R.G : 16/02126
Décision du
Tribunal de Grande Instance de Lyon
Au fond
du 29 février 2016
RG : 11/08288
ch n° 4
Compagnie d'assurances GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
C/
Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD
SAS PETIT FORESTIER LOCATION
Compagnie d'assurances MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 13 Mars 2018
APPELANTE :
GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, Société d'assurances mutuelles agricoles, régie par le Code des Assurances, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés de droit audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Didier SARDIN, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
ALLIANZ IARD, venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE IARD, SA, représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié de droit audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SCP PIERRE ARNAUD, BRUNO CHARLES REY, avocats au barreau de LYON
La société PETIT FORESTIER LOCATION, SAS, agissant poursuites et diligences du Président Directeur Général M. [I] [Q], demeurant en cette qualité audit siège social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par la SELARL FORESTIER - LELIEVRE, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SELARL Cabinet DECHEZLEPRETRE, avocats au barreau de PARIS
La MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES, société d'assurances mutuelles, représentée par M. [K] [B], liquidateur judiciaire demeurant [Adresse 4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par la SELARL FORESTIER - LELIEVRE, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SELARL Cabinet DECHEZLEPRETRE, avocats au barreau de PARIS
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Me [K] [B], es qualité de liquidateur judiciaire de la MUTUELLES DES TRANSPORTS ASSURANCES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par la SELARL FORESTIER - LELIEVRE, avocats au barreau de LYON
Assisté de la SELARL Cabinet DECHEZLEPRETRE, avocats au barreau de PARIS
Le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO), personne morale de droit privé, agissant par son Directeur Général domicilié au siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représenté par la SELARL FORESTIER - LELIEVRE, avocats au barreau de LYON
Assisté de la SELARL Cabinet DECHEZLEPRETRE, avocats au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 05 Octobre 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Janvier 2018
Date de mise à disposition : 13 Mars 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Le 28 mai 2008, un incendie a détruit des locaux professionnels occupés par la société François Marché situés [Adresse 7].
L'expertise judiciaire ordonnée en référé a conclu que l'incendie avait pour origine un véhicule frigorifique de Marque Iveco Daily, loué par la société François Marché auprès de la société Petit Forestier Location stationné à l'intérieur des locaux.
Selon l'expert :
«La cause de cet incendie est la conséquence de l'échauffement de la connexion entre la rallonge de la prise de la camionnette. La rallonge en délivrant du courant électrique nécessaire au fonctionnement de l'ensemble de réfrigération a engendré un échauffement qui a enflammé les matériels isolants avant de se propager aux autres véhicules.»
La société Groupama, assureur dommages aux biens de la société François Marché a indemnisé son assurée, les préjudices étant évalués à :
- 527 741,00 € au titre des pertes d'exploitation
- et 808 251,00 € au titre du préjudice matériel.
Par actes du 25 mai et 6 juin 2011, la société Groupama, subrogée dans les droits de son assurée a assigné devant le tribunal de grande instance de Lyon, aux fins de remboursement, la société Petit Forestier Services et son assureur automobile, la société Mutuelle des Transports Assurances (ci-après la société MTA), laquelle a appelé en cause la société Gan Eurocourtage aux droits de laquelle est venue la société Allianz, assureur responsabilité civile de la société Petit Forestier.
La société Petit Forestier Location est intervenue volontairement à l'instance.
La société MTA et la société Petit Forestier Location ont opposé diverses exceptions et fins de non recevoir et sur le fond ont conclu au débouté.
La société Allianz a conclu de même.
La société Petit Forestier Services, non concernée, n'a pas comparu.
Par jugement du 29 février 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- débouté les parties de leurs prétentions,
- statué sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
La société Groupama a relevé appel de ce jugement.
Le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO) est intervenu volontairement, eu égard à la procédure de liquidation de la société MTA.
Elle demande à la cour :
Vu la loi du 5 juillet 1985, Vu les articles L211-1 et R211-5 du Code des assurances, 1147, 1382 et suivants, 1720 du code civil,
- réformer le jugement entrepris,
- de condamner Me [K] [B], es qualité de liquidateur judiciaire de la société MTA à lui payer subrogée dans les droits de la société François Marché la somme de 1 335 992 €, outre intérêts et celle de 7 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, à compter du 25 mai 2011, somme qui sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la MTA,
- de dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,
Subsidiairement,
- de condamner in solidum la société Petit Forestier Location et la compagnie Allianz Assurances à lui payer ces sommes, ainsi qu'aux entiers dépens de référé, de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Didier Sardin, avocat, comme il est dit à l'article 699 du code de procédure civile,
- de dire et juger qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, les sommes relevant du droit proportionnel prévu par l'article A 444-32 du code de commerce seront mises à la charge des défendeurs et s'ajouteront aux condamnations prononcées.
Elle soutient :
- que l'incendie causé par un véhicule du fait de la défaillance de la prise d'alimentation de son groupe froid est couvert par l'assurance obligatoire des véhicules,
- qu'à ce titre la garantie de la société MTA est mobilisable,
- qu'en tout état de cause, la société Petit Forestier Location a manqué à ses obligations en ne délivrant pas un véhicule en bon état et en n'assurant pas l'entretien de ce véhicule,
- qu'à ce titre la garantie de la société Allianz est due,
- que les fautes commises par la société Petit Forestier Location sont directement à l'origine de l'incendie.
La société MTA, représentée par Me [K] [B], liquidateur judiciaire et la société Petit Forestier Location, et le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO), intervenants volontaires, demandent à la cour :
- de recevoir en leurs interventions volontaires M. [K] [B] et le FGAO,
à titre principal,
- de dire et juger irrecevables les demandes nouvelles formulées en cause d'appel par la société Groupama contre la société Petit Forestier Location,
- de confirmer le jugement entrepris,
subsidiairement,
- de débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Petit Forestier Location.
à titre infiniment subsidiaire,
- de condamner la société Allianz à relever et garantir la société Petit Forestier Location des condamnations qui pourraient par extraordinaire être mises à sa charge,
infirmant le jugement entrepris,
- de condamner la compagnie Groupama à payer à la MTA et à la société Petit Forestier Location la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance.
Elles soutiennent :
- que Groupama n'a jamais sollicité en première instance la condamnation de la société Petit Forestier Location à lui payer des dommages et intérêts consécutifs à l'incendie survenu le 28 mai 2008 alors même qu'elle avait demandé au tribunal de constater l'intervention volontaire de cette dernière,
- que la garantie de la société MTA n'est pas mobilisable puisque nous ne sommes pas en présence d'un «accident de la circulation, et qu'une caisse frigorifique et le groupe-froid qui l'équipent ne constituent pas des accessoires nécessaires à la fonction de circulation d'un véhicule terrestre à moteur au sens l'article R.211-5 du code des assurances,
- qu'il appartient au preneur de répondre de l'incendie de la chose louée à moins qu'il ne rapporte la preuve que cet incendie est arrivé par cas fortuit, force majeure ou par vice de construction, ce en application des dispositions de l'article 1733 du code civil et de ses clauses contractuelles,
- que la société Petit Forestier Location n'a pas fourni la rallonge litigieuse, qui n'est pas conforme à celles qu'elle fournit habituellement,
- qu'elle n'a jamais pu procéder, alors même qu'elle n'en avait aucunement l'obligation, à un examen des rallonges équipant les véhicules,
- qu'il n'existe aucun lien de causalité direct, certain et exclusif entre la rallonge et l'incendie.
La société Allianz Iard venant aux droits de Gan Eurocourtage Iard, demande à la cour:
- de confirmer la décision entreprise,
- de condamner Groupama Rhône-Alpes Auvergne et la MTA ou qui d'entre elles mieux le devra à lui verser aux droits de Gan Eurocourtage la somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les mêmes aux entiers dépens qui seront distraits au profit de la société Arnaud-Rey, avocats, sur son affirmation de droit.
Elle soutient :
- que Groupama subrogée dans les droits de son assurée la société François Marché, ne démontre aucune faute de la société Petit Forestier Location en lien avec le sinistre subi par son assurée,
- que la prise du camion qui sert à alimenter le groupe frigorifique est bien reliée au système électrique du camion, lui-même non dissociable de la fonction de déplacement du véhicule,
- que dès lors la loi du 5 juillet 1985 est applicable au sinistre causé par le véhicule loué à la société François Marché,
- que d'autre part, la garantie de la MTA n'est pas limitée au visa de la loi du 5 juillet 1985 eu égard aux dispositions de l'article R 211-1(du code des assurances),
- que le preneur répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve :
que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine, en application de l'article 1733 du code civil,
- que le contrat d'assurance responsabilité civile souscrit auprès de Gan Eurocourtage (conditions particulières page 12) prévoit que le contrat exclut les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur.
MOTIFS
Sur le recours subrogatoire de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne à l'encontre de la société MTA
La police d'assurance souscrite par la société Petit Forestier auprès de la société MTA susceptible de trouver application est un contrat «assurance automobile».
Les conditions particulières mentionnent que l'objet du contrat est déterminé par le titre 2 du livret B «Dommages causés à autrui», à savoir les «dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule assuré est impliqué», ce qui recouvre seulement l'obligation d'assurance obligatoire.
L'article R 211-5 du code des assurances, dans sa rédaction issue du décret 86-21 du 7 janvier 1986, édicte que :
«L'obligation d'assurance s'applique à la réparation des dommages corporels ou matériels résultant :
1° des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, les accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu'il transporte,
2° de la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits»
alors que dans sa rédaction antérieure au décret susvisé, le champ d'application de l'assurance obligatoire était limité aux dommages survenus «à l'occasion de la circulation des véhicules».
Il s'en déduit que les accidents causés par les accessoires ou la chute d'objets sont, depuis l'intervention du décret du 7 janvier 1986, couverts par l'assurance automobile obligatoire, même si le véhicule ne circule pas et si l'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985.
Dans un arrêt du 4 septembre 2014, la Cour de Justice de l'Union Européenne statuant sur une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 3 paragraphe 1 de la directive 72/166/CEE du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, a jugé que relève de la notion de «circulation des véhicules» toute «utilisation d'un véhicule qui est conforme à la fonction habituelle de ce véhicule».
En l'espèce, il est établi que l'incendie a pris naissance au niveau de la connexion de la rallonge sur la prise encastrée dans la cellule frigorifique du véhicule, laquelle constitue un accessoire nécessaire au transport et stockage de «produits frais» correspondant à l'utilisation habituelle du véhicule en cause.
En effet, ce type de véhicule est spécialement aménagé pour conserver à basse température des marchandises périssables même lorsque le véhicule ne circule pas.
L'utilisation du groupe froid au moyen d'un rallonge électrique, correspond à l'«utilisation d'un véhicule qui est conforme à la fonction habituelle de ce véhicule».
En conséquence, la garantie de la société MTA au titre du contrat «automobiles» est mobilisable.
Sur l'assiette du recours subrogatoire de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne produit :
- deux quittances subrogatives :
- l'une date du 17 septembre 2009, d'un montant de 527 741 € au titre des pertes d'exploitation, qui n'est pas contestée,
- l'autre datée du 31 mars 2009, d'un montant de 808 251 €, «dont 154 842 € sur justificatifs après travaux et remplacement», à titre de «réparation définitive des dommages suivants: contenu-matériel-marchandises-agencements-déblais en gardiennage»,
- trois justificatifs de règlements intervenus :
le 27 septembre 2010 pour 65 295 €,
le 30 novembre 2010 pour 25 000 €
le 16 décembre 2010 pour 64 547 €
soit un total de 154 842 €.
Il résulte de ces éléments :
- que les préjudices réparés sont biens des préjudices subis par la société François Marché, et non des préjudices subis par les propriétaires des biens immobiliers,
- que le paiement effectif est bien intervenu notamment pour les indemnités soumises à justificatifs.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour,
- Donne acte à Me M. [K] [B] et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages de leur intervention volontaire,
Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau,
- Fixe la créance de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne au passif de la liquidation judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances ( MTA) représentée par son liquidateur, Me [B], à la somme de 1 335 992 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2011,
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires des parties,
y ajoutant,
- Condamne la société Mutuelle des Transports Assurances ( MTA) représentée par son liquidateur, Me [B], à payer à la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, représentée par son liquidateur, au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la somme de 2 000 € et à la société Allianz Iard la même somme de 2 000 €,
- Condamne la société Mutuelle des Transports Assurances ( MTA) représentée par son liquidateur, Me [B], aux dépens avec distraction au bénéfice de la société Arnaud Rey, avocat et de Me Sardin, avocat, sur leur affirmation de droit.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE