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21/02/2017 | FRANCE | N°15/03153

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 21 février 2017, 15/03153


R.G : 15/03153









Décision du

Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE

Au fond

du 11 mars 2015



RG : 12/02218

ch n°1





SA GAN ASSURANCES

SA GROUPAMA GAN VIE



C/



[Y]

[S]

SARL MBD

SELARL EUROPE ASSURANCES LOIRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 21 Février 2017





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APPELANTES :



La Société GAN ASSURANCES, SA, Entreprise régie par le Code des Assurances, précédemment dénommée GAN Assurances IARD, poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]



Représentée par la S...

R.G : 15/03153

Décision du

Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE

Au fond

du 11 mars 2015

RG : 12/02218

ch n°1

SA GAN ASSURANCES

SA GROUPAMA GAN VIE

C/

[Y]

[S]

SARL MBD

SELARL EUROPE ASSURANCES LOIRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 21 Février 2017

APPELANTES :

La Société GAN ASSURANCES, SA, Entreprise régie par le Code des Assurances, précédemment dénommée GAN Assurances IARD, poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par la SCP RIVA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assistée de Me Jacques FOUERE, avocat au barreau de PARIS

La Société GROUPAMA GAN VIE SA, Entreprise régie par le Code des Assurances, précédemment dénommée GAN Assurances Vie, poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par la SCP RIVA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assistée de Me Jacques FOUERE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

M. [M] [Y]

[Adresse 11]

[Localité 5]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assisté de Me Annick SADURNI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Mme [R] [S], es qualité de liquidateur et d'ancienne associée de la société EUROPE ASSURANCES LOIRE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SELAS D.F.P. & ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE

La société MBD, SARL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 13]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Annick SADURNI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

SARL EUROPE ASSURANCES LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 12]

défaillante

******

Date de clôture de l'instruction : 16 Juin 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Janvier 2017

Date de mise à disposition : 21 Février 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par traité de nomination du 29 avril 2002, M. [M] [Y] a été nommé agent général de la société GAN ASSURANCES et de la société GROUPAMA GAN VIE, à [Localité 8].

Le 30 avril 2010, M. [Y] a présenté sa démission, laquelle a été acceptée par courrier du 3 mai 2010, à effet au 31 octobre 2010.

A cette occasion, les parties ont décidé de fixer l'indemnité de cessation de fonctions, après compensation avec l'indemnité de reprise due, à la somme de 104 091 €. Le 11 mars 2011, M. [Y] a reçu à titre d'acomptes deux versements d'un montant respectif de 60 000 € et 18 000 €.

La gestion provisoire de l'agence d'[Localité 8] a été confiée à la société EURL MEDITERRANEE devenue SUD-EST ASSURANCES. Cette dernière a repris l'ancienne salariée de M. [Y], Mme [R] [S].

Le 3 août 2010, M. [Y] a constitué une société MBD, ayant son siège social à [Localité 13], pour objet le courtage d'assurance et exerçant à l'enseigne Europe Assurances.

Le 5 novembre 2011, l'EURL SUD-EST ASSURANCES a licencié Mme [R] [S] pour faute grave, lui reprochant essentiellement d'effectuer sans son accord et avec le matériel de l'entreprise, des opérations de courtage, notamment pour le compte de la société MBD, constitutifs de manquements à la loyauté. Dans le cadre de cette procédure, Mme [S] a reconnu l'exercice de cette activité avec le statut d'auto-entrepreneur, un jour par semaine en dehors de ses horaires et de son lieu de travail, suite à l'autorisation qui lui avait été donnée par son précédent employeur, M. [Y] le 1er octobre 2010.

Le 13 décembre 2011, Mme [S] a constitué la société EUROPE ASSURANCES LOIRE dont elle était l'unique associée exerçant une activité d'assurance à [Localité 12].

Faisant valoir qu'elles avaient constaté une augmentation inhabituelle pendant le courant de l'année 2011 du nombre des résiliations de contrats par les clients constituant le portefeuille de l'agence d'ANDRÉZIEUX-BOUTHÉON ainsi que des demandes de tarification auprès d'autres compagnies à l'en tête de EUROPE ASSURANCES 'agence LOIRE' ou de MBD, les sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE ont, par acte d'huissier du 22 juin 2012, fait assigner M. [Y], la société MBD et la société EUROPE ASSURANCES LOIRE devant le tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE aux fins de voir prononcée la déchéance de M. [Y] de son droit à indemnité de cessation de fonctions, d'obtenir le remboursement de la somme versée à ce titre, de voir faire interdiction à M. [Y], à la société MBD et à la société EUROPE ASSURANCES LOIRE d'exercer toute activité d'assurance dans l'ancienne circonscription de l'agence d'ANDRÉZIEUX-BOUTHÉON, ce sous peine d'astreinte et de les voir condamnés à réparer le préjudice causé par leurs actes de concurrence déloyale.

La société EUROPE ASSURANCES LOIRE ayant fait l'objet d'une radiation ensuite de la clôture à la date du 20 décembre 2013 de sa liquidation amiable, les sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE ont alors fait appeler en cause Mme [S] à l'effet de voir sa responsabilité personnelle retenue sur le fondement des articles L.237-2 et L.223-1 du code de commerce.

Par jugement du 11 mars 2015, le tribunal a :

- rejeté les demandes des sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE comme non fondées,

- condamné solidairement lesdites sociétés à payer à M. [Y] la somme de 26 091€, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2011,

- condamné les mêmes sociétés à payer à M. [Y] et à la société MBD la somme de 3 000 €, à Mme [S] celle de 3 000 €, ce en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par acte du 13 avril 2015, les sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE ont interjeté appel de cette décision.

Au terme de conclusions notifiées le 26 avril 2016, elles demandent à la cour de réformer le jugement déféré et de :

- écarter des débats les attestations n°1 à 5 versées par M. [Y],

- ordonner la déchéance de M [Y] de son droit à indemnité de cessation de fonctions d'un montant de 104 091 € et le condamner à leur rembourser la somme de 78 000 € versée à titre d'acompte, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2011,

- condamner M. [Y], la société MBD, la société EUROPE ASSURANCES LOIRE (sic) et Mme [S] à leur payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, celle de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP MAURICE RIVA VACHERON.

Elles font valoir :

- que Mme [S] a engagé sa responsabilité en sa qualité de liquidateur de la société EUROPE ASSURANCES LOIRE pour avoir procédé à la liquidation de la société alors qu'une instance était pendante et sans affecter à titre de provision le bonus de liquidation au paiement de la condamnation encourue,

- que cette dernière a également engagé sa responsabilité en sa qualité d'ancienne associée de la société EUROPE ASSURANCES LOIRE, aujourd'hui liquidée, puisqu'elle est alors tenue de la dette sociale à concurrence du bonus de liquidation, soit la somme de 22 953,51 €,

- que M. [Y] a violé les conditions de la convention de 2002 lui interdisant de se rétablir dans la circonscription de son ancienne agence et de souscrire, directement ou indirectement, des contrats auprès d'anciens assurés, pendant 3 ans, du fait de la demande de bénéficier de l'indemnité de cessation de fonctions ; qu'elles ont effectivement constaté un nombre important de résiliations de contrats d'assurance en 2011 ainsi que des souscriptions de contrats par d'anciens clients de l'agence d [Localité 8] proposés par la société MBD et M. [Y], notamment par l'intermédiaire de Mme [S] et de la société EUROPE ASSURANCES LOIRE,

- que les agissements de M. [Y], de Mme [S], de la société MBD et de la société EUROPE ASSURANCES LOIRE sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale, justifiant leur condamnation solidaire ou in solidum au paiement d'une somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts,

- que Mme [S] a été jugée par le conseil des prud'hommes comme ayant été licenciée pour cause réelle et sérieuse, que ce jugement ne tient pas compte des faits postérieurs au licenciement, qu'il ne statuait que sur les rapports entre Mme [S] et la société SUD-EST ASSURANCES, et non entre la société EUROPE ASSURANCES LOIRE et les sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE.

Au terme de conclusions notifiées le 31 août 2015, Mme [S] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de :

- faire application de l'ancien article 1154 du code civil à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner les sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE à lui payer la somme supplémentaire de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me PERRIER.

Elle entend s'approprier les motivations de la décision de première instance, conformément à l'article 954 du code de procédure civile, selon lesquelles :

- le conseil des prud'hommes de MONTBRISON dans sa décision définitive du 3 septembre 2013 l'a exemptée de toute critique,

- elle n'était pas liée aux sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE par une clause de non réinstallation, ce qui l'autorisait à opérer une reconversion à la suite de son licenciement fautif,

- le démarchage illicite de clients de l'agence n'est pas établi, de même que l'existence d'une activité de concurrence déloyale.

Au terme de conclusions notifiées le 14 mars 2016, M. [Y] et la société MBD demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :

- dire n'y avoir lieu de lui interdire de proposer des opérations d'assurance ou de démarcher des clients de l'ancienne agence, débouter les sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE de leurs demandes de paiement de la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ainsi que celle de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE à payer à M. [Y] la somme de 26 091 € au titre de l'indemnité de cessation de fonction restant due, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2011,

- les condamner in solidum, ou qui mieux le devra, à leur payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me SADURNI.

Ils font valoir :

- que le nombre important de résiliations intervenues pendant l'année 2011 est étranger à l'activité de M. [Y] et s'explique notamment par le défaut de suivi des clients et l'absence d'agent général dans l'agence d'[Localité 8],

- qu'aucun lien n'existe entre les sociétés EUROPE ASSURANCES LOIRE et EUROPE ASSURANCES,

- que la société MBD a son siège social à [Localité 13], en dehors de la circonscription de l'ancienne agence de M. [Y],

- que M. [Y] n'a pas démarché les clients de son ancienne agence, qu'il leur a, au contraire, conseillé de ne pas résilier leur contrat avec GAN ASSURANCES, seuls quelques clients l'ayant effectivement contacté,

- qu'en l'absence de violation de la convention de nomination de 2002, l'indemnité de cessation de fonction lui est bien due.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la déchéance du droit à indemnité de cessation de fonction

Le statut des agents généraux d'assurance est d'ordre public et la convention du 16 avril 1996, approuvée par le décret du 15 octobre 1996, applicable à compter du 1er janvier 1997, précise qu'elle constitue le cadre impératif dans lequel doivent s'inscrire les traités de nomination des agents généraux.

Selon l'article 1er alinéa 6 de ce décret, sauf en cas de rétablissement ou lorsque la cessation résulte d'une cession de gré à gré, la cessation de mandat ouvre droit à une indemnité au profit de l'agent général.

Selon chapitre VIII, B, 2, f) du traité de nomination liant M. [M] [Y] au GAN ASSURANCES, la perception de l'indemnité de cessation de fonctions emporte interdiction pour l'agent, pendant un délai de trois ans, de se rétablir dans la circonscription de son ancienne agence et d'autre part de faire souscrire directement ou indirectement des contrats d'assurance auprès de ses anciens assurés.

Le manquement à l'obligation de non concurrence ainsi édictée entraîne la perte automatique du droit à l'indemnité compensatrice, s'agissant d'un mécanisme statutaire, assimilable à une déchéance, destiné à assurer l'efficacité de l'obligation de non-rétablissement, contrepartie nécessaire du versement de l'indemnité compensatrice.

En l'espèce, les appelantes produisent 83 lettres de résiliation de contrats GAN émanant de clients de l'agence d'[Localité 8], intervenues entre le 30 juin 2011 et le 1er juin 2012.

Les mentions manuscrites des formulaires de résiliation du GAN intitulés 'lettre recommandée de demande de résiliation' adressés par une trentaines de clients sont toutes de la même main. Leur comparaison avec les échantillons d'écriture figurant sur les pièces contractuelles et sur les documents de calcul et d'acceptation de l'indemnité de cessation de fonction fait apparaître qu'il s'agit de l'écriture de M. [M] [Y].

Les lettres de résiliation envoyées par M. [T] [O] et Mme [L] [H] ont été postées de [Localité 13], ville située à plus de 80 km du lieu de résidence des assurés, et lieu du siège social de la société MBD.

Le 7 février 2011, divers devis ont été proposés par MBD EUROPE ASSURANCES à M. [P] pour un contrat NOVELIA alors qu'il est établi par le relevé d'informations GAN que M. [P] était client de l'agence d'[Localité 8].

Ces éléments précis et concordants établissent que M. [M] [Y], sous couvert de la SARL MBD, a continué à prospecter la clientèle de son ancienne agence. Il importe peu, au regard de la sanction de déchéance, que certains clients l'aient volontairement suivi en raison de l'existence de liens d'amitié ou de famille ou de relations de confiance dès lors que le traité prohibait la souscription directe ou indirecte de contrats par d'anciens assurés.

Les demandes de tarification auprès de sociétés d'assurance concurrentes versées aux débats par les assureurs font apparaître que Mme [S], lorsqu'elle exerçait sous le statut d'auto-entrepreneur concurremment avec son travail salarié pour la société SUD-EST ASSURANCES, utilisait du papier à en-tête portant le logo 'EA' suivi de 'EUROPE Assurances', identique à celui de la société MBD ; que le bas de page mentionnait les coordonnées de la Sarl MBD, rappelant le siège social de [Localité 13] et l'adresse courriel '[Courriel 9]', l'expéditeur du courrier se présentant comme 'AGENCE LOIRE' - '[R] [S]' avec les coordonnées d'une boîte postale à [Localité 12] et une adresse courriel '[Courriel 10]'.

La lecture de la proposition de contrat adressée le 12 octobre 2011 par NOVELIA à M. [N] révèle que cette proposition était envoyée depuis [Localité 13] d'une part et que la rubrique 'vos contacts' mentionnait MDB EUROPE ASSURANCES suivie des coordonnées de EUROPE ASSURANCE LOIRE d'autre part. Il est établi par un relevé d'informations GAN daté du même jour et signé par Mme [S] en sa qualité de salariée de l'agence, que M [N] était client de l'agence d'[Localité 8].

De la même manière, les pièces du dossier [P] font apparaître que cette société a été rendue destinataire de divers devis d'assurance à en-tête de MBD EUROPRE ASSURANCES à [Localité 13], établis le 7 février 2011, ainsi que d'un relevé d'information sur ses contrats GAN en cours édité par l'agence d'[Localité 8] le même jour.

Il ressort d'un relevé d'informations daté du 12 octobre 2011, signé de Mme [S] en sa qualité de salariée de l'agence d'[Localité 8], que M. [K] [C] a résilié son contrat auto GAN le 28 février 2011 et d'un relevé d'information MAXANCE en date du même jour, 12 octobre 2011, qu'il a souscrit en lieu et place le 1er mars 2011 un contrat auprès de cette compagnie par l'intermédiaire de MBD.

Il résulte des pièces relatives au dossier [E] que Mme [S] a établi une note de couverture au profit de cet assuré sous l'enseigne 'EUROPE ASSURANCES LOIRE' le 27 avril 2011 et que le courrier confirmatif de l'adhésion de l'assuré en date du 14 juin 2011 émane de la société MDB [Localité 13].

Sur cette même note de couverture apparaît également la photocopie de la carte de visite professionnelle de Mme [R] [S], la présentant comme 'courtier en assurances', portant le logo 'EUROPE ASSURANCES' suivi de la mention 'agence LOIRE' ainsi que les coordonnées de cette dernière.

Les relevés des communications téléphoniques de l'agence d'[Localité 8] démontrent l'existence d'appels réguliers à MBD, à NOVELIA, à ZEPHIR et à MAXANCE ainsi qu'à destination du fax de MBD. Ces communications ne peuvent qu'être mises en lien avec l'activité de courtier exercée par Mme [S].

Ces éléments suffisent à démontrer que Mme [S] représentait MBD sur le secteur de [Localité 12], se présentant comme l''agence LOIRE' de l a société, et que M. [M] [Y] s'est rétabli par son intermédiaire et sous couvert de MBD sur ce secteur.

Bien que la circonscription de l'ancienne agence de M. [M] [Y] ne soit pas précisément définie par le traité, il est incontestable que [Localité 12], situé à faible distance d'[Localité 8], se trouve sur le territoire de cette agence.

Les manquements de M. [Y] à son obligation de non concurrence sont par conséquent avérés de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement, de déclarer M. [M] [Y] déchu de son droit à indemnité de cessation de fonction et de le condamner à restituer les acomptes perçus.

Sur l'action en concurrence déloyale

Selon l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, celui qui par sa faute cause un dommage à autrui est tenu de le réparer. C'est à celui qui recherche la responsabilité de l'auteur d'un dommage de rapporter la preuve d'une faute qui lui est imputable, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.

La responsabilité pour concurrence déloyale suppose une faute caractérisée par des agissements positifs distincts de la seule violation de l'obligation de non concurrence sanctionnée par la perte de l'indemnité compensatrice. Le seul déplacement de clientèle consécutif au départ de l'agent ne caractérise pas une telle faute en l'absence de manoeuvre positive de démarchage, détournement ou dénigrement.

Tout acte de concurrence déloyale cause nécessairement un préjudice à celui au détriment duquel la concurrence est exercée.

En l'espèce, il est établi par les éléments des dossiers [N], SAS [P] et [C] précédemment analysés et en particulier de l'édition par Mme [S] des relevés d'informations GAN et de l'édition concomitante de propositions d'assurances ou de relevés d'informations émanant d'un assureur concurrent et mentionnant tous MBD comme intermédiaire, que Mme [S] a prospecté pour le compte de MBD des clients de l'agence d'[Localité 8] dans l'exercice de ses fonctions de salariée de la société SUD-EST ASSURANCES.

Les informations fournies par les relevés des communications téléphoniques et le listing du télécopieur du 9 septembre 2011 confirment les relations suivies de Mme [S] dans le cadre de son activité salariée non seulement avec MBD mais également avec NOVELIA, ZEPHIR ou MAXANCE avec lesquelles il est acquis par ailleurs qu'elle a été en relation en vue de proposer de nouveaux contrats de la concurrence à des clients de l'agence.

Il est ainsi établi que M. [M] [Y] n'a pas seulement manqué à son obligation de non installation et à celle de ne pas contracter avec ses anciens clients mais qu'il a, par l'intermédiaire et avec la complicité de Mme [S], sous couvert de la société MBD, démarché son ancienne clientèle ce qui caractérise des actes de concurrence déloyale. Le préjudice souffert par son ancien mandant est la perte de clientèle correspondant aux résiliations consécutives à son intervention.

La responsabilité de la société MBD est également engagée du fait de ces agissements effectués par son dirigeant dans l'exercice de ses fonctions.

S'agissant de Mme [S], celle-ci n'est pas fondée à opposer au GAN, qui n'y était pas partie, la décision, certes irrévocable, du conseil de prud'hommes de MONTBRISON en date du 3 septembre 2013 rendue dans l'instance relative à son licenciement. Elle ne saurait dès lors se prétendre lavée de tout comportement fautif à l'égard des appelantes.

Il est acquis qu'elle s'est inscrite en tant qu'auto entrepreneur en courtage en assurances à compter du 1er octobre 2010 concomitamment au départ de M. [Y] de l'agence d'[Localité 8] en date du 31 octobre, que cette activité a été pratiquée de façon occulte tant à l'égard de son employeur, la société SUD-EST ASSURANCES, que du fait de sa non inscription pourtant obligatoire à l'ORIAS en qualité de courtier avant le mois de février 2012. Les documents émanant de son auto-entreprise font apparaître qu'en outre elle ne disposait pas d'un local professionnel lui permettant de se faire connaître du public ce qui amène à considérer qu'elle n'entendait pas exercer son activité au grand jour.

En proposant des devis et des contrats de la concurrence aux clients de l'agence dans laquelle elle travaillait, Mme [S] savait nécessairement commettre des actes de concurrence déloyale. Les conditions de son installation en tant qu'auto-entrepreneur en courtage confirment la conscience qu'elle avait du caractère illicite de son activité.

Il convient en conséquence de la condamner avec M. [M] [Y] et la société MBD à réparer le préjudice subi par les appelantes du fait de la perte des clients détournés.

S'agissant de la société EUROPE ASSURANCES LOIRE, il est acquis que celle-ci n'a plus d'existence suite à la clôture de sa liquidation et à sa radiation du registre du commerce et des sociétés de SAINT-ETIENNE de sorte que les demandes des assureurs dirigées à son encontre sont irrecevables.

Les éléments tirés du dossier permettent à la cour de fixer l'indemnité réparant équitablement le préjudice résultant de la perte de clientèle consécutive aux détournements à la somme de 10 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

DECHOIT M. [M] [Y] de son droit à indemnité de cessation de fonctions d'un montant de 104 091 € ;

LE DEBOUTE de sa demande en paiement du solde de ladite indemnité ;

LE CONDAMNE à payer aux sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE indivisément la somme de 78 000 € versée à titre d'acompte, ce outre intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2011 ;

CONDAMNE M. [M] [Y], la SARL MBD et Mme [R] [S] à payer aux sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, ce outre intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

DECLARE irrecevables les demandes dirigées par contre la société EUROPE ASSURANCES LOIRE ;

CONDAMNE M. [M] [Y], la SARL MBD et Mme [R] [S] à payer aux sociétés GAN ASSURANCES et GROUPAMA GAN VIE la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LES CONDAMNE aux dépens ;

AUTORISE la SCP MAURICE RIVA VACHERON, avocats, à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/03153
Date de la décision : 21/02/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/03153 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-21;15.03153 ?
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