R.G : 15/00263
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 01 décembre 2014
RG : 13/01806
ch n°4
Société MUTUELLE FRATERNELLE D'ASSURANCES
C/
[N]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Janvier 2017
APPELANTE :
MFA, Société d'Assurances à cotisations variables, représentée par son Directeur en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Me Emmanuel LAROUDIE, avocat au barreau de LYON
INTIME :
M. [I] [N]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représenté par Me Stéphanie MANTIONE, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/015143 du 04/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
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Date de clôture de l'instruction : 07 Avril 2016
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Novembre 2016
Date de mise à disposition : 10 Janvier 2017
Audience tenue par Marie-Pierre GUIGUE, faisant fonction de président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier
A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
Le 9 octobre 2010, M. [N] a acquis un véhicule automobile d'occasion de marque BMW immatriculé [Immatriculation 1] pour l'exercice sa profession de taxi au prix de 56 000 euros. Le certificat d'immatriculation mentionne un cotitulaire M. [P] auquel M. [N] déclare avoir loué sa licence.
Le même jour, M. [N] a souscrit un contrat d'assurance automobile auprès de la Mutuelle Fraternelle d'Assurances (MFA).
Le 18 septembre 2011, M. [N] a déclaré l'incendie de son véhicule et a déposé plainte auprès des services de police de Vienne (Isère).
Dans le même temps, il a déclaré le sinistre auprès de MFA.
Lors du traitement du dossier sinistre par MFA, cette dernière a été informée par l'EQUITE/AMV que M. [N] avait omis de déclarer le vol le 26 novembre 2009 de l'un de ses véhicules pour lequel il avait été indemnisé par cet assureur sans le signaler à MFA. En outre, MFA s'est aperçu qu'il avait fourni, au lieu du relevé d'information le concernant, un relevé au nom de son épouse.
Compte-tenu de ces éléments, MFA a opposé à M. [N] la nullité de sa garantie pour fausse déclaration intentionnelle.
Par assignation du 6 février 2013, M. [N] a assigné la société MFA devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement de la somme de 56 000 euros à titre d'indemnité due en garantie du sinistre incendie et dommages et intérêts au titre du préjudice causé par le retard dans l'exécution de son obligation de garantie.
Par jugement du 1er décembre 2014, le tribunal a :
- dit que le contrat d'assurance est valable,
- condamné la MFA à payer à M. [N] la somme de 56 510 euros et la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la MFA de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.
La MFA a relevé appel et demande à la cour de :
- réformer le jugement, sauf en ce qu'il débouté M. [N] de ses demandes de dommages et intérêts,
- dire nulle la garantie d'assurance, de débouter M. [N] de ses demandes,
- condamner M. [N] à payer à la MFA la somme de 2 531,01 euros au titre des primes impayées et la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
à titre subsidiaire, de constater que l'indemnité à lui revenir ne peut excéder la somme de 45 259,58 euros après déduction de la TVA et de la franchise.
La MFA soutient :
- que l'article L 113-8 du Code des Assurances définit les éléments constitutifs de la fausse déclaration intentionnelle des risques, qu'il sanctionne par la nullité du contrat,comme suit :
«Le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.»
- que l'article 26.13 des conditions générales du contrat d'assurance stipule que :
«Le conducteur qui désire être assuré auprès d'un nouvel assureur s'engage à fournir à celui-ci le relevé d'informations délivré par l'assureur du contrat qui le garantissait précédemment, au souscripteur de ce contrat.»
- que l'article 28.1 des mêmes conditions générales intitulé «Déclarations à la souscription (article L.113-2 2° du Code des assurances) » poursuit :
«Les conditions de garanties et de tarification sont établies d'après les déclarations du souscripteur.
Le souscripteur doit répondre avec exactitude et sincérité à toutes les demandes de renseignements de la MFA que les circonstances qui sont de nature à nous faire apprécier les risques qu'il demande à la MFA d'assurer.»
- que les conditions particulières versées au débat (pièce n°2) et datées du 7/12/2010 font expressément références à celles du 09/10/2010 (page 1 «le contrat est remplacé sous le même numéro à effet du 09/10/2010 à 00h00») de sorte que ces conditions sont parfaitement valables et applicables dès lors qu'elles font références aux conditions d'origine,
- que l'omission de déclaration d'un fait important tel qu'un sinistre précédent ainsi que la production concomitante d'un relevé d'assurance de l'épouse ne faisant apparaitre aucun sinistre, témoignent de la volonté de tromper,
- que cette démarche positive, indépendante du questionnaire, doit conduire la cour à retenir la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle,
- que M. [N] ne pouvait ignorer, à la lecture des conditions générales d'assurance, qu'il devait transmettre à MFA tous éléments de nature à évaluer le risque garanti, et ce de manière exacte et sincère, et notamment le sinistre vol qu'il prétend avoir oublié bien que survenu dans les 36 mois précédant le sinistre,
- que la mauvaise foi de M. [N] est également avérée s'agissant de l'exécution du contrat, au vu du kilométrage mentionné sur le questionnaire, ce dernier étant nettement minoré et ce d'environ 20 000 kms,
- que selon la jurisprudence de la cour de cassation, le fait de dissimuler une information conduit à considérer que l'assuré est présumé avoir agi dans le seul but de bénéficier d'une minoration de prime, ce qui suffit à caractériser la mauvaise foi,
- que si MFA avait su que le prospect avait précédemment déclaré un vol, elle n'aurait pas assuré un véhicule de ce type (BMW x6) très sensible au vol, aux dégradations et aux agressions (car jacking etc...) dans la région de Vienne d'autant plus que l'usage était "taxi" (voir le kilométrage de + de 100 000 kms/an) multipliant ainsi les occasions de sinistres de sorte que l'appréciation du risque est ainsi modifiée,
- que la garantie vol n'aurait pas été accordée, pas plus que la garantie incendie, dans la mesure où il s'agit d'un «package», l'une ne pouvant être souscrite indépendamment de l'autre, ainsi qu'il ressort du contrat «Taxi Malin» / Garantie «Taxi Eco»,
- que contrairement à ce qu'allègue la partie adverse, MFA n'a pas modifié les échéances du contrat afin d'adapter celui-ci aux risques, puisqu'ils n'étaient pas connus mais a seulement modifié l'échéance de prélèvement, en présence de plusieurs impayés
- que la nullité de la garantie n'est pas subordonnée à la démonstration d'un lien entre la fausse déclaration intentionnelle et le sinistre à l'occasion de laquelle elle a été découverte puisqu'est prise en considération la rupture de l'équilibre général du contrat provoquée par la fausse déclaration intentionnelle, quand bien même le sinistre n'est pas intervenu dans le domaine de la réponse inexacte,
- qu'à titre subsidiaire la réclamation de M. [N] devra être rejetée, puisque le copropriétaire du véhicule n'est pas dans la cause,
- qu'en toute hypothèse, s'agissant de l'évaluation du préjudice, le montant de l'indemnité allouée ne saurait excéder la valeur hors taxe du véhicule puisque M. [N] en sa qualité d'artisan-taxi a récupéré les taxes dès lors que : «lorsque la victime du dommage est soumise au régime de la taxe sur la valeur ajoutée et est habilitée comme telle à récupérer les sommes qu'elle décaisse à ce titre, le principe de réparation intégrale implique que la personne responsable ne puisse être condamnée au paiement d'une somme augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée.»
M. [N] demande la cour de :
- réformer partiellement le jugement sur les sommes allouées et le débouté des demandes d'indemnisation,
- condamner la MFA à lui payer les sommes de :
- 56 000 euros au titre du préjudice résultant du vol,
- 20 000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
- 990 euros au titre de la franchise,
-1500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait valoir :
- que l'assureur ne peut se prévaloir d'une fausse déclaration intentionnelle que s'il a posé des questions précises à l'assuré lequel a répondu de manière inexacte aux questions posées,
- qu'en l'espèce, aucun questionnaire ne lui a été soumis de sorte qu'il n'est pas établi que son oubli de mentionner le vol en 2009 d'un véhicule de loisirs assuré auprès de la société AMV soit volontaire et intentionnel avec l'intention de provoquer une appréciation erronée du risque,
- qu'il a communiqué à l'assureur le relevé d'assurance concernant le seul véhicule en sa possession lors de la signature de la convention, à savoir une Renault Twingo assurée auprès de la Macif appartenant à son épouse faisant apparaître un sinistre en 2008,
- que l'assureur n'établit pas que la réticence ou la fausse déclaration invoquée ait eu pour conséquence de modifier le risque,
- que la MFA est le premier assureur des taxis et était en mesure d'apprécier le risque mais ne communique aucun élément précis sur ce point de nature à établir un changement de l'objet du risque,
- que l'assureur a modifié le montant des primes en cours de contrat adaptant ainsi le contrat à l'objet du risque ce qui constitue une renonciation volontaire, implicite mais certaine, à se prévaloir de la nullité,
- que l'assureur ne rapporte pas la preuve de sa prétention relative à un arriéré d'assurances,
- que la cour confirmera la condamnation de la MFA au paiement de la valeur du bien soustrait correspondant à sa valeur d'achat, sans application d'un régime particulier de déductibilité de la TVA,
- qu'il a subi un préjudice évalué à 20 000 euros du fait du refus injustifié de garantie puisqu'il a perdu une chance de pouvoir exercer sa nouvelle profession de taxi, ce qui lui a occasionné des difficultés financières,
- que la mauvaise foi de l'assureur et son absence de dialogue est constitutive d'une résistance abusive indépendamment du refus de garantie et de l'inexécution contractuelle lui ouvrant droit à réparation distincte de son préjudice.
MOTIFS
Bien que le véhicule assuré ait été immatriculé au nom de deux titulaires, M. [N] est le seul signataire du contrat d'assurance et a qualité à agir à l'encontre de la MFA en exécution du contrat.
Aux termes de l'article L. 113-8 du code des assurances «Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L.132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion par l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.»
Les conditions d'assurance versées au débat et datées du 7 décembre 2010 font expressément référence à celles du 9 octobre 2010 par la mention en page 1 «le contrat est remplacé sous le même numéro à effet du 9 octobre 2010 à 0H00». Ces conditions peuvent donc être valablement opposées dans les rapports entre les parties.
L'article 26.13 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. [N] stipule que : «Le conducteur qui désire être assuré auprès d'un nouvel assureur s'engage à fournir à celui-ci le relevé d'informations délivré par l'assureur du contrat qui le garantissait précédemment, au souscripteur de ce contrat.»
L'article 28.1 des mêmes conditions générales intitulé «Déclarations à la souscription (article L.113-2 2° du code des assurances)» rappelle : «Les conditions de garanties et de tarification sont établies d'après les déclarations du souscripteur. Le souscripteur doit répondre avec exactitude et sincérité à toutes les demandes de renseignements de la MFA que les circonstances qui sont de nature à nous faire apprécier les risques qu'il demande à la MFA d'assurer.»
En l'espèce, M. [N] admet avoir transmis à l'assureur le relevé d'assurance concernant le véhicule automobile appartenant à son épouse dont il était le conducteur secondaire mais n'a pas déclaré le sinistre vol dont il avait été victime le 24 novembre 2009 au titre de la police d'assurance souscrite auprès de la société L'équité.
L'omission de la déclaration d'un sinistre survenu un an avant la souscription de la police avec la MFA en produisant concomitamment un relevé d'assurance du véhicule de l'épouse ne mentionnant pas de sinistre établit la réticence intentionnelle de M. [N], qui ne pouvait ignorer à la lecture des conditions générales d'assurance qu'il était tenu de transmettre à la MFA tous éléments de nature à permettre à l'assureur d'évaluer les risques, et ce de manière exacte et sincère.
Cette réticence intentionnelle sur la sinistralité diminuait nécessairement l'opinion que l'assureur pouvait avoir du risque objet de la garantie, comprenant le vol et l'incendie, s'agissant d'un véhicule haut de gamme de marque BMW X6 très sensible au vol, dégradations et agressions dans le cadre d'un usage professionnel de taxi.
Contrairement aux prétentions de M. [N], il ne peut se déduire de l'augmentation de la prime de 2715,35 euros à 2766,16 euros résultant de l'avenant du 7 décembre 2010 la preuve d'une adaptation du contrat à l'objet du risque ni, par suite, d'une renonciation volontaire de l'assureur à se prévaloir de la nullité.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la nullité du contrat.
En conséquence, M. [N] doit être débouté de ses demandes en exécution du contrat et indemnisation pour manquement contractuel.
L'article L.113-8 du code des assurances dispose qu'en cas d'annulation du contrat pour réticence ou fausse déclaration intentionnelle, les primes payées demeurent acquises à l'assureur qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.
M. [N] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du règlement des primes d'assurances.
Dans ces conditions, la MFA est fondée à solliciter paiement de la somme de 2 531,01 euros au titre des primes impayées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Réforme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [N] des demandes au titre de la responsabilité contractuelle et de la résistance abusive,
Statuant à nouveau :
Prononce la nullité du contrat d'assurance souscrit entre les parties à effet du 9 octobre 2010 du véhicule de marque BMW immatriculé [Immatriculation 1],
Déboute M.[N] de ses demandes,
Condamne M. [N] à payer à la société MFA la somme de 2 531,01 euros au titre des primes impayées,
Condamne M. [N] à payer à la société MFA la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [N] aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct par Me Larroudie, avocat.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE