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05/04/2016 | FRANCE | N°15/01513

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 05 avril 2016, 15/01513


R.G : 15/01513









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 08 janvier 2015



RG : 12/06240

ch n°1





[I]



C/



[I]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 05 Avril 2016







APPELANT :



M. [S] [I]

né le [Date naissance 2] 1955 à LYON

[Adresse 2]

[Adresse 3]



Représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SELARL GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS







INTIME :



M. [B] [I]

né le [Date naissance 1] 1954 à LYON 6ème

[Adresse 1]

[Localité 1]
...

R.G : 15/01513

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 08 janvier 2015

RG : 12/06240

ch n°1

[I]

C/

[I]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 05 Avril 2016

APPELANT :

M. [S] [I]

né le [Date naissance 2] 1955 à LYON

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SELARL GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

M. [B] [I]

né le [Date naissance 1] 1954 à LYON 6ème

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par la SELARL GRANGE LAFONTAINE VALENTI ANGOGNA-G.L.V.A., avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Octobre 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Mars 2016

Date de mise à disposition : 05 Avril 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

[J] [X] veuve [I] est décédée le [Date décès 1] 2010 à l'âge de 95 ans, laissant pour lui succéder ses deux fils [B] et [S] [I].

Par acte du 25 avril 2012, [B] [I] a assigné son frère [S] [I] afin de voir prononcer à titre principal la nullité du testament authentique reçu le 2 novembre 2006 par Maître [A], notaire à [Localité 3], en présence de deux témoins aux termes duquel la testatrice déclare léguer sa maison de [Adresse 3] (71) à son fils [S], une partie de son mobilier à son fils [B] et la quotité disponible de ses biens à son petit-fils [O] [I], fils de [S].

A titre subsidiaire, [B] [I] a demandé l'annulation du legs particulier de la maison de [H] en raison d'une donation-partage reçue par Me [T] notaire à [Localité 4] en date du 29 janvier 2002, aux termes de laquelle, lui et son frère [S] ont reçu la moitié indivise de la nue-propriété de cet immeuble.

[S] [I] a conclu au débouté.

Par jugement du 8 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- prononcé la nullité du testament,

- condamné [S] [I] à payer à [B] [I] la somme de 2'500'€ à titre de dommages et intérêts outre 2'500'€ au titre de l'article 700'du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens .

[S] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 17 février 2015.

Il demande à la cour, au visa des articles 414-1 du code civil, 901 et 971 et suivants du code civil,

- d'infirmer le jugement déféré,

- de confirmer la validité du legs consenti,

- de débouter [B] [I] de ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 10'000'€ de dommages et intérêts outre une somme de 10'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient :

- que son frère [B] se fonde exclusivement sur le rapport du Pr [Z] établi le 30 août 2006 en vue de l'ouverture d'une mesure de tutelle,

- que ce rapport doit être nuancé puisqu'il indique que leur mère ne présente pas de pathologie mentale grave mais qu'elle était atteinte seulement de troubles mnésiques et d'un déficit cognitif liés à l'âge,

- que ce rapport est critiquable dans la mesure où le Pr [Z] n'a procédé à aucun test, ni à aucun bilan de type scanner ou EEG et que l'examen s'est déroulé en présence [B] [I] contrairement aux usages recommandés en la matière,

- que ce rapport est contredit par un certificat du docteur [U] du 25 octobre 2006 qui valide la capacité de Mme [I] à disposer de ses biens, et par les constatations de Maître [L] huissier de justice ayant vu Mme [I] seule en son étude et qui a rédigé ses intentions,

- que [B] [I] lui-même écrivait le 17 mai 2006, que sa mère avait « la force de décider de certaines choses»,

- que s'il a eu connaissance de la mesure de sauvegarde de justice qui avait été diligentée par son frère, il a été tenu dans l'ignorance de la mesure de tutelle,

- que son frère [B] [I] ne démontre pas la prétendue altération des facultés mentales de leur mère au moment du testament,

- qu'au contraire, pour sa part, il justifie par les attestations et par le certificat du dr [U] qu'il produit, et que le tribunal a ignorés, qu'à la date du testament, l'état des facultés mentales de leur mère lui laissait le discernement suffisant pour prendre librement et en connaissance de cause les dispositions contenues dans ledit acte,

- que le testament a été reçu par un notaire en présence de deux témoins,

- que la lecture faite dudit testament devant témoins rend l'acte critiqué inattaquable,

- que la nullité de l'article 503 ancien du code civil ne présente qu'un caractère facultatif,

à titre subsidiaire,

- qu'il est manifeste que par le testament du 2 novembre 2006, leur mère a entendu révoquer de façon expresse, claire et non équivoque la donation partage, consentie le 29 janvier 2002, pour cause d'ingratitude, en raison de l'attitude belliqueuse et intéressée de [B].

[B] [I] demande à la cour , au visa des articles 971, 489, ancien, 414-1, 901, 503 ancien et 464 du code civil, de confirmer le jugement déféré et de condamner son frère [S] à lui payer une somme de 10'000'€ à titre de dommages et intérêts.

Il soutient :

- que leur mère a été placée sous sauvegarde de justice le 6 octobre 2006, par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Lyon,

- que son frère [S] en a été informé ce qu'il reconnaît,

- qu'il est donc démontré qu'il avait connaissance de la mesure de protection qu'il a cachée au notaire,

- que leur mère a ensuite été placée sous tutelle par jugement du 3 mai 2007,

- que les dispositions de l'ancien article 503 du code civil qui dispose que les actes antérieurs au placement sous tutelle peuvent être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits ont vocation à s'appliquer,

- que le docteur [U] n'était pas le médecin habituel de Mme [J] [I],

- que les conclusions du Pr [Z], qui a conclu que Mme [I] était une femme particulièrement influençable, sont corroborées:

. par les constatations effectuées par le dr [N] compagne de son frère [S], qui avait écrit à [B] [I] avant la date du testament, « ta maman souffre d'amnésie rétrograde et ce que tu lui dis ou écris ne s'inscrit pas'»,

. par le constat effectué par le dr [P], médecin habituel de Mme [J] [I] dans sa prescription du 29 septembre 2006, soit un mois auparavant, et qui avait noté une déficience sévère du langage et de la parole, de l'audition et des fonctions cognitives visant expressément les troubles de l'humeur et une déficience sévère de cohérence,

. par l'analyse du juge du tribunal de Macon qui a annulé le bail authentique reçu 15 jours avant le testament consenti par Mme [I] à son fils [S] sur la maison de [H],

- que les dispositions du testament sont confuses puisque Mme [I] a légué le bien de [H] qui avait pourtant fait l'objet d'une donation partage antérieure,

- que l'insanité d'esprit dont souffrait sa mère au moment de la rédaction de l'acte est établie et à titre complémentaire, que le testament a été rédigé 7 mois avant la tutelle alors que la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où l'acte a été fait.

MOTIFS

Aux termes des articles 502 et 503 anciens du code civil, applicables à l'époque du testament:

«'Tous les actes passés, postérieurement au jugement d'ouverture de la tutelle, par la personne protégée, seront nuls de droit, sous réserve des dispositions de l'article 493-2.

Les actes antérieurs pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits.'»

En l'espèce, la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle est exprimée dans le rapport d'examen médical du Pr [Z] du 30 aout 2006, expert en neurologie et psychiatrie, inscrit sur la liste dressée par le procureur de la république en matière de tutelle en application de l'article 403-1 du code civil.

Ce dernier indique':

- que Mme [I], 90 ans, est une femme émotivo-anxieuse présentant par ailleurs une composante dépressive de l'humeur, traitée par anxiolytiques se traduisant par une tristesse,

- que si le contact avec Mme [I] est aisé l'examen neuropsychologique n'en révèle pas moins l'existence d'un désordre cognitif portant sur les capacités de mémorisation'; qu'ainsi est-elle dans l'incapacité de donner des renseignements précis sur son passé et notamment quant à la date de son veuvage, la date de naissance de ses enfants,

- qu'elle peut effectivement écrire mais qu'il est simple pour l'examinateur de lui faire écrire «'n'importe quoi'»'; que ceci montre à quel point elle a perdu la notion des réalités'; que ce déclin cognitif s'insère dans le cadre d'une encéphalopathie vasculaire ,

- qu'elle présente également des troubles de la statique et des troubles locomoteurs ( syndrome astasie-abasie) à un tremblement idiopathique bénin d'attitude intéressant le chef et les membres, une hypertension artérielle diastolique, une bronchite chronique une cypho-scoliose arthrosique et très accessoirement une insuffisance veineuse des membres inférieurs et une incontinence urinaire.

- qu'elle est «particulièrement influençable.'»

Par ailleurs, le Pr [Z] indique':

- qu'il a consulté un certificat médical du Dr [E] ( centre hospitalier gériatrique [Établissement 1] à [Localité 2]) indiquant que «' l'état de santé de Mme [I] nécessite la présence d'une tierce personne pour accomplir tous les actes ordinaires de la vie quotidienne, à raison de 6 heures par jour'»,

- et qu'il lui a été remis une «série d'écrits manuscrits émanant de Mme [I] elle-même, écrits totalement contradictoires dans leur contenu, respectivement datés du 20 avril 2006 ( deux documents) 16 mai 2006 et du 26 mai 2006, et que leur contenu est éloquent quant à l'altération des facultés mentales de Mme [I] personne effectivement influençable et vulnérable.'»

Contrairement aux affirmations de [S] [I], il résulte de ces éléments que le Pr [Z] a bien réalisé un examen non seulement somatique mais neuropsychologique accompagné de tests ( «il est simple pour l'examinateur de lui faire écrire n'importe quoi»).

M. [S] [I] de part sa grande proximité avec sa mère à l'époque du testament, ne pouvait ignorer cet état.

Il admet d'ailleurs que sa mère présentait des troubles mnésiques que le docteur [Y] [N] qualifiait alors «d'amnésie rétrograde», ajoutant que «'ce qu'on lui dit ou écris ne s'inscrit pas'» et «'qu'elle oublie tout de suite après'».

Il admet qu'il a eu connaissance que sa mère avait fait l'objet d'un placement sous sauvegarde de justice le 6 octobre 2006, avec désignation d'un mandataire spécial en la personne de Mme [D].

Il ne pouvait dès lors ignorer que son frère à l'origine de cette mesure de protection, avait diligenté une mesure de placement sous tutelle par requête du même jour.

Ensuite du jugement de placement sous tutelle en date du 3 mai 2007, M. [S] [I] en a relevé appel, mais «'sans remettre en cause le principe de la mesure de protection'» ainsi que cela est indiqué dans le jugement, ce dont il résulte qu'il avait conscience de la nécessité pour sa mère d'être représentée dans tous les actes de la vie civile.

En conséquence, le testament ayant été reçu le 2 novembre 2006, alors qu'à cette époque les importants troubles mnésiques et le déficit cognitif de Mme [I] à l'origine de la mesure de tutelle existaient notoirement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de ce testament.

La demande de dommages et intérêts de [S] [I] dépendant du succès de la demande principale doit être rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [B] [I]

Il n'est pas justifié d'une faute ou d'une mauvaise foi dans la résistance de [S] [I] à la demande d'annulation du testament, étant donné qu'il a été reçu par un notaire en présence de deux témoins, ce qui pouvait lui laisser penser que ce testament était «'inattaquable'».

En conséquence, le jugement sera réformé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile .

Il sera fait une nouvelle application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a':

- prononcé la nullité du testament d'[J] [X] veuve [I] reçu le 2 novembre 2006 par Maître [A] , notaire à [Localité 3],

- condamné [S] [I] à payer à [B] [I] la somme de 2'500'€ au titre de l'article 700'du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- débouté [S] [I] de ses demandes,

le réformant pour le surplus,

- Déboute [B] [I] de sa demande de dommages et intérêts,

y ajoutant,

- Condamne [S] [I] à payer à [B] [I] la somme supplémentaire de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne [S] [I] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Valenti - société GLVA, avocat sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/01513
Date de la décision : 05/04/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/01513 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-05;15.01513 ?
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