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31/10/2017 | FRANCE | N°16/00590

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 31 octobre 2017, 16/00590


R.G : 16/00590









Décision du

Tribunal de Grande Instance de NIMES

Au fond

du 20 mai 2013



RG : 2013/01081

ch n° 1



Arrêt de la Cour d'appel de Nîmes (chambre commerciale 2B) du 24 avril 2014

RG : 13/2472



Cour de Cassation

Arrêt n° 1108-FS-P-B

du 22 octobre 2015







[N]



C/



SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANNEE, VENANT AUX DROITS DE LA MANQUE CHAIX





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 31 Octobre 2017



statuant sur renvoi après cassation







APPELANT :



M. [W] [N] en qualité de liquidateur de la SARL ENLUX, désigné à ces fonctions ...

R.G : 16/00590

Décision du

Tribunal de Grande Instance de NIMES

Au fond

du 20 mai 2013

RG : 2013/01081

ch n° 1

Arrêt de la Cour d'appel de Nîmes (chambre commerciale 2B) du 24 avril 2014

RG : 13/2472

Cour de Cassation

Arrêt n° 1108-FS-P-B

du 22 octobre 2015

[N]

C/

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANNEE, VENANT AUX DROITS DE LA MANQUE CHAIX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 31 Octobre 2017

statuant sur renvoi après cassation

APPELANT :

M. [W] [N] en qualité de liquidateur de la SARL ENLUX, désigné à ces fonctions suivant jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 28 octobre 2014

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par Me Bruno-Charles REY de la SCP PIERRE ARNAUD, BRUNO CHARLES REY, avocat au barreau de LYON

Assisté de Me Jean-Paul CHABANNES, avocat au barreau de Nîmes

INTIMEE :

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANNEE, venant aux droits de la SA BANQUE CHAIX ensuite d'une fusion en date du 22 novembre 2016

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Hervé BARBIER, membre de la SCP Yves BARBIER- Hervé BARBIER, avocats au barreau de MARSEILLE

******

Date de clôture de l'instruction : 23 Mars 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Septembre 2017

Date de mise à disposition : 31 Octobre 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte notarié du 8 août 2012, la société Enlux titulaire d'un bail d'une durée de neuf années pour 'toute activité civile ou commerciale' portant sur des locaux appartenant à une SCI Capucine I, s'est engagée à céder ce bail à la société Banque Chaix, sous deux conditions, l'une relative à un permis de construire, l'autre relative à la signature d'un nouveau bail commercial, qui devaient être définitivement réalisées le 15 septembre 2012.

Des négotiations se sont poursuivies entre le propriétaire des locaux et la Banque Chaix au-delà de la date du 15 septembre 2012.

Le 15 janvier 2013, la Banque Chaix ne s'est pas présentée chez le notaire en invoquant la caducité du compromis, faute de réalisation des conditions suspensives.

Lui reprochant d'avoir empêché la régularisation de la cession, la société Enlux l'a assignée aux fins de dire parfaite le 15 janvier 2013 la cession du droit au bail, en conséquence, la condamner à lui payer diverses sommes au titre de la cession et de la clause pénale, outre une indemnité mensuelle.

Par jugement du 20 mai 2013, le tribunal de grande instance de Nîmes a débouté la société Enlux de l'ensemble de ses demandes.

Par arrêt du 24 avril 2014, la cour d'appel de Nîmes, statuant sur l'appel interjeté par la société Enlux, a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Par arrêt du 22 octobre 2015, la Cour de cassation, sur pourvoi de la société ENLUX, a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Lyon.

La Cour de cassation a jugé :

'Vu l'article 1168 du code civil,

Attendu que, pour rejeter les demandes de la société Enlux, l'arrêt retient que le juge n'a pas le droit de modifier la loi des parties en appréciant la cohérence des contrats et en procédant à leur réfaction par des considérations propres et qu'il n'y a pas lieu de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d'un nouveau bail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé'.

Par jugement du 2 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société ENLUX et a désigné Me [N] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 28 octobre 2014, le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la liquidation judiciaire de la société ENLUX et a nommé Me [N] en qualité de mandataire liquidateur.

La SARL ENLUX a saisi la cour d'appel de Lyon le 22 janvier 2016. Me [N] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ENLUX, désigné par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 18 octobre 2014, a saisi la cour de renvoi les 29 novembre et 21 décembre 2016 et déposé et notifié ses conclusions le 20 avril 2016 d'intervention à l'instance et au fond.

Les trois procédures ont été jointes par ordonnance du 23 février 2017.

Par ordonnance du 19 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité de la déclaration de saisine du 22 janvier 2016.

Par dernières conclusions notifiées le 9 juin 2916, Me [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société ENLUX demande à la cour de:

'Vu les articles 372 et 373 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134 et 1146 et suivants du code civil,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu l'arrêt publié de la Cour de cassation en date du 22 octobre 2015,

- Lui donner acte de la ratification de la saisine de la cour d'appel de Lyon en tant que cour de renvoi après l'arrêt de cassation précité,

- Donner acte à Maître [W] [N], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ENLUX, de la confirmation de l'arrêt de cassation en date du 22 octobre 2015,

Au fond,

- Dire la BANQUE CHAIX responsable des conséquences dommageables ayant découlé pour la société ENLUX de la non réitération authentique de la cession parfaite du droit au bail convenu entre les parties en date du 15 janvier 2013,

En conséquence,

- Condamner la BANQUE CHAIX à payer à Maître [N], es-qualité de liquidateur de la société ENLUX, à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

* 240.000 euros en représentation du préjudice lié au défaut d'encaissement du prix de la cession convenue,

* 24.000 euros en représentation du défaut d'exécution tel qu'il a été déterminé sans exclusivité par les parties dans la promesse,

*32.000 euros en représentation forfaitaire du déficit d'exploitation de la société ENLUX du 15 janvier 2013 à la date du redressement judiciaire du 2 octobre 2013 (4.000,00 € x 8),

*15.881,65 euros au titre des émoluments du liquidateur, augmentés des 2.000,00 € de frais de greffe du Tribunal de Commerce, en représentation des frais liés à la procédure collective elle-même,

*36.563,52 euros en représentation des créances postérieures au redressement judiciaire pendant la période d'observation, laquelle a été justifiée par le maintien du droit au bail en vue du constat judiciaire de la cession,

- Condamner encore la BANQUE CHAIX à payer au liquidateur une somme qui ne saurait être inférieure à 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux dépens'.

Me [N] fait valoir:

-que le liquidateur judiciaire a formé nouvelle saisine de la cour de renvoi et a compétence pour confirmer, en application de l'article 372 du code de procédure civile, à la fois l'arrêt de cassation rendu sans son intervention et la saisine de la cour de renvoi de sorte que la cour de renvoi est valablement saisie et l'arrêt de cassation fortifié,

-que la banque cessionnaire avait annoncé sa renonciation sur l'application de la condition relative au bail et non au permis de construire de sorte qu'il renonçait à la condition relative au permis dont il n'a jamais justifié,

-que la prétendue condition relative à l'établissement d'un nouveau bail au 15 septembre 2012 ne constitue pas une condition au sens de l'article 1168 du code civil puisqu'une condition ne peut porter sur les éléments essentiels du contrat et que les droits sur le bail cédé étaient déjà acquis avec l'accord du bailleur, ainsi que le prévoit explicitement le contrat, et qu'aucune stipulation relative aux exigences alléguées du bailleur concernant une autre partie de l'immeuble n'était stipulée,

-que la promesse synallagmatique de vente signée le 15 janvier 2013 était ainsi parfaite de sorte qu'en exécution du contrat, après qu'ait été réputée non écrite la prétendue condition du nouveau bail, la société était fondée à demande paiement du prix, de la clause pénale et des dommages et intérêts complémentaires,

-que le premier juge a ainsi retenu à tort que la cession était conditionnée par la signature d'un nouveau bail à des conditions différentes suivant la négociation avec le bailleur, sur la foi d'une mention figurant à la promesse en contradiction avec l'engagement de cession, à l'égard du bailleur non partie au contrat,

-qu'au surplus, l'accord du bailleur, exprimé dans son courrier du 31 juillet, était clair et sans réserve,

-que la banque ne peut donc prétendre à la cession d'un bail existant et conditionner la cession à la rédaction d'un nouveau bail,

-que compte tenu de la liquidation judiciaire, le liquidateur ne recherche plus l'exécution du contrat mais la responsabilité contractuelle du cessionnaire à l'égard du cédant qui ne peut plus mettre à disposition la chose vendue, le droit au bail, pour l'avoir perdue par l'effet de l'ouverture de la procédure collective, après le refus du cessionnaire de respecter son engagement,

-que la faute résulte du refus du cessionnaire de respecter son engagement d'acquérir,

-que la faute a causé la perte du prix de cession à l'origine de la procédure collective, le redressement judicaire étant intervenu quelques mois plus tard,

-que le préjudice est constitué du montant du prix de vente, des pertes liées à l'exploitation déficitaire maintenue pour voir aboutir le procès, des frais de la procédure collective, incluant les émoluments du liquidateur, du montant du passif postérieur à l'ouverture du redressement judiciaire.

Par dernières conclusions notifiées le 1er mars 2017, la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la banque Chaix demande à la cour:

'Déclarer nul et de nul effet l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 22.10.2015

En conséquence dire et juger que les parties sont en l'état de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Nîmes en date du 24.04.2014

A titre subsidiaire,

Débouter Maître [W] [N] es qualité de liquidateur de la société ENLUX de l'ensemble de ses demandes.

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Y ajoutant, condamner Maître [W] [N] es qualité de liquidateur de la société ENLUX à payer à la SA BANQUE CHAIX la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive devant la Cour d'Appel outre la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner Maître [W] [N] es qualité de liquidateur de la société ENLUX aux entiers dépens ceux d'appel distraits au profit de Maître Bertrand DE BELVAL sur son affirmation de droit.'

La banque Populaire Méditerranée soutient:

- que l'arrêt rendu par la Cour de cassation est nul de plein droit en ce que la société ENLUX a caché son état de liquidation judiciaire à la Cour de cassation et n'avait pas qualité pour soutenir son pourvoi de sorte que le renvoi devant la cour d'appel de Lyon doit être déclaré nul et de nul effet, les parties restant en l'état de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes du 24 avril 2014,

- que la convention entre les parties stipulait clairement que faut de trouver un accord à la date du 15 septembre 2012 avec la bailleresse, la banque ne donnerait pas suite au projet de cession, ce qu'avait admis la société ENLUX dans la lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 2012,

- qu'il ne s'agit pas d'une stipulation interdite, que l'avocat général dans le rapport de l'arrêt de la cour de cassation rappelait qu'il s'agit d'une pratique répandue dans le monde des affaires, et estimait qu'il ne doit pas y avoir nullité de la condition qui ne répond à aucun des critères des articles 1172 et 1174 du code civil,

- que la stipulation litigieuse relative au bail initial n'affecte pas la convention entre le cédant et le cessionnaire relative à la cession du seul et revêt ainsi toutes les fonctions de la condition suspensive au sens de l'article 1168 du code civil,

- que la convention entre les parties stipulait qu'en cas de non-réalisation de la condition suspensive à la date prévue, la convention deviendrait nulle et de nul effet, de sorte que Me [N] ne s'en prévaloir pour demander la cession forcée ou des condamnations financières,

- que les réclamations financières sont irrecevables puisque, sur renvoi de cassation, les débats sont liés par la question cassée, qu'en cause d'appel, l'appelante ne peut former de demandes nouvelles,

- que les demandes financières sont infondées; que la cession ne s'étant pas réalisée, le liquidateur ne peut solliciter le paiement du prix et la clause pénale dès lors que toutes les conditions relative à l'exécution de l'acte sous conditions suspensives ne sont pas réalisées,

' que chaque partie avait envisagé dès le départ la possibilité d'échec de la transaction, que la société Enlux était assistée et conseillée par son notaire, qu'il lui appartenait donc d'organiser la pérennité de son entreprise sans pouvoir l'imputer à faute à son cocontractant,

- que le lien de causalité est inexistant, la banque n'ayant pas à supporter les choix de l'entreprise quant à sa mise en redressement et son choix de prolonger son activité pour être finalement placée en liquidation judiciaire.

MOTIFS

Sur l'application de l'article 372 du code de procédure civile

L'article 372 du code de procédure civile dispose que les actes accomplis et les jugements mêmes passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par les parties au profit de laquelle l'interruption est prévue.

Ainsi, les dispositions de l'article 372 du code de procédure civile ne peuvent être invoquées que par la partie au bénéfice de laquelle l'instance a été interrompue.

Me [N] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ENLUX, désigné par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 18 octobre 2014, a confirmé les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée intervenus après la date de l'interruption résultant de la procédure collective de la SARL ENLUX, partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles

Selon l'article 564 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.

Tel est le cas, en l'espèce, dès lors qu'après avoir assigné la banque Chaix pour voir déclarer parfaite la cession, obtenir paiement du prix de vente, de la clause pénale et l'indemnisation de son préjudice, Me [N] es qualité choisit en appel la voie de l'indemnisation pour refus du cessionnaire de respecter son engagement d'acquérir, demande tendant aux mêmes fins et mettant en jeu le même droit du créancier.

Sur l'effet de la cassation totale

La banque soutient que devant la cour de renvoi, les débats sont liés par la question cassée de sorte que les réclamations financières présentées par Me [N] sont irrecevables.

Mais, la cassation prononcée d'une décision en toutes ses dispositions investit la juridiction de renvoi de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit, et ce quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation.

Sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

Les demandes de Me [N] sont recevables.

Sur le fond

La société ENLUX a conclu avec la banque CHAIX une promesse synallagmatique de cession du bail commercial, par acte notarié signé par les parties le 8 août 2012 pour la cédante, et le 14 septembre 2012 pour le cessionnaire.

La promesse contenait une clause relative à la régularisation d'un nouveau bail ainsi rédigée:

'Les présentes conventions sont également soumises à la condition suspensive de la signature concomitamment à la réitération des présentes par acte authentique, d'un nouveau bail commercial entre le BAILLEUR et le CESSIONNAIRE aux présentes, dont les conditions doivent être définitivement arrêtées au plus le 15 septembre 2012.

Accord du bailleur sur la présente cession : Par mail en date du 31 juillet 2012, le bailleur a donné son accord sur la présente cession.'

Il en résulte que le bailleur avait donné son accord à la cession mais que la réalisation de la promesse était conditionnée à la signature d'un nouveau bail entre le bailleur et le cessionnaire, dont les conditions devaient être arrêtées au jour de la réitération de l'acte.

La banque soutient qu'en l'état de la non-réalisation de la condition suspensive concernant le nouveau bail commercial, la convention est devenue nulle et de nul effet en application de la clause stipulant que dans ce cas, 'la convention deviendrait nulle et de nul effet de plein droit par simple écoulement des délais, sans qu'il soit besoin de notification ou autre formalité, sauf si la non-réalisation des conditions suspensives ressortait du fait volontaire du cessionnaire auquel cas les dispositions de l'article 1178 du code civil s'appliqueront, le cessionnaire étant réputé défaillant'. La banque soutient que Me [N] ne peut demander l'application du contrat devenu nul pour obtenir la cession forcée du droit au bail ou des condamnations financières.

Cependant, selon l'article 1168, devenu 1304 du code civil, l'obligation est conditionnelle lorsqu'on l'a fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas.

Il s'en déduit que la condition, qui est une modalité de l'obligation, ne peut porter sur un élément constitutif de l'obligation.

La clause suspensive litigieuse, en ce qu'elle conditionne la cession de bail, objet du contrat, à la signature d'un nouveau bail entre le bailleur et le cessionnaire, prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat et doit être réputée non écrite.

Par suite, la banque ne peut se prévaloir de la non-réalisation de la condition suspensive concernant le nouveau bail commercial, en vertu d'une clause réputée non écrite et dépourvue de tout effet.

L'acte stipule que si l'une des parties ne se présente pas pour régulariser l'acte authentique dans le délai prévu, l'autre partie pourra soit poursuivre la vente, nonobstant tous dommages et intérêts, soit consentir à la résolution du contrat, le tout sauf à tenir compte de la clause pénale d'un montant de 24000 euros.

Me [N] es qualité est ainsi fondé, en l'absence de réitération de la vente par acte authentique dans le délai convenu, à obtenir le paiement de la clause pénale.

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande en paiement de l'indemnité de 24000 euros dirigée contre la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la banque Chaix.

Le mandataire liquidateur a renoncé à demander l'exécution forcée de la cession et, par suite, à percevoir le prix en contrepartie de la cession du bail, invoquant le fait que le bail a disparu du fait de la procédure collective. Me [N] n'indique pas si le bail a été résilié ou cédé mais admet que la cession du bail est devenue impossible puisqu'il ne peut remettre la chose vendue. Le préjudice résultant de l'inexécution fautive de la convention ne peut, dans ces conditions, être équivalent au prix de cession. Sa demande en paiement d'une indemnité de 240000 euros est mal fondée.

Me [N] fait valoir que la société ENLUX a subi un préjudice en relation directe avec l'inexécution fautive de la cession par la banque Chaix constitué du montant des pertes d'exploitation jusqu'au redressement judiciaire, du passif postérieur à l'ouverture de la procédure collective jusqu'à la liquidation judiciaire, et des frais de la procédure collective.

Les éléments de la cause démontrent que la société Enlux était en état de cessation des paiements au moment de la cession.

Par conséquent, le refus de réitérer l'acte n'est pas la cause du préjudice résultant de la décision de l'entreprise de maintenir une exploitation déficitaire pour être finalement placée en liquidation judiciaire.

Me [N] doit être débouté du surplus de sa demande.

La Banque Populaire Méditerranée ne démontre pas le caractère abusif de la procédure intentée par la société ENLUX et reconnue partiellement fondée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 372 du code de procédure civile,

Déclare recevable la demande de Me [N] es qualité,

Condamne la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la banque Chaix à payer à Me [N] es qualité, la somme de 24000 euros à titre indemnitaire,

Déboute Me [N] du surplus de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la banque Chaix de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Banque Populaire Méditerranée et la condamne à payer à Me [N] es qualité, la somme de 6000 euros,

Condamne la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la banque Chaix aux dépens de première instance, d'appel devant la cour d'appel de Nîmes et d'appel devant la présente cour de renvoi.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 16/00590
Date de la décision : 31/10/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°16/00590 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-31;16.00590 ?
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