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15/05/2018 | FRANCE | N°17/02042

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 15 mai 2018, 17/02042


R.G : 17/02042









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE

Au fond

du 03 novembre 2016



RG : 14/02259

chambre civile





SARL MIPA 2



C/



[U]

[K]

[O]

[U]

[U]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 15 Mai 2018







APPELANTE :



La SARL MIPA

2 représentée par M. [Y] [G] agissant en sa qualité de gérant, domicilié à ce titre audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Guillaume ANGELI, avocat au barreau de l'AIN









INTIMÉS :



M. [H] [U]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1](74)

[Adresse 2]

...

R.G : 17/02042

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE

Au fond

du 03 novembre 2016

RG : 14/02259

chambre civile

SARL MIPA 2

C/

[U]

[K]

[O]

[U]

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 15 Mai 2018

APPELANTE :

La SARL MIPA 2 représentée par M. [Y] [G] agissant en sa qualité de gérant, domicilié à ce titre audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Guillaume ANGELI, avocat au barreau de l'AIN

INTIMÉS :

M. [H] [U]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1](74)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par la SELARL FCP AVOCAT, avocats au barreau de LYON

Mme [G] [L] [K] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2] (40)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SELARL FCP AVOCAT, avocats au barreau de LYON

Mme [E] [O] [O]

née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 3] (01)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SELARL FCP AVOCAT, avocats au barreau de LYON

M. [Q] [U] [S] [U]

né le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 1](74)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par la SELARL FCP AVOCAT, avocats au barreau de LYON

M. [Z] [X] [U]

né le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 1](74)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par la SELARL FCP AVOCAT, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 09 Novembre 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Mars 2018

Date de mise à disposition : 15 Mai 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte authentique du 9 septembre 1999 reçu par Me [B], notaire, M. [H] [U] a acquis la propriété de deux parcelles situées [Adresse 2] :

- l'une cadastrée section H n°[Cadastre 1] par donation de ses grands-parents, M. [U] [O] et Mme [W] [J] épouse [O],

- l'autre cadastrée section H n°[Cadastre 2] par donation partage de sa mère, Mme [E] [O] épouse [U].

Sur ce terrain, M. [H] [U] et Mme [G] [K] épouse [U] ont fait édifier une maison à usage d'habitation.

Le bien, hypothéqué au profit d'une banque en garantie du remboursement d'un prêt, a fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière. Sa vente forcée sur une mise à prix de 320 000 € a été ordonnée par jugement d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE par jugement du 4 janvier 2011, la vente étant fixée au 19 avril 2011.

Toutefois, le 17 mai 2011, le juge de l'exécution a autorisé la vente amiable de l'immeuble et, suivant acte reçu par Me [P], notaire à [Localité 4], le 19 juillet 2011, M. [H] [U] l'a vendu à la société MIPA 2, moyennant un prix de 380 000 €.

Cet acte de vente contenait une condition résolutoire consistant en une faculté de rachat par M. [H] [U], moyennant le paiement du prix de 493 696 € avant l'expiration d'un délai de 2 ans à compter de la vente, soit jusqu'au 18 juillet 2013.

Il prévoyait en outre que M. [H] [U] bénéficie d'un différé de jouissance du bien jusqu'à l'échéance du délai de faculté de rachat ou de sa déchéance moyennant le paiement de :

- une somme de 15 925,69 € pour la période de jouissance du bien du 19 juillet 2011 au 31 décembre 2011,

- une somme mensuelle de 2 938,66 € à compter du 1er janvier 2012, payable par prélèvement et par avance,

- une somme de 17 632 € à titre de garantie de paiement de l'indemnité de différé de jouissance.

Les parties ont convenu par la suite de proroger le délai pour l'exercice de la faculté de rachat pour une durée maximale d'un an, soit jusqu'au 17 juillet 2014, moyennant le paiement de l'indemnité mensuelle de différé de jouissance.

M. [H] [U] et Mme [G] [K] épouse [U] étant défaillants dans le paiement de cette indemnité, la société MIPA 2 leur a demandé de libérer les lieux au plus tard le 2 juin 2014, par lettres recommandées avec accusé de réception du 14 avril 2014 puis du 9 mai 2014.

Par acte d'huissier du 3 juillet 2014, M. [H] [U], Mme [G] [K] épouse [U], Mme [E] [O] épouse [U], M. [Q] [U] et M. [Z] [U] ont fait assigner la société MIPA 2 devant le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE aux fins de voir annuler l'acte notarié du 19 juillet 2011.

Par acte d'huissier du 10 juillet 2014, la société MIPA 2 a fait assigner M. [H] [U] et Mme [G] [K] épouse [U] devant le tribunal d'instance de NANTUA aux fins de voir ordonner leur expulsion.

Par jugement du 30 avril 2015, le tribunal d'instance de NANTUA a sursis à statuer jusqu'à ce que le jugement du tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE soit rendu.

Par jugement du 2 novembre 2016, celui-ci a :

- déclaré les demandes des consorts [U] recevables et rejeté en conséquence l'irrecevabilité des demandes soulevée par la société MIPA 2,

- prononcé la nullité de l'acte authentique établi par Me [I] [P] le 19 juillet 2011, qualifié de vente à réméré,

- dit qu'en conséquence de la nullité prononcée, l'immeuble était censé n'avoir jamais quitté le patrimoine de M. [H] [U], Mme [G] [K] épouse [U], Mme [E] [O] épouse [U], M. [Q] [U] et M. [Z] [U] et que M. [H] [U] devrait rembourser à la société MIPA 2 la somme de 380 000 € correspondant au prix de vente,

- condamné la société MIPA 2 à payer à M. [H] [U] la somme de 33 557,69 € en remboursement de l'indemnité de jouissance et du dépôt de garantie mis à sa charge par l'acte du 19 juillet 2011, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques aux frais avancés par la société MIPA 2,

- débouté M. [H] [U] et Mme [G] [K] épouse [U] de leur demande au titre du préjudice moral,

- débouté la société MIPA 2 de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société MIPA 2 à payer à M. [H] [U], Mme [G] [K] épouse [U], Mme [E] [O] épouse [U], M. [Q] [U] et M. [Z] [U] la somme globale de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me [I],

- ordonné l'exécution provisoire.

Par acte du 16 mars 2017, la société MIPA 2 a interjeté appel.

Par ordonnance du 6 juillet 2017, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à ordonner la radiation de l'affaire pour inexécution du jugement du 2 novembre 2016.

Au terme de conclusions notifiées le 12 juin 2016, la société MIPA 2 demande à la cour de réformer le jugement et de :

- dire n'y avoir lieu à annulation de la vente immobilière passée entre les parties le 19 juillet 2011 qualifiée de vente à réméré portant sur un ensemble immobilier comprenant une maison à usage d'habitation sur le territoire de la commune de [Localité 3], située [Adresse 2], cadastrée section H n°[Cadastre 2] et [Cadastre 1],

- dire n' y avoir lieu à remboursement à la charge de M. [H] [U] de la somme de 380 000 €, correspondant au prix de vente, et à sa condamnation à lui payer la somme de 33 557,69 € en remboursement de l'indemnité de jouissance et du dépôt de garantie mise à sa charge par l'acte du 19 juillet 2011,

- subsidiairement, en cas de confirmation de la nullité de la vente immobilière passée entre les parties le 19 juillet 2011, condamner M. [H] [U] à lui rembourser la somme de 425 559 € correspondant au prix de vente, frais de notaire et autres honoraires inclus,

- dire qu'elle conservera le montant de 15 925,69 €, qui correspond à l'indemnité de jouissance du bien, entre le 19 juillet et le 31 décembre 2011,

- condamner M. [H] [U] à lui payer, à titre d'indemnité d'occupation et de jouissance, la somme mensuelle de 2 938,66 €, depuis le 1er février 2014 et jusqu'à restitution du prix de vente,

- condamner les consorts [U] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir :

- que la vente à réméré n'a pas à être requalifiée en rachat de prêt garanti par le transfert de la propriété de l'immeuble aux motifs que le bien a été loué à M. [H] [U] et à Mme [G] [K] épouse [U] et qu'elle a acquis ainsi plusieurs biens, motifs inopérants à justifier la requalification,

- que la question de l'usure ne concernant que le prêt de somme d'argent, il importe peu que le prix de rachat puisse être usuraire dès lors que rien n'interdit aux parties de déroger au principe de reprise du bien vendu en nature ou de convenir d'un prix de rachat majoré,

- qu'en toute hypothèse, au regard des frais exposés pour la vente, le coût de l'acquisition s'élève en réalité à 425 559 €,

- que l'utilisation de la vente à réméré constitue par nature une forme de pacte commissoire et est donc permise par la loi,

- que seul le caractère vil du prix de vente pourrait justifier la requalification du contrat, ce qui n'est pas démontré en l'espèce puisque les estimations de la valeur réelle du bien sont postérieures à la vente,

- qu'en toute hypothèse, M. [H] [U] et Mme [G] [K] épouse [U] ont reconnu avoir été informés de l'estimation du bien, si bien que l'exécution volontaire du contrat constitue une confirmation de la nullité relative attachée à l'existence d'un pacte commissoire,

- qu'à titre subsidiaire, le montant de l'indemnité d'occupation est due puisque la prestation dont M. [H] [U] et Mme [G] [K] épouse [U] ont bénéficié ne peut être restituée.

M. [H] [U], Mme [G] [K] épouse [U], Mme [E] [O] épouse [U], M. [Q] [U] et M. [Z] [U] ont constitué avocat mais n'ont pas conclu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lors que le défendeur ne comparaît pas le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. Il en résulte que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Sur la validité de l'acte du 19 juillet 2011

L'article 2459 du code civil dispose qu'il peut être convenu par une convention d'hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l'immeuble hypothéqué. Toutefois, cette clause est sans effet sur l'immeuble qui constitue la résidence principale du débiteur et s'analyse, en ce cas, en un pacte commissoire prohibé.

Selon l'article 1659 du code civil, la faculté de rachat (nom donné au réméré par la loi de simplification du droit du 12 mai 2009) est l'acte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais et coûts de la vente. Son exercice constitue l'accomplissement d'une condition résolutoire replaçant les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente, sans opérer une nouvelle mutation.

La vente avec faculté de rachat constitue en général un instrument de crédit en ce qu'elle permet au propriétaire d'un immeuble de se procurer les fonds dont il a besoin par la vente de cet immeuble, tout en conservant l'espoir d'en recouvrer la propriété le jour où il sera revenu à meilleure fortune, en restituant à l'acheteur le prix et ses accessoires.

Il en résulte que la vente à réméré peut constituer un pacte commissoire prohibé lorsque, portant sur la résidence principale du vendeur, elle dissimule une opération de crédit et qu'elle a pour objet d'éluder les dispositions protectrices des droits des emprunteurs relatives au taux de l'usure.

En l'espèce, c'est par une exacte analyse et de pertinents motifs que le premier juge a retenu que la vente litigieuse constituait un pacte commissoire prohibé.

Il importe peu qu'il se soit référé à une estimation du bien postérieure à la vente dès lors que l'acte litigieux mentionnait une valeur du bien entre 820 000 et 828 000 € de sorte que le prix convenu de 380 000 € restait néanmoins très éloigné des prix du marché. Ce point ne constitue d'ailleurs qu'un indice supplémentaire de la nature de l'opération, l'existence d'un prêt à caractère usuraire résultant de la différence entre le prix de vente et le prix de rachat rapportée à la durée de la convention, et de la majoration de la rémunération de l'acquéreur par le versement d'indemnités de jouissance dont le montant annuel correspond à près de 9% du prix d'achat.

Selon l'article 1182 du code civil, l'exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité vaut confirmation. Il en résulte que l'exécution d'un acte nul ne peut valoir acte confirmatif que si elle est faite en connaissance de cause de la nullité.

En l'espèce, le simple fait que l'acte litigieux mentionne une valeur du bien vendu à 820 000€ et 828 000 € ne saurait établir la connaissance par le vendeur de la nullité affectant l'acte de sorte que les conditions de l'article 1182 ne sont pas remplies.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a prononcé la nullité de l'acte du 19 juillet 2011 et ordonné le remboursement par les consorts [U] de la somme de 380 000 € correspondant au prix de vente.

Sur les restitutions

La nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale de sorte que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Il en résulte, ainsi que l'a justement décidé le premier juge, que l'immeuble est censé n'avoir jamais quitté le patrimoine des époux [U], de sorte que ceux-ci ne sauraient être redevables d'une quelconque somme au titre de l'occupation des lieux dont ils sont réputés avoir conservé la propriété.

La nullité étant prononcée aux torts de la SARL MIPA 2, celle-ci ne saurait prétendre à une quelconque créance contre les intimés au titre des frais de l'acte annulé.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la SARL MIPA 2 aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/02042
Date de la décision : 15/05/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/02042 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-15;17.02042 ?
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