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12/09/2017 | FRANCE | N°15/03765

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 12 septembre 2017, 15/03765


R.G : 15/03765









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 07 janvier 2015



RG : 12/08918

ch n°9



[B]



C/



[C]

[T]

Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 12 Septembre 2017







APPELANT :



Me [

U] [B], Notaire associé de la SCP '[U] [B], [L] [R], [X] [X]', titulaire d'un office Notarial sis

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représenté par la SAS [K] ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assisté de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON


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R.G : 15/03765

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 07 janvier 2015

RG : 12/08918

ch n°9

[B]

C/

[C]

[T]

Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 12 Septembre 2017

APPELANT :

Me [U] [B], Notaire associé de la SCP '[U] [B], [L] [R], [X] [X]', titulaire d'un office Notarial sis

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par la SAS [K] ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assisté de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. [W] [C]

né le [Date naissance 1] 1951 à LYON (69)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Anne MYNARD, avocat au barreau de LYON

Mme [V] [T] [T] divorcée [L]

née le [Date naissance 2] 1951 à SORLIN EN VALLOIRE (26)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Didier LEMASSON, avocat au barreau de LYON

La BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par la SELARL ADK, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 19 Janvier 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Juin 2017

Date de mise à disposition : 12 Septembre 2017

Audience tenue par Françoise CARRIER, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Leïla KASMI, greffier placé

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte reçu par Me [B], notaire à [Adresse 2], le 20 novembre 2003, M. [W] [C] et Mme [V] [T] ont acquis pour le prix de 211 500 € un ensemble immobilier sis [Adresse 2]) en indivision pour la nue-propriété à concurrence de 62% pour Mme [T] et de 38% pour M. [C] et en tontine pour l'usufruit.

M. [W] [C] a financé l'acquisition de sa part au moyen d'un prêt 84 000 € qui lui a été consenti par la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS. Celle-ci est intervenue à l'acte qui lui a reconnu le privilège de prêteur de denier sur l'immeuble.

Suivant inscription publiée le 24 décembre 2003, le privilège a été inscrit du seul chef de M. [W] [C] sur les 38% de la propriété et sur l'usufruit en tontine.

M. [W] [C], qui exerçait en qualité d'artisan personne physique, a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de LYON en date du 2 mars 2010, Me [F] étant désigné en qualité de liquidateur.

Après avoir déclaré sa créance, qui a été admise au passif, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a, par acte d'huissier en date du 29 juin 2012, fait assigner M. [W] [C] et Mme [V] [T] devant le tribunal de grande instance de LYON aux fins de partage de l'indivision existant sur l'immeuble.

Par acte du 11 avril 2013, elle a appelé en cause Me [U] [B], notaire.

Les instances ainsi introduites ont fait l'objet d'une jonction.

Par jugement du 7 janvier 2015, le tribunal a :

- déclaré l'action exercée par la BANQUE POPULAIRE à l'encontre de M. [C] et de Mme [T] irrecevable,

- condamné Me [B], notaire associé de la SCP [U] [B], [L] [R] et [X] [X], à payer à la BANQUE POPULAIRE la somme de 60 195,50 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamné Me [B], notaire associé de la SCP [U] [B], [L] [R] et [X] [X], aux dépens avec faculté de distraction a profit de la SELARL ADK.

Par acte du 30 avril 2016, Me [U] [B] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 4 mai 2016, le conseiller de la mise en état a :

- constaté le désistement de Me [F], mandataire liquidateur de M. [C], de son intervention volontaire,

- déclaré irrecevable comme tardif l'appel incident de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS contre M. [W] [C] et Mme [V] [T] contenu dans les conclusions du 16 janvier 2016.

Au terme de conclusions notifiées le 8 juin 2016, Me [U] [B] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- débouter la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS de l'intégralité de ses demandes au motif que les clauses contractuelles intervenues entre M. [C] et Mme [T] lui sont inopposables et que le privilège de prêteur de deniers est efficace,

subsidiairement,

- dire que le préjudice de la Banque ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance dont la preuve n'est pas rapportée,

- débouter M. [C] de l'intégralité de ses prétentions faute pour lui de rapporter la preuve d'une faute de sa part lui causant un préjudice indemnisable,

en tout état de cause,

- condamner la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me [K].

Il fait valoir :

- que le privilège de prêteur de deniers prévu par l'article 2374-2 du code civil (ancien article 2103-2) permet à la Banque de bénéficier de sa garantie sur la totalité du bien, qu'il s'agit d'une garantie autonome qui s'inscrit automatiquement sur la totalité du bien,

- que l'acte rappelle qu'une garantie hypothécaire grève le bien et que Mme [T] est informée que l'inscription est prise sur la totalité du bien conformément à cette disposition,

- qu'ainsi la Banque bénéficie d'une garantie efficace dont elle peut faire usage sans que puissent lui être opposés la clause de tontine et le démembrement de la propriété,

- qu'il importe peu que la clause de tontine soit inefficace dès lors que les clauses stipulées entre co-acquéreurs sont sans effet sur cette garantie et que la garantie prise est totalement indépendante de l'efficacité ou de l'inefficacité de la tontine,

- que l'impossibilité pour la banque de mettre en oeuvre sa garantie ne résulte que de sa carence à former appel incident dans les délais légaux,

- que le préjudice ne pourrait résulter que d'une perte de chance pour la banque de ne pas avoir accordé le prêt ou d'avoir dû prendre une garantie efficace sur un autre bien immobilier des emprunteurs, préjudice dont elle ne rapporte pas la preuve.

Au terme de conclusions notifiées le 10 octobre 2016, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner Me [B] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me KUNTZ.

Elle fait valoir :

- que la clause de tontine se trouve par la négligence du notaire privée d'objet et de cause à son préjudice, faute de respecter les conditions de validité d'une acquisition en tontine à savoir des droits identiques et concurrents,

- que M. [C] et Mme [T] jouissant chacun à titre privatif et exclusif d'une partie de l'ensemble immobilier acquis et que, réunissant sur leur tête les qualités d'usufruitier et de nu-propriétaire, ils doivent être considérés en application de l'article 578 du code de procédure civile comme pleins propriétaires des parties indivises de l'ensemble immobilier,

- que la clause de tontine est privée de tout effet à son seul préjudice puisqu'elle ne peut engager une saisie immobilière sur un bien indivis,

- que le notaire est tenu de s'assurer de l'efficacité des actes qu'il instrumente, qu'en l'espèce la clause de tontine interdit le partage du bien de sorte qu'elle ne peut pas faire vendre l'immeuble et que l'acte authentique du 20 novembre 2003 est inefficace à son égard,

- que l'inscription hypothécaire devait porter sur l'intégralité du bien, ce qui lui aurait permis d'engager une procédure de saisie immobilière sur le bien sans avoir à solliciter au préalable le partage, alors que l'inscription prise ne portait que sur les 38% en nue propriété pour M. [C] et l'usufruit en tontine,

- que l'inefficacité de la garantie lui a fait perdre une chance de recouvrer sa créance.

Au terme de conclusions notifiées le 8 novembre 2016, M. [W] [C] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Me [B] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il fait valoir qu'aucune demande n'est formée à son encontre.

Au terme de conclusions notifiées le 17 octobre 2016, Mme [V] [T] demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS et Me [B] à lui payer chacun la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner, ou qui mieux des deux le devra, aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me LEMASSON.

Elle fait valoir que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS ne forme aucune demande à son encontre par suite de l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré son appel incident irrecevable et que Me [B] l'a intimée sans former aucune demande à son encontre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité du notaire

Selon l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En vertu de cette disposition, la responsabilité civile d'un notaire ne peut être engagée que si la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux est apportée.

Le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la sécurité des actes instrumentés par lui.

Selon l'article 1165 (devenu 1199) du code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties et les tiers doivent respecter les situations juridiques créées par le contrat de sorte que le Banque est irrecevable à se prévaloir de l'inefficacité de la clause de tontine dont les co-contractants ne discutent pas la validité.

En application de l'ancien article 2103 2° (devenu 2374 2°) du code civil, sont créanciers privilégiés sur les immeubles ceux qui ont fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble pourvu qu'il soit authentiquement constaté par l'acte d'emprunt que la somme était destinée à cet emploi et par la quittance du vendeur que ce paiement a été fait des deniers empruntés.

L'ancien article 2108 devenu l'article 2379 alinéa 1er du code civil prévoit que ce privilège se conserve par une inscription effectuée conformément aux articles 2426 à 2428 du code civil dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente.

L'article L.643-2 du code de commerce édicte que les créanciers privilégiés, dès lors qu'ils ont déclaré leur créance, peuvent exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans les trois mois du jugement ouvrant la procédure.

Le privilège de prêteur de deniers prévu par l'article 2374 2° du code civil (ancien article 2103 2°) bénéficie à celui qui a fourni les deniers 'pour l'acquisition d'un immeuble' et naît par conséquent dès lors que les deniers fournis sont bien utilisés pour acquérir un immeuble.

Il en résulte que le privilège grève de plein droit la totalité de l'immeuble acquis, même s'il est né du chef d'un seul des acquéreurs comme c'est le cas en l'espèce. Il s'agit donc d'une garantie autonome qui permet au prêteur de bénéficier d'une garantie sur la totalité du bien.

C'est dès lors à bon droit que l'acte du 20 novembre 2003 prévoit l'inscription du privilège du prêteur de deniers sur l'entier immeuble et précise expressément que Mme [T] est informée que l'inscription prise contre M. [C] porte sur la totalité du bien.

Il en résulte que la Banque pouvait poursuivre la vente forcée de l'immeuble dont elle a financé l'acquisition sans passer par une procédure préalable de partage et sans que puissent lui être opposés les démembrements de la propriété convenus entre les acquéreurs ou l'éventuelle inefficacité de ces conventions.

Il en résulte que la garantie est efficace nonobstant l'acquisition de l'immeuble en indivision sur la nue propriété et en tontine sur l'usufruit.

La publicité foncière est destinée à l'information des tiers et à leur rendre opposables les conventions portant sur les droits réels et les sûretés de sorte que le caractère restrictif de l'inscription litigieuse, tenant aux règles issues du décret du 4 janvier 1955, est sans incidence sur les droits que la Banque tient du titre.

De surcroît, la Banque, qui n'a pas mis en oeuvre sa garantie alors qu'elle avait conservé son droit de poursuivre la vente du bien sur saisie immobilière en application de l'article L.643-2 du code de commerce, ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec les diligences du notaire.

Elle doit être en conséquence déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS sauf à ce qu'il soit précisé qu'il s'agit de l'action en partage du bien immobilier sis [Adresse 2] ;

Le réforme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS de l'ensemble de ses demandes;

La condamne à payer à Me [U] [B] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [W] [C] ou de Mme [V] [T] ;

Condamne la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS aux dépens ;

Autorise Me [K] et LEMASSON, avocats, à recouvrer directement à son encontre les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/03765
Date de la décision : 12/09/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/03765 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-12;15.03765 ?
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