La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2016 | FRANCE | N°15/09750

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 22 novembre 2016, 15/09750


R.G : 15/09750









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 07 juillet 2014



RG : 12/08258

ch n°4





[F]



C/



[T]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]

SA APRIL - SANTE PREVOYANCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 22 Novembre 2016









APPELA

NT :



M. [U] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON



Assisté de Me Béatrice BERTRAND, avocat au barreau de LYON





INTIMES :



M. le Docteur [G] [T]

CLINIQUE [Établissement 1]

[...

R.G : 15/09750

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 07 juillet 2014

RG : 12/08258

ch n°4

[F]

C/

[T]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]

SA APRIL - SANTE PREVOYANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 22 Novembre 2016

APPELANT :

M. [U] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

Assisté de Me Béatrice BERTRAND, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. le Docteur [G] [T]

CLINIQUE [Établissement 1]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assisté de Me Marie BELLOC, avocat au barreau de LYON

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1], représentée par son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE, avocat au barreau de LYON

La SA APRIL-SANTE PREVOYANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

défaillante

******

Date de clôture de l'instruction : 18 Février 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Octobre 2016

Date de mise à disposition : 22 Novembre 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Suite à une douleur au côté droit irradiant vers le thorax et à l'apparition de difficultés de déglutition, M. [U] [F] a consulté le Dr [G] [T] sur les conseils de son médecin traitant.

Le 7 janvier 2009, M. [F] a subi une intervention chirurgicale anti-reflux type NISSEN.

Une dysphasie avec régurgitations et un amaigrissement important l'ont amené à consulter de nouveau le Dr [T], ainsi que d'autres spécialistes qui ont procédé à des séances de dilatation pneumatique du cardia et à l'injection de toxine hotulique sans amélioration significative, avant qu'une nouvelle intervention chirurgicale ne soit pratiquée le 6 juillet 2010.

Par acte du 22 décembre 2010, M. [F] a fait assigner en référé le Dr [T], la clinique [Établissement 1], la CPAM [Localité 1] et April Santé Prévoyance afin de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance du 15 février 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a fait droit à cette demande et a désigné comme expert le Dr [L] [N], qui a rendu son rapport le 28 septembre 2011.

Par acte du 4 juillet 2012, M. [F] a assigné le Dr [T] en responsabilité et indemnisation.

Il a demandé, outre l'exécution provisoire du jugement, :

à titre principal, que le Dr [T] soit condamné à lui verser la somme de 95 212 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, celle de 283 235,78 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ;

à titre subsidiaire, qu'un nouvel expert spécialisé en chirurgie digestive soit désigné aux frais avancés du Dr [T] ;

en tout état de cause, que ce dernier soit condamné à lui verser la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 7 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Lyon a débouté M. [F] ainsi que la CPAM [Localité 1] de leurs demandes et a condamné M. [F] à payer au Dr [T] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. [F] a interjeté appel et conclut à la réformation du jugement dans toutes ses dispositions.

Il demande à la cour :

à titre principal, de condamner le Dr [T] à lui payer la somme de 95 212 euros au titre des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi que la somme de 283 325,78 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle subis ;

à titre subsidiaire, de désigner nouvel expert judiciaire spécialisé en chirurgie digestive aux frais avancés du Dr [T] ;

en tout état de cause, de condamner le Dr [T] à lui verser la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il fait valoir :

- que le Dr [T] aurait dû l'informer du fait que l'intervention envisagée était prévue en cas de dysphagie basse mais était déconseillée en cas de dysphagie haute, ce qui était son cas, ainsi que des risques inhérents à cette opération, en particulier l'absence de reflux et le trouble fonctionnel de la motricité 'sophagienne,

- que le Dr [T] échoue à rapporter la preuve d'avoir respecté son devoir d'information et de conseil puisqu'il n'a pas produit le schéma explicatif qu'il prétend lui avoir montré, que les fiches signées sont rédigées en des termes trop généraux pour avoir une quelconque valeur probante, qu'il ne pouvait refuser de les signer sans avoir conscience du défaut d'information et qu'il n'était pas en mesure de comprendre les termes techniques employés par le Dr [T] à l'occasion de la dictée de la lettre à son médecin traitant,

- qu'il a bien subi une perte de chance de renoncer à cette chirurgie, dont il évalue la nécessaire indemnisation à la somme de 15 000 euros, au motif qu'il aurait refusé l'opération proposée s'il avait eu connaissance des contre-indications et des risques encourus, risques qui se sont réalisés,

- qu'il n'a pu tirer profit du délai de réflexion d'un mois qui s'est écoulé entre la consultation préopératoire et l'intervention du fait de l'absence d'une information complète et éclairée,

- que le dommage subi est bien certain, prévisible et directement causé par l'opération pratiquée par le Dr [T] puisque son incapacité totale de travailler est due à la première opération dont il subit encore les conséquences et que l'expert relève que cette intervention ne pouvait qu'aggraver ses troubles,

- que le Dr [T] n'a pas prodigué des soins conformes aux données acquises de la science à la date des soins, conformément à son obligation de moyens, puisqu'il ressort du rapport d'expertise qu'une intervention chirurgicale n'aurait pas dû être immédiatement prescrite du fait de la complexité de la pathologie et que les premiers examens étaient insuffisants pour confirmer le diagnostic posé,

- que la technique utilisée lors de l'opération était classique mais n'a pas été exécutée dans les règles de l'art par le Dr [T], constituant une mauvaise exécution de son obligation de moyens, puisque l'expert relève qu'elle présentait des particularités pouvant entraîner des complications de type dysphagie basse,

- que l'expert n'émet aucun doute sur le lien de causalité existant entre son état actuel et la première intervention chirurgicale qui a aggravé les troubles fonctionnels de la motricité 'sophagienne,

- que le rapport d'expertise ne fait pas état d'un état antérieur indiscutable, qui se résumait à des gênes de dyspepsie ne l'empêchant pas d'exercer son activité professionnelle et ne le privant que de la consommation de certains aliments, conséquences dérisoires au regard de celles engendrées uniquement par l'intervention chirurgicale,

- qu'il est fondé à solliciter le remboursement de la somme de 1 000 euros versée pour l'assistance de son médecin conseil puisqu'il ne peut attester de l'absence de contrat de type assurance protection juridique ;

- qu il convient de chiffrer les préjudices extra-patrimoniaux temporaires avant consolidation sur la base de 800 euros par mois, conformément aux barèmes les plus récents, soit :

- 1 410 euros pour le déficit fonctionnel temporaire total pour les périodes du 7 janvier

2009 au 28 janvier 2009 et du 5 juillet 2010 au 5 août 2010, retenues par l'expert ;

- 13 802 euros pour le déficit fonctionnel temporaire partiel pour les périodes du 29 janvier 2009 au 31 décembre 2009, du 1er janvier 2010 au 5 juillet 2010 et du 5 août 2010 au 13 octobre 2010 ;

quant à la souffrance endurée, il convient de l'indemniser à hauteur de 10 000 euros, l'expert l'ayant évaluée à 3,5/7 ;

quant au déficit fonctionnel permanent, l'expert l'ayant évalué à 20%, la somme de 36 000 euros, soit 1 800 euros du point, est sollicitée, conformément à l'évolution du barème de la cour d'appel de Lyon ;

quant au préjudice esthétique chiffré à 0,5/7, la somme de 1 000 euros est demandée ;

que ne pouvant plus pratiquer le vélo régulièrement, il est fondé à demander la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice d'agrément ;

du fait d'une perte de libido, d'érections difficiles et de la disparition de rapports sexuels dont l'expert fait état dans son rapport, il est fondé à solliciter la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice sexuel ;

que l'aggravation de son état de santé résultant de l'intervention chirurgicale litigieuse l'a contraint à cesser toute activité professionnelle le 30 novembre 2010 alors qu'il aurait encore pu travailler une quinzaine d'années, ce qui justifie une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs en se référant à la somme de 2 146 euros par mois correspondant aux revenus de 2008, outre la pension d'invalidité de 601,62 euros, soit la somme totale de 283 325,78 euros.

La CPAM [Localité 1] conclut à la réformation du jugement dans toutes ses dispositions et demande que le Dr [T] soit condamné à lui payer les sommes de :

-12 283,96 euros au titre des prestations servies à M. [F] ;

-1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

-2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle soutient :

- qu'il ressort du rapport d'expertise un défaut d'information éclairée sur les conséquences et les risques prévisibles de l'intervention chirurgicale pratiquée par le Dr [T] ainsi que sur les autres solutions possibles et les conséquences prévisibles en cas de refus d'information, des soins négligents du fait de l'utilisation de particularités dans la réalisation de la technique employée et un manquement caractérisé puisque la pathologie de M. [F] ne pouvait être endiguée par l'opération pratiquée ;

- qu'elle dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre du Dr [T] aux fins d'obtenir le remboursement des prestations servies à M. [F].

Le Dr [G] [T] conclut à la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et demande que :

- à titre principal, M. [F] et la CPAM [Localité 1] soient déboutés de l'ensemble de ses prétentions formulée à son encontre ;

- M. [F] soit condamné à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

- à titre subsidiaire, l'indemnisation des préjudices de M. [F] et la réclamation de la CPAM [Localité 1] soient limitées à 50% au regard de son état antérieur ;

- les indemnités sollicitées par M. [F] au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrance endurées, du préjudice esthétique, du défaut d'information et la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile soient ramenées à de plus justes proportions.

Il fait valoir :

- que M. [F] a signé un document de consentement éclairé par lequel il reconnaît avoir reçu toutes les informations souhaitées, notamment sur les risques liés à l'opération, et a reçu des informations sur la nature et les raisons de l'intervention à l'occasion de la dictée du courrier à destination de son médecin traitant lors de la consultation du 9 décembre 2008 ces présomptions établissant le fait qu'il ait satisfait à son obligation d'information claire et loyale, d'autant que le patient a semblé entièrement satisfait de l'ensemble des prestations puisqu'il l'a sollicité pour la seconde opération ;

- que l'indication opératoire ne peut être considérée comme fautive puisqu'elle est justifiée en cas de reflux, comme l'indique l'expert, ce qui était le cas en l'espèce au regard de la Phmétrie et des indications du médecin traitant, et qu'elle est inadaptée au trouble de la motricité 'sophagienne, absent lors des examens qu'il a effectués avant l'opération ;

- que l'expert ne formule aucun reproche formel contre son attitude puisqu'il ne fait qu'émettre des hypothèses sur de possibles alternatives ;

- que la technique chirurgicale employée étant classique et reconnue, comme le souligne l'expert, aucun reproche ne peut lui être adressé, les particularités relevées par l'expert ne constituant pas un manquement fautif de sa part, dont la preuve n'est pas rapportée par l'appelant ;

- qu'en l'absence de faute caractérisée, il convient donc de le mettre hors de cause ;

- qu'à titre subsidiaire, l'indemnisation au titre de la perte de chance de renoncer à l'opération n'a pas lieu d'être puisque M. [F] n'indique pas le pourcentage de chance qu'il avait de renoncer à l'acte chirurgical s'il avait reçu une information relative aux risques qu'il comportait et qu'il ne prouve pas le fait que ce risque dont il aurait dû être informé s'est réalisé ;

- que si la perte de chance devait être retenue, son indemnisation ne saurait être supérieure à 5 000 euros ;

- qu'il ne peut être tenu de réparer que les préjudices résultant de l'aggravation de l'état antérieur indiscutable de M. [F], constaté par l'expert mais non quantifié, ce qui justifie que l'indemnisation due soit limitée à 50% du préjudice total ;

- que M. [F] doit attester ne bénéficier d'aucune disposition contractuel de type protection juridique prenant en charge les frais d'assistance à l'expertise et, à défaut, être débouté de sa demande en remboursement de ces frais ;

- qu'il n'y a pas lieu à indemniser la perte de gains professionnels futurs puisque l'appelant ne démontre pas son incapacité permanente d'exercer une activité professionnelle, aucun arrêt de travail n'ayant été prescrit et les symptômes ayant été améliorés par la seconde intervention intervenue en juillet 2010 ;

- qu'aucun lien de causalité n'est établi entre les suites de l'opération litigieuse de M. [F] et la cessation de son activité ;

- que l'attribution d'une allocation Adulte handicapé et la mise en invalidité de catégorie 2 évoquées par M. [F] ne suffisent pas à établir son incapacité à retrouver une activité professionnelle ;

- que si cette incapacité à exercer une activité professionnelle devait être retenue, la somme demandée au titre de l'indemnisation de la perte des gains professionnels futurs devra être reconsidérée du fait de l'évolution de la situation professionnelle de M. [F] et de son âge au jour de la consolidation ;

- que le déficit fonctionnel temporaire total est limité à la durée de l'hospitalisation, soit 11 jours, le taux retenu doit être limité à 50%, l'expert ne s'étant pas fondé sur des éléments médicaux objectifs et factuels ;

- que l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire repose sur la base de 600 euros par mois selon le dernier barème de la juridiction, soit une somme totale de 3 280 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- que l'indemnisation des souffrances endurées doit être limitée à la somme de 2 250 euros, au regard de l'expertise et de l'état antérieur de M. [F] ;

- que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ne saurait excéder la somme totale de 10 000 euros, soit une valeur du point de 1 250 euros, du fait de l'âge du patient et du taux de déficit retenu par l'expert ;

- que le préjudice d'agrément n'est pas établi, M. [F] ne prouvant ni l'impossibilité de faire du vélo, ni la régularité d'une pratique antérieure ;

- que le préjudice sexuel n'est pas établi, aucun élément objectif ne prouvant l'existence d'une perte de libido ou une impossibilité définitive d'avoir des rapports sexuels au jour de la consolidation ;

- qu'il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle expertise, M. [F] ne justifiant pas cette demande et ce dernier devant la prendre en charge le cas échéant ;

- que la contribution à la créance de la CPAM [Localité 1] doit être limitée à 50% de la somme réclamée du fait de l'état antérieur de M. [F], soit 6 141,98 euros.

MOTIFS

Sur l'information préalable à l'intervention

L'article L.1111-2 du code de la Santé Publique dispose que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir.

Il appartient au professionnel de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé. Cette preuve peut être apportée par tous moyens.

Le Dr [T] rapporte la preuve qu'il a informé son patient en produisant deux fiches de consentement éclairé, l'une portant sur les risques liés à la technique chirurgicale préconisée, l'autre sur les risques liés à l'anesthésie.

Ces documents ont été datés et signés par M.[F], ce qu'il admet dans ses écritures, et comportaient la précision que toute information souhaitée, simple et intelligible concernant l'évolution de sa pathologie s'il décidait de ne pas se faire opérer lui avait été délivrée de même que l'information sur les risques auxquels le patient s'expose en se faisant opérer, les bénéfices attendus de l'opération et les alternatives existantes.

Les informations décrivant le bilan de santé et l'indication opératoire ont été reprises dans les courriers et compte-rendus de consultation rédigés à l'attention du médecin-traitant et du patient lors des consultations pré-opératoires des 4 novembre 2008 et 9 décembre 2008, préalables à l'intervention réalisée le 7 janvier 2009 laissant au patient un délai suffisant pour faire valoir qu'il avait été insuffisamment informé après avoir signé les documents attestant de son consentement.

La cour retient, en conséquence, qu'il ressort de ces présomptions concordantes que le Dr [T] a rempli son devoir d'information à l'égard de M. [F]. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M.[F] de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Sur la responsabilité

En application de l'article 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'acte de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

M. [F] reproche au Dr [T] une erreur de diagnostic concernant l'intervention pratiquée, anti-reflux de type Nissen.

L'expert judiciaire indique que l'intervention réalisée par le Dr [T] peut se justifier en cas de reflux mais est inadaptée à un trouble de la motricité oesophagienne.

L'expert précise cependant que la pathologie présentée par M.[F] est particulièrement complexe. Il souligne que M.[F] prétend qu'il présentait une dysphagie haute c'est-à- dire une sensation de blocage au niveau de la gorge et aucune brûlure ni régurgitation alors que ces propos sont en contradiction avec la lettre d'envoi du docteur [L] au Dr [T] et les constatations de la Phmétrie.

Le médecin-traitant avait en effet adressé son patient en précisant qu'il présentait des épisodes de reflux et la Phmétrie prescrite par le Dr [T] en préopératoire avait mis évidence au moins un épisode de reflux acide sur 24 heures tandis que la manométrie ne montrait par contre aucun trouble de la motricité gastrique ainsi que l'a relevé l'expert.

L'expert judiciaire estime que la réalité des troubles de la motricité oesophagienne est cliniquement indiscutable au vu des suites opératoires et de la succession des transits oesogastriques réalisés après l'intervention litigieuse, « en dépit de la normalité de la manométrie ».

Dès lors, si le diagnostic de troubles de la motricité oesophagienne est envisagé par l'expert judiciaire qui constate a posteriori que l'intervention a incontestablement aggravé l'état du patient, il ne ressort pas des éléments du débat que le Dr [T] disposait, au moment de son diagnostic, des éléments permettant de mettre en lumière de tels troubles rendant inadaptée la préconisation de l'intervention anti-reflux de type Nissen.

L'expert judiciaire souligne qu'il aurait pu être utile, avant l'intervention de commencer par un traitement des preuves, non seulement anti-reflux que le patient recevait mais également régulateur de la motricité gastrique par les inhibiteurs calciques reçus en post-opératoire, mais ne conclut pas pour autant que cette absence de vérification serait fautive.

Il en résulte qu au regard de la complexité de la pathologie présentée par M.[F], la faute de diagnostic du Dr [T] ne peut se déduire du fait que les constatations post-opératoires démontrent que l'indication était inadéquate.

M. [F] reproche ensuite au Dr [T] une mauvaise exécution de la technique opératoire utilisée.

A la question de savoir si les soins ont été consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l'art et aux données actuelles de la science, l'expert ne répond pas par la négative.

S'il précise que la technique utilisée est une technique classique reconnue présentant dans sa réalisation quelques particularités : manchonnage court, fixation de la valve au bord droit et gauche de l'oesophage pouvant entraîner des complications type dysphagie basse, il n'en déduit pas de façon formelle que les complications subies par M.[F] ont pour origine la réalisation de l'acte chirurgical par le Dr [T].

En conséquence, le tribunal a fait une juste appréciation des éléments de la cause en retenant que la preuve de faute du Dr [T] dans le diagnostic et la réalisation de l'acte chirurgical n'était pas rapportée par M.[F] et l'a, à bon droit, débouté de sa demande d'indemnisation.

En l'absence de responsabilité caractérisée du chirurgien, le recours de l'organisme social ne peut prospérer.

Le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.

M. [F] supporte les dépens d'appel. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties,

Condamne M. [F] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct par la Selarl Laffly et associés et Maître De Laborie, avocats.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/09750
Date de la décision : 22/11/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/09750 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-22;15.09750 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award