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28/03/2017 | FRANCE | N°13/08985

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 28 mars 2017, 13/08985


R.G : 13/08985









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 17 octobre 2013



RG : 11/13512

ch n°1





[T]



C/



SA BANQUE NEUFLIZE OBC





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 28 Mars 2017







APPELANTE :



Mme [T] [T]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]
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[Adresse 1]



Représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP AUGUST & DEBOUZY, avocats au barreau de PARIS





INTIMEE :



LA BANQUE NEUFLIZE OBC, SA, prise en la personne de ses représentants léga...

R.G : 13/08985

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 17 octobre 2013

RG : 11/13512

ch n°1

[T]

C/

SA BANQUE NEUFLIZE OBC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 28 Mars 2017

APPELANTE :

Mme [T] [T]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP AUGUST & DEBOUZY, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA BANQUE NEUFLIZE OBC, SA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Assistée du CABINET VEIL JOURDE, avocats au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Novembre 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Février 2017

Date de mise à disposition : 28 Mars 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

En 1998, Mme [T] [T] a confié à M [W] [L], expert comptable exerçant à LYON, la mission d'établir ses déclarations fiscales et sociales moyennant une rémunération mensuelle de 4 341,60F. TTC réglée jusqu'au début de l'année 2000 par prélèvement sur son compte à la Société Générale.

Suivant convention du 17 décembre 1999, elle a ouvert un compte à la Banque NEUFLIZE OBC.

Elle a les 13 et 26 avril 2000 tiré sur ce compte deux chèques d'un montant cumulé de 466 067 F. au profit de M [L] en remboursement de TVA que celui-ci avait acquittée pour son compte. Elle a, par la suite, donné mandat à M [L] de régler la TVA dont elle était redevable par prélèvement sur ce même compte.

Courant 2004, elle s'est vue notifier par l'administration fiscale des pénalités de retard pour non paiement dans les délais de l'impôt sur le revenu. Elle s'est alors inquiétée de la cause des importants prélèvements effectués sur son compte à la Banque OBC depuis mi-2000, non seulement par M [W] [L], mais également par M [L] [W] [A], par la SARL AUDIT [L] et par la SARL [L] ET ASSOCIES pour un montant de 1 539 964,92 €, dont seuls 78 950 € correspondaient au paiement de la TVA.

Elle a déchargé M [L] de sa mission en juin 2004. Par télécopies des 25 juin et 29 juillet 2004, elle a demandé à la Banque OBC d'annuler les autorisations de prélèvement données à M [W] [L] ou à la SARL [W] [L].

Par acte du 24 janvier 2005, elle a fait assigner la Banque OBC devant le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS aux fins d'obtenir sous astreinte la communication des originaux des autorisations de prélèvement. La Banque ayant indiqué que ses recherches ne lui avaient pas permis de retrouver les supports papier de ces autorisations, sa demande a été rejetée par ordonnance du 13 avril 2005.

Par acte du 10 mars 2005, Mme [T] [T] a fait assigner M [W] [L] devant le tribunal de grande instance de LYON à l'effet d'obtenir la restitution de la somme de 1 460 114,92 € qu'elle lui reprochait d'avoir détournée à des fins personnelles en abusant des autorisation de prélèvement qu'elle lui avait données.

Par acte du 17 juin 2005, elle a assigné la Banque OBC devant le tribunal de grande instance de PARIS, aux mêmes fins reprochant à la Banque d'avoir effectué des prélèvements sans mandat de sa part.

Cette instance a été renvoyée devant le tribunal de grande instance de LYON pour être jointe à celle introduite contre M [L] avec laquelle elle était connexe.

Par jugement du 6 novembre 2008, le tribunal de grande instance de LYON a ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'action publique engagée sur plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme [T] contre M [W] [L] le 4 juillet 2005.

Par jugement du 22 mai 2009, confirmé sur ces dispositions par arrêt de la cour d'appel de LYON du 9 juin 2010, le tribunal correctionnel de LYON a déclaré M [W] [L] coupable du délit d'abus de confiance et, statuant sur intérêts civils, l'a condamné à payer à Mme [T] la somme de 1 500 000 € à titre de dommages et intérêts. L'arrêt du 9 juin 2010 a fait l'objet d'une cassation par un arrêt du 16 juin 2011 limitée au quantum de la peine.

Suite à cet arrêt et par conclusions du 30 septembre 2011, l'instance en sursis devant le tribunal de grande instance de LYON a été reprise à l'encontre de la Banque NEUFLIZE OBC.

Par jugement du 17 octobre 2013, le tribunal a débouté Mme [T] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Par acte du 19 novembre 2013, Mme [T] a interjeté appel de ce jugement.

Au terme de conclusions notifiées le 19 octobre 2016, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la banque NEUFLIZE OBC à lui payer les suivantes :

* 1 528 464,03 € au titre des sommes soustraites,

* 166 843 € au titre de son préjudice fiscal,

* 277 251 € au titre de sa perte de revenu pour l'exercice 2011, liée aux différentes régularisations fiscales,

* 50 000 € au titre de son préjudice moral,

* 1 314 562,78 € au titre du gain manqué lié aux détournements réalisés par M [L] depuis 2004,

* 100 000 € au titre des frais de procédure liés aux mêmes détournements,

* 40.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* les dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL DE FOURCROY.

Elle fait valoir :

- que la banque a manqué à ses obligations en sa qualité de mandataire et de dépositaire en effectuant des prélèvements bancaires sans que le bénéficiaire ne justifie d'une autorisation de prélèvement puisqu'aucune autorisation de prélèvement n'a été établie au profit de la SARL Audit [L] & associés ou de [L] [W] [A],

- que si M [W] [L], à titre personnel, aurait pu bénéficier de prélèvements sur différents comptes en ne présentant qu'une seule autorisation grâce à la mention de son numéro national émetteur (NNE), il en va différemment pour la SARL Audit [L] & associés qui est une personne morale distincte de la société [L] & associés,

- que l'autorisation de prélèvement au profit de M [W] [L] invoquée par la banque ne peut justifier les prélèvements litigieux puisque la signature qui y est apposée est fausse et que les autres mentions obligatoires sont absentes, ce qui démontre un manquement de la banque à son obligation de vérification des autorisations qui lui étaient présentées,

- qu'aucun mandat tacite ou ratification tacite ne saurait être invoqué puisque les sommes prélevées sont le résultat d'une escroquerie,

- qu'elle n'est l'auteur d'aucun aveu judiciaire quant à l'existence d'autorisations de prélèvement au profit de M [L], à titre personnel, et de la SARL Audit [L] & associés, et qu'elle ne se contredit pas dès lors qu'elle ne conteste que l'existence des ces autorisations,

- que la banque a également manqué à son devoir de vigilance en sa qualité de mandataire et de dépositaire puisque les prélèvements aux fins de règlement de la TVA par l'expert-comptable est une pratique illégale et que les montants prélevés étaient conséquents et très différents,

- qu'en l'absence d'une telle faute, les agissements de M [W] [L] n'auraient pas pu prospérer,

- que la Banque a également commis une faute en ne conservant pas les autorisations de prélèvement, ce en contravention à son obligation légale, ce qui démontre sa légèreté,

- que la Banque a aussi manqué à son devoir d'information, la communication des relevés bancaires ne suffisant pas à écarter sa responsabilité dès lors qu'il reste possible de contester les opérations mentionnées malgré l'absence de protestation présumant de son accord,

- que sa vigilance a été trompée par les manoeuvres frauduleuses de M [L],

- que la Banque a également manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas suffisamment son attention sur les anomalies des prélèvements effectués après avoir constaté son inexpérience.

Au terme de conclusions notifiées le 19 septembre 2016, la banque NEUFLIZE OBC demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Mme [T] à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP LAFFLY & Associés.

Elle fait valoir :

- que si les autorisations de prélèvement ne peuvent être produites, l'assignation du 10 mars 2005 par laquelle Mme [T] mentionne avoir signé une autorisation de prélèvement constitue un commencement de preuve par écrit, complété par sa plainte avec constitution de partie civile, ses demandes d'annulation desdites autorisations ainsi que par le constat de l'existence d'un mandat par le jugement du 22 mai 2009 du tribunal correctionnel de LYON et par l'arrêt de la cour d'appel de LYON du 9 juin 2010, ce qui suffit à prouver l'existence d'une autorisation de prélèvement,

- qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information puisque les relevés bancaires mensuellement transmis à Mme [T] mentionnaient chaque prélèvement, son montant et son destinataire, que l'appelante ainsi informée n'a pas contesté ces opérations avant 2005, que ce silence vaut acceptation et que, si cette présomption peut être renversée, les déclarations de Mme [T] et le fait qu'elle ait elle-même effectué un virement complémentaire sur le compte 'SARL Audit [L] & associés' tendent à la renforcer,

- que Mme [T] a tacitement ratifié les opérations litigieuses en ne protestant pas durant les 14 mois écoulés à compter de la réception des relevés bancaires,

- que l'existence d'une autorisation de prélèvement étant l'une des conditions nécessaires à la commission de l'infraction pénale retenue à l'encontre de M [L], celle-ci est incontestablement établie puisque la décision rendue au pénal a autorité de la chose jugée au civil,

- que l'impossibilité de produire une copie des autorisations de prélèvement est sans incidence sur la solution du litige dès lors qu'elle n'est pas la cause du préjudice invoqué par Mme [T] et que la preuve de l'existence de ces documents est rapportée,

- que Mme [T] échoue à prouver la falsification de l'autorisation de prélèvement aux motifs que le compte intitulé '[L] [W]' n'est pas un compte personnel mais professionnel, et que rien n'indique que le document portant la signature contrefaite est le document utilisé dans le cadre des opérations litigieuses,

- qu'elle a parfaitement respecté son devoir de conseil puisque Mme [T] reconnaît elle-même avoir été plusieurs fois alertée mais qu'il n'appartient pas à une banque d'apprécier le montant ou la pertinence des prélèvements au nom de l'interdiction d'immixtion dans la gestion des affaires de ses clients,

- que la demande de dommages et intérêts portant sur le remboursement des sommes versées sur les comptes de M [L] est infondée dès lors qu'elle ne tient compte ni des sommes dues au titre des honoraires convenus ni de celles récupérées par l'appelante en application des décisions pénales ou de celles ayant servi à régler la TVA,

- que les demandes de réparation du préjudice fiscal et de remboursement des frais de justice ne sont pas justifiées,

- que la demande au titre du gain manqué calculé par rapport à des placements est infondée et peu crédible au regard des difficultés de Mme [T] à épargner pour l'avenir.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence d'autorisations de prélèvement donnant mandat à la Banque de payer

Selon l'article 1984, le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Selon l'article 1341 du code civil, la preuve des actes juridiques portant sur un montant supérieur à 1 500 € doit être faite par écrit de sorte que la preuve du mandat doit en principe être rapportée par écrit.

Selon l'article 1347, il est fait exception à cette règle lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qui le représente, rendant vraisemblable le fait allégué, les déclarations verbales consignées dans un acte public équivalant à un commencement de preuve par écrit. Dans cette hypothèse, le commencement de preuve par écrit peut être complété par tout élément de preuve extrinsèque ainsi que par un aveu extrajudiciaire.

En l'espèce, dans l'assignation devant le tribunal de grande instance de LYON délivrée à M [W] [L] le 10 mars 2005, Mme [T] indiquait à la page 3 :

'Dans le courant de l'année 2000, Monsieur [W] [L] a proposé à Mademoiselle [T] [T] de s'occuper à sa place du règlement de la TVA dont elle était redevable. Mademoiselle [T] [T] a accepté de lui confier la gestion de cette obligation fiscale. Elle a ainsi signé une autorisation de prélèvement à Monsieur [W] [L] sur son compte bancaire lui permettant ainsi de procéder directement au règlement de la TVA' ;

et à la page 5 :

'Mademoiselle [T] [T] n'a autorisé Monsieur [W] [L] qu'au prélèvement :

- de la somme mensuelle de 4.341,60 Francs TTC à titre d'honoraires

- des sommes correspondant à la TVA dont elle était redevable pour qu'il procède à son règlement à sa place'.

Dans sa plainte avec constitution de partie civile contre M [L] déposée le 4 juillet 2005, elle indiquait en pages 1 et 2 :

'Eu égard à son activité intense et, en conséquence, à son manque de temps, mademoiselle [T] [T] a souhaité confier la gestion de ses finances et de ses relations avec les différentes administrations sociales et fiscales à un expert comptable. C'est ainsi que des amis lui ont présenté monsieur [W] [L], expert comptable inscrit au tableau de l'Ordre Régional des Experts Comptables de LYON. Eu égard à la façon dont elle l'a rencontré, mademoiselle [T] [T] a considéré qu'elle pouvait lui faire entièrement confiance.

C'est dans ces conditions qu'il a été convenu que monsieur [W] [L] établirait les déclarations fiscales et sociales annuelles de mademoiselle [T] [T] moyennant le règlement d'un honoraire forfaitaire mensuel de 4.341,60 Francs TTC.

Dans le courant de l'année 2000, monsieur [W] [L] a proposé à mademoiselle [T] [T] de s'occuper à sa place du règlement de la TVA dont elle était redevable.

Mademoiselle [T] [T] a accepté de lui confier la gestion de cette obligation fiscale.

Elle a ainsi signé une autorisation de prélèvement à Monsieur [W] [L] sur son compte bancaire lui permettant ainsi de procéder directement au règlement de la TVA.

Mademoiselle [T] [T] avait alors une activité professionnelle ne lui permettant de se consacrer à la tenue de ses comptes que de manière ponctuelle.

Toutefois, constatant un prélèvement de plus de 150.000 Francs sur son compte bancaire, elle s'est interrogée sur le caractère assez important de ce prélèvement.

Elle s'est alors rapprochée de monsieur [W] [L] qui l'a assurée que la somme ainsi prélevée en règlement de la TVA présentait un caractère normal.

Eu égard à la compétence professionnelle de ce dernier dans le domaine fiscal et à la confiance sur laquelle elle pensait que leur rapport était établi, mademoiselle [T] [T] n'avait pas de raison de douter de la véracité de la réponse qui lui avait été faite',

en page 3 :

'Mademoiselle [T] [T] n'a autorisé monsieur [W] [L] qu'au prélèvement :

- de la somme mensuelle de 4.341,60 Francs TTC à titre d'honoraires,

- des sommes correspondant à la TVA dont elle était redevable pour qu'il procède à son règlement à sa place',

en page 4 :

'Au cours des années où monsieur [W] [L] gérait ses finances et ses relations avec les administrations fiscales et sociales, mademoiselle [T] [T] était en pleine ascension professionnelle.

Elle n'avait jamais eu à régler auparavant des impôts dont le montant pouvait être aussi important qu'à cette période et, en conséquence, elle ignorait le montant réel de la TVA qui pouvait lui être demandé par l'administration fiscale.

C'est pourquoi elle a fait confiance à monsieur [W] [L] qui lui a prétendu que le montant prélevé sur son compte présentait un caractère normal.

Par ailleurs, eu égard à la réglementation de la profession d'expert-comptable, à l'existence de règles déontologiques et aux instances ordinales qui la dirigent, la profession d'expert-comptable emporte la confiance au sein du grand public.

De plus, comme préalablement indiqué, monsieur [W] [L] a été présenté à mademoiselle [T] [T] par des amis.

Cette dernière n'avait donc a priori aucune raison de se méfier des agissements de monsieur [W] [L].

C'est dans ces conditions, et eu égard à ce qui précède, que mademoiselle [T] [T] a pu avoir l'impression que le montant prélevé par monsieur [W] [L] à titre de règlement de la TVA représentait réellement ce dont elle était redevable'.

Ainsi, Mme [T] a reconnu qu'elle avait dûment autorisé son expert comptable, M [W] [L], en qui elle avait, selon ses propres dires, une totale confiance, à prélever sur son compte, outre ses honoraires, le montant des sommes dont elle était redevable à l'administration fiscale et qui ne pouvaient être déterminées à l'avance ; qu'elle savait que ces prélèvements étaient nécessairement variables puisqu'elle s'est interrogée sur le caractère important de certains d'entre eux.

S'il est exact que le système des autorisations de prélèvement met en oeuvre une relation tripartite avec un double mandat, le débiteur autorisant son créancier à être payé par prélèvements sur son compte et la banque à débiter ledit compte des montants correspondant à ces paiements, il ressort de la brochure éditée par le Comité Français d'Organisation et de Normalisations Bancaires que ce double mandat prend la forme d'un document unique, mentionnant les coordonnées du débiteur, ceux de son compte à débiter et les coordonnées du créancier, identifié par un numéro national émetteur (NNE) obtenu auprès de sa banque.

Ce document est rempli et signé par le débiteur qui le retourne, accompagné d'un RIB, au créancier, lequel le transmet à l'établissement bancaire teneur du compte à débiter.

Il en résulte que les deux mandats sont indissociables et que la reconnaissance du mandat donné au créancier sur les modalités de paiement implique la reconnaissance du mandat de payer donné à la Banque.

Ainsi, Mme [T] ne peut avoir autorisé M [L] à effectuer des prélèvements sur son compte sans lui avoir adressé simultanément un RIB et avoir autorisé sa banque à effectuer les prélèvements.

Se fondant sur les investigations, interrogatoires ou constatations de la procédure d'instruction, ainsi que sur le déroulement des débats, Mme [T] ayant personnellement comparu à l'audience, le Tribunal Correctionnel de Lyon, dans son jugement du 22 mai 2009, a énoncé en page 7 :

'Attendu que [T] [T] soutient avoir donné mandat à [W] [L] aux fins de paiement pour son compte de la TVA par elle due à l'administration fiscale française, en l'autorisant à prélever régulièrement sur son compte bancaire les fonds destinés auxdits paiements',

en page 8 :

'Attendu qu'il s'ensuit qu'au moins dès l'année 2000, [W] [L] a régulièrement procédé à d'importants prélèvements de fonds sur les comptes bancaires de [T] [T] en vertu d'un mandat par cette dernière à lui confié aux fins de paiement de la TVA pour son compte tout en s'abstenant d'affecter ceux-ci à l'usage ainsi convenu auquel ils étaient destinés'.

Dans son arrêt correctionnel du 9 juin 2010, la Cour d'Appel de LYON, se référant à son tour aux déclarations de Mme [T], qui avait comparu en personne à l'audience, a énoncé en page 7 :

'Attendu que [T] [T] a soutenu avoir donné mandat à [W] [L] aux fins de paiement, pour son compte, de la TVA par elle due à l'administration fiscale française, en l'autorisant à prélever régulièrement sur son compte bancaire les fonds destinés auxdits paiements ;

Attendu, à cet égard, que la preuve du contrat dont la violation caractérise l'abus de confiance, peut être déduite des éléments de fait dès lors que ces éléments ne laissent aucun doute sur l'existence et la qualification dudit contrat'.

Il en ressort que Mme [T], qui a personnellement comparu aux audiences correctionnelles de première instance et d'appel, a confirmé l'existence d'autorisations de prélèvement dont elle faisait état tant dans l'assignation devant la juridiction civile que dans sa plainte avec constitution de partie civile, seule l'existence de ces autorisations ayant pu conduire le tribunal puis la cour à constater l'existence du mandat qu'elle avait donné à son expert comptable de prélever, sur son compte bancaire, des fonds destinés au paiement des impôts dont elle était redevable et à retenir la culpabilité du prévenu du chef d'abus de confiance.

Les décisions de justice pénale ont, au civil, autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé de sorte que la qualification d'abus de confiance donnée par la cour aux faits délictueux dont elle était saisie établit irrévocablement l'existence des autorisations de prélèvement.

Mme [T] ne peut donc contester la force probante de ses propres écrits et déclarations, qui constituent autant de commencements de preuve par écrit de l'existence d'autorisations de prélèvement ni la matérialité des faits qui forment le soutien nécessaire des décisions pénales.

Le silence gardé par le client d'une banque, après la réception du relevé de son compte, vaut approbation des écritures qui y figurent. Cette approbation constitue une présomption d'accord, laissant au client la faculté de rapporter la preuve d'éléments propres à l'écarter. L'absence d'examen par le client de ses relevés de compte n'est pas de nature à écarter la présomption d'accord.

Durant toute la période considérée, soit près de quatre années, Mme [T] a reçu chaque mois de la banque OBC des relevés de son compte.

Il ressort de la lecture de ces documents qu'ils mentionnent systématiquement :

- la nature de l'opération : Prélèvement

- son montant,

- l'identité du bénéficiaire (M. [W] [L] ou [L] et associés ou SARL Audit [L]).

Pour la période de juin 2000 à juin 2004, ces relevés faisaient apparaître 122 prélèvements au profit de Me [W] [L], de [L] et associés et de la SARL AUDIT [L].

Or Mme [T] n'a, à réception de ces relevés, pas contesté la régularité des prélèvements. A supposer qu'elle ait ignoré qu'elle disposait de la faculté de les faire rejeter dans un délai de huit semaines ou de révoquer l'autorisation donnée pour l'avenir, le constat d'une irrégularité touchant au bénéficiaire du prélèvement devait nécessairement l'amener à contacter la banque.

Il résulte de l'ensemble des explications qu'elle a fournies tant dans le cadre de la procédure pénale que dans le cadre de la présente procédure qu'elle faisait une confiance aveugle à M [L], ce que confirme M [B], gestionnaire de son compte OBC, dans son audition par les enquêteurs le 24 janvier 2007 :

'Chaque fois que j'ai fait le point avec [T] [T] dont une fois avec son père, elle avait parfaitement connaissance des prélèvements et son argument était toujours qu'elle avait confiance en ce prestataire de service qui payait pour elle la TVA. Jamais elle n'a remis en cause ses prélèvements de juillet 2000 à juin 2004".

Il s'en déduit que M [L] était en capacité de la convaincre de signer ce dont il avait besoin pour procéder à ses opérations délictueuses sans recourir à des faux. Cette analyse est confortée par le fait qu'elle a, nonobstant les très importants prélèvements déjà opérés, signé le 5 février 2004, un ordre de virement de la somme de 6 000 € dont le bénéficiaire était la SARL AUDIT [L] ET ASSOCIES, de sorte que son absence de protestation à réception des relevés de compte apparaît comme la reconnaissance pure et simple des autorisations données.

En tout état de cause, Mme [T] ne rapporte pas la preuve lui incombant propre à combattre la présomption d'accord sur les écritures mentionnées sur les relevés mensuels.

Agée à l'époque considérée de 25 à 29 ans, elle ne saurait prétendre qu'elle ne disposait de facultés de discernement suffisantes pour lire les relevés de comptes, comprendre leur contenu qui était parfaitement explicite et constater la présence des multiples prélèvement opérés pour des montants non négligeables par M [L] ou les nébuleuses [L].

Elle doit donc être considérée comme ayant tacitement ratifié les opérations litigieuses. Ce comportement ajouté à aux écrits et déclarations précédemment analysés suffit à faire la preuve de la préexistence de l'ensemble des mandats de prélèvement ayant permis le détournement des fonds.

La perte par la banque OBC des supports écrits des autorisations de prélèvement n'est pas la cause du préjudice subi par Mme [T] et, par là même, indifférente à la solution du litige.

Sur le manquement au devoir de conseil

La banque gestionnaire d'un compte a un obligation de non immixtion dans les affaires du client et n'a pas à intervenir dans la gestion des avoirs du client confiés à un tiers.

M [B], alors salarié de la Banque OBC, gestionnaire du compte de Mme [T], a déclaré aux services de police lors de son audition du 24 janvier 2007 qu'il avait mis en garde la cliente à plusieurs reprises exposant de façon circonstanciée ses interventions dans les termes suivants :

'Rapidement j'ai constaté qu'il apparaissait de nombreux mouvements, et au final, que l'argent ' filait' à flot, qu'il était dépensé très vite, et qu'elle n'arrivait à épargner malgré des revenus très conséquents.

Comme elle était jeune je me suis permis à plusieurs reprises de la conseiller, en fait, on pourrait dire de la 'sermonner', attirant son attention sur le fait qu'il lui aurait fallu épargner en vue de l'avenir, cette profession étant particulièrement aléatoire.

Elle m'a expliqué qu'outre son train de vie, elle devait faire face à des montants que prélevait son expert comptable, qui étaient très importants. Ceux-ci étaient pris sur le compte OBC pour payer la TVA.

Ces montants m'ont intrigué, et l'interrogeant sur leur justification, elle m'a toujours répondu, une fois même en présence de son père qui l'accompagnait, qu'elle avait totalement confiance en Monsieur [L] qui lui avait été présenté par des amis ...

Je me suis préoccupé plus de la situation de son compte et de son patrimoine que de sa comptabilité qui ne relevait pas de ma compétence ; il était normal à mon sens qu'elle paie une TVA dans le cadre d'un contrat commercial, comme celui de Lancôme. En ce qui concerne le montant même de cette TVA, il ne m'appartenait pas d'évaluer celui-ci'.

'Chaque fois que j'ai fait le point avec [T] [T] dont une fois avec son père, elle avait parfaitement connaissance des prélèvements et son argument était toujours qu'elle avait confiance en ce prestataire de service qui payait pour elle la TVA. Jamais elle n'a remis en cause ses prélèvements de juillet 2000 à juin 2004".

Ce témoignage particulièrement circonstancié suffit à établir que la Banque a rempli son obligation de surveillance du compte et son devoir de mise en garde et Mme [T] ne saurait prétendre que la banque n'aurait pas attiré son attention sur l'importance des prélèvements litigieux.

La Banque n'assurant qu'une fonction de dépositaire, elle n'avait pas à s'assurer de la conformité des prélèvements opérés sur le compte avec la mission confiée par la cliente à son expert comptable et c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'elle n'avait pas à vérifier si les prélèvements effectués correspondaient bien aux salaires de M [L] et au paiement de la TVA.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [T] [T] à payer à la Banque NEUFLIZE OBC la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens ;

AUTORISE la SCP LAFFLY & Associés, avocats, à recouvrer directement à son encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/08985
Date de la décision : 28/03/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/08985 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-28;13.08985 ?
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