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19/01/2016 | FRANCE | N°14/01100

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 19 janvier 2016, 14/01100


R.G : 14/01100









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE

Au fond

du 30 janvier 2014



RG : 11/04069

chambre civile





[Q]



C/



[V]

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS

CNBF

DOCTEUR [W] [T]

DOCTEUR [N] [U]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 19 Janvier 2016





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APPELANTE :



Mme [S] [O] [F] [Q]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP Interbarreaux REFFAY & ASSOCIES, avocat au barr...

R.G : 14/01100

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE

Au fond

du 30 janvier 2014

RG : 11/04069

chambre civile

[Q]

C/

[V]

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS

CNBF

DOCTEUR [W] [T]

DOCTEUR [N] [U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 19 Janvier 2016

APPELANTE :

Mme [S] [O] [F] [Q]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP Interbarreaux REFFAY & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AIN et de LYON

INTIMES :

M. [H] [V]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 2] (Maroc)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS

[Adresse 5]

[Adresse 5]

défaillante

Caisse Nationale des Barreaux Français - poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice

[Adresse 6]

[Adresse 6]

défaillante

Mme [W] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Jean-Paul LORACH, avocat au barreau de BESANCON

M. [N] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Avril 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Novembre 2015

Date de mise à disposition : 19 Janvier 2016

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Mme [S] [Q] a été opérée d'une tumeur bénigne à l'ovaire gauche par le docteur [H] [V] en 1996.

Depuis, elle faisait l'objet d'un suivi particulier par son médecin gynécologue, le docteur [W] [T].

Le 26 février 2001, le docteur [T] a visualisé à l'échographie faisant suspecter un kyste de l'ovaire gauche, a priori de nature organique.

Un contrôle a été effectué le 2 avril 2001, sans indication particulière, l'échographie n'ayant pas confirmé l'existence d'un kyste.

Une nouvelle échographie abdomino-pelvienne prescrite par le docteur [N] [U], médecin généraliste de Mme [Q] a été réalisée le 21 novembre 2001 par le docteur [A] du centre de radiologie de [Localité 4], qui a mis en évidence une récidive d'une masse ovarienne gauche solide de 15 cm de grand axe.

Le 27 novembre 2001 Mme [Q] a consulté, le docteur [T] qui a procédé à une échographie de contrôle confirmant le kyste ovarien et qui a prescrit un examen sanguin aux fins de contrôle des marqueurs tumoraux C125.

Cet examen sanguin pratiqué le 1er décembre 2011, a mis en évidence des marqueurs d'antigène CA 125 de 35,9 (normale

Mme [Q] a alors consulté le docteur [V], qui l'a reçue le 17 décembre 2001 en vue d'une intervention, laquelle a été programmée a pour le 22 mars 2002.

Le 29 janvier 2002, le docteur [T] a écrit à Mme [Q] lui demandant de lui donner des nouvelles.

Mme [Q] a consulté son médecin généraliste, le docteur [U] qui a prescrit une nouvelle échographie, réalisée le 20 février 2002, par le docteur [A] et qui a mis en évidence une masse ovarienne qui a doublé de voume avec une zone liquéfiée et une zone charnue hypervascularisée.

Le 26 février 2002, Mme [Q] a obtenu un rendez-vous en urgence avec le docteur [T] qui après avoir pratiqué une échographie de contrôle a prescrit un nouveau contrôle des marqueurs CA 125.

Mme [Q] n'a plus revu le docteur [T] par la suite.

L'analyse réalisée le 11 mars 2002 par le centre de biologie médicale de [Localité 4] a révélé un taux de marqueur CA 125 de 188.8 U/ml. ( normale 35.0)

Par courrier daté du 12 mars 2012, le docteur [T] a transmis les résultats au docteur [V].

Le docteur [T] appelait au téléphone Mme [Q] pour commenter avec elle les résultats, que Mme [Q] avait reçu par courrier, et lui confirmer la nécessité de l'opération à venir.

Le docteur [V] a pratiqué le 22 mars 2002 l'ablation de la tumeur.

L'anatomopathologie révélant le 28 mars 2002 un cystadénocarcinome micineux de l'ovaire, le docteur [V] a réalisé le 9 avril 2002 une hystérectomie totale avec annexectomie controlatérale et omentectomie.

Mme [Q] a ensuite bénéficié d'un traitement complémentaire et d'une surveillance habituelle par le docteur [Z] du centre de cancérologie de [Localité 3]. L'ensemble de ces soins a permis la guérison de la patiente à compter de 2007.

Mme [Q] a interrogé le docteur [T] sur les conditions de sa prise en charge, puis a interrogé le docteur [V], lequel lui a répondu par un courrier du 17 mai 2009, qu'il n'avait pas le souvenir d'avoir reçu les dosages des marqueurs tumoraux avant l'opération, ni avoir reçu un appel téléphonique du docteur [T] et qu'avec la notion de marqueurs tumoraux élevés l'intervention aurait été programmée différemment et en un seul temps avec examen histologique extemporané.

Insatisfaite des réponses apportées à ses interrogations par le docteur [T], Mme [Q] a saisi le 28 décembre 2009 la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Bourgogne d'une plainte à l'encontre de ce médecin.

Par une décision du 9 juin 2010, la chambre disciplinaire a rejeté la plainte de Mme [Q], considérant que le docteur [T] n'avait pas commis de manquement aux obligations déontologiques.

Mme [Q] a relevé appel de cette décision.

Par décision du 26 septembre 2011, la chambre disciplinaire nationale a rejeté la requête de Mme [Q], considérant que le comportement du docteur [T] à l'égard de Mme [Q] avait été irréprochable au regard des règles déontologiques.

Par actes des 10, 14, 17 et 18 novembre 2011 Mme [S] [Q] a assigné Mme [W] [T], M. [H] [V] et M.[N] [U], ainsi que les organismes sociaux lui ayant versé des prestations ( Rsi et CNBF) devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de déclaration de responsabilité et indemnisation de ses préjudices.

Par ordonnance du 9 février 2012, le juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale de Mme [Q], qui a été confiée au docteur [R] [K], chirurgien, expert près la cour d'appel de Paris.

Aux termes de son rapport déposé le 3 décembre 2012, l'expert a conclu à l'absence de manquements professionnels de la part des intervenants médicaux mis en cause.

Sur la base notamment d'un avis divergent établi le 15 janvier 2013 par le docteur [I], qui l'avait assistée au cours des opérations, Mme [Q] a sollicité du tribunal de grande instance une contre-expertise.

Les défendeurs ont conclu au débouté de Mme [Q].

Le Rsi et la CNBF n'ont pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 30 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

- rejeté la demande de contre-expertise formée par Mme [Q] ;

- débouté Mme [Q] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [Q] à payer aux docteurs [T], [V] et [U] la somme de 2.500 € à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [Q] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats en ayant formé la demande sur leur affirmation de droit.

Mme [Q] a relevé appel de ce jugement intimant l'ensemble des parties.

Elle demande à la cour :

- de réformer le jugement rendu,

- d'ordonner une contre-expertise

A titre subsidiaire,

- dire et juger le docteur [T] en premier lieu et les docteurs [V] et [U], responsables tenus à indemnisation de Mme [S] [Q] au titre d'un manquement au devoir informatif et d'une erreur de diagnostic,

- fixer son préjudice comme suit :

'Dépenses de santé actuelles 0 €

'Perte de gains professionnels 60 000 €

'Déficit fonctionnel temporaire 5 400 €

'Souffrances endurées 4 000 €

Total 69 400 €

- dire et juger que la décision à intervenir sera commune au Rsi, organisme de sécurité sociale de Mme [Q] et à la CNBF, Organisme ayant également versé des prestations,

- de condamner le docteur [T] à titre principal et subsidiairement, solidairement avec le docteur [V] et le docteur [U], à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de les condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de la Scp Baufume & Sourbe, avocats sur son affirmation de droit.

Elle soutient :

- qu'il est nécessaire d'ordonner une contre-expertise, au vu des observations du docteur [I],

- que le docteur [V] a déploré ne pas avoir été prévenu de l'élévation des marqueurs tumoraux et a reconnu que l'intervention aurait été programmée différemment en un seul temps avec examen extemporané et dans un délai plus court,

- que cela est en parfaite concordance avec les éléments mentionnés dans Le Précis de Cancérologie Clinique, ouvrage de référence pour les étudiants en médecine et l'actualisation des connaissances des praticiens, dont l'édition de 2003 montre que ces standards médicaux étaient bien ceux en vigueur à l'époque,

- qu'elle a sollicité l'avis du professeur [P] [G] lequel dans un courrier a confirmé l'existence d'un manquement,

- que la loi du 4 mars 2002 était applicable,

- que le docteur [T] était tenue de l'informer de son diagnostic,

à titre subsidiaire,

- que les fautes reprochées au docteur [T] sont les suivantes :

. ne pas avoir posé d'indication opératoire formelle après la consultation du 26 novembre 2001,

. ne pas avoir corrélativement organisé sa prise en charge thérapeutique alors que la tumeur était déjà importante (15 cm de diamètre) et que le marqueur tumoral était déjà au-dessus de la norme, ces éléments justifiant dès alors une urgence opératoire.

. ne pas lui avoir fait part le 12 mars 2002 de là forte suspicion du cancer dont elle avait pourtant connaissance du fait du marqueur CA 125 s'élevant à 188,8, ledit jour, ainsi que l'échographie du 26 février 2002, absence d'information qu'elle a reconnue à deux reprises,

. ne pas avoir cherché à la revoir entre le 12 mars 2002, date à laquelle elle a indiqué devant l'ONM le 6 septembre 2011 n'avoir pu révéler le diagnostic du cancer téléphoniquement à la patiente, et le 22 mars 2002 date de la première intervention chirurgicale afin de l'avertir de la forte suspicion du cancer,

. de ne pas avoir communiqué de manière opérationnelle, en s'assurant qu'il puisse en avoir connaissance avant d'opérer, au chirurgien les éléments analyses biologiques plus échographie montrant la forte suspicion du cancer malgré l'urgence et alors que les éléments impactaient de façon décisive la prise en charge chirurgicale et corrélativement ses chances de survie,

- que ces fautes constituent d'une part un retard au diagnostic sans lequel elle n'aurait peut-être pas eu à subir ni hystérectomie élargie ni chimiothérapie, car la tumeur était bien enclose, et d'autre part, un manquement au devoir d'information, alors que cette information lui était capitale tant au niveau médical que pour son organisation personnelle et professionnelle, vivant seule avec une enfant de 8 ans et exerçant à titre individuel une activité d'avocat libéral,

- que la mise en cause des docteurs [V] et [U] apparaît également nécessaire compte tenu de leur qualité de chirurgien et de médecin généraliste, même si Mme [Q] considère que, a priori, leur responsabilité est moins engagée que celle du docteur [T], dans la mesure où celle-ci ne leur a pas transmis l'information et pour leur permettre d'apporter au litige les éléments dont ils ont eu connaissance, et pour leur permettre de se justifier face au transfert de responsabilité que le docteur [T] a tenté de leur imputer à l'occasion de la procédure ordinale,

Mme [W] [T] demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 30 janvier 2014 et de condamner Mme [Q] à lu payer la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

Elle soutient que la cour ne peut que confirmer le jugement de première instance eu égard aux décisions disciplinaire rendues et aux conclusions sans équivoques de l'expert judiciaire.

M. [H] [V] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme [Q] à lui verser la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la cour dispose d'éléments suffisants pour apprécier au plan médico-légal la demande de Mme [Q] et que ni l'assignation en justice, ni les conclusions après expertise de Mme [Q], ni les conclusions d'appel n'invoquent à son encontre des griefs susceptibles de pouvoir constituer des fautes causales entraînant la consécration de sa responsabilité professionnelle.

M. [N] [U] demande à la cour de confirmer le jugement rendu et de condamner Mme [Q] à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Il soutient que Mme [Q] ne démontre, ni même n'allègue, de faute en lien de causalité avec un préjudice imputable aux soins donnés par lui.

MOTIFS

Sur la demande de contre-expertise

Les avis produits par Mme [Q] ne constituent pas des analyses critiques de l'avis de l'expert judiciaire émanant de spécialistes reconnus dans la spécialité en cause.

En conséquence, la demande n'est pas fondée.

Sur les manquements reprochés au docteur [T]

1 - ne pas avoir posé d'indication opératoire formelle après la consultation du 26 novembre 2001 et ne pas avoir corrélativement organisé la prise en charge thérapeutique de la patiente alors que la tumeur était déjà importante (15 cm de diamètre) et que le marqueur tumoral était déjà au-dessus de la norme, ces éléments justifiant dès alors une urgence opératoire.

L'expert a indiqué en page 6 de son rapport :

« Elle (Mme [Q]) reproche au docteur [T] :

- un défaut d'information sur la nature de la lésion ovarienne,

- une négligence car elle n'a pas transmis immédiatement au docteur [V] les informations nécessaires qui lui aurait permis de modifier son geste chirurgical, s'il avait eu connaissance du fort potentiel de malignité»

Ainsi, il apparaît que Mme [Q] qui était assistée d'un médecin conseil, n'a pas soumis à l'expert le grief énoncé ci-dessus.

Aucune des pièces produites par Mme [Q] ( avis du docteurs [I], du professeur [G] et du docteur [Z]) ne fait l'analyse du problème ainsi posé.

En tout état de cause, le docteur [T] a noté au dossier : « indication opératoire» ( souligné deux fois) et «vu les données écho, verra le docteur [V], je demande marqueurs tumoraux préop».

Il résulte de ces mentions que le docteur [T] a bien pris la mesure de la gravité de la situation nécessitant une chirurgie dès le 26 novembre 2001.

D'autre part, il est nécessaire de relever que dans une télécopie adressée au docteur [U] le 4 décembre 2001, Mme [Q] faisant le compte rendu de sa consultation avec le docteur [T] a indiqué :

« d'après le docteur [T],il y a peu de risque qu'il s'agisse d'une tumeur maligne (...) J'ai en tout état de cause pris RV avec le docteur [V], le 17 décembre 2012, en vue d'une éventuelle intervention mais aussi pour que mon dossier soit prêt en cas de complication nécessitant une hospitalisation en urgence».

Il résulte de cette correspondance, que le docteur [T] a bien envisagé l'hypothèse d'une tumeur maligne et qu'elle a bien orienté sa patiente pour une intervention chirurgicale, laquelle pourrait s'avérer urgente à terme.

Ainsi, Mme [Q] ne rapporte pas la preuve d'une faute du docteur [T] à ce stade des soins.

2-. ne pas avoir communiqué de manière opérationnelle, en s'assurant qu'il puisse en avoir connaissance avant d'opérer, au chirurgien les éléments analyses biologiques plus échographie montrant la forte suspicion du cancer malgré l'urgence et alors que les éléments impactaient de façon décisive la prise en charge chirurgicale et corrélativement les chances de survie de la patiente

L'expert judiciaire a indiqué que sur un plan purement technique chez une femme de 40 ans, présentant une énorme masse pelvienne mesurant plus de 30 cm et pesant 4 kg, il était impossible de faire une coelioscopie.

La seule solution était de faire un abord chirurgical direct.

En ce qui concerne l'examen extemporané si celui-ci est possible il n'emporte pas toujours la conviction d'emblée et nécessite des techniques particulières pour avoir un diagnostic de certitude.

Selon lui la décision d'enlever l'utérus, l'autre annexe et l'épiploon et faire un curage ne peut se concevoir qu'avec un diagnostic de certitude.

L'expert conclut :

- que l'intervention dans ce cas là en deux temps paraissait adapté à la situation clinique de Mme [Q],

- qu'il n'est pas sûr que le docteur [V] averti de l'augmentation de la tumeur et de l'élévation des marqueurs tumoraux ait agi différemment,

- que les procédures médicochirurgicales ont été dispensées selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits.

Par ailleurs, l'expert a indiqué que si les marqueurs sont un signe d'inquiétude, cependant ils ne sont pas spécifiques d'une pathologie maligne.

En conséquence, il convient de constater que l'hypothèse d'éviter une double intervention n'est pas retenue par l'expert, et que dès lors aucun lien de causalité ne serait susceptible d'être établi entre la faute énoncée et le dommage invoqué.

De surcroît, il convient de constater que le docteur [T], le jour même de la réception des résultats a écrit au docteur [V], soit le 12 mars 2002.

Dans ce courrier d'une demie-page, particulièrement développé le docteur [T] narre le résultat de l'echographie et conclut ainsi : « la vascularisation de cette tumeur qu'on n'avait pas pu mettre en évidence au mois de novembre avec le doppler est maintenant nette et nous amène bien sûr à appuyer encore fermement la nécessité d'une intervention chez Mme [Q]».

Ce courrier a bien été retrouvé à la clinique du docteur [V], dans le dossier de Mme [Q] .

Compte tenu du délai de 10 jours avant la date de l'opération, il ne peut être reproché au docteur [T] de ne pas s'être assurée de la bonne réception de ce courrier avant l'opération, ni d'avoir doublé cet envoi d'un appel téléphonique, alors qu'en tout état de cause l'augmentation des CA125 n'était pas, selon l'expert, de nature à modifier la forme de la prise en charge.

Même s'il est tout à fait regrettable que le docteur [V] ait opéré Mme [Q] dans l'ignorance de résultats récents, force est de constater que la prise en charge n'aurait pas été différente.

3- ne pas lui avoir fait part le 12 mars 2002 de là forte suspicion du cancer dont elle avait pourtant connaissance du fait du marqueur CA 125 s'élevant à 188,8, ledit jour, ainsi que l'échographie du 26 février 2002, absence d'information qu'elle a reconnue à deux reprises, et ne pas avoir cherché à la revoir entre le 12 mars 2002 et le 22 mars 2002 date de la première intervention chirurgicale afin de l'avertir de la forte suspicion du cancer

Ainsi que l'a relevé l'expert, l'élévation des marqueurs CA 125 constatée le 11 mars 2002 était un signe d'inquiétude mais pas une «forte probabilité» de cancer.

L'expert précise que « le docteur [T] n'avait pas d'argument formel pour lui dire qu'elle avait une pathologie maligne».

Il sera d'ailleurs relevé que le guide « affection longue durée - cancer de l'ovaire de janvier 2010, produit par Mme [Q] confirme en page 7 point n° 6 : « le diagnostic de certitude de cancer est anatomopathologique».

De même dans l'extrait de l'ouvrage médical « cancérologie clinique» produit par Mme [Q], il est mentionné page 96 : « le dosage du taux sanguins de CA 125 ne peut avoir qu'une valeur d'orientation initiale et constitue par ailleurs un élément de référence pour le suivi (...) le diagnostic histologique est en fait obtenu lors de la laparotomie, le but des examens précédents étant essentiellement de poser ou non l'indication opératoire.»

Ces éléments confirment la conclusion de l'expert.

D'autre part, dans un courrier adressé à la chambre disciplinaire, ( pièce n°9 de Mme [Q]), le docteur [V] indique avoir été étonné de l'appel téléphonique de Mme [Q], à son domicile, fin 2008 pour une intervention de mars 2002 et que l'intervention aurait pu se réaliser en un temps mais également que selon lui, Mme [Q] avait été soignée avec tous les moyens disponibles à cette époque et selon les consensus et protocoles, ce dont il résulte que le docteur [V] ne considère pas que la double intervention aurait pû être nécessairement évitée.

En conséquence aucun manquement au devoir d'information n'est établi à l'encontre du docteur [T].

Sur les manquements reprochés aux docteurs [V] et [U]

Mme [Q] n'énonce pas de grief précis à l'encontre des docteur [V] et [U].

Les avis des médecins [I], [G] et [Z] ne comporte aucun manquement susceptible d'être reproché ces derniers.

En conséquence, il convient de constater que Mme [Q] ne rapporte pas la preuve de fautes à leur égard.

Conclusion

Il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- Condamne Mme [S] [Q] à payer à Mme [W] [T] la somme de 3 000 €, à M. [H] [V], celle de 1 500 € et à M.[N] [U], celle de 1 500 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne Mme [S] [Q] aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés par la Scp Baulieux-bohe-mugnier-rinck, et Maître Philippe Choulet sur leur affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 14/01100
Date de la décision : 19/01/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°14/01100 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-19;14.01100 ?
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