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31/05/2016 | FRANCE | N°15/09576

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 31 mai 2016, 15/09576


R.G : 15/09576









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 17 novembre 2015



RG : 15/08366

chambre des urgences





[T]



C/



[L]

[O] EPOUSE [L]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 31 Mai 2016







APPELANT :



M. [H] [R] [T]

né le [Date naissance 1] 1

960 à [Localité 1]

[Adresse 1]

LUXEMBOURG





Représenté par Me Raphaël BERGER, avocat au barreau de LYON









INTIMES :



M. [J] [V] [L]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2] (VIETNAM)

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par la SELARL BMB AVOCATS, avoca...

R.G : 15/09576

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 17 novembre 2015

RG : 15/08366

chambre des urgences

[T]

C/

[L]

[O] EPOUSE [L]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 31 Mai 2016

APPELANT :

M. [H] [R] [T]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

[Adresse 1]

LUXEMBOURG

Représenté par Me Raphaël BERGER, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [J] [V] [L]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2] (VIETNAM)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par la SELARL BMB AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Mme [C] [O] [U] [O] épouse [L]

née le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 3] (VIETNAM)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SELARL BMB AVOCATS, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Avril 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Avril 2016

Date de mise à disposition : 31 Mai 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 1er octobre 2014, monsieur et madame [L] ont acquis de Monsieur et Madame [R] un fonds de commerce de Bar Café Comptoir, englobant le droit au bail des locaux exploités, lequel procédait lui-même d'un bail commercial en date du 1er janvier 2003 renouvelé le 20 juin 2011.

Ces locaux, composés d'un magasin de deux pièces avec sous-pente et cave, pour une surface de 88 m2, appartenaient à Monsieur [H] [T], et constituent le lot n° 21 de l'immeuble sis [Adresse 3]) cadastré section BL, n° [Cadastre 1].

Monsieur et Madame [L] sont venus aux droits de Monsieur et Madame [R] suivant avenant de subrogation en date du 24 septembre 2014.

Par compromis de vente par acte sous seing privé du 14 octobre 2014, Monsieur [H] [T] s'est engagé à vendre aux époux [A] les lots 15,16,17,18, 21 et 36 de la copropriété sous diverses conditions suspensives et incluant le local objet du bail commercial.

Le 13 février 2015, le notaire de monsieur [T] notifiait aux locataires [L] les conditions de la vente du seul lot 21 pour le prix de 80000 euros aux fins d'exercice du droit de préférence issu de la loi dite Pinel du 18 juin 2014, et codifié à l'article L. 145-46-1 du Code de commerce, leur indiquait en conséquence que ladite notification constituait une offre de vente, que cette offre était valable durant le délai d'un mois, et qu'il leur incombait de faire connaître s'ils entendaient acquérir aux prix et conditions prévues.

Par acte d'huissier du 17 février 2015, Monsieur et Madame [L] ont reçu notification d'un courrier daté du même jour, aux termes duquel Monsieur [T] prétendait qu'il avait « décidé de retirer son bien de la vente », et qu'il convenait de « considérer l'offre qui vous a été adressée par mon notaire comme nulle et non avenue ».

Estimant cependant que l'offre issue de leur droit de préemption ne pouvait être rétractée, les époux [L] faisaient connaître leur acceptation, suivant courrier recommandé AR adressé à Maître [W] le 20 février 2015.

Par acte d'huissier délivré à Maître [D] [W] notaire le 2 avril 2015, le conseil des époux [L] faisait à son confrère sommation de lui faire tenir les pièces utiles, et indiquait que la vente devait intervenir au plus tard le 20 avril 2015, à 10h00, pour une réunion à laquelle il était fait sommation au vendeur de se présenter.

Par requête en date du 12 juin 2015, les époux [L] sollicitaient de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de LYON l'autorisation de faire délivrer assignation à jour fixe à Monsieur [H] [T].

Une ordonnance conforme ayant été rendue le 15 juin 2015, l'assignation a été délivrée à Monsieur [T] par voie de signification à l'étranger le 30 juin 2015 et transmise au service de la publicité foncière pour publication.

Par jugement en date du 17 novembre, 2015, la Chambre des Urgences du Tribunal de Grande Instance de LYON a :

-dit que Monsieur et Madame [J] [V] [L] ont valablement mis en oeuvre leur droit de préférence, en acceptant le 20 février 2015, l'offre de vente synallagmatique du 14 octobre 2014, notifiée le 16 février 2015,

En conséquence,

-déclaré parfaite la vente au profit de Monsieur et Madame [J] [V] [L], à la date du 20 février 2015, date de leur acceptation du lot n°21 de l'immeuble sis [Adresse 3], cadastré section BL n° [Cadastre 1],

-enjoint à Monsieur [H] [T] de signer l'acte authentique de vente dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,

-dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte de ce chef;

-dit qu'à défaut de présentation de Monsieur [H] [T] devant Maître [E] [E], notaire à [Localité 4], à la date convenue entre les parties ou fixée par cet officier public, le présent jugement vaudra vente et sera publié à la conservation des hypothèques,

dit que les loyers versés à Monsieur [T] par Monsieur et Madame [J] [V] KRISCHNASSAMYA compter du 20 février 2015 viendront en compensation avec le prix de vente,

-débouté Monsieur et Madame [J] [V] [L] de leur demande en dommage et intérêts ,

-condamné Monsieur [H] [T] à verser à Monsieur et Madame [J] [V] [L] la somme totale de 1 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Monsieur [T] a relevé appel et l'affaire a été fixée conformément à l'article 905 du code de procédure civile à la requête des époux [L].

Monsieur [T] demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter les époux [L] de leurs demandes, d'ordonner la rescision pour lésion de la vente, subsidiairement et avant dire droit, d'ordonner une expertise sur la valeur vénale du local commercial, de condamner les intimés au paiement d'une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [T] déclare prendre acte de la position du tribunal quant à la mise en 'uvre du droit de préemption et se prévaut d'une intention libérale au profit d'un couple d'amis auquel il avait proposé un prix modique.

Il invoque un rapport d'évaluation chiffrant la valeur du bien à 198 440 euros sur la base d'une comparaison avec des ventes d'appartements suite au refus des locataires de laisser pénétrer un expert dans les locaux, ce qui permet d'établir le caractère lésionnaire de la vente justifiant sa rescision sauf à ordonner une expertise d'évaluation de la valeur du bien.

Il estime que cette demande n'est pas nouvelle en appel en ce qu'elle tend aux mêmes fins que la demande en nullité de la vente présentée en première instance mais sur un fondement juridique nouveau.

Monsieur et madame [L] demandent à la cour de confirmer le jugement, sauf à assortir d'une astreinte la signature de l'acte authentique, et à relever le montant des restitutions ou condamnation à dommages et intérêts, ainsi que de la condamnation à article 700, de déclarer irrecevable et non fondée la demande nouvelle fondée sur la rescision pour lésion, d'ordonner à Monsieur [H] [T] de signer l'acte authentique de vente dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dire qu'à défaut de présentation de Monsieur [H] [T] devant Maître [E] [E], notaire à [Localité 4], à la date convenue entre les parties ou fixée par cet officier public, le jugement vaudra vente et sera publié à la conservation des hypothèques, d'ordonner la restitution par Monsieur [T] de la somme de 10 500 euros au titre des loyers indûment versés arrêtés au mois de mai 2016, outre intérêts au taux légal à compter de chaque échéance de loyer versée postérieurement au 20 février 2015, sauf à parfaire à la date du jugement à intervenir, subsidiairement, condamner Monsieur [T] au versement de la somme de 10 500 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, outre intérêts au taux légal à compter de chaque échéance de loyer versée postérieurement au 20 février 2015, condamner Monsieur [T] au versement de la somme supplémentaire de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts, constater la compensation entre les créances réciproques, et dire que le montant des condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur [T] s'imputera sur le prix du bien, condamner Monsieur [T] au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL BMB AVOCATS sur son affirmation de droit.

Ils reprennent les moyens développés à l'appui de la demande de vente forcée.

Ils font valoir :

-que la demande de rescision pour lésion doit être déclarée irrecevable en appel s'agissant d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et se heurtant à l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui,

-que la lésion n'est pas établie en ce qu'elle résulte des affirmations de monsieur [T] sans crédibilité du document non contradictoire de la société MaxiHome réalisé sans visite des locaux de sorte que les faits vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion exigés par l'article 1677 du code civil ne sont pas réunis.

-que les loyers versés à Monsieur [T] à partir de la date de la vente soit le 20 février 2015 ont été indûment perçus et doivent être restitués par application des dispositions de l'article 1376 du Code civil,

-qu' en mai 2016, et compte tenu du montant du loyer annuel, soit 8 400 euros, les loyers indûment versés s'élèveront à 8 400 euros / 12 * 15 mois = 10 500 euros, à parfaire au jour de la décision à intervenir,

-que compte tenu de la mauvaise foi de Monsieur [T] quant au refus de réitérer la vente, ce qui est la cause des versements de loyer indus, les sommes restituées à ce titre porteront intérêt à compter de chacun des versements, conformément aux dispositions de l'article 1378 du Code civil,

-que si par impossible, la Cour ne devait pas faire droit à la demande en répétition de l'indu, il y aurait lieu de constater que, par son abstention fautive et prolongée de conclure la vente, Monsieur [T] a causé aux époux [L] un préjudice constitué par une perte équivalente aux loyers versés,

-que le temps passé par Monsieur [T] à résister à la vente a entraîné pour les époux [L] l'obligation de s'acquitter de loyers auxquels ils auraient été dispensés s'ils étaient entrés en possession du local, du fait de la réunion sur leur tête des qualités de bailleur et de preneur,

-que la cour allouera aux époux [L] une somme de 10 500 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire en fonction des loyers versés au jour de la décision à intervenir.

-que par application de l'article 1153-1 du Code civil, la Cour dira que ces dommages et intérêts seront assortis des intérêts au taux légal au fur et à mesure du paiement des loyers dont ils sont l'équivalent.

-que par son comportement contradictoire, dans des conditions particulièrement troubles, Monsieur [T] a été à la source d'un préjudice moral pour les époux [L] devant être évalué à la somme de 7 500 euros auquel s'ajoute le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

-que, compte tenu de la connexité, l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur [T] se compenseront avec le prix du bien vendu.

MOTIFS

Devant le tribunal, monsieur [T] avait contesté l'exercice du droit de préemption édicté par l'article L.145-46-1 en raison de la nullité de l'acceptation de l'offre de vente.

La demande en rescision pour lésion de la vente immobilière fondée sur l'article 1674 du code civil ne tend pas aux mêmes fins que l'action en nullité et constitue une prétention nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

La demande de monsieur [T] fondée sur la rescision sur lésion doit être déclarée irrecevable.

Les dispositions du jugement sur la régularisation forcée de la vente fondée sur les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce ne sont pas remises en cause en appel et doivent être confirmées sans qu'il y ait motif de prévoir une astreinte, le jugement valant vente à l'expiration du délai fixé par l'injonction de régulariser la vente.

Il convient également de confirmer la disposition du jugement ayant dit que les loyers versés par monsieur et madame [L] à compter du 20 février 2015 viendront en compensation avec le prix de vente jusqu'au jour de la vente.

Il résulte de la combinaison des articles 1153 et 1378 du code civil que celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue doit les intérêts à compter du jour de la demande s'il était de bonne foi et du jour du paiement s'il était de mauvaise foi.

Monsieur [T], qui s'est opposé vainement à l'exercice légal du droit de préemption des locataires puis s'est prévalu, sans offre de preuve, d'une intention libérale expliquant le prix modique pour soutenir ensuite la vente lésionnaire, a reçu les paiements de loyers de mauvaise foi et doit être condamné au paiement de l'intérêt au taux légal à compter de chaque échéance de loyer versée postérieurement au 20 février 2015, avec compensation entre les créances réciproques des parties.

Monsieur et madame [L] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice moral justifiant l'allocation d'une somme supplémentaire à titre de dommages et intérêts.

Monsieur [T], qui succombe, supporte les dépens ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de monsieur [T] en rescision pour lésion,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne monsieur [T] à payer à monsieur et madame [L] l'intérêt au taux légal à compter de chaque échéance de loyer versée postérieurement au 20 février 2015, avec compensation entre les créances réciproques des parties,

Déboute monsieur et madame [L] de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne monsieur [T] à payer à monsieur et madame [L] la somme supplémentaire de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur [T] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct par la Selarl BMB avocats.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/09576
Date de la décision : 31/05/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/09576 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-31;15.09576 ?
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