaires d'assurance vie, qu'il a résilié certains placements et en a souscrit d'autres, qu'il a enfin pris de nouvelles dispositions testamentaires dans lesquelles il indique être parfaitement sain d'esprit,
- que la mesure de curatelle n'a été mise en place qu'en 2009 sur la base d'une examen du docteur N... qui n'a été requis que le 15 novembre 2008,
- que M. Claude A... était en totale possession de ses facultés intellectuelles lors des donations et des legs litigieux, que ces actes reflétaient une liberté retrouvée dans l'orientation qu'il comptait donner à ses choix, liberté dont il était auparavant privé du fait de la procuration générale que s'était fait délivrer M. Y... et de l'indifférence de son notaire, Me O...,
- qu'il ressort de l'attestation établie par le docteur J... que l'expertise du professeur P..., diligentée dans le cadre de la procédure d'instruction, comporte des discordances, insuffisances et manques de précaution, que celui-ci, spécialiste en médecine du travail, aurait dû s'adjoindre un sapiteur neuropsychiatre, qu'il n'a pas vérifié par un examen cérébral qu'il existait une atrophie hippocampique de sorte que les conclusions de son expertise sont un non-sens scientifique et qu'il ne peut être affirmé que M. Claude A... était atteint de la maladie d'Alzheimer à la date de celle-ci,
- que le docteur I..., médecin traitant de M. Claude A..., a établi le 28 août 2006 un certificat médical attestant que son patient était en pleine possession de ses moyens intellectuels,
- que le docteur V... a relevé le 29 mars 2007 'le bon état général du patient physique et intellectuel' et a confirmé le 27 avril 2007 que celui-ci allait tout à fait bien,
- que le docteur W..., gériatre consulté les 22 avril et 18 juillet 2008, n'est affirmatif ni sur le diagnostic de la maladie d'Alzheimer ni sur l'évolution de la maladie depuis au moins 5 ans,
- que le docteur N..., consulté en vue de l'ouverture d'une mesure de protection, n'a pas non plus relevé une insanité d'esprit mais indique au contraire que M. A... garde des capacités intellectuelles cognitives satisfaisantes qu'il s'exprime de façon globalement cohérente, qu'il est capable d'exprimer sa volonté pour les décisions le concernant,
- que de multiples éléments factuels établissent la bonne santé mentale de M. Claude A... entre 2006 et 2007,
- que les 9 notaires intervenus dans les ventes du patrimoine immobilier locatif de M. Claude A... n'ont pas été alertés sur la santé mentale de ce dernier, pas plus que M. S... E..., pourtant pharmacien biologiste,
- que M. Q..., qui gérait ses placements à la banque populaire, déclare que M. A..., rencontré fin 2006/début 2007, était lucide ; que les 9 notaires intervenus n'ont pas été alertés sur sa santé mentale,
- que l'existence du testament du 4 septembre 2007 annihile la thèse de l'insanité d'esprit fin 2006.
Selon l'article 489 devenu 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit et c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Le trouble mental n'est cause d'annulation des libéralités que s'il engendre une altération du discernement, une atteinte aux capacités de raisonnement et de jugement, une perte de lucidité rendant la personne incapable de mesurer et de comprendre le sens et la portée de son acte.
Par arrêt du 13 décembre 2012, la cour d'appel de LYON a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de LYON en date du 16 mai 2012 qui avait déclaré M. Bernard X... coupable d'abus de faiblesse au préjudice de M. Claude A....
Il résulte du caractère absolu de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil que les décisions pénales ont autorité de chose jugée ' erga omnes' de sorte que cette autorité est opposable à tous. Il en résulte que la décision susvisée est opposable à M. Francis X..., peu important que celui-ci n'y ait pas été partie.
L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur la qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.
L'état de faiblesse ne recouvre pas nécessairement la notion d'insanité d'esprit. Pour qu'il y ait autorité de chose jugée au pénal sur le civil en matière d'abus de l'état de faiblesse d'une personne, il faut que l'état de faiblesse soit établi sur le fondement de l'insanité d'esprit.
Or en l'espèce, la cour a retenu simplement qu'au temps de la prévention (août 2006-septembre 2007), M. A..., âgé de 86 ans, se trouvait dans une situation de faiblesse d'une particulière gravité due à son âge, à une maladie dégénérative évoluant depuis plusieurs années, à une déficience psychologique certaine, sans recourir à la notion d'insanité d'esprit de sorte que la décision pénale n'a autorité de la chose jugée que sur ce point et sur le fait que les actes accomplis au cours de la période de prévention étaient gravement préjudiciables mais pas s'agissant de la caractérisation d'un trouble mental ayant privé M. Claude A... de son discernement.
Le premier juge a justement tiré des pièces médicales produites que M. Claude A... était atteint au moment des faits litigieux d'une affection dégénérative du système nerveux central lié à la sénescence de type maladie d'Alzheimer évoluant depuis plusieurs années, celle-ci étant objectivée par deux scanners cérébraux réalisés aux mois de mars et d'octobre 2005 diagnostiquant une atrophie cortico-sous-corticale avec leucoaraïose.
Si dans un courrier en date du 29 mars 2007 adressé à M. Bernard X..., le docteur V..., qui venait de procéder au remplacement du stimulateur cardiaque de M. Claude A..., indiquait que le patient était 'en bon état général et intellectuel', il convient de relever que son intervention n'avait pas pour objet d'évaluer les capacités intellectuelles ou l'état mental du patient et que l'ensemble des éléments de la procédure démontre que celui-ci pouvait faire illusion dans le cadre d'échanges non approfondis.
Il convient de relever en outre que M. Bernard X... a été rendu destinataire des comptes rendus du docteur K..., cardiologue de M. Claude A..., faisant état de la dégradation de l'état cérébral du patient, celui du 28 juin 2006 indiquant : 'il est certain que l'évolution se fait vers une insuffisance cérébrale de plus en plus gênante'.
Or il résulte de l'attestation de Mme Christiane A... épouse G..., cousine germaine de M. Claude A..., que Mme Elisabeth X..., mère des appelants, lui avait déclaré au mois d'août 2007, alors que le diagnostic de maladie d'Alzheimer n'était pas posé, que son beau-frère 'souffrait de la maladie d'Alzheimer, qu'il n'avait plus sa tête et qu'il faudrait envisager de le placer en maison spécialisée, ce qui serait la meilleure des solutions'.
Mme Elisabeth X... n'a pu tenir une telle information que de son fils Bernard . Or celui-ci ne démontre pas avoir réceptionné d'autres informations d'un de ses confrères sur la pathologie cérébrale de M. Claude A... entre juin 2006 et août 2007, que celles du docteur V..., ce dont il résulte que, chirurgien vasculaire, il avait, au vu des scanners de 2005 et des comptes rendus du docteur K... de 2006, fait de lui-même ce diagnostic.
L'étude critique du rapport du docteur P..., expert désigné dans le cadre de la procédure pénale, établie en 2011 par le docteur J... à la demande de M. Bernard X... est insusceptible de mettre à néant les conclusions concordantes des différents experts et spécialistes ayant examiné M. Claude A... et posé le diagnostic d'un syndrome démentiel de type maladie d'Alzheimer.
Il convient de relever en outre que le docteur J... n'a pas rencontré le patient ni eu accès aux pièces médicales et en particulier aux scanners de 2005 mettant en évidence une atrophie cortico-sous-corticale.
Enfin, les propos de Mme Elisabeth X... précédemment rappelés démontrent que M. Bernard X... avait lui-même fait le diagnostic de la pathologie dont était atteint son oncle.
Le docteur N..., psychiatre agréé ayant rencontré M. Claude A... le 15 novembre 2008 en vue de l'ouverture de la mesure de curatelle, conclut que si le patient gardait des capacités intellectuelles et cognitives satisfaisantes, s'exprimant globalement de façon cohérente, du fait de l'affection dont il était atteint, il devenait de plus en plus vulnérable, suggestible et dépendant de son entourage.
Le premier juge a justement tiré des circonstances de fait, à savoir qu'à compter d'août 2006, alors qu'il s'était brusquement coupé de son fils, M. Claude A... avait en l'espace de 4 mois multiplié les libéralités aboutissant à le dépouiller de la quasi-intégralité de son patrimoine, que l'intéressé n'était pas sain d'esprit, étant relevé en outre qu'ayant pris en charge l'ensemble des droits afférents aux donations consenties, il avait mis un terme prématuré à un placement UNOFI destiné à lui fournir un revenu régulier en complément de sa retraite et s'était placé dans une situation de ne pouvoir financer le paiement de ses impôts.
En effet, ces agissements, dans le contexte de la pathologie dont était affecté M. Claude A..., traduisent par leur nature, leur importance et leur multiplicité sur un court laps de temps, un état de dépendance psychique de celui-ci à son entourage tel qu'il le privait de sa capacité de discernement et qu'il n'a pu valablement consentir aux libéralités attaquées.
Le fait que, au cours de la période incriminée et postérieurement à celle-ci, M. Claude A..., dûment conseillé, ait fait des actes de gestion et de disposition de son patrimoine, que ni lui ni ses héritiers n'ont considéré comme contraires à ses intérêts, ne saurait faire la preuve de son consentement lucide aux actes litigieux.
Sur la recevabilité de l'action en responsabilité de M. Francis X... dirigée contre Me Jean Z... et la SCP Z...
Au terme de l'article 564 du code de procédure civile, les demandes nouvelles sont irrecevables en cause d'appel sauf pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En première instance, M. Francis X... n'a formulé aucune demande à l'encontre du notaire de sorte que la demande de garantie formulée contre celui-ci en cause d'appel constitue une demande nouvelle qui, faute d'être justifiée par un élément nouveau, doit être déclarée irrecevable.
Sur la responsabilité de Me Jean Z... et la SCP Z...
M. S... E... fait valoir :
- que Me Z... a reçu les actes attaqués sans informer ni conseiller M. A... sur leur signification et leur portée, que celui-ci n'avait aucune conscience de ce que la donation de la villa Marguerite à ses neveux opérait un transfert immédiat et irrévocable de la propriété à leur bénéfice,
- qu'aucune information n'avait été donnée à M. A... sur le risque d'atteinte à la réserve héréditaire alors que les donations se sont révélées réductibles pour un montant de 671 388,47 € lors du règlement de la succession de celui-ci,
- que Me Z... ne s'est pas enquis des facultés intellectuelles de M. A... alors que le trouble mental de ce dernier était manifeste et qu'il avait été dûment alerté par le notaire en titre de M. A..., Me O...,
- que les donations effectuées ont mis en péril l'équilibre financier des ressources de M. A... notamment du fait de la prise en charge des droits et frais pour un montant de 1252559,60 € et que Me Z... a manqué à son devoir de conseil,
- que les frais, émoluments et formalités perçus par l'étude Z... au titre des donations litigieuses se sont élevé à 41 023,76 €,
- que les frais d'entrée à nouveau acquittés lors de la souscription d'un nouveau contrat de capitalisation UNOFI après avoir récupéré les fonds détournés se sont élevés à 40 000 €,
- que M. A... a subi un préjudice moral du fait des difficultés économiques nées des donations litigieuses et de la privation de la jouissance de sa villa de Boulouris de 2007 jusqu'à son décès.
Me Jean Z... et la SCP Z... font valoir en réponse :
- qu'il n'appartient pas au notaire de procéder à des vérifications sur l'opportunité économique d'une opération,
- que s'agissant de la capacité d'une personne, le notaire doit s'assurer qu'elle ne fait l'objet d'aucune mesure de protection par consultation du registre d'état civil mais qu'il n'a pas d'autres investigations à opérer ni à solliciter un avis médical sur l'état de son client,
- que si le notaire a un devoir de vigilance renforcée ce n'est que dans le cas où des circonstances particulières le conduisent à douter des facultés mentales de son client, soit lorsque l'altération de ces facultés est manifeste et décelable par n'importe quel profane,
- qu'aucun élément ne lui permettait de déceler une quelconque insanité d'esprit de M. A..., que l'âge d'une personne n'est pas en soi un indice d 'une insanité d'esprit,
- que Me Z... n'avait pas s'immiscer dans les donations et le testament requis par M. A... ni à apprécier l'opportunité de ces derniers,
- que Me Z... n'a jamais eu le sentiment que M. A... était diminué, tant intellectuellement que physiquement, qu'il n'a présenté aucun trouble lors des rendez-vous, que le actes n'ont pas été régularisés de façon précipitée mais après de nombreux rendez-vous,
- que les témoins présents pour authentifier le testament n'ont constaté aucun trouble anormal de M. A...,
- que Me Z... n'avait pu déceler l'abus de faiblesse, les bénéficiaires des donations n'étant pas présents lors des rendez-vous mais seulement lors de la signature des actes litigieux,
- que Me O... a reçu postérieurement de nouvelles dispositions testamentaires de M. A... et indiqué que ce dernier était sain d'esprit,
- que les notaires intervenus entre 2004 et 2008 dans le cadre de la réalisation du patrimoine immobilier locatif de M. A... n'ont pas relevé une quelconque insanité d'esprit de l'intéressé,
- que Me Z... a donné les conseils et informations utiles et nécessaire à M. A... sur la portée des actes litigieux, que celui-ci a d'ailleurs reconnu avoir été informé des conséquences des donations à ses neveux en présence d'héritiers réservataires,
- qu'il n'y a pas de causalité entre les préjudices alléguées et une prétendue faute de la part de Me Z...,
- que Me Z... n'a pas bénéficié des donations consenties par M. A... et que c'est à M. Bernard X... seul de restituer les biens et les sommes perçues dans le cadre des donations,
- que les restitutions réciproques consécutives à l'annulation d'une convention ne constituent pas en elles-mêmes un préjudice indemnisable,
- que Me Z... ne peut être tenu responsable du choix de son client de réinvestir ses fonds dans un nouveau contrat,
- que la réalité d'un préjudice moral n'est pas démontrée, que le tribunal correctionnel dont la décision a autorité de la chose jugée a fixé le préjudice moral de M. A... à la somme de 10 000 €.
C'est par de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a débouté M. Yves S... E... et M. Bernard X... de leurs demandes dirigées contre Me Jean Z... et la SCP Z... de sorte que le jugement doit être intégralement confirmé.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Met hors de cause Mme Christiane A... épouse G... ;
Déclare irrecevables comme nouvelles les demandes de M. Francis X... dirigées contre Me Z... et la SCP Z... ;
Condamne in solidum M. Francis X... et M. Bernard X... à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- à M. Yves S... E... la somme de 5 000 €,
- à Mme Christiane A... épouse G... la somme de 3 000 €,
- à Me Jean Z... et à la SCP Z... la somme de 2 000 € ;
Les condamne in solidum aux dépens ;
Autorise Me D... et Me F... à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE