R.G : 16/05171
Décision du
Tribunal de Grande Instance de ROANNE
Au fond
du 15 juin 2016
RG : 15/348
SA BPCE PRÉVOYANCE
SA BPCE VIE
C/
[X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 24 Octobre 2017
APPELANTES :
BPCE PRÉVOYANCE, SA, entreprise régie par le Code des Assurances, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SCP LEMONNIER-DELION-GAYMARD RISPAL-CHATELLE, avocats au barreau de PARIS
BPCE VIE, SA, entreprise régie par le Code des Assurances, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SCP LEMONNIER-DELION-GAYMARD RISPAL-CHATELLE, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Mme [G] [X]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SELARL BLG, avocats au barreau de ROANNE
******
Date de clôture de l'instruction : 11 Septembre 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Septembre 2017
Date de mise à disposition : 24 Octobre 2017
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Mme [G] [X] a souscrit conjointement avec son compagnon, M. [L] [K], une offre de prêt immobilier suivant contrat du 14 mai 2010, proposé par la BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL.
Le 24 mars 2010, Mme [X] a signé une demande d'adhésion au contrat d'assurance collective n°0701 souscrit par l'organisme prêteur auprès des S.A. ASSURANCES BANQUE POPULAIRE VIE et ASSURANCES BANQUE POPULAIRE PRÉVOYANCES, devenues ABP VIE et ABP PRÉVOYANCE, et désormais BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE, garantissant le prêteur en cas de Décès, Perte totale et irréversible d'autonomie et Incapacité de travail de la personne assurée.
L'adhésion de Mme [X] a été acceptée aux conditions du contrat.
Mme [X] a présenté un adénocarcinome pulmonaire gauche ayant justifié une lobectomie inférieure au mois de février 2011, suivie d'une période de chimiothérapie, ainsi qu'un mélanome malin à la base du dos opéré au mois de septembre 2013.
Elle a sollicité la mise en oeuvre de l'assurance souscrite auprès des S.A.ABP VIE et ABP PRÉVOYANCE, désormais dénommées BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE, en raison d'un arrêt de travail du 5 janvier 2011.
Elle a été indemnisée au titre de la garantie Incapacité de travail à compter du 5 avril 2011, soit après application du délai de franchise contractuelle de 90 jours.
Elle a été placée en invalidité par la CPAM de la Loire à compter du 1er septembre 2013.
En 2013, les assureurs décidaient de soumettre l'assurée à une expertise médicale de contrôle confiée au Docteur [H], lequel a procédé à l'examen de Mme [X] le 19 septembre 2013.
Suite à une expertise médicale diligentée à l'initiative des assureurs le 19 septembre 2013, un courrier du 3 octobre 2013 a notifié à Mme [X] la cessation de leur garantie à compter du 1er septembre 2013 au motif que l'expert, le Docteur [H], avait retenu un taux d'incapacité professionnelle de 66% et un taux d'incapacité fonctionnelle de 35%, la conjugaison de ces deux taux faisant ressortir un degré d'invalidité de 43%, soit inférieur au taux contractuellement requis de 66% pour ouvrir droit à garantie.
Mme [X] a contesté ce taux au motif que la CPAM de la Loire l'avait estimée en état d'invalidité réduisant d'au moins 66% sa capacité de travail et a obtenu suivant ordonnance de référé du 17 juillet 2014 l'instauration d'une expertise médicale confiée à docteur [U].
Celui-ci a déposé le 17 décembre 2014 un rapport concluant à une incapacité temporaire totale de travail du 5 janvier 2011 au 1er septembre 2014, date de consolidation et à une incapacité fonctionnelle partielle de 50%, une incapacité professionnelle de 100%.
Par acte d'huissier en date du 9 avril 2015, Mme [X] a fait assigner les S.A. BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE devant le tribunal de grande instance de ROANNE aux fins de les voir condamnées à prendre en charge le montant des échéances des prêts n°8612400 et n°8612401, et ce à effet rétroactif au 1er septembre 2013, ainsi qu'au paiement d'une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 15 juin 2016 le tribunal de grande instance de ROANNE a :
- condamné solidairement les SA BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE à prendre en charge les montants des échéances des prêts n°0000000008612400 et n°0000000008612401 et ce à effet rétroactif au 1er septembre 2013 et avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2015,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- condamné in solidum les SA BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE à verser à Mme [X] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me Olivier LE GAILLARD.
Par acte du 1er juillet 2016, les sociétés BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE ont interjeté appel de ce jugement.
Au terme de conclusions notifiées le 8 septembre 2017, elles demandent à la cour de réformer le jugement déféré et de :
- dire qu'aucune garantie n'est due par l'assureur à compter du 1" septembre 2014, le taux d'incapacité, fixé sur la base du taux d'incapacité fonctionnelle et du taux d'incapacité professionnelle, étant inférieur au taux contractuellement requis de 66%,
- débouter Mme [X] de l'intégralité de ses demandes,
subsidiairement,
- dire que les sommes qui pourraient être mises à la charge des SA BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE en garantie du prêt, seront réglées dans le strict respect des dispositions contractuelles conformément à l'article 13 de la notice, et en tout état de cause entre les mains de la BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL, bénéficiaire du contrat d'assurance,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts,
en tout état de cause,
- condamner Mme [X] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir :
- que la garantie incapacité de travail prévue à l'article 13 de la notice d'assurance suppose un taux d'incapacité globale minimum de 66%, calculé en fonction du taux d'incapacité professionnelle combiné au taux d'incapacité fonctionnelle, tel qu'il ressort d'un le tableau à double entrée intégré dans la notice d'assurance,
- qu'en deçà de ce seuil, la garantie n'étant pas mobilisable, le tableau à double entrée n'avait pas de raison de faire figurer des taux qui, combinés, ne permettent en aucun cas d'atteindre le seuil de 66%,
- que le contrat précise que si le taux d'incapacité fixé sur la base de ce tableau est inférieur à 66%, aucune prestation n'est due par l'assureur,
- qu'un taux d'incapacité fonctionnelle de 50% croisé à un taux d'incapacité professionnelle de 100% n'ouvre pas droit à garantie, le tableau à double entrée ne prenant pas en compte un taux d'incapacité fonctionnelle inférieur à 60%,
- que ce tableau n'édicte par une exclusion de garantie mais les conditions de la garantie,
- que l'article 13 de la notice est clair, précis et la lecture du tableau permet de comprendre que pour un taux d'incapacité professionnelle de 100% le taux d'incapacité fonctionnelle minimum doit être de 60% pour ouvrir droit à garantie,
- qu'il n'est pas besoin de disposer de la formule de calcul pour déterminer si le taux d'incapacité global de l'assuré est égal ou supérieur à 66%,
- que la formule de calcul, qui n'est pas contestée, permet de vérifier que le seuil requis n'est pas atteint, qu'en tout état de cause, elles n'ont pas à fournir à l'adhérent les éléments permettant de calculer son taux global d'incapacité dès lors que le tableau à double entrée permet de déterminer si le seuil requis est atteint,
- qu'il n'y a donc pas matière à interprétation du tableau à double entrée,
- qu'elle n'a commis aucun abus de droit justifiant l'allocation de dommages et intérêts à Mme [X].
Au terme de conclusions notifiées le 8 septembre 2017, Mme [G] [X] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement les SA BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE à prendre en charge les montants des échéances des prêts n°0000000008612400 et n°0000000008612401 et ce à effet rétroactif au 1' septembre 2013 et avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2015 et à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le réformer pour le surplus et condamner les sociétés BPCE VIE et BPCE PRÉVOYANCE à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, celle de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me LE GAILLARD.
Elle fait valoir :
- que le contrat ne permet pas de déterminer quel est son taux d'incapacité et, notamment, si celui-ci est supérieur ou inférieur à 66%, il doit s'interpréter dans le sens qui lui est favorable conformément à l'article L.211-1 du code de la consommation,
- qu'il n'existe pas dans le contrat une quelconque exclusion en cas d'incapacité fonctionnelle inférieure à 60%,
- que la formule de calcul produite par l'assureur ne figure pas au contrat et ne saurait venir en complément du tableau à double entrée qui ne permet pas de calculer son taux d'incapacité.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, le contrat fait la loi des parties.
Selon l'article L.211-1 du code de la consommation, les clauses des contrats proposé par les professionnels aux consommateurs ou aux non professionnels doivent être présentés et rédigés de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable aux consommateurs ou aux non professionnels.
En l'espèce, l'article 13 relatif à la garantie incapacité de travail définit l'incapacité de travail comme la situation de l'assuré qui se trouve, sur prescription médicale, par suite d'un accident ou d'une maladie survenant avant son 65ème anniversaire, contraint d'interrompre totalement son activité professionnelle et si son état de santé interdit l'exercice de toute activité professionnelle.
Il prévoit qu'à la date de consolidation de l'état de santé de l'assuré, et au plus tard trois ans après le début de son incapacité de travail, le médecin conseil de l'assureur fixe le taux d'incapacité permanente de l'assuré en fonction de son taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle par rapport à un tableau annexé à la notice.
Il précise, s'agissant du taux d'incapacité fonctionnelle, que celui-ci est apprécié en dehors de toute considération professionnelle et qu'il tient compte uniquement de la diminution de la capacité physique ou mentale de l'assuré suite à son accident ou à sa maladie par référence au barème d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun (édition du Concours Médical la plus récente au jour de l'expertise).
S'agissant du taux d'incapacité professionnelle, il précise que ce taux est apprécié en fonction du degré et de la nature de l'incapacité de l'assuré par rapport à sa profession et qu'il tient compte de sa capacité à l'exercer antérieurement à la maladie ou à l'accident, des conditions d'exercice normales de sa profession et de ses possibilités d'exercice restantes, sans considération des possibilités de reclassement dans une profession différente.
L'article 13 se poursuit, sous l'intitulé 'taux d'incapacité du contrat d'assurance', par un tableau à double entrée croisant les taux d'incapacité professionnelle (de 30 à 100%) et fonctionnelle (de 60 à 100%) pour faire apparaître le taux d'incapacité résultant de chacune des combinaisons (de 48% à 100%). Il est précisé à la suite que si le taux d'incapacité fixé sur la base de ce tableau est égal ou supérieur à 66% les prestations de l'assureur sont maintenues mais que si le taux d'incapacité fixé sur la base de ce tableau est inférieur à 66%, aucune prestation n'est due par l'assureur.
Il en résulte sans ambiguïté que la garantie incapacité de travail prévue à l'article 13 de la notice d'assurance suppose un taux d'incapacité globale minimum de 66%, calculé en fonction du taux d'incapacité professionnelle combiné au taux d'incapacité fonctionnelle, tel qu'il ressort du tableau à double entrée intégré dans la notice d'assurance.
Ces dispositions définissent les conditions de la garantie et le fait que l'incapacité inférieure à 66% ne soit pas garantie ne saurait s'analyser en une exclusion de garantie.
Selon le tableau à double entrée, le plus faible taux d'incapacité professionnelle pouvant permettre d'atteindre le taux d'incapacité de 66% est de 30%, lorsqu'il est conjugué à un taux d'incapacité fonctionnelle de 70%. Le plus faible taux d'incapacité fonctionnelle pouvant permettre d'atteindre le taux d'incapacité requis est de 60% lorsqu'il est conjugué à un taux d'incapacité professionnelle de 80%.
Dès lors que le tableau à double entrée ne mentionne pas de taux d'incapacité fonctionnelle inférieur à 60%, sa simple lecture permet de comprendre qu'un taux d'incapacité fonctionnelle de 50%, peu important le taux d'incapacité professionnelle corrélatif, n'ouvre pas droit à garantie.
Il en résulte que les dispositions de l'article 13 n'ont pas pu laisser croire à Mme [X] qu'elle pouvait bénéficier d'une prise en charge au titre de l'incapacité de travail postérieure à la consolidation de sorte qu'il n'y pas lieu à interprétation du contrat en faveur de l'assuré.
Il ne saurait être reproché à l'assureur de ne pas préciser la formule de calcul du taux d'incapacité dès lors que le tableau se suffit à lui-même pour déterminer si le taux contractuel d'incapacité est atteint. De même, dès lors qu'en deçà du seuil de 66%, la garantie n'est pas mobilisable, il n'y avait pas lieu de faire figurer dans le tableau à double entrée des taux qui, combinés, ne permettent en aucun cas d'atteindre le seuil de 66%.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [G] [X] de sa demande de dommages et intérêts ;
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [G] [X] de l'ensemble de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [G] [X] aux dépens.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE