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13/03/2018 | FRANCE | N°17/00898

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 13 mars 2018, 17/00898


R.G : 17/00898









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 08 décembre 2016



RG : 15/01066

chambre civile





[P]



C/



[P]

[P]

[P]

[P]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 13 Mars 2018







APPELANTE :



Mme [Y] [U] veuve [P]

n

ée le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocats au barreau de LYON









INTIMÉS :



M. [F] [L] [X] [P]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]



...

R.G : 17/00898

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 08 décembre 2016

RG : 15/01066

chambre civile

[P]

C/

[P]

[P]

[P]

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 13 Mars 2018

APPELANTE :

Mme [Y] [U] veuve [P]

née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. [F] [L] [X] [P]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

M. [J] [R] [P]

né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

M. [U] [P]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

M. [L] [P]

né le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 21 Septembre 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Janvier 2018

Date de mise à disposition : 13 Mars 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Selon acte reçu par Me [X], notaire à [Localité 6] du 24 juin 2005, M. [R] [P], veuf en premières noces de Mme [M] [B], a consenti à son épouse en secondes noces, Mme [Y] [U], une donation libellée de la manière suivante :

«Le Donateur a, par ces présentes, fait donation entre vifs, pour le cas où il lui survivrait, à la donataire, à ce présent et qui accepte expressément, à savoir :

de l'usufruit de tous les biens meubles et immeubles qui composeront sa succession, sans exception ni réserve, pour en jouir pendant sa vie à compter du jour du décès du donateur.

La donataire ne sera pas tenue de fournir caution mais sera tenue si les descendants l'exige de faire effectuer inventaire des biens soumis à son usufruit ainsi que de faire emploi.

Le donateur entend que le bénéfice de l'usufruit ne se cumule pas avec les droits légaux de la donataire, que ladite donataire ne puisse prétendre à des droits en pleine propriété en renonçant au bénéficie du dit usufruit et souhaite l'exhéréder totalement de ses droits légaux»

M. [P] est décédé le [Date décès 1] 2012, laissant pour lui succéder, son conjoint survivant et ses quatre enfants issus de sa première union, [F], [J], [U] et [L].

Au regard du principe de prohibition des «pactes sur succession future», Me [K] [J], notaire en charge de la succession a dressé le 16 mars 2012, un acte de notoriété successorale, signé de tous les héritiers, aux termes duquel, il a été porté les mentions suivantes :

«Le notaire soussigné informe les ayants droits :

- qu'il existe un doute sur la validité d'un exhérédation aux termes de la donation entre époux (...) des droits légaux du conjoint survivant et qu'en cas de procédure engagée par un ayant droit contre cette donation, l'issue de cette procédure ne peut être connue, le juge pouvant :

- maintenir l'exhérédation,

- ou annuler l'acte dans son entier, s'il est convaincu que la stipulation nulle était le motif impulsif et déterminant du donateur à donner soit que la stipulation nulle forme un tout indivisible avec les autres éléments du contrat,

- ou encore soit annuler uniquement la disposition litigieuse c'est à dire l'exhérédation des doits légaux avec maintien de l'usufruit au choix et au profit du conjoint survivant le calcul de ses droits étant ensuite déterminé conformément aux dispositions combinées des article 758-5 et -6 du code civil.

Les ayants droit déclarent être parfaitement informés de cette situation et afin d'éviter toute contestation ultérieure, le conjoint survivant déclare opter pour l'exécution de la donation entre époux portant sur l'usufruit de l'universalité des biens meubles et immeubles composant la succession sans réserves et renoncer à ses droits légaux en propriété prévus par l'article 757 du code civil

CONSENTEMENT A EXÉCUTION

Les descendants sus-nommés déclarent expressément :

- consentir à l'exécution pure et simple de la libéralité sus-énoncée consentie au profit du conjoint survivant,

- et renoncer à se prévaloir de l'action en réduction que lui accorde l'article 921 du code civil,

En conséquence, le conjoint survivant se trouve en vertu de la libéralité dont il s'agit, usufruitier de l'universalité des biens et droits composant la succession.

Le Conjoint Survivant accepte la renonciation qui vient de lui être consentie.»

OPTION DONATION ENTRE EPOUX

droits conventionnels :

- le conjoint survivant déclare accepter le bénéfice de la libéralité sus-énoncée en ce qu'elle porte sur l'usufruit de l'universalité des biens dépendant de la succession du disposant.

droits légaux :

- le Conjoint Survivant déclare renoncer à ses droits légaux en propriété prévus par l'article 757 du code civil.»

Par acte du 11 mars 2015, suite à des difficultés sur les modalités de l'usufruit [F], [J], [U] et [L] [P], les descendants du de cujus ont assigné Mme [U] devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins à titre principal, de voir prononcer l'annulation de l'acte de donation et de l'acte de notoriété du 16 mars 2012.

Mme [U] a conclu à titre principal au débouté, et subsidiairement à l'annulation de son option.

Par jugement du 8 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a:

- annulé la donation du 24 juin 2015,

- dit que du fait de la nullité de la donation, les droits légaux de Mme [Y] [U] retrouvent vocation à s'appliquer, l'option exercée par elle de renonciation à ses droits légaux étant annulés par erreur,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des partie conservera la charge de ses propres dépens.

Mme [Y] [U] a relevé appel principal de ce jugement.

Elle demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré,

- de déclarer son appel recevable et fondé en ce qu'il a prononcé la nullité de la donation en date du 24 juin 2005 reçue par Me [X] notaire à [Localité 6], passé entre M. [R] [P] et Mme [Y] [U],

- de condamner les consorts [P] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les consorts [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser la Scp Chavrier-Mouisset Thouret Tourné avocats à les recouvrer sur son affirmation de droit dans les conditons prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient :

- que la clause litigieuse n'était pas illicite,

- que la thèse retenue par le tribunal ne repose sur aucune jurisprudence,

- que l'avis du Cridon recueilli par Me [J] n'est pas catégorique,

- que la clause contenue dans une donation entre époux qui constitue déjà en elle-même un pacte successoral permis n'est pas contraire au principe de la prohibition des pactes sur succession future,

- que pour que la donation soit elle-même atteinte de nullité, il faut que la stipulation nulle ait été le motif «impulsif et déterminant» du donateur,

- que rien ne démontre que le donateur n'aurait pas fait la donation en l'absence de l'engagement litigieux,

- que les ayants droit ont ratifié au sens de l'article 1340 du code civil, la donation après avoir été informés complètement de la difficulté,

- que jamais au cours des années 2012 et 2013, les consorts [P] n'ont imaginé revenir sur la question de l'usufruit.

[F], [J], [U] et [L] [P] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré,

- subsidiairement, de prononcer la nullité pour erreur de l'acte de notoriété du 16 mars 2012, établi ensuite du décès de M. [R] [P] en ce qu'il emporterait renonciation des fils de M. [P] à contester la validité de la donation entre époux en date du 24 juin 2005,

- en tout état de cause, de condamner Mme [Y] [U] à leur payer la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de la société Rieussec et associés, avocats.

Ils soutiennent :

- que la clause d'exhérédation est nulle, en application de l'article 722 du code civil qui prohibe les pactes sur successions futures,

- que l'acte est nul dans son entier lorsqu'il apparaît que l'une ou l'autre des parties aurait renoncé à l'acte sans la présence de la clause nulle,

- que la renonciation à un acte nul suppose chez son auteur, d'une part la connaissance du vice et de la sanction encourue et d'autre part la volonté à réclamer cette sanction,

- que rien ne permet de conclure à une ratification de la donation litigieuse, ils n'ont été informés que d'un simple doute sur la validité de la donation litigieuse et aucun de leurs actes n'établit qu'ils aient eu la volonté de l'exécuter,

- qu'ils ne se sont pas comportés par la suite comme si la qualité d'usufruitière de Mme [U] était acquise,

- qu'ils ont au contraire consulté un premier avocat, et les opérations de succession ont été bloquées,

- que si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement sur ce point, elle devrait corrélativement annuler l'acte de notoriété pour erreur, provoquée par le notaire.

MOTIFS

Sur la validité de la clause litigieuse

Aux termes de l'article 722 du code civil,

«Les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte ou d'un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.»

La donation de biens à venir entre époux, dénommée «institution contractuelle», figure au rang des exceptions légales au principe de prohibition des pactes sur succession future résultant de l'article 722 du code civil.

Au contraire, la clause d'exhérédation litigieuse a pour effet de priver le conjoint de ses droits légaux.

Cette clause restrictive ne peut donc être considérée comme une clause précisant l'objet de la donation.

En conséquence, cette disposition constitue une convention qui a pour objet de renoncer à des droits sur tout ou partie de la succession.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté l'illicité de la clause d'exhérédation.

Sur l'annulation de la donation

En application de l'article 900 du code civil, la condition illicite entraîne la nullité de la donation lorsqu'elle a été la cause impulsive et déterminante de la libéralité.

En l'espèce, les termes employés pour retranscrire la volonté du donateur, à savoir : «Le donateur entend que le bénéfice de l'usufruit ne se cumule pas avec les droits légaux de la donataire, que ladite donataire ne puisse prétendre à des droits en pleine propriété en renonçant au bénéficie du dit usufruit et souhaite l'exhéréder totalement de ses droits légaux», caractérisent par leur force et leur redondance, l'intention du donateur de ne consentir la donation de l'usufruit de sa succession qu'à la condition que le conjoint ne reçoivent pas de biens en pleine propriété.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la donation dans son ensemble.

Sur la confirmation de l'acte nul

La nullité du pacte sur succession future n'est pas susceptible de confirmation.

Les héritiers peuvent cependant, après le décès et après avoir sans équivoque constaté la nullité du pacte sur succession future, et, par ricochet, la nullité de la donation, convenir d'une convention nouvelle, spéciale, distincte et postérieure au décès aux fins d'exécution du pacte.

En l'espèce, il peut être constaté que les héritiers ont été parfaitement informés de la situation de doute sur la validité de la clause d'exhérédation.

Toutefois, il demeure une équivoque sur l'appréciation personnelle des descendants concernant la validité du pacte.

D'autre part, l'acte de notoriété du 16 mars 2012, mentionne :

le conjoint survivant déclare opter pour l'exécution de la donation entre époux portant sur l'usufruit de l'universalité des biens meubles et immeubles composant la succession sans réserves et renoncer à ses droits légaux en propriété prévus par l'article 757 du code civil

CONSENTEMENT A EXÉCUTION

Les descendants sus-nommés déclarent expressément :

- consentir à l'exécution pure et simple de la libéralité sus-énoncée consentie au profit du conjoint survivant,

- et renoncer à se prévaloir de l'action en réduction que lui accorde l'article 921 du code civil,

En conséquence, le conjoint survivant se trouve en vertu de la libéralité dont il s'agit, usufruitier de l'universalité des biens et droits composant la succession.

Le Conjoint Survivant accepte la renonciation qui vient de lui être consentie.»

Ces termes manifestent non pas la volonté des héritiers de souscrire un nouvel accord, indépendant du pacte nul, mais la volonté de ces derniers d'exécuter purement et simplement la clause d'exhérédation et la donation, ce qui n'est pas permis.

D'autre part, il résulte des courriers échangés entre les parties postérieurement à l'acte de notoriété : courrier du notaire du 16 avril 2013 et du courrier de Me Jomain, avocat des descendants, du 13 janvier 2014, notamment, que la mise en place de l'usufruit n'a jamais fait l'objet d'un accord inconditionnel, mais au contraire a posé des difficultés, ce dont il résulte qu'il ne peut être considéré que les consorts [P] ont exécuté la donation.

En conséquence, le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- Condamne Mme [Y] [U] veuve [P] à payer aux quatre intimés la somme de 800 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne Mme [Y] [U] veuve [P] aux dépens avec distraction au profit de la société Rieussec et associés, avocats.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/00898
Date de la décision : 13/03/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/00898 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-13;17.00898 ?
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