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27/10/2015 | FRANCE | N°13/09932

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 27 octobre 2015, 13/09932


R.G : 13/09932









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 03 décembre 2013



RG : 13/08501

chambre des urgences





[Q]



C/



COMPTABLE DES IMPOTS [Localité 4]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 27 Octobre 2015







APPELANT :



M. [C] [Q] Gérant de la SARL GTD <

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né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD-TALLENT, avocat au barreau de LYON









INTIME :



COMPTABLE DES IMPOTS [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par la...

R.G : 13/09932

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 03 décembre 2013

RG : 13/08501

chambre des urgences

[Q]

C/

COMPTABLE DES IMPOTS [Localité 4]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 27 Octobre 2015

APPELANT :

M. [C] [Q] Gérant de la SARL GTD

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD-TALLENT, avocat au barreau de LYON

INTIME :

COMPTABLE DES IMPOTS [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par la SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME JOUSSEMET, avocat au barreau de LYON

INTERVENANT :

COMPTABLE DU SERVICE DES IMPOTS DES ENTREPRISES DE LYON BRON

dont les bureaux sont situés [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME JOUSSEMET, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Décembre 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Septembre 2015

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2015

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

La SARL GTD [Q] Tournier Demolitions a été créée en 2000. M. [Q] en est le gérant depuis sa création.

A l'occasion d'un contrôle fiscal portant sur les exercices 2007 et 2009, des rectifications de TVA, impôt sur les sociétés et taxe professionnelle ont été opérées et des taxations d'office réalisées le 20 février 2010. Une transaction a été conclue le 9 juin 2010 suite aux difficultés de l'entreprise mais la SARL GTD Tournier Demolitions n'a pas effectué les paiements à l'échéance. Les sommes ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement contre la société mais qui s'est révélé infructueux, tandis que des avis à tiers détenteur ont permis un recouvrement limité de la créance.

La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 26 janvier 2011, la créance a été déclarée à la procédure. Celle-ci a été clôturée pour insuffisance d'actif le 26 février 2013.

Par acte d'huissier du 26 juillet 2013, le comptable du service des impôts des entreprises de Lyon Bron, a assigné M [Q] sur le fondement des articles L 267 et R 267-1 du livre des procédures fiscales, afin qu'il soit déclaré solidairement responsable avec la société du paiement des impositions dues.

Par un jugement en date du 3 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Lyon, statuant en chambre des urgences, a déclaré M [C] [Q] solidairement responsable avec la SARL GTD [Q] Tournier Demolitions du paiement de la somme de 161 64 euros soit 121 244 euros pour les droits et 40 620 euros de pénalités afférentes aux motifs que la société et son dirigeant ont failli à leurs obligations fiscales en minorant les déclarations et en déduisant la TVA par anticipation, a condamné M [Q] au paiement de cette somme au compte des impôts des entreprises de Lyon Bron, et n'a pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

Un jugement rectifiant une erreur matérielle a été rendue le 17 décembre 2013.

M [C] [Q] a interjeté appel du jugement dont il sollicite la réformation. Il conclut au débouté du comptable du service des impôts de toutes ses demandes, fins et conclusions ainsi qu'à sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 euros en application des l'article 700 du code de procédure civile.

Il conteste l'existence de manquements qui lui seraient imputables personnellement ainsi que leur caractère répété, et se prévaut d'une transaction convenue avec le comptable des impôts.

Il estime que la minoration des déclarations de TVA ne constitue pas un manquement grave et ne remplit pas le critère de répétition puisqu'il semble n'avoir eu lieu que deux fois. Il ajoute que les impositions n'étaient pas exigibles compte tenu de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, interdisant tout paiement le 26 janvier 2011, et que l'entreprise a connu de graves difficultés financières qui n'ont pas été prises en compte.

Il note que le dirigeant de la société ne peut être tenu au paiement de la dette fiscale de celle-ci que dans la mesure où il en a rendu le recouvrement impossible, ce qui nécessite de caractériser un lien de causalité entre les fautes commises par le dirigeant et l'impossibilité pour le trésor public de recouvrer sa créance et de préciser la nature et les dates des tentatives de recouvrement de l'impôt. Il soutient que le premier juge n'a pas pris en compte les circonstances qui ont rendu le recouvrement de l'impôt impossible et qu'il n'a, quant à lui, commis aucune faute qui aurait empêché la mise en recouvrement de l'impôt aux dates d'échéance normale ou eu une intention frauduleuse lorsqu'il demandait des délais de paiement.

Il fait valoir que l'administration fiscale n'a pris aucun titre exécutoire ni diligenté aucun acte de poursuite à l'encontre de la société, mais qu'elle s'est contentée d'une mise en demeure et d'un avis à tiers détenteur et donc n'a pas effectué tous les contrôles lui incombant pour obtenir le règlement des impositions dues par la société. Il en déduit que c'est cette absence de diligence qui est à l'origine de l'impossibilité de recouvrer l'impôt et non son comportement.

Il demande la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la taxation d'office sur TVA est postérieure à l'ouverture de la procédure collective et que l'absence de recouvrement de cette somme ne peut être imputée à une faute du dirigeant.

Le comptable du service des impôts des entreprises de Lyon Bron, intimé, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré M [Q] solidairement responsable avec la SARL GTD [Q] du paiement de la somme de 161 864 euros et l'a condamné à la lui payer, et demande qu'il soit condamné à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que les minorations de TVA collectée, les majorations de TVA déductible et le défaut de souscription des déclarations de TVA constituent bien des inobservations graves et répétées des obligations fiscales car cela conduit à la conservation dans la trésorerie de la société de sommes destinées à être reversées au Trésor ce qui fausse le jeu de la concurrence. Il précise que le texte prévoit de manière alternative le cas de manoeuvres frauduleuses et celui d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales.

Il considère que M [Q] a sollicité à plusieurs reprises des délais sans aucun versement ou production des garanties demandées car il souhaitait en réalité retarder l'action en recouvrement et non conclure un véritable accord. Il précise que des poursuites ont été engagées dès que les procédures amiables se sont révélées vaines, qu'il a utilisé tous les actes de poursuite à sa disposition pour obtenir le paiement des sommes en temps utile, mais qu'aucun dividende n'a été versé par la liquidateur avant la clôture pour insuffisance d'actif, ce dont il déduit que le lien de causalité est caractérisé.

Les parties ont été invités à s'expliquer sur le fait que le jugement entrepris a été rendu par le tribunal de grande instance, et non par le président de cette juridiction .

M [Q] a sollicité la nullité du jugement et le renvoi de l'affaire devant la chambre des urgences du tribunal de grande instance.

Le comptable du service des impôts des entreprises de Lyon Bron a soutenu que la nullité du jugement n'est pas encourue, dès lors que c'est bien le président du tribunal de grande instance qui a statue dans sa formation de chambre des urgences composé d'un juge unique. A titre subsidiaire, il a fait valoir qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la cour doit statuer au fond.

MOTIFS

Attendu que l'article L 267 du livre des procédures fiscales dispose que lorsqu'un dirigeant d'une société est responsable des man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance ; que le dirigeant ne peut s'exonérer de sa responsabilité en soutenant que l'impossibilité de recouvrement des impôts résulte de la seule situation financière de la société que le déficit croissant a contraint à la liquidation judiciaire ;

Attendu que si l'acte introductif d'instance a bien été délivré devant le président du tribunal de grande instance, le jugement entrepris a été rendu, non par cette juridiction, mais par le tribunal de grande instance ; que l'excès de pouvoir ainsi commis doit, entraîner la nullité du jugement ; que compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, la cour doit statuer au fond ;

Attendu que l'application de l'article L 267 du livre des procédures fiscales implique que soient constatées des manoeuvres frauduleuses ou une inobservation grave et répétée des obligations fiscales ; que ces deux hypothèses étant alternatives et non cumulatives, le constat d'une inobservation grave et répétée des obligations fiscales, même non-intentionnelle, commise par le dirigeant, suffit à engager sa responsabilité ; que lors du contrôle fiscal réalisé le 20 février 2010 portant sur la période allant du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2009, ont été constatées plusieurs irrégularités notamment en ce qui concerne la date de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et les montants déclarés ; que la minoration des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et la déduction anticipée de la TVA sur prestations de service constituent un manquement grave qui alimente artificiellement la trésorerie de la société avec des sommes qui sont destinées à être reversées au Trésor ; que l'administration fiscale a relevé que les règles de déduction de la TVA n'ont jamais été respectées sur les exercices contrôlés et que les irrégularités concernent des sommes importantes, ce dont il résulte que les manquements ont bien été répétés ;

Attendu que le dirigeant ne peut être déclaré tenu au paiement de la dette fiscale que dans la mesure où le recouvrement de celle-ci est impossible ; qu'il convient de rechercher et caractériser de manière concrète les circonstances en raison desquelles l'inobservation des obligations fiscales a rendu impossible le recouvrement et rechercher si le comptable a utilisé en vain tous les actes de poursuites à sa disposition pour obtenir en temps utile paiement des impositions par la société ; que la proposition de rectification suite à la vérification de la comptabilité est intervenue le 20 février 2010 ; qu'une transaction a été conclue le 9 juin 2010 à la demande de M [Q] compte tenu des graves difficultés financières de la société, mais, celle-ci n'ayant pas respecté l'échéancier, un premier avis de mise en recouvrement a été réalisé le 26 juillet 2010 suivi d'une mise en demeure le 30 juillet 2010, puis de plusieurs avis à tiers détenteur le 28 octobre 2010 pour obtenir le remboursement de la créance ; que suite à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le comptable a déclaré ses créances dans les délais impartis mais la procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif ; que la SARL GTD [Q] Tournier Démolitions a connu de graves difficultés financières ne lui permettant pas de remboursement les sommes dues au Trésor selon l'échéancier prévu par la transaction initiale ; qu'il ressort des productions que l'administration fiscale a pris en considération ces difficultés et fait droit à plusieurs reprises aux demandes d'étalement des paiements de M [Q] ; que suite à l'incapacité de la SARL de faire face aux échéances prévues, le comptable des impôts a mis en oeuvre les actes de poursuites qui étaient à sa disposition pour parvenir au paiement des impositions en mettant en recouvrement les sommes et en mettant en oeuvre des avis à tiers détenteur ;

Attendu que les conditions d'application du texte rappelé précédemment sont ainsi réunies ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la taxation d'office sur TVA est postérieure à l'ouverture de la procédure collective et que l'absence de recouvrement de cette somme ne peut être imputée à faute au dirigeant ;

Attendu en conséquence que M [Q] doit être déclaré solidairement responsable avec la société STD [Q] Tournier Démolitions du paiement de la somme de 161 864 euros et condamné au paiement de cette somme au comptable du service des impôts des entreprises de Lyon Bron ;

Attendu que M [Q] qui succombe doit supporter les dépens et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Annule le jugement entrepris,

Statuant au fond,

Déclare M [C] [Q] solidairement responsable avec la société STD [Q] Tournier Démolitions du paiement de la somme de 161 864 euros ;

Condamne M [C] [Q] à payer cete somme au Comptable du service des impôts des entreprises de Lyon Bron,

Condamne M [C] [Q] à payer au Comptable du service des impôts des entreprises de Lyon Bron la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M [Q] présentée sur ce fondement,

Condamne M [C] [Q] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct par la SCP Grafmeyer, Baudrier, Alleaume, avocat.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/09932
Date de la décision : 27/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/09932 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-27;13.09932 ?
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