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08/12/2015 | FRANCE | N°14/03305

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 08 décembre 2015, 14/03305


R.G : 14/03305









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 mars 2014



RG : 11/11396

ch n°9





[L]

SAS SOCIÉTÉ AVA INTERNATIONAL



C/



[W]

SA [C] & ASSOCIES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRÊT DU 08 Décembre 2015







APPELANTS :



Me [I] [L] ès q

ualités de mandataire liquidateur de la SAS AVA

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représenté par Me Didier CIEVET, avocat au barreau de LYON





SAS SOCIÉTÉ AVA INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Didier CIEVET, avocat au barreau de LYON







INTIMES :

...

R.G : 14/03305

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 mars 2014

RG : 11/11396

ch n°9

[L]

SAS SOCIÉTÉ AVA INTERNATIONAL

C/

[W]

SA [C] & ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRÊT DU 08 Décembre 2015

APPELANTS :

Me [I] [L] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AVA

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Didier CIEVET, avocat au barreau de LYON

SAS SOCIÉTÉ AVA INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Didier CIEVET, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [O] [W]

né le [Date naissance 1] 1961 à

[C] & ASSOCIES [Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SOCIÉTÉ PECH DE LECHAUSE BATHMANABANE et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

SA [C] & ASSOCIES

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SOCIÉTÉ PECH DE LECHAUSE BATHMANABANE et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 09 Novembre 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Novembre 2015

Date de mise à disposition : 08 Décembre 2015

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par acte d'huissier en date du 1er août 2011, la société AVA International a assigné devant le tribunal de grande instance de Lyon la société de commissaires aux comptes [C] & Associés ainsi que son collaborateur, M.[O] [W] auxquels il reproche d'avoir manqué à leurs obligations professionnelles, aux fins de les voir déclarer responsables de ses préjudices.

Les défendeurs ont conclu au rejet de l'ensemble des prétentions et ont sollicité la condamnation de la demanderesse à leur payer à chacun la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement du 19 mars 2014, le tribunal de grande instance de Lyon a, principalement:

- débouté la société AVA international de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société AVA international à payer à la société [C] & Associés et à M.[O] [W], à chacun la somme de 2500 €,

- condamné la société AVA international à payer à la société [C] & Associés et à M. [O] [W] à chacun. la somme de 1500 € au litre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société AVA international aux entiers dépens.

La société AVA International a relevé appel de ce jugement.

Celle-ci ayant fait l'objet le 23 septembre 2014 d'un jugement de liquidation judiciaire, Maître [I] [L], nommé en qualité de liquidateur judiciaire, a conclu à la reprise d'instance sur les conclusions notifiées précédemment par la société AVA International le 21 juillet 2014.

Aux termes de ses écritures, la société AVA International conclut ainsi :

«'PAR CES MOTIFS:

Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société AVA International

Vu les articles L 822-17, R 823-11 et suivants du code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 1382 du code civil,

Vu le rapport établi par M. [V] [M], Expert comptable - Commissaire aux comptes, expert près la cour d'appel de Lyon, consulté par la Société AVA International qui lui a soumis tous les éléments de son procès l'opposant à la société [C] et à M. [W],

Relever les multiples manquements déontologiques commis par M. [W] et la société [C] dans le cadre de leurs relations avec la société AVA International

Relever les manquements commis par M. [W] et la Société [C] dans l'exercice de leur mission de Commissaire aux Comptes de la concluante,

Relever que ce n'est que le 24 mars 2010 qu'un projet de lettre de mission a été transmis à la société AVA International pour un exercice comptable ayant couru entre mars 2008 et le 30 septembre 2009,

Relever la réalité de l'augmentation de capital envisagée par deux fonds d'investissement faisant publiquement appel à l'épargne au profit de la Société AVA International et l'abandon de son projet par suite de l'impossibilité dans laquelle celle-ci s'est trouvée de communiquer à ses investisseurs un bilan avec l'avis de son Commissaire aux Comptes,

Relever le manquement imputable à ce commissaire aux comptes qui s'était engagé sur la date du 18 décembre pour donner un avis, quel qu'il soit, peu importait,

Relever la réalité du préjudice subi par la société AVA International et le caractère indiscutable du lien de causalité reliant ce préjudice aux multiples fautes commises par les intimés,

Réformer le Jugement entrepris,

Condamner la société [C] & associés à payer à la société AVA International la somme de 2.300.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Condamner M. [O] [W], in personam, qui est à l'origine d'une faute détachable de son activité normale pour avoir assouvi une vengeance personnelle à rencontre de la société AVA International, mais également pour tenter de camoufler ses multiples manquements à sa fonction de commissaire aux comptes, à lui payer une somme complémentaire de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,

Ordonner la publication par extrait de l'arrêt à intervenir dans trois journaux financiers français, à savoir « La Tribune », « les Echos », « Le Figaro » supplément financier, et dans le journal algérien « El Watan », sans que ces insertions puissent dépasser un coût de 1.500,00 € chacune,

Condamner la société [C] & Associés ainsi que M. [O] [W], conjointement et solidairement, à payer à AVA International la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner les mêmes, dans les mêmes conditions de solidarité, à supporter les entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Didier Cievet, Avocat, sur son affirmation de droit.'»

Selon la société AVA International, M.[S] [K] alors qu'il était employé par la société Swiss Voice France, a participé à des négociations portant sur le rachat des branches de fabrication et de commercialisation des produits « blancs » (réfrigérateurs, cuisinières...) et « bruns » (télévisions, radios...) de la société [H].

M. [K], libéré de son emploi, a souhaité poursuivre ce projet pour son compte.

A cet effet, il a crée la société AVA International immatriculée le 17 mars 2008 au R.C.S de Lyon, ayant pour associés : lui-même et la société « La Financière des Rochers », cette dernière ayant pour unique associé lui-même.

Ayant obtenu de la société [H] la concession de certaines licences de marques et d'utilisation de brevets sur les pays de l'Afrique du Nord, et d'autre part sur les pays du Moyen-Orient (Iran, Irak, Arabie Saoudite, Quatar, etc...), il a pu entrer en relation avec différentes entreprises étrangères pour assurer la distribution des produits.

En parallèle, il a noué des contacts avec le gouvernement algérien qui, dans le cadre d'un programme de privatisation, souhaitait céder l'exploitation d'une usine, propriété de la société nationale ENIE, fabricant des produits « bruns » (téléviseurs pour l'essentiel)

Compte -tenu du développement de son entreprise et de son projet avec le gouvernement algérien, M. [K] a demandé à la société [C] & Associés, en la personne de M. [W] qu'il connaissait professionnellement, d'être le commissaire aux comptes de son entreprise, la présence d'un commissaire aux comptes étant, selon lui, obligatoire.

La société AVA International a également eu recours aux services d'un avocat parisien, Maître [J] dans le cadre de ses négociations avec l'Etat algérien et à une entreprise spécialisée dans la recherche d'investisseurs, la société Aristea.

Plusieurs investisseurs se sont montrés intéressés par le projet et on fait des propositions.

Parallèlement un litige est apparu avec la société [H] mettant en cause la pérennité des accords commerciaux.

La cloture des comptes du premier exercice a été reportée au 30 septembre 2009.

Les comptes au 30 septembre 2009 arrêtés par l'expert comptable le 4 décembre 2009 ont fait apparaître un résultat net positif de 26.459 €.

La société [C] a sollicité des précisions et des corrections, lesquelles une fois prises en compte ont fait apparaître une perte pour l'exercice à hauteur de 9.152 €.

M. [W] a ensuite sollicité des documents complémentaires ainsi qu'une «circularisation» auprès des fournisseurs.

Une nouvelle version des comptes a été transmise le 13 janvier 2010 faisant apparaître cette fois un passif de plus de 200 000 € .

Le 19 janvier 2010, la société AVA a informé le commissaire aux comptes qu'elle venait d'être avisée que les investisseurs potentiellement intéressés se retiraient en l'absence de production du rapport du commissaire aux comptes sur les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2009.

Le 9 février 2010, le commissaire aux comptes a diligenté une procédure d'alerte.

La société AVA International fait grief à la société [C] et à M. [W] d'être à l'origine de ses difficultés en ayant :

- exigé abusivement l'inscription au passif du bilan qui lui était soumis, de sommes qui n'avaient rien à y faire, notamment la facture non causée de l'avocat [J], et d'autre part trois factures d'un montant ahurissant au regard des dispositions de l'article 823-12 du code de Commerce, établies par la société [C] fin novembre 2009,

- exigé, avec pratiquement deux mois et demi de retard, une circularisation strictement sans utilité une circularisation en direction des fournisseurs, des clients, des banques, de la conservation des hypothèques alors qu'elle n'est propriétaire d'aucun bien immobilier,

- refusé de donner un avis, «quel qu'il soit, à l'extrême peu importait», puisque les investisseurs avaient été informés de ses déconvenues avec [H],

- cumulé les missions de contrôle et de conseil, au mépris des dispositions légales et des règles déontologiques,

- précipité la mise en oeuvre des phases II et III de la procédure d'alerte allant même jusqu'à violer le délai légal de 15 jours imposé après la mise en oeuvre de la phase I,

- participé à une collusion frauduleuse avec l'ancien directeur commercial de la société, M. [E], et avec l'ancien conseil parisien.

Elle soutient :

- qu'à partir du moment où M. [W] a acquis la certitude qu'il ne serait pas payé de ses factures du 25 novembre 2009, pour un total de 46 202,65 € H.T. et qu'elle se refusait par ailleurs à prendre en compte les factures non causées qui lui avaient été transmises un an plus tôt par son avocat parisien d'alors, Maître [J], pour 71.149,30 H.T., celui-ci a mis en oeuvre une démarche visant à rendre impossible la réalisation de l'augmentation de capital pourtant bien engagée, pensant que cela entraînerait la fin de l'entreprise et l'effacement de ses multiples manquements déontologiques,

- qu'il a soumis les pièces du dossiers à M. [M] expert, dont il produit le rapport, qui a conclu a l'existence de fautes de la part de la société [C],

- qu'elle a subi un préjudice de 2.300.000 €.

M. [O] [W] et la société [C] & Associés demandent à la cour :

«Vu les articles 30, 31 et 122 et 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 1382 du code civil, et l'article L. 822-17 du code de commerce,

- Confirmer le jugement sur le principal,

- Débouter en conséquence Maître [I] [L], ès qualité de mandataire liquidateur de la société AVA International de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

- l'infirmer sur le montant des dommages et intérêts alloués,

- Condamner Maître [I] [L], ès qualité de mandataire liquidateur de la société AVA International à leur payer à chacun la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.»

Elle soutient :

- que la société AVA a enregistré des déboires commerciaux avec [H] et que son projet avec l'Etat Algérien s'est enlisé,

- que le cabinet s'est inquiété des rentrées de trésorerie compte tenu des dettes dont l'exigibilité s'approchaient.

- que lors d'une réunion du 17 juillet 2009, elle a demandé le plan de trésorerie jusqu'à la fin de l'exercice, ainsi que les projections des ventes, le carnet de commande etc.

- qu'Ava a alors annoncé un nouvel accord avec [H] pour le Maroc et pour Dubaï et un contrat pour le marché israélien pour 2 000 000 de dollars, sans en justifier,

- que n'ayant plus de visibilité sur la continuité de l'exploitation, elle a exigé un projet de comptes fiables,

- que le contrôle des comptes devait se faire à la suite d'un déplacement dans les locaux de l'entreprise les 10 et 11 décembre, l'avis pouvant être rendu le 18 décembre,

- que les comptes ont été reçus le 7 décembre,

- que le cabinet a souhaité «circulariser» les clients fournisseurs avocats et banques...

- qu'elle a constaté que certaines écritures comptables n'étaient pas documentées, et que l'ensemble du «business model» était à expliciter,

- qu'un nouveau projet de compte a été adressé ne prenant en considération qu'une partie des demandes, ce qui a justifié le déclenchement de la procédure d'alerte, compte tenu du déséquilibre très important dans les comptes,

- que la société AVA a obtenu l'autorisation de reporter l' assemblée générale,

- qu'elle n' a obtenu les comptes dans leur 3 ème version que le 16 mars 2010, faisant apparaître un résultat négatif de 255 110 €,

- qu'elle a réclamé les éléments justificatifs et n'a rien obtenu,

- qu'elle a été convoqué à l'assemblée générale, dont l'ordre du jour comportait la révocation du mandat du commissaire aux comptes, ce qui est illégal, et l'approbation des comptes,

- que le jour de l'assemblée générale les comptes n'ont pas été étudiés,

- que seule la révocation du commissaire aux comptes à été votée,

- que le cabinet a donc démissionné et fait une révélation des faits au procureur de la république,

- que la plainte de la société AVA portée devant la chambre régionale de discipline près la cour d'appel de Versailles, a été classée sans suite, après instruction par deux syndics de la chambre, en raison de l'absence de faute,

- que ni la société [C] ni M. [W] n'ont commis de faute.

MOTIFS:

Sur l'absence de signature de lettre de mission

Contrairement aux indications de la société AVA International, la désignation d'un commissaire aux comptes ne s'imposait pas à la société AVA International, compte tenu de sa taille.

L'assemblée générale a d'ailleurs révoqué le commissaire aux comptes le 30 avril 2010 sans le remplacer, pour ce motif.

La société [C] produit une lettre de mission datée du 23 juin 2008.

Force est de constater qu'elle n'est pas signée par la société AVA International.

Cependant, dans un message du 23 février 2008, la société [C] a précisé qu'elle interviendra «en tant que commissaire aux comptes», et que compte tenu de sa responsabilité quant à la continuité de l'exploitation, il y aura lieu de lui transmettre tous les éléments relatifs à la situation de la société des actionnaires.

La société AVA International ne conteste d'ailleurs pas avoir considéré la société [C] comme étant son commissaire aux comptes et avoir réglé ses factures d'honoraires.

Le grief est donc sans conséquence.

Sur la mission accomplie par la société [C]

Dans le cadre de leur mission telle que définie par la loi, le commissaire aux comptes procède à un audit des comptes annuels de la société qui a pour objectif conformément aux dispositions de l'article L'823-9 du code de commerce, de certifier, en justifiant de ses appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice.

Conformément aux dispositions de l'article L823-10 du code de commerce, le commissaire aux comptes a pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société, de contrôler la conformité de la comptabilité aux règles en vigueur et de vérifier également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration et dans les documents adressés aux actionnaires sur la situation financière et les comptes annuels.

Il assure conformément aux dispositions de l'article L823-11 du code de commerce que l'égalité a été respectée entre les actionnaires.

Conformément aux dispositions de l'article L823-12 du code de commerce il signale à la plus prochaine assemblée générale les irrégularités et inexactitudes relevées au cours de l'accomplissement de sa mission.

En l'espèce, dans un message électronique du 3 septembre 2008, la société [C] indique: « voir dans qu'elle mesure il serait possible de préparer un rapport de due diligence sur le BP ( business plan) et la valorisation pour que [C] n'apparaisse pas comme étant à l'origine de l'élaboration de ces données, mais bien dans un rôle d'analyse et de challenge de ces données, compatibles avec notre rôle de CAC».

Il ne peut en être déduit que la société [C] a participé à la l'élaboration du business plan.

Au contraire, il s'agit d'un rappel du cadre de son intervention consistant à exercer un contrôle des documents relatifs au business plan de l'entreprise devant être diffusés notamment auprès des investisseurs, et ce tout au long de leur élaboration afin de s'assurer de leur sérieux.

D'ailleurs dans un message du 28 juin 2008, la société [C] indique à la société AVA que la valorisation de la société sera effectuée à partir du business plan «que vous avez préparé.»

Dans un courrier du 7 juillet 2008, la société [C] sollicite la communication de «tous les éléments pouvant servir à la qualité de l'information fournie dans le business plan.».

Dans un autre message du 26 novembre 2008, la société [C] écrit : « vous trouverez ci-joint un pré-projet de mise en forme du BP conso établi selon vos hypothèses et données».

En cela, la société [C] n'a pas commis d'immixtion dans la gestion de l'entreprise, mais s'est limitée à exercer une assistance et un contrôle portant sur le document le plus important de l'entreprise sur la base duquel des tiers pourraient s'engager.

Enfin la plainte déontologique de la société AVA International a été classée sans suite le 27 octobre 2010 par le parquet général de la cour d'appel de Versailles.

Le grief est donc mal fondé.

Sur l'exigence d'inscription au passif du bilan de certaines sommes

Dans un message du 20 novembre 2009, M. [W] a demandé à M. [K] :

« il faut impérativement que fin novembre 2009:

- nous disposions d'un projet de comptes fiable et quasi définitif pour AVA International,

- nous puissions discuter des actifs réalisables et des passifs exigibles tant pour AVA que pour la Financière des Rochers dont le situations sont indissociables et doivent être envisagées conjointement. Pour cela, il faudra que les comptes intègrent la totalité des passifs : honoraires non encore facturés par [B], nouveaux honoraires du cabinet d'avocat lyonnais, honoraires de Me [I], frais de Régus ayant fait l'objet d'une mise en demeure, éventuels honoraires de l'intermédiaire chargé d'élargir le tour de table,

- un premier paiement intervienne au cabinet fayout

- la perspective de paiement de nos honoraires nous soit confirmée.»

Par un message du 4 décembre 2009, la société AVA International a indiqué à la société [C] : « la revue des comptes a été arrêtée par M. [X] ce jour et le comptes sont à votre disposition.»

Par un nouveau message du 7 décembre 2009, la société AVA International a indiqué qu'elle lui transmettait les comptes de la société.

Ces comptes faisaient apparaître un résultat d'exploitation négatif de 39 629 € et un résultat net positif de 26 459 €.

Le cabinet [C] est alors intervenu immédiatement sur place le 18 décembre 2009 et a sollicité des pièces et des explications.

A réception, elle a adressé le résultat de son travail par un courrier très détaillé du 13 janvier 2010.

Ce rapport, faisait état d'irrégularités comptables et de difficultés de fond :

Le commissaire aux comptes a relevé en effet :

- qu'une facturation aux actionnaires d'AVA Afrique à hauteur de 100 KF pour des frais d'études marketing réalisés sur le marché africain par AVA International pour la création d'AVA Afrique est irrégulièrement comptabilisée et qu'il conviendra de rectifier l'écriture en l'enregistrant dans le compte comptable adéquat après confirmation que la prestation entre dans l'objet social,

- la comptabilisation au titre des immobilisation incorporelles de «frais de premier établissement» irréguliers pour environ 200K€,

- la comptabilisation toujours au titre des immobilisations incorporelles, de «frais de marques» à hauteur de 143 000 €, correspondant à la valorisation des « factures de royalties», « immobilisées pour donner une valeur au droit d'utilisation des licences», alors que la pérennité des relations avec [H] pourrait être menacée par les relations contentieuses engagées, les redevances impayées, le montant minimum de vente non atteint, ouvrant la possibilité à [H] de mettre fin au contrat etc.

- au titre des produits exceptionnels : non justification par des documents juridiques de l'abandon par les actionnaires de leur compte courant à hauteur de 84 K€,

- au titre des frais de déplacement : factures comptabilisées pour un montant de 20KF au regard d'une dépense effective unique de 6KF- poste de charges surévalué de 14 KF,

- nécessité de démontrer que certaines dépenses ont été engagées dans l'intérêt de la société ( pneu, lavage de voiture) et de ne pas faire transiter par la société des dépenses à caractère personnel,

- litige [E] : les congés payés et les charges sociales correspondantes sont sous évalués de 9 KF.

Par ailleurs, la société [C] fait état qu'elle n'a pas obtenu communication des éléments d'activité prévus pour novembre, l'état actif disponible / passif exigible et le prévisionnel d'activité.

Anticipant ce rapport négatif, la société AVA avait quelques jours auparavant annoncé qu'il serait établi une nouvelle version des comptes sur la base de «nouvelles options de comptes» notamment l'annulation de l'activation de droit de marques du fait de l'absence de pérennité de la relation et le changement dans le calcul de la provision des royalties [H].

Une nouvelle version des comptes a été adressée le 16 mars 2010, faisant apparaître un résultat négatif de 255 110 €.

Le commissaire aux comptes a pu cependant rendre son rapport ( refus de certification) pour le 30 mars 2010, date de l'assemblée générale, à laquelle il a été convoqué quelques jours avant.

Ces échanges montrent que c'est bien la société AVA International qui a pris l'initiative de modifier la présentation de ses comptes.

D'ailleurs dans un message du 22 juin 2012, l'expert comptable de la société AVA International, répondant à une question de la société AVA International sur la méthodologie, rappelle que « c'est uniquement à l'issue des discussions et arbitrages avec les commissaires aux comptes que les comptes définitifs sont établis avec ses annexes.».

Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au commissaire aux comptes d'avoir fait des observations, voire des propositions sur le projet de comptes qui lui a été transmis.

Enfin, il sera relevé que la société [C], dès le 11 février 2008, avait d'emblée attiré l'attention de la société AVA International sur la question délicate de la valorisation des apports de licence, question qui nécessitait une démarche très «sérieuse», avec l'assistance de cabinets «sérieux» et «réputés» en raison des enjeux importants «entrée de fonds, crédibilité de la société au regard des autres tiers et bailleurs, la certification des comptes...». M. [W] ajoute : «Je vous confirme que nous ne pourrons pas, [C], signer les comptes avec une incorporelle plus que significative que nous aurons valorisée».

En tout état de cause, les différents échanges ne font apparaître aucune demande du commissaire aux comptes pour voir modifier les comptes à l'effet de faire apparaître des honoraires.

Sur l'exigence d'une «circularisation» tardive et strictement sans utilité

Compte-tenu de l'absence de production d'éléments précis concernant le passif exigible une circularisation s'avérait indispensable aux fins de vérification.

Ce faisant, la société [C] n'a fait qu'user des moyens qui lui sont conférés en application de l'article 823-13 du code de commerce.

Par ailleurs, il ne peut être reproché à la société [C] d'avoir tarder alors qu'elle n'était pas en possession des comptes.

Sur le refus de donner un avis «quel qu'il soit»

Aux termes de l'article R 823-7 du code de commerce, dans leur rapport à l'assemblée générale ordinaire, les commissaires aux comptes déclarent :

a) soit certifier que les comptes sont réguliers et sincères,

b) soit assortir la certification de réserves,

c) soit refuser la certification des comptes.

La société AVA International ne justifie pas avoir demandé à la société [C] d'émettre un avis «quel qu'il soit» sur les comptes avant la date de l'assemblée générale.

Ce n'est que dans un courrier du 19 janvier 2010 que la société Ava indique à la société [C] que l'augmentation de capital portant sur un montant de 700 000 € vient d'être annulée par les investisseurs et que cette décision est motivée par la non production à ce jour des rapports sur les comptes de l'exercice et par la tardiveté de la demande de circularisation.

En réalité, la société AVA international n'avait pas encore convoqué d'assemblée générale à cette date.

Une convocation n'interviendra que pour le 30 mars 2010 et le commissaire aux comptes transmettra en temps et en heure son rapport officiel.

De surcroît, la société [C] avait transmis dès le 13 janvier 2010 un rapport détaillé sur les comptes.

La société AVA International pouvait l'adresser aux investisseurs si elle estimait que le contenu du rapport n'avait pas d'importance.

Les échanges entre la société et le commissaire aux comptes et avec la société Aristea démontrent au contraire que la société AVA International ne souhaitait pas un avis « quel qu'il soit» de son commissaire aux comptes mais bien une certification de ses comptes.

Dans un courrier de la société Aristea du 11 janvier 2010, cette dernière indique bien qu'elle tient à alerter la société AVA international que la non certification par le commissaire aux comptes, des comptes du premier exercice clos le 30 septembre 2009, « inquiète les souscripteurs potentiels de l'augmentation de capital» et que «l'absence de diligence interpelle fortement les investisseurs potentiels et met en danger l'opération».

Il sera enfin relevé que le refus de certification ne fait pas l'objet de critique sur le fond de la part de la société AVA.

Le grief n'est donc pas fondé.

Sur le cumul des missions de contrôle et de conseil

Les plaintes que la société AVA international a déposées à cet égard devant la Commission régionale de discipline ont été classées sans suite.

Malgré l'existence de relations cordiales entre M. [K] et les collaborateurs de la société [C], qui ont voulu accompagner et guider M. [K] dans son projet, ces derniers se sont montrés à juste titre exigeant quant au respect des normes comptables.

D'autre part, aucun lien de causalité n'est établi entre cet éventuel manquement et le préjudice allégué.

Le grief n'est donc pas fondé.

Sur la précipitation de la mise en oeuvre des phases II et III de la procédure d'alerte allant même jusqu'à violer le délai légal de 15 jours imposé après la mise en oeuvre de la phase I

Aux termes de l'article R 234-5 du code de commerce, le dirigeant doit répondre par lettre recommandée dans les 15 jours qui suivent la réception de la demande d'observations de son commissaire aux comptes.

En l'espèce, la société [C] a été destinataire des comptes le 13 janvier 2010.

Ces comptes faisant apparaître un passif exigible supérieur à 204 000 €, la société [C] a adressé au dirigeant de la société AVA international une demande d'observations, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 20 janvier 2010, reçue le 25 janvier 2010.

Le dirigeant devait répondre avant le 9 février 2010 à 24 heures.

Or, celui-ci a adressé ses observations par un courrier daté du 10 février 2010, reçu par la société [C] le 11 février 2010.

En avisant le président du tribunal de commerce, par un courrier du 9 février 2010, reçu par le destinataire le 11 février 2010, le commissaire aux comptes n'a pas commis d'irrégularité.

Sur la participation à une collusion avec l'ancien directeur commercial de la société, M. [E] et l'ancien conseil parisien.

Ce grief imprécis repose sur l'attestation d'un sieur M. [Z] qui ne fait que relater des faits qui lui auraient été rapportés, soit par M. [K] soit par un ancien salarié d'AVA, M. [E].

Ce grief n'est donc pas démontré par les pièces produites.

Sur le préjudice et le lien de causalité

La société AVA International expose que son préjudice consiste en une perte de valeur consécutive à l'échec du tour de table des investisseurs, lui-même imputable aux prétendus manquements de la société [C].

Or, il convient de relever que la société AVA International ne produit aucune pièce justifiant que le refus des investisseurs d'honorer leurs promesses non contraignante d'apport, soit consécutif à la non formalisation d'un avis du commissaire aux comptes.

Il convient de relever que la société AVA International a demandé le report de la cloture de l'exercice statutairement fixé au 31 mars 2009, au 30 septembre 2009.

Le message de la société AVA International à la société [C] en date du 21 avril 2009, est explicite sur les motivations purement économiques de ce décalage.

Alors que ses comptes ne sont pas établis, la société AVA international a sollicité la société Aristea par une lettre de mission du 5 novembre 2009, à l'effet de l'assister dans la recherche d'investisseurs.

Dans un courrier du 18 décembre 2009, un investisseur s'est déclaré intéressé pour réaliser une intervention en fonds propres au bénéfice d'AVA International pour un montant de l'ordre de 300 000 €, sous réserve de la réalisation de 11 conditions, dont la valorisation de la société à hauteur de 1 500 000 € et sous réserve que 1 ou 2 investisseurs privés participent dans les mêmes conditions pour un montant minimal de 40 000 €.

Or le litige avec la société [H] était apparu dès février 2009 ce qui rendait impossible une telle valorisation.

Ainsi, il apparaît que les difficultés de la société AVA international ont eu pour cause essentielle la défaillance de son «business plan» qui était au demeurant d'une extrême complexité commerciale et juridique, et non pas à un quelconque retard ou manquement de la société [C].

Le lien de causalité avec les pertes invoquées n'est pas établi.

Sur le bien fondé de l'action à l'encontre de M. [W] personnellement

Un préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant n'engage pas sa responsabilité.

Dans cette hypothèse, la victime ne dispose d'aucune action contre le préposé, sauf infraction pénale ou faute intentionnelle.

La société AVA International ne rapporte aucune preuve de ses allégations tendant à soupçonner M. [W] de « collusion» ou de violation du secret professionnel.

M. [K] ne saurait invoquer un message rédigé par lui-même à l'un de ses clients en date du 9 février 2010 ne peu constituer une quelconque preuve d'une violation d'un secret professionnel.

M.[W] est intervenu strictement dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la société [C].

Ainsi qu'il a été jugé, l'attestation de M. [Z] n'apporte aucune certitude sur les faits relatés.

En conséquence, la demande dirigée contre M. [W] est mal fondée.

Il sera relevé également que M. [O] [W] n'a pas été le seul collaborateur de la société [C] à être intervenu.

En effet, M. [C] [Q], « senior manager/audit [Localité 1]» a également participé à la mission de contrôle.

Sur la demande de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice

L'exercice d'une action en justice est un droit, qui ne dégénère en abus qu'en cas de faute.

En l'espèce, il n'est pas justifié d'une malveillance, d'une mauvaise foi ou d'une erreur grossière de la société Ava international.

En conséquence, la société [C] et M. [W] seront déboutés de leur demande à ce titre, et le jugement sera réformé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

la cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté la société AVA international de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société AVA international à payer à la société [C] & Associés et à M. [O] [W] à chacun la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société AVA international aux entiers dépens.

le réformant partiellement :

- Déboute la société [C] & Associés et M. [O] [W] de leur demande de dommages et intérêts,

y ajoutant :

- Condamne Maître [L] es qualité de mandataire liquidateur de la société AVA international, à payer à la société [C] & Associés et à M. [O] [W] à chacun. la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamne Maître [L] es qualité de mandataire liquidateur de la société AVA international aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 14/03305
Date de la décision : 08/12/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°14/03305 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-08;14.03305 ?
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