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31/10/2017 | FRANCE | N°16/00338

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 31 octobre 2017, 16/00338


R.G : 16/00338









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 09 décembre 2015



RG : 12/13671

ch n° 9





[X]

[Z]

SARL SOFRAMUS DISTRIBUTION

SCI ATLAS



C/



[X]

[V]

[Z]

[B]

[Y]

[A]

[D]

Association SAINTE AGNES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 31 Octobre 2017







APPELANTS :





SARL SOFRAMUS DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON





SCI ATLAS

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par Me Phil...

R.G : 16/00338

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 09 décembre 2015

RG : 12/13671

ch n° 9

[X]

[Z]

SARL SOFRAMUS DISTRIBUTION

SCI ATLAS

C/

[X]

[V]

[Z]

[B]

[Y]

[A]

[D]

Association SAINTE AGNES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 31 Octobre 2017

APPELANTS :

SARL SOFRAMUS DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

SCI ATLAS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

M. [P] [X]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 3] (TURQUIE)

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Michèle BOCCACCINI de la SELARL SEDLEX, avocat au barreau de LYON

Mme [N] [Z] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3] (TURQUIE)

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Michèle BOCCACCINI de la SELARL SEDLEX, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [P] [X]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 3] (TURQUIE)

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Michèle BOCCACCINI de la SELARL SEDLEX, avocat au barreau de LYON

Mme [N] [Z] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3] (TURQUIE)

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Michèle BOCCACCINI de la SELARL SEDLEX, avocat au barreau de LYON

M. [R] [C] [F] [V]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 4] (RHONE)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON

Mme [H] [B]

née le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 5] (RHONE)

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Stéphane CHOUVELLON de la SELARL BRUMM & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

M. [G] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON

Me Henri [A]

[Adresse 6]

[Adresse 6] -

[Localité 8]

Représenté par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Me [A] [D]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Association SAINTE AGNES agissant en qualité de tutrice de [D] [B]

[Adresse 8]

[Adresse 9]

Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/004462 du 18/02/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

******

Date de clôture de l'instruction : 23 Mars 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Septembre 2017

Date de mise à disposition : 31 Octobre 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Suivant acte authentique du 25 février 2011, la SCI ATLAS a fait l'acquisition auprès de la SCI ROSSILLON d'un tènement situé [Adresse 10] (69) et cadastré CL [Cadastre 1]. Sur ce tènement est édifié un bâtiment industriel dans lequel la société SOFRAMUS DISTRIBUTION exploite une activité de commerce de détail de viandes et de produits à base de viande.

L'acte du 25 février 2011 rappelait l'existence des servitudes suivantes au profit de la parcelle CL [Cadastre 1] :

« Pour permettre l'accès à la [Adresse 2], il a été constitué une servitude de passage sur la parcelle anciennement cadastrée section AP n°[Cadastre 2] pour 256 m2 et actuellement cadastrée section CL n°[Cadastre 1] [actuellement propriété des époux [X]] pour pareille contenance aux termes d'un acte reçu par Maître [S], l'un des notaires soussignés le 26 mai 1977.»

« Sur la parcelle cadastrée section CL [Cadastre 1] appartenant au vendeur [actuellement propriété des époux [X]] se trouve une pompe à gasoil avec cuve servant à l'entrepôt. L'acquéreur [SCI ROSSILLON, auteur de la SCI ATLAS] bénéficie d'une servitude d'utilisation de cette pompe et de cette cuve. L'acquéreur aura également un droit de passage sur cette parcelle et le droit de fouiller le sol si cela s'avère nécessaire pour remettre en l'état l'installation ».

Les parcelles en cause sont issues de la division d'un tènement plus grand appartenant originairement et pour le tout à M [V] [V]. Celui-ci, après avoir divisé son tènement, a consenti, dans le cadre d'un bail à construction conclu avec la société Transports [V] le 6 mai 1977, une servitude de passage sur la parcelle CL [Cadastre 1] afin de permettre à la parcelle CL [Cadastre 1], enclavée, d'accéder à la [Adresse 2]. Ce bail à construction a été résilié par anticipation le 20 septembre 1989.

La servitude relative à la pompe et à la cuve à gasoil a été constituée lors de la vente par M [V] de la parcelle CL [Cadastre 1] à la SCI ROSSILLON, auteur de la SCI ATLAS, intervenue suivant acte reçu par Me [S], notaire, le 12 juillet 1989.

Ensuite de cette vente, M [V] est resté propriétaire des parcelles CL [Cadastre 1] à [Cadastre 1]. Suite à son décès survenu le 22 octobre 1991 et à celui de son épouse, qui en avait l'usufruit, survenu le 20 août 2007, ses héritiers, les consorts [V]/[B] les ont vendues aux époux [X] suivant acte du 27 avril 2010.

Suivant courrier recommandé du 3 juin 2011, la SCI ATLAS et la société SOFRAMUS ont demandé aux époux [X] de ne plus encombrer l'assiette de la servitude de passage en cessant notamment d'y stationner leurs véhicules et les ont mis en demeure, par l'intermédiaire de leur conseil et par courrier du 19 avril 2012, d'avoir à respecter les servitudes grevant leurs tènements.

Ces mises en demeure étant restées infructueuses, les sociétés SCI ATLAS et SOFRAMUS DISTRIBUTION ont, par acte du 22 novembre 2012, fait assigner les époux [X] devant le tribunal de grande instance de LYON aux fins d'obtenir qu'ils laissent l'assiette de la servitude de passage libre de toute occupation.

Par actes des 23 et 30 avril 2013 et 6 mai 2013, les époux [X] ont appelé en cause leurs vendeurs, les consorts [B] et [V] ainsi que les notaires ayant instrumenté la vente du 27 avril 2010, Mes [Y] et [A].

Par acte du 6 mai 2013, ils ont appelé en cause l'association ASMI, aux droits de laquelle se trouve l'association SAINTE AGNES, tuteur de Mme [X] [F] [B]. Celle-ci a assigné en intervention forcée Me [D], notaire l'ayant assistée lors de la cession du bien.

Les instances ainsi introduites ont fait l'objet d'une jonction et, par jugement du 9 décembre 2015, le tribunal a :

- donné acte aux époux [X] de leur accord pour laisser un droit de passage sur une largeur de quatre mètres à compter de la clôture sur leur parcelle référencée au cadastre CL [Cadastre 1],

- débouté la société ATLAS et la SARL SOFRAMUS de toutes leurs demandes,

- condamné la société ATLAS et la SARL SOFRAMUS à supprimer leur panneau publicitaire, leurs compteur d'arrivée d'eau et leur boîte aux lettres qui empiètent sur le terrain des époux [X],

- débouté les époux [X] de leur demande visant à ce que l'emprise de la servitude s'exerce sur une largeur de quatre mètres à charge pour eux de « pouvoir édifier un mur séparatif »,

- débouté les époux [X] de leur demande en paiement de dommages et intérêts,

- condamné la société ATLAS et la SARL SOFRAMUS à payer la somme de 3 000 € aux époux [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les autres parties de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'association SAINTE AGNES de ses demandes formées en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 108 du décret du 9 décembre 1991,

- condamné la société ATLAS et la SARL SOFRAMUS aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me GAUDE, la SELARL COLBERT et Me RINCK.

Par acte du 15 janvier 2016, les sociétés ATLAS et SOFRAMUS DISTRIBUTION ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre des époux [X].

Les époux [X] ont également interjeté appel par acte distinct du même jour à l'encontre de M [V], de Mme [B], de l'association SAINTE AGNES es qualité ainsi que de Mes [Y], [A] et [D].

Les procédures ainsi introduites ont fait l'objet d'une jonction.

Au terme de conclusions notifiées le 28 décembre 2016, la SCI ATLAS et la société SOFRAMUS DISTRIBUTION demandent à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il débouté les époux [X] de leur demande visant à ce que l'emprise de la servitude s'exerce sur une largeur de quatre mètres à charge pour eux de « pouvoir édifier un mur séparatif », débouté les époux [X] de leur demande en paiement de dommages et intérêts et débouté l'association SAINT AGNES de ses demandes formées en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 108 du décret du 9 décembre 1991,

- déclarer les servitudes litigieuses ( de passage grevant la parcelle CL [Cadastre 1] dans sa totalité et la servitude d'accès et d'utilisation de la pompe et de la cuve à gasoil grevant la parcelle CL [Cadastre 1] profitant toutes deux au fonds cadastré sous la référence CL [Cadastre 1]) opposables aux propriétaires des fonds servants, à savoir les époux [X],

- dire que la servitude de passage grevant la parcelle CL [Cadastre 1] dans sa totalité est constituée de par l'existence d'un état d'enclave de la parcelle CL [Cadastre 1] et par l'usage continu, paisible sur l'intégralité de son assiette depuis plus de 30 ans,

- dire que la boîte aux lettres, l'enseigne et le compteur d'eau sont des servitudes continues et apparentes acquises par une possession d'au moins trente ans, en tout état de cause, dire que la boîte aux lettres, l'enseigne et le compteur d'eau sont des accessoires à la servitude de passage, et, à ce titre, opposables aux époux [X],

- dire que l'assiette de la servitude de passage s'étend également sur la parcelle CL [Cadastre 1], entre la limite Nord Est de la propriété des époux [X] et l'arrondi formé par le trottoir, par l'utilisation continue et paisible qui en a été faite depuis plus de 30 ans pour permettre l'accès des camions aux quais de l'entrepôt,

- dire que les époux [X] sont tenus de ne rien faire qui puisse entraver la libre jouissance des servitudes susvisées et notamment de ne rien disposer sur l'assiette de la servitude de passage afin de la laisser libre de toute occupation, sous peine d'une astreinte de 1 000 € par infraction constatée, les frais d'huissier demeurant à la charge des époux [X],

- condamner les époux [X] à détruire la partie du mur qu'ils ont érigé qui empiète sur la servitude de passage, le tout sous astreinte de 100 € par jour, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner les époux [X] à verser à la société ATLAS la somme de 5 000 € et à la société SOFRAMUS la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,

- débouter les époux [X] de l'ensemble de leurs demandes, conclusions, fins et prétentions,

- statuer ce que de droit, s'agissant des demandes formées par les époux [X] tant à l'encontre des notaires Maître [Y], Maître [D] et Maître [A] que de leurs vendeurs, M. [V], Mme [H] [B] et l'association SAINT AGNES agissant en qualité de tutrice de Mme [D] [B],

- condamner les époux [X] à leur verser à chacune la somme 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance avec faculté de distraction au profit de la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET.

Elles font valoir :

- que les servitudes qu'elles revendiquent ont été régulièrement publiées et sont à ce titre opposables aux époux [X] nonobstant le fait qu'elles n'aient pas été mentionnées à leur acte d'acquisition,

- que le précédent exploitant, la société LM DISTRIBUTION, exerçait déjà une activité de transporteur alimentaire nécessitant un large accès depuis la [Adresse 2],

- que l'article L.251-3 du code de la construction et de l'habitation ne trouve pas à s'appliquer comme visant les servitudes nées du chef du preneur en raison des droits réels immobiliers que lui confère le bail à construction et non pas les servitudes consenties par le bailleur,

- qu'en tout état de cause, l'existence d'une servitude légale sur le fondement de l'article 682 du code civil en raison de l'état d'enclave de la parcelle [Cadastre 1] n'est pas discutée,

- que l'assiette du passage s'est prescrite par trente ans d'usage continu, que la servitude issue du bail à construction n'a pas été remise en cause par l'arrivée du terme du bail à construction,

- qu'elles rapportent la preuve que l'utilisation des locaux dont elles sont respectivement propriétaire et locataire n'a pas varié depuis l'origine et que la vocation de la servitude de passage a toujours été de permettre le passage de camions justifiant que la parcelle CL [Cadastre 1] soit entièrement affectée à cet usage,

- qu'il n'y a pas eu d'aggravation de la servitude, que les chauffeurs ont toujours eu besoin d'une largeur d'environ 6 mètres pour manoeuvrer en vue de positionner leur camion devant le quai de chargement,

- que la servitude s'exerce également sur l'arrondi situé au nord de la parcelle CL [Cadastre 1] qui permet aux camions d'accéder à l'entrepôt et que le mur construit par les époux [X] empiète sur cet arrondi et rend la servitude plus incommode en rendant impossible les mises à quai des semi-remorques,

- que s'agissant de la pompe à gasoil et de la cuve, la servitude les concernant est apparente,

- que l'article 701 du code civil n'autorise par les époux [X] à obtenir une limitation de la servitude existante, qu'ils n'expliquent pas en quoi l'assiette de la servitude serait devenue plus onéreuse, qu'ils ne démontrent pas être dans l'impossibilité de se clore, qu'ils disposent de places de stationnement devant leur habitation et d'un garage, qu'en sollicitant la réduction de l'assiette, ils rendent l'exercice de la servitude plus incommode,

- qu'elles sont fondées à demander réparation du préjudice subi du fait des obstacles mis à l'exercice de la servitude par les époux [X] depuis mars 2011 : stationnement de véhicules sur l'assiette de la servitude, pose d'un grillage empêchant l'accès à la pompe à gasoil,

- que l'enseigne, la boîte aux lettres et le compteur d'eau sont implantés à l'entrée du passage depuis plus de trente ans, qu'il s'agit d'une servitude continue et apparente qui subsiste nonobstant la division du fonds en l'absence de disposition contraire dans l'acte opérant la division,

- qu'en outre ces équipements sont des accessoires de la servitude de passage.

Au terme de conclusions notifiées le 2 novembre 2016, les époux [X] demandent à la cour de :

- dire que la servitude revendiquée par les sociétés ATLAS et SOFRAMUS sur la parcelle CL [Cadastre 1] a expiré au plus tard le 31 décembre 2006,

- leur donner acte de leur accord pour que les société ATLAS et SOFRAMUS disposent d'un droit de passage sur la parcelle CL [Cadastre 1] sur une bande de terrain de 4 mètres de largeur à compter de la clôture,

subsidiairement,

- dire que la SCI ATLAS n'administre pas la preuve de l'opposabilité de la servitude qu'elle revendique et leur donner acte de leur offre et la déclarer satisfactoire,

- débouter les sociétés ATLAS et SOFRAMUS de leurs demandes au titre de troubles de jouissance,

plus subsidiairement,

- dire que les notaires ont manqué à leur devoir de conseil, de diligence et d'authentification et les condamner à les relever et garantir de toute condamnation pécuniaire qui serait prononcée,

- condamner solidairement M [R] [V], Mme [H] [B], Mme [D] [B], Me [Y], [A] et [D] à leur payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- leur déclarer inopposable la servitude d'utilisation de la pompe à gasoil et de la cuve,

- dire que cette servitude contrevient à l'article 544 du code civil,

- ordonner aux sociétés ATLAS et SOFRAMUS de supprimer le panneau publicitaire apposé sur leur terrain, ainsi que la boîte aux lettres et les compteurs d'arrivée d'eau,

- confirmer le jugement déféré,

- condamner les sociétés ATLAS et SOFRAMUS solidairement à leur payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me GAUDE.

Ils font valoir :

- qu'en application de l'article L.251-6 du code de la construction régissant le bail à construction, la servitude de passage s'est éteinte au plus tard le 31 décembre 2006, date de l'expiration du bail et que, depuis cette date, ne subsiste qu'une simple tolérance,

- que leur offre d'un passage d'une largeur de 4 mètres est satisfactoire comme suffisante pour désenclaver la parcelle dont la SCI ATLAS est propriétaire,

- que leur acte d'acquisition, outre qu'il ne mentionne aucune des servitudes litigieuses, précise que leur vendeur a déclaré qu'il n'avait laissé se créer aucune servitude et qu'à sa connaissance, il n'existait pas d'autres servitudes en dehors de celles convenues dans des actes de 1950 et 1969, étrangères au litige,

- que les servitudes litigieuses, faute d'être rappelées à leur acte, leur sont inopposables,

- qu'ils subissent des nuisances quotidiennes en raison du passage incessant des camions et de l'impossibilité de stationner leurs véhicules sur leur terrain et qu'en application de l'article 701 du code civil, ils sont fondés à 'proposer la limitation de l'exercice de la servitude dans des proportions permettant à chacun de vivre et d'exercer ses activités décemment',

- que les vendeurs ont manqué à leur obligation d'information, que l'acte précise que le vendeur supportera les conséquences de l'existence des servitudes qu'il aurait conférées sur le bien et qu'il n'aurait pas indiquées à l'acte,

- qu'en vertu de son devoir d'assurer l'efficacité et la validité des actes qu'il rédige, le notaire rédacteur de l'acte de vente devait vérifier l'existence des servitudes litigieuses,

- qu'ils ignoraient l'existence de cette servitude, que le passage n'était alors utilisé qu'occasionnellement, que rien ne permettait de savoir que toute la parcelle était concernée ni qu'il était interdit d'y garer leurs véhicules ou ceux de leurs locataires, qu'il n'est pas habituel de consentir une servitude d'une largeur de 7 mètres,

- que la servitude de passage revendiquée dévalorise leur propriété de 40 000 € ainsi que cela résulte d'une estimation de la société CORNEILLE SAINT MARC TRANSACTIONS,

- que la servitude d'utilisation de la pompe à gasoil et de la cuve leur est inopposable faute d'avoir été publiée au fichier immobilier, qu'elle est en tout état de cause nulle comme les empêchant de clore leur terrain à l'arrière de leur maison,

- que la servitude de passage, si elle est reconnue, n'autorise pas le fonds dominant à implanter un panneau publicitaire, une boîte au lettres et des compteurs d'eau sur leur parcelle, que les sociétés ATLAS et SOFRAMUS ne rapportent pas la preuve d'une possession trentenaire de ces équipements, n'ayant acquis et occupé le tènement que depuis 2011.

Au terme de conclusions notifiées le 9 février 2017, M [R] [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [X] de leurs demandes dirigées à son encontre,

- subsidiairement, condamner in solidum Me [D], [A] et [Y] à le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre,

- en tout état de cause, condamner in solidum les époux [X], subsidiairement toute autre partie succombante, à lui payer la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me FREIDEL.

Il fait valoir :

- que l'acte du 27 avril 2010 prévoit que les acquéreurs n'ont pas de recours contre le vendeur sauf pour les servitudes créées par ce dernier et qui n'auraient pas été déclarées,

- qu'il n'avait pas connaissance des servitudes autres que celles expressément mentionnées à cet acte,

- qu'il n'a créé aucune servitude sur le bien vendu et que la servitude légale de passage grevant la parcelle CL [Cadastre 1] résulte de la configuration des lieux, que les époux [X] en avaient connaissance au moment de la vente, s'agissant d'une servitude active et goudronnée accédant directement à la parcelle enclavée,

- que la servitude de passage consentie dans le cadre du bail à construction était éteinte au moment de la vente aux époux [X] de sorte qu'il n'y avait en tout état de cause pas lieu d'en faire état,

- qu'il n'était pas partie à l'acte de cession de la parcelle CL [Cadastre 1] à la SCI ROSSILLON, auteur de la SCI ATLAS, et qu'il n'a dissimulé aucune information à l'acquéreur,

- que n'ayant commis aucune faute, il ne saurait être tenu des dommages et intérêts réclamés par les époux [X], que ces derniers en tout état de cause ne justifient pas de leurs allégations quant à la dépréciation de leur bien,

- que, subsidiairement, il est fondé à se voir garantir par les notaires dont la responsabilité est engagée en leur qualité de rédacteurs d'acte.

Au terme de conclusions notifiées le 12 avril 2017, Mme [H] [B] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [X] de leurs demandes dirigées à son encontre,

- subsidiairement, condamner in solidum Me [D], [A] et [Y] à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre,

- en tout état de cause condamner in solidum les époux [X], Me [D], [A] et [Y] ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me CHOUVELLON.

Elle fait valoir :

- qu'elle n'a commis aucune faute, la servitude de passage conventionnelle s'étant éteinte à l'expiration du bail à construction et la servitude de passage existante résultant de la situation naturelle des lieux,

- que l'avis de valeur produit par les époux [X] ne saurait faire la preuve de la dépréciation de leur bien et que le préjudice allégué est hypothétique,

- qu'elle est fondée à solliciter la garantie des notaires qui ne l'ont pas informée des conséquences de l'existence d'un état d'enclave pouvant générer une servitude de passage.

Au terme de conclusions notifiées le 14 juin 2016, l'association SAINTE AGNES en qualité de tuteur de Mme [D] [B] demande à la cour de :

- confirmer le jugement et débouter les époux [X] de leurs demandes dirigées à son encontre es qualité,

- subsidiairement, dire que Me [Y], [A] et [D] devront la relever et garantir de toutes condamnations qui pourrait être prononcée à son encontre,

- débouter Me [D] et [A] de leurs demandes de garantie et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [X] ou qui mieux le devra à payer à Mme [D] [B] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et dire que la SELARL [K] pourra recouvrer directement la somme ainsi allouée selon les dispositions de l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle fait valoir :

- qu'elle n'a commis aucune faute, la servitude de passage conventionnelle s'étant éteinte à l'expiration du bail à construction,

- qu'au terme de l'acte de vente, les acquéreurs ont renoncé à toute action en garantie contre les vendeurs,

- que Mme [D] [B] n'avait pas personnellement donné son accord à la constitution d'une servitude,

- que les époux [X] n'ont pas à lui faire supporter les conséquences de leur comportement inapproprié à l'encontre de leurs voisins,

- que la situation naturelle des lieux permettait aux acquéreurs de se convaincre de l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle CL [Cadastre 1] au profit de la parcelle enclavée CL [Cadastre 1],

- que les époux [X] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice,

- qu'elle est fondée à solliciter la garantie des notaires qui ne l'ont pas informée de l'existence des servitudes litigieuses.

Au terme de conclusions notifiées le 29 juillet 2016, Me [G] [Y] demande à la cour de :

- débouter les époux [X], M [V], Mme [B] et l'association SAINTE AGNES de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre lui et de condamner les époux [X] ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL COLBERT.

Il fait valoir :

- que la servitude grevant le fonds CL [Cadastre 1] était active et apparente, que son existence n'a pas été dissimulée dans les discussions entre vendeurs et acquéreurs et n'est pas contestée,

- que la convention de servitude relative à la pompe à gasoil n'a jamais été publiée, de sorte qu'il ne pouvait en faire état,

- que sa responsabilité ne peut être recherchée à raison d'une mésentente entre les propriétaires voisins,

- que la mention de la servitude dans l'acte du 27 avril 2010 n'aurait rien changé dès lors que les époux [X] en avaient parfaite connaissance et que c'est l'usage de la servitude qui fait difficulté,

- que ni le principe ni le montant du préjudice ne sont établis et qu'il ne saurait être tenu à garantie envers les vendeurs qui étaient parfaitement informés des conséquences de l'état d'enclavement.

Au terme de conclusions notifiées le 8 juin 2016, Me [A] et Me [D] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [X],

- débouter l'association SAINTE AGNES de ses demandes dirigées à leur encontre,

- subsidiairement, condamner M [R] [V], Mme [H] [B] et Mme [D] [B] à les relever et garantir de toutes condamnations qui seraient mises à leur charge,

- en tout état de cause, condamner les époux [X] à leur payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M [R] [V], Mme [H] [B] et Mme [D] [B] à leur payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner in solidum aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP TUDELA.

Ils font valoir :

- que la servitude de passage résultait de la configuration des lieux,

- qu'ils ne sont pas responsables de son utilisation,

- que la servitude relative à la pompe à gasoil n'a pas été publiée et qu'il était impossible au notaire d'en déceler l'existence,

- que la moindre valeur du bien des époux [X], à la supposer démontrée, ne contitue pas un préjudice indemnisable dont ils devraient réparation, n'ayant pas perçu le prix de vente.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la servitude de passage

Selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont le fonds est enclavé est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge pour lui d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

Selon l'article 684, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

En l'espèce, l'état d'enclave et l'existence d'une servitude légale de passage sur la parcelle CL [Cadastre 1] au profit de la parcelle CL [Cadastre 1] ne sont pas discutés, les époux [X] reconnaissant que la servitude était apparente au vu de la situation des lieux, la voie goudronnée, d'une largeur de 7 m environ, située sur la parcelle CL [Cadastre 1] constituant l'unique accès à la parcelle CL [Cadastre 1], enclavée.

En application de l'article 682, la servitude doit permettre un usage du fonds desservi conforme à sa destination.

En l'espèce, il est acquis que la parcelle CL [Cadastre 1] sur laquelle est édifiée un entrepôt est affectée à un usage industriel ce qui nécessite qu'elle puisse être accessible à tout moment par des véhicules poids lourds et semi-remorques nécessaires à l'exercice de l'activité de sorte que l'assiette de la servitude doit permettre le passage des camions nécessaires aux livraisons et leur accès aux quais de déchargement.

Il ressort des procès-verbaux de constat de Me [H] des 25 novembre 2011 et 11 juin 2012 produits par les sociétés ATLAS et SOFRAMUS que les époux [X] stationnent ou laissent stationner des véhicules en bordure de la voie d'accès et que la largeur de voie laissée libre par les véhicules stationnés, de 4,54m à 4,83m, est largement inférieure au minimum de 6 m requis au regard des contraintes de braquage des véhicules semi-remorque, ainsi que cela résulte de la note de calcul versée aux débats, et fait par conséquent obstacle à l'exercice de la servitude de passage.

La suite du procès-verbal du 25 novembre 2011 constate en outre que le muret situé du côté opposé de la voie présente plusieurs impacts, notamment au niveau de la limite de propriété, emplacement où les camions font leurs manoeuvres pour accéder aux quais, et que les plaques recouvrant les compteurs d'eau enterrés ont été dégradées par le passage des camions, contraints de rouler dessus en raison de l'étroitesse du passage laissé par les véhicules stationnés ce qui confirme, si besoin était, les difficultés de circulation engendrées par la présence de véhicules en stationnement.

De même, le constat du 11 juin 2012 rapporte qu'en raison de la présence d'un véhicule CITROEN stationné sur la voie, un camion est contraint d'empiéter sur les arbres plantés à droite en entrant dans l'allée, puis durant sa manoeuvre pour accoster au quai de déchargement de passer à 23 centimètres du rétroviseur d'un véhicule AUDI, également stationné sur la voie, et enfin de positionner l'arrière de la remorque en biais par rapport au quai de sorte qu'une partie de la remorque reste à distance du quai, ce qui est source de danger pour les employés.

Il est ainsi établi que la stationnement de véhicules sur la voie d'accès est incompatible avec la la largeur du passage nécessaire à la desserte de la parcelle CL [Cadastre 1] conformément à sa destination et que la vocation de la servitude exige que la totalité de la parcelle n° CL [Cadastre 1] soit entièrement affectée à cet usage.

Selon l'article 685, l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu.

Il résulte de la photographie de la flotte de véhicules de la société transports [V], à laquelle a été consenti le bail à construction de 1977, que celle-ci était composée de véhicules poids lourds.

Le gérant de la SCI ROSSILLON, ancien propriétaire de l'entrepôt, atteste dans les termes suivants : « J'ai acheté une entreprise de transport dénommée la SARL [V] au mois de juillet 1989, ce bâtiment a été utilisé continuellement à usage de transport de meubles et par la suite il a été mis en location toujours à usage d'entrepôt professionnel par conséquent nous avons toujours eu un va et vient de camions pour entrer et sortir les marchandises se rattachant à l'activité de cet entrepôt ».

M [U] [I], ancien employé de la société LM de 2006 à 2010, qui exploitait dans l'entrepôt une activité de commerce de gros alimentaire, atteste d'ailleurs de ce que les livraisons quotidiennes étaient réalisées par des semi-remorques et des camions VL avec parfois plusieurs camions le même jour. Il ajoute que lors des livraisons « il n'y avait aucune voiture de garée sur le long de la villa (servitude).»

Il est ainsi établi que l'utilisation des locaux dont les sociétés ATLAS et SOFRAMUS sont respectivement propriétaire et locataire n'a pas varié depuis 1977 et que la vocation de la servitude de passage a été, depuis plus de 30 ans à la date de l'assignation, de permettre le passage de camions justifiant que la voie goudronnée implantée sur la parcelle CL [Cadastre 1] soit entièrement affectée à cet usage.

Selon l'article 2265 du code civil, pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé de sorte que pour apprécier la durée de la prescription acquisitive d'une servitude au profit d'un fonds dominant, il convient de cumuler la possession des bénéficiaires successifs de la servitude.

Selon l'article 685-1, alinéa 1er du code civil, en cas de cessation de l'état d'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682.

Selon l'article 705, la servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due et celui qui la doit sont réunis dans la même main.

Ainsi seule la réunion entre les mêmes mains en pleine propriété de deux fonds contigus dont le second dispose d'un accès à la voie publique, permet de faire cesser l'état d'enclave dans lequel se trouvait le premier fonds et l'enclave dans laquelle se trouve un fonds ne saurait prendre fin du fait de l'acquisition par un tiers.

Le bail à construction confère au preneur, pour la durée du bail, la disposition du sol du terrain donné à bail constituant un droit réel immobilier de sorte qu'en l'espèce, la division du fonds créant l'état d'enclave s'est opérée à la date de cet acte à savoir le 26 mai 1977.

Les époux [X] ne sauraient soutenir que cette servitude légale s'est éteinte par l'expiration du bail à construction dès lors qu'à l'issue de ce bail, la parcelle CL [Cadastre 1] n'est pas revenue entre les mains de M [V], ayant, dans l'intervalle, été cédée à la SCI ROSSILLON par l'acte du 12 juillet 1989 et que l'article L.251-3 du code de la construction ne trouve pas à s'appliquer comme visant les servitudes nées du chef du preneur en raison des droits réels immobiliers que lui confère le bail à construction et non pas les servitudes consenties par le bailleur.

Il convient de relever à cet égard que le bail à construction, reprenant les dispositions de l'article L.251-3 sous l'article 5° 'constitution et acquisition de droits réels', précise que s'éteignent par l'arrivée du terme ou la résiliation du bail 'toutes les servitudes autres que [...] celles à la constitution desquelles le bailleur aurait consenti', ce qui confirme en tant que de besoin que la servitude litigieuse ne relève pas de l'article L.251-3.

La voie goudronnée constituant la desserte de la parcelle CL [Cadastre 1] a pour assiette la totalité de la parcelle CL [Cadastre 1]. Il résulte des photographies versées aux débats que le tracé de la voie gourdonnée incluait en partie Nord Est de la parcelle CL [Cadastre 1], au niveau de l'accès aux quais de l'entrepôt, un arrondi délimité par une bordure en pierre et que cet arrondi a été supprimé par les époux [X] qui ont construit en lieu et place un mur à angle droit empiétant sur l'arrondi.

Le tracé de la voie et la mise en place d'une bordure de pierres délimitant l'arrondi au niveau de l'emplacement où les poids lourds doivent manoeuvrer pour se mettre à quai traduisent la volonté des concepteurs de la voie de l'adapter aux nécessités de desserte de l'entrepôt édifié dans le cadre du bail à construction. Cette conception n'a pu être faite qu'en plein accord entre M [V] [V] et la société Transports [V] dans le cadre du bail à construction.

Il y a donc eu acquisition de l'assiette de la servitude sur l'intégralité de cette voie dans sa configuration précédant la construction du mur à l'angle Nord Est de la parcelle CL [Cadastre 1] par un usage trentenaire.

Il convient en conséquence de dire que l'assiette de la servitude porte sur toute la superficie de la voie goudronnée comportant la parcelle CL [Cadastre 1] d'une superficie de 256 m² et l'arrondi situé au Nord Est de la parcelle CL [Cadastre 1] tel qu'il existait avant la création du mur comme revendiqué par les sociétés ATLAS et SOFRAMUS et que ces dernières sont fondées à obtenir que le passage soit laissé libre en permanence sur toute la largeur de la voie.

Par ailleurs, les époux [X] seront condamnés à respecter la libre jouissance de ces servitudes par la SCI ATLAS et par ses ayants causes, sous peine d'astreinte fixée à 500 € par infraction dûment constatée par huissier.

Selon l'article 701 du code civil, 'le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode.

Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti ou si elle l'empêchait d'y faire des prérations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits et celui-ci ne pourrait pas le refuser.'

L'application de ce texte est subordonnée à la double condition que l'assiette actuelle représente une gêne sérieuse pour le propriétaire du fonds servant et que l'assiette proposée soit sans gêne notable pour le propriétaire du fonds dominant.

Ces dispositions n'autorisent pas les époux [X] à obtenir une limitation de la servitude existante. En effet, outre qu'ils n'expliquent pas en quoi l'assiette de la servitude serait devenue plus onéreuse, ils proposent une assiette réduite et donc, par hypothèse plus incommode, alors que selon l'article 701 la nouvelle assiette proposée doit être 'aussi commode' que la précédente.

Sur la servitude concernant la pompe et la cuve à gasoil

Selon l'article 691, les servitudes discontinues apparentes ne peuvent s'établir que par titre.

Les servitudes établies par le fait de l'homme ne sont opposables aux acquéreurs des biens grevés que si elles sont mentionnées dans leur titre de propriété, si elles ont fait l'objet d'une publication ou s'ils en connaissaient l'existence au moment de l'acquisition.

La servitude d'utilisation de la pompe et de la cuve est une servitude discontinue apparente de sorte qu'elle ne peut s'établir que par titre conformément à l'article 691 du code civil.

La convention de servitude du 12 juillet 1989 n'a pas été publiée. En effet, l'état hypothécaire de la parcelle CL [Cadastre 1] n'en fait pas mention. La seule publication de l'acte de vente du 12 juillet 1989 ne saurait valoir publication de la convention de servitude. Il en résulte que la servitude d'utilisation de la pompe et de la cuve et le droit de passage consenti à titre accessoire sont inopposables aux époux [X] et les sociétés ATLAS et SOFRAMUS seront en conséquence déboutées de leurs demandes de ce chef.

Sur le compteur d'eau, la boîte aux lettres et l'enseigne

Selon l'article 691 du code civil, les servitude continue et apparentes s'acquièrent par titre ou par possession de trente ans.

La présence sur la parcelle CL [Cadastre 1] d'un compteur d'eau, d'une enseigne et d'une boîte aux lettres à l'usage de la parcelle CL [Cadastre 1] constitue une servitude continue et apparente.

Il ressort d'un procès-verbal de constat de Me [W] en date du 2 juin 2016 que la boîte aux lettres, fixée sur l'un des supports métalliques de l'enseigne, est ancienne et que sous le panneau SOFRAMUS subsiste un panneau ancien portant l'enseigne du 'comptoir du nettoyage et fournitures professionnelles', ce qui démontre, si besoin était, que ces éléments préexistaient à l'installation de la société SOFRAMUS et de la SCI ATLAS.

S'agissant d'éléments indispensables à l'activité exploitée sur la parcelle CL [Cadastre 1], ils existaient nécessairement depuis l'installation de la société TRANSPORTS [V] en 1977 de sorte qu'ils bénéficient de la prescription trentenaire.

Le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a ordonné la suppression et le déplacement de l'enseigne, du compteur d'eau et de la boîte aux lettres.

Sur la demande de dommages et intérêts

Les sociétés ATLAS et SOFRAMUS sont fondées à demander réparation du préjudice subi du fait des obstacles mis à l'exercice de la servitude de passage par les époux [X] depuis mars 2011. Les procès-verbaux de constat démontrent amplement la gêne causée dans l'activité quotidienne de la société SOFRAMUS par le stationnement de véhicules sur l'assiette de la servitude.

Le préjudice subi par la société SOFRAMUS sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.

Les tracas et pertes de temps subis par la SCI ATLAS du fait de la contestation de l'assiette du passage seront justement réparés par l'allocation d'une indemnité de 2 000 €.

Sur la demande de dommages et intérêts des époux [X]

Selon l'article 1147 (devenu 1231-1) du même code, le manquement à une obligation contractuelle ouvre au créancier une action en réparation du préjudice que lui cause ce manquement.

Selon l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En vertu de cette disposition, la responsabilité civile d'un notaire ne peut être engagée que si la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux est apportée.

Le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la sécurité des actes instrumentés par lui.

C'est à celui qui recherche la responsabilité de l'auteur d'un dommage de rapporter la preuve d'une faute qui lui est imputable, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.

En l'espèce, les époux [X] ne pouvaient ignorer l'existence de la servitude de passage au moment de leur acquisition puisque, à cette époque, la société LM DISTRIBUTION, ancien locataire de l'entrepôt industriel, exerçait déjà une activité de transporteur alimentaire nécessitant le même accès depuis la [Adresse 2] de sorte que la faute qu'ils imputent à leurs vendeurs et aux notaires n'est pas caractérisée.

Au surplus, l'attestation de la société CORNEILLE SAINT MARC TRANSACTIONS, outre qu'elle n'est pas circonstanciée, ne saurait faire la preuve d'un préjudice en relation de causalité certaine et directe avec la faute imputée aux vendeurs et aux notaires ayant consisté à ne pas les informer de l'étendue de la servitude.

Les époux [X] seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Les époux [X] qui succombent pour l'essentiel doivent supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Au terme de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a :

- donné acte aux époux [X] de leur accord pour laisser un droit de passage sur une largeur de quatre mètres à compter de la clôture sur leur parcelle référencée au cadastre CL [Cadastre 1],

- débouté la SCI ATLAS et la SARL SOFRAMUS de toutes leurs demandes,

- condamné la SCI ATLAS et la SARL SOFRAMUS à supprimer leur panneau publicitaire, leurs compteur d'arrivée d'eau et leur boîte aux lettres qui empiètent sur le terrain des époux [X],

- condamné la SCI ATLAS et la SARL SOFRAMUS à payer la somme de 3 000 € aux époux [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI ATLAS et la SARL SOFRAMUS aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me GAUDE, de la SELARL COLBERT et de Me RINCK ;

Statuant à nouveau,

Dit que la parcelle cadastrée CL [Cadastre 1] commune de [Localité 2] bénéficie d'une servitude de passage pour cause d'enclave sur les parcelles contiguës CL [Cadastre 1] et CL [Cadastre 1] pour accéder à la [Adresse 2] ;

Dit que l'assiette de cette servitude s'étend sur toute la superficie de la voie goudronnée incluant la totalité de la parcelle CL [Cadastre 1] d'une superficie de 256 m² et la partie de la parcelle CL [Cadastre 1] située entre la limite Nord Est de cette parcelle et l'arrondi formé par le trottoir tel qu'il existait avant l'édification d'un mur de clôture par les époux [X] ;

Condamne M [P] [X] et Mme [N] [Z] épouse [X] à ne rien disposer sur l'assiette de la servitude de passage et à prendre les dispositions nécessaires pour laisser en permanence le passage libre de toute occupation ou stationnement, ce sous peine d'une astreinte de 500 € par infraction constatée ;

Les condamne à détruire la partie du mur de clôture qui empiète, en limite Nord Est de la parcelle CL [Cadastre 1], sur l'assiette de la servitude de passage, ce dans le délai de un mois à compter de la signification de la présente décision et sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 100 € par jour de retard pendant trois mois, délai à l'issue duquel il sera à nouveau statué le cas échéant ;

Dit que la boîte aux lettres, le compteur et l'enseigne installés à l'entrée de la parcelle CL [Cadastre 1] sont des servitudes continues et apparentes acquises par prescription trentenaire ;

Déboute en conséquence M [P] [X] et Mme [N] [Z] épouse [X] de leur demande de suppression de ces éléments ;

Déboute la SCI ATLAS et la SARL SOFRMUS de leur demande en reconnaissance d'une servitude d'accès et d'utilisation de la pompe et de la cuve à gasoil installées sur la parcelle CL [Cadastre 1] ;

Condamne M [P] [X] et Mme [N] [Z] épouse [X] à verser à la SCI ATLAS la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Les condamne à verser à la SARL SOFRAMUS la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Condamne M [P] [X] et Mme [N] [Z] épouse [X] aux dépens de première instance et d'appel ;

Autorise la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avocat, à recouvrer directement à leur encontre le dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 16/00338
Date de la décision : 31/10/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°16/00338 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-31;16.00338 ?
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