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18/10/2016 | FRANCE | N°15/03797

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 18 octobre 2016, 15/03797


R.G : 15/03797















Décision du

Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 05 février 2015



RG : 12/00462











S.A.S. BLEDINA



C/



[D]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 18 Octobre 2016







APPELANTE :



S.A.S. BLEDINA r>
Représentée par son Président, M. [I] [S], domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON



Assistée de DARTEVELLE & DUBEST AARPI, avocat au barreau de PARIS





INTIME :



M. [B] [D]

[Adresse 2]

[Adres...

R.G : 15/03797

Décision du

Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 05 février 2015

RG : 12/00462

S.A.S. BLEDINA

C/

[D]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 18 Octobre 2016

APPELANTE :

S.A.S. BLEDINA

Représentée par son Président, M. [I] [S], domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

Assistée de DARTEVELLE & DUBEST AARPI, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

M. [B] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2] (LIBAN)

Représenté par Me Xavier MOROZ, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 16 Juin 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Septembre 2016

Date de mise à disposition : 18 Octobre 2016

Audience présidée par Michel FICAGNA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Le 10 novembre 2009, la société Bledina a déposé plainte à l'encontre de son ancien salarié, M. [B] [D], chef de marché sur le secteur Moyen-Orient/Méditerranée, licencié pour faute lourde le 30 juillet 2008, pour avoir détourné à son détriment :

- une somme de 127 795 U.S. dollars entre le 20 mai 2002 et le 2 juillet 2003, au moyen de 6 fausses factures émises par une société BTL dans laquelle M.[D] avait une participation,

- une somme de 150 510 US dollars entre le 12 septembre 2002 et le 1er juin 2003, au moyen de 5 fausses factures émises par une société Medimarketing,

- une somme de 263 000 € au moyen de 4 fausses factures émises par une société Fortune Promo Seven le 30 avril 2006.

M. [D] a reconnu devant les enquêteurs avoir établi des factures sans réalité économique de la société BTL qu'il contrôlait et de la société Medimarketing, appartenant à sa famille, à l'insu de la société Bledina.

Pour les factures Fortune Promo Seven, M. [D] reconnaissait avoir « comme d'habitude» constitué une réserve chez ce prestataire, pour un montant de 263 000 € . Il indiquait que pour des raisons de stratégie commerciale et de situation géopolitique instable au Liban, lui et M. [I] ( son supérieur hiérarchique) avaient décidé de transférer ces fonds vers une société Memark pour organiser le développement du marché vers l'Irak. ll affirmait que M. [I] avait été parfaitement informé de cette opération précisant avoir à maintes reprises insisté pour s'assurer de l'agrément de Bledina. Il niait avoir un lien personnel avec cette société Memark, alors cependant que la mère de M. [I] en était la directrice financière.

Au vu du résultat de cette enquête, M. [D] a été poursuivi du chef d'abus de confiance devant le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône pour le détournement d'une somme de 278 000 $ correspondant aux fausses factures BTL et Medimarketing, et dispensé de peine compte-tenu du remboursement de cette somme par M. [D] à la société Bledina.

Par acte du 19 avril 2012, la société Bledina à fait assigner M. [B] [D] devant le tribunal de grande instance Villefranche-sur-Saône auquel elle a demandé :

- de condamner M. [B] [D] à lui payer la somme la somme de 263 000 € en réparation de son préjudice matériel au titre du détournement résultant de la troisième série de fausses factures,

- de condamner M. [B] [D] à payer sur cette somme les intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2006,

- subsidiairement, de dire et juger que les intérêts au taux légal commenceront à courir à compter du 1er septembre 2009,

- de condamner M. [B] [D] à lui payer une somme de 50 000 € en réparation de son préjudice moral et d'image.

Par jugement du 5 février 2015 le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a :

- constaté que Monsieur [B] [D] a procédé au remboursement de la somme de 278.305 SUS à la SAS Bledina au titre des factures émises par les sociétés BTL, et MEDIAMARKETING,

- débouté la SAS BLEDINA de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [B] [D] sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et au titre du détournement de la somme de 263 000 € versées au bénéfice de MEMARK,

- débouté la SAS Bledina de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [B] [D] sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et au titre de détournements de fonds par des factures non causées,

- débouté la SAS Bledina de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre Monsieur [B] [D] au titre des dispositions de l'article 41, 4ème alinéa de la loi du 29 juillet 1881,

- condamné Monsieur [B] [D] aux entiers dépens,

- condamné Monsieur [B] [D] à payer à la SAS Bledina la somme de cinq mille en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rappelé que l'exécution provisoire s'applique à la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Bledina a relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour :

Vu l'article 46 du code de procédure civile, les articles 1315,1382 du code civil,

- de confirmer le jugement du 5 février 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en ce qu'il a constaté que M. [D] a procédé au remboursement de la somme de 278.305 $ U.S. à la société Bledina SAS au titre des factures émises par les sociétés BTL et MEDIAMARKETING,

- de confirmer le jugement de grande instance de Villefranche-sur-Saône en ce qu'il a condamné Monsieur [D] aux entiers dépens et à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement du 5 février 2015 rendu par le Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône pour le surplus,

statuant de nouveau,

- de condamner M.[B] [D] à lui payer la somme de 263.000 € en réparation de son préjudice matériel au titre du détournement résultant de la troisième série de fausses factures, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2006,

subsidiairement,

- de dire et juger que les intérêts au taux légal commenceront à courir à compter du 1 er septembre 2009,

- de condamner M.[B] [D] à lui payer la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice moral et d'image,

- de condamner M.[B] [D] à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient :

- que M. [D] a reconnu les détournements frauduleux aux moyens de fausses factures BTL et Medimarketing,

- que M. [D] a usé du même mode opératoire en ce qui concerne les factures Forune Promo Seven,

- que M. [D] a lui-même adressé des courriels à son correspondant au sein de cette société afin de lui faire établir ces fausses factures à l'attention de la société Bledina

- qu'à sa demande il a alors personnellement exigé de son correspondant dans cette société, le 26 juillet 2006, leur transfert, cette fois-ci vers la Société MEMARK,

- que M. [D] a reconnu être dans l'incapacité la plus totale de fournir ces preuves en raison de la restitution, lors de son licenciement, de l'ensemble des documents mis à sa disposition par la Société Bledina, alors que cette restitution ne l'a pourtant nullement empêché de verser aux débats des pièces appartenant pourtant à la société Bledina (Pièces adverses n°8, 9, 12, 17, 18, 19 et 20) et qu'il a été constaté par huissier de justice qu'il avait pris soins de d'effacer un nombre considérable de fichiers de son ordinateur,

- qu'il est incompréhensible qu'il ne puisse obtenir de la société MEMARK la production de justificatifs de l'investissement de 263.000 € effectué en Irak ,

- que la dissipation de cette somme, appartenant à la société Bledina , sans pouvoir en justifier, constitue - à soi seul - une faute engageant sa responsabilité délictuelle nonobstant les arguties développées en défense.

M. [B] [D] demande à la cour :

Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; Vu les dispositions de l'article 1315 du Code civil ; Vu les dispositions des articles 4 et 9 du Code de procédure civile ;

- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a été condamné à payer à la société Bledina la 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- de condamner la société BLEDINA à lui payer la somme de 7.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société BLEDINA aux entiers dépens ;

A titre infiniment subsidiaire,

- de constater que la SAS BLEDINA a contribué à la réalisation du préjudice invoqué,

- de l'exonérer en conséquence, de sa responsabilité, dans une proportion qui ne peut être inférieure à 75 %, compte-tenu des fautes respectives des parties.

Il soutient notamment :

- qu'il appartient à la société Bledina de rapporter la preuve de la faute qu'il aurait commis,

- qu'il n'a jamais été en collusion avec M. [I],

- qu'il n'a pas bénéficié directement ou indirectement par l'intermédiaire de la société Memark du prétendu détournement,

- qu'il a uniquement reconnu avoir constitué une réserve auprès de la société Fortune Promo Seven, avec l'accord de M. [I], responsable de la zone Afrique, Moyen Orient, Maghreb, qui lui avait confirmé l'accord de Bledina,

- que la société Bledina n'explique pas pour quelles raisons elle a accepté de règler ces factures,

- qu'elle reconnaît que des provisions étaient tolérées pour des prestations débutées en année N et pour lesquels des frais de fin de prestation devaient intervenir en année N+1,

- que la réserve a été utilisée dans l'intérêt de la société Bledina, qui a multiplié par 6 entre 2005 et 2006 son chiffre d'affaire à partir de l'Irak,

- qu'il lui suffit d'interroger la société Memark pour qu'elle lui fournisse les éléments utiles, ce qu'elle ne fait pas.

MOTIFS

Il résulte de la procédure pénale produite aux débats que le versement de la somme de 263 000 € à la société MEMARK, s'inscrit dans un contexte de détournements frauduleux reconnus par M. [D] , au profit de sociétés qu'il contrôlait directement ou indirectement ( BTL et Medimarketing), faits pour lesquels il a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône.

Il sera relevé qu'il a attendu le 6 septembre 2012 pour rembourser la somme due au titre des détournement BPL et Medimarketing, soit plus de 4 ans après la constatation des faits.

La « réserve» de 263 000 € constituée auprès de la société Fortune Promo Seven a été mise en place dans un premier temps selon le même mode opératoire : la société Fortune Promo Service a été incitée à émettre des factures non causées, transmises à la société Blédina qui les lui a réglées .

M. [D] a reconnu avoir participer à ce montage.

D'autre part, il est établi et reconnu par M. [D] qu'il a donné l'ordre à cette société de transférer les fonds à la société Memark, dont la directrice financière était la mère de M. [I] .

M. [D] soutient de manière erroné que ces montages ont reçu l'agrément de la société Bledina, ce qui n'est établi par aucune pièce.

Au contraire, il apparaît que c'est après une enquête interne et comptable approfondie que la société Bledina a eu la révélation des faits.

L'enquête pénale a en effet démontré que la société Bledina a découvert ces faits à l'occasion d'autres malversations commises par M. [W] [I].

M. [A] [Z], alors directeur export, a précisé aux enquêteurs, que s'il arrivait à la société Blédina de régler des factures de «charges constatées d'avances auprès de certains fournisseurs» , c'était uniquement par que ces factures correspondaient à une réalité économique, à savoir une prestation à la charge de cette société.

Le responsable de secteur, en l'espèce M. [I], était chargé de vérifier ces opérations.

Pour les factures Fortune Promo Seven et Memark , il n'y n'avait aucun motif économique à faire facturer des charges constatées d'avance.

M. [D] ne justifie d'aucune prestation qu'auraient réalisée la société Fortune Promo Seven ou Memark ou un autre partenaire, pouvant justifier économiquement la «réserve» constituée.

Ces factures étaient donc radicalement non causées.

Le somme de 263 000 € ne pouvait en conséquence s'apparenter à la pratique des réserves, telle qu'elle était admise à l'époque par la société Bledina.

La directrice de la comptabilité au sein de la société Bledina a indiqué qu' «avant cette affaire» elle n'avait pas connaissance de pratiques de ce type.

Elle a précisé que Bledina n'avait jamais été destinataire de l'avoir relatif à la réserve Fortune Promo Seven, laquelle n'a jamais été incorporée dans la comptabilité de Bledina et que cette opération avait donc été dissimulée au service comptable.

M. [D] a indiqué lui-même qu'il avait «demandé» à M. [I] si Bledina avait donné son agrément pour le transfert des sommes de Fortune Promo Seven à Memark, ce qui établit que celui-ci savait que ce genre d'opérations n'était pas licite.

En tout état de cause, soit la réserve crée en 2006 existe toujours dans les comptes de la société MEMARK , et il est alors facile pour M. [D] d'en obtenir le remboursement au profit de la société Bledina, soit elle a été utilisée pour des prestations effectuées par la société Memark ou par un autre partenaire de la société Bledina dans le domaine de la communication et des services commerciaux, et M. [D] aurait dû être en mesure de justifier des factures correspondantes ou des prestations réalisées, ce qu'il ne fait pas.

Il ne peut arguer qu'il serait empêché d'en justifier en raison de la remise de son ordinateur à son employeur, alors que la société Bledina lui a demandé des explications à ce sujet bien avant son licenciement.

En conséquence, la matérialité du détournement frauduleux et par voie de conséquence la faute de M. [D] et son obligation d'indemnisation est établie.

Sur le partage de responsabiltié

Aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Bledina qui a été abusée par ses propres employés titulaires de postes à haute responsabilité notamment chargés des du contrôle des factures et des prestations des fournisseurs .

La demande aux fins de partage de responsabilité sera rejetée.

Sur le préjudice de la société Bledina

Ces faits qui ont eu un certain retentissement médiatique, ont nécessairement occasionné un préjudice moral et d'image à la société Bledina .

Il sera alloué de ce chef à la société Bledina une somme de 10 000 € .

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement déféré,

statuant de nouveau:

- Condamne M. [B] [D] à payer à la société Bledina :

- la somme de 263.000 €, au titre du détournement résultant de la troisième série de fausses factures, avec intérêts au taux légal à compter du détournement, soit le 30 avril 2006,

- la somme de 10 000 €, en réparation de ses préjudices complémentaires,

- la somme de 2 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute M. [B] [D] de ses prétentions,

- Condamne M. [B] [D] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/03797
Date de la décision : 18/10/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/03797 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-18;15.03797 ?
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