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22/09/2015 | FRANCE | N°14/00220

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 22 septembre 2015, 14/00220


R.G : 14/00220









décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 décembre 2013



RG : 12/03079

ch n°1



[Y]



C/



[M]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 22 Septembre 2015







APPELANT :



M. [P] [F] [Y]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 7]

[Adresse

6]

[Localité 3] / FRANCE



Représenté par Me Yves-marie GUILLAUD, avocat au barreau de LYON









INTIME :



M. [E] [M]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représenté par la SCP BURDY PIOT- VINCENDON, avocat au barreau de LYON...

R.G : 14/00220

décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 décembre 2013

RG : 12/03079

ch n°1

[Y]

C/

[M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 22 Septembre 2015

APPELANT :

M. [P] [F] [Y]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 3] / FRANCE

Représenté par Me Yves-marie GUILLAUD, avocat au barreau de LYON

INTIME :

M. [E] [M]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par la SCP BURDY PIOT- VINCENDON, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 19 Novembre 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Juin 2015

Date de mise à disposition : 22 Septembre 2015

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Marie-Pierre GUIGUE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l'audience [Q] [W] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

[U] [M], née le [Date naissance 3] 1953 est décédé le [Date décès 1] 2001, laissant pour lui succéder son frère [E] [M].

L'actif de sa succession comporte notamment un appartement situé [Adresse 4], que Mme[M] et son concubin M. [P] [Y] ont occupé de 1975 à 1992.

M. [P] [Y], estimant être légataire de ce bien aux termes d'un testament olographe daté du 3 décembre 1985, n'a pas restitué cet appartement.

Le testament invoqué, entièrement manuscrit mentionne :

«Melle [M] [U]Lyon le 3/12/1985

née le [Date naissance 3]/1957 à [Localité 8]

demeurant

[Adresse 3]

[Localité 1]

Testament

Je déclare vouloir laisser mon appartement de 2 pièces + alcôves avec cave sis [Adresse 2] à mon concubin Mr [Y] [P] né le [Date naissance 2]53 à [Localité 6].

signature illisible»

Au dos de ce document, figure un modèle manuscrit de testament.

Cet acte a fait l'objet d'un procès-verbal d'ouverture et de dépôt dressé par Maître [H], notaire à Crémieu, le 3 octobre 2001.

La validité de ce testament étant contestée par M.[E] [M], M.[P] [Y], par acte du 24 janvier 2012, l'a assigné aux fins de délivrance du legs et à titre subsidiaire au cas où une indemnité d'occupation serait mise à sa charge, de condamnation à lui rembourser la somme de 13 328,06 €, au titre des charges et impôts versés, ainsi que la somme de 18 293,89 € au titre des frais et droits de succession.

M. [M] a conclu au débouté de la demande d'envoi en possession au motif :

- que le mot «testament» n'est pas de la main de [U] [M],

- que dès lors, l'acte ne peut être considéré comme étant «en entier» de la main de la testatrice au sens de l'article 970 du code civil,

- que de surcroît, il n'a pas de valeur testamentaire au vu de son libellé.

Il a demandé reconventionnellement la condamnation de M. [Y] à lui payer une indemnité d'occupation de 380 € par mois et a contesté les réclamations financières faites à titre subsidiaire par M. [Y].

Par jugement du 19 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- débouté M. [Y] de sa demande principale, l'acte du 3 décembre 1985 ne pouvant pas être considéré comme un testament,

- l'a condamné à verser à M. [M] la somme de 380 € par mois du 4 juin 2001 au 31 décembre 2009 au titre de l'indemnité d'occupation, soit la somme globale de 34 580 €,

- a condamné M. [M] à verser à M. [Y] les sommes de 2 562,80 euros au titre des frais d'obsèques, de 1 784,78 € au titre de la taxe foncière et de la taxe sur les logements vacants, et de 10 195,75 € au titre des charges de copropriété,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné M. [Y] aux entiers dépens.

M. [P] [Y] a relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour de faire droit à sa demande d'envoi en possession et à titre subsidiaire :

- de juger que, le logement n'étant pas décent, il ne saurait être mis à sa charge une indemnité d'occupation ou, à défaut, voir fixer le montant de ladite indemnité d'occupation à la somme de 1 € par mois à compter de la date du décès, soit le [Date décès 1] 2001, jusqu'au 31 décembre 2008,

- de condamner M. [E][M] à lui payer en sus des sommes allouées par le premier juge, la somme de 18 293,89 € correspondant aux provisions sur frais et droits de succession, outre une somme de 1 € de dommages intérêts pour comportement abusif et fautif constitutif d'un abus de droit , et celle de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [E] [M] aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Il soutient :

sur la validité formelle du testament :

- que le testament est écrit entièrement de la main de [U] [M], la testatrice, à la seule exception du titre "Testament",

- qu'il parfaitement possible qu'un testament olographe soit rédigé sur un support comportant déjà d'autres écritures, qu'elles soient manuscrites ou imprimées, sans pour autant que ces autres écritures affectent la qualité de testament olographe,

- qu'il a été jugé dans un arrêt du 1er février 2012, dans le cadre d'un testament reçu par acte authentique qu'un testament pouvait comporter une partie pré-rédigée, c'est-à-dire non dictée par le testateur.

sur la portée testamentaire ou non des dispositions qu'il contient:

- que lorsque [U] [M] écrit : "Je déclare vouloir laisser mon appartement ...", le verbe "laisser" ne peut avoir d'autre sens que le verbe "léguer" ou "transmettre", ces mots étant dans certains cas synonymes, selon le dictionnaire,

- que ce n'est pas par hasard que [U] [M] a utilisé un document sur lequel lui a été fourni un modèle de testament sur une face de la feuille utilisée avec le titre "Testament" pré-rédigé sur l'autre face,

- qu'il a vécu maritalement avec [U] [M] depuis le 15 mars1975 au [Adresse 1], alors qu'ils étaient tous deux âgés de 22 ans, puis à compter de 1992, à [Localité 4] jusqu'à la date du décès de [U] [M] à l'âge de 48 ans,

- que M. [V] atteste:

"Suite à ce décès (de M. [L] [H] en 1996), [U] [M] fut amenée à me parler de sujets plus intimes, m'évoquant en particulier ses propres réflexions sur sa mort. A chaque fois, elle fut très claire en m'affirmant sa volonté de laisser à son compagnon [P] [Y] tous ses biens et l'appartement qu'ils partageaient."

- que les relations de [U] [M] avec son frère étaient non seulement exécrables, mais même inexistantes, à tel point que bon nombre de personnes la fréquentant depuis très longtemps ignoraient même qu'elle avait un frère,

- que c'est lui qui subvenait essentiellement aux besoins du ménage,

- que pour l'ensemble de ces raisons, il est donc parfaitement légitime que [U] [M] ait voulu lui léguer l'appartement.

- qu'il y a donc lieu d'ordonner la délivrance du legs , de renvoyer les parties devant notaire afin que soit établi l'acte de translation de propriété afin de publier le changement de propriété au service de publicité foncière compétent et d'assurer au concluant un titre de propriété régulier, subsidiairement, de dire que le jugement de délivrance de legs à intervenir constituera un titre valable de mutation de propriété qui sera publié au Service de Publicité Foncière compétent,

- que dans cette hypothèse, il ne forme aucune demande financière;

Sur l'indemnité d'occupation sollicitée, il soutient dans l'hypothèse d'une non validation du testament, qu' il convient de prendre en compte :

- que l'appartement n'est ni louable, ni habitable en l'état, ni même décent et que sa valeur locative ne saurait dépasser l'euro symbolique correspondant à la seule détention des clés,

- que l'appartement est inhabité au moins depuis le décès de [U] [M],

- que l'imposition supportée en 2010 au titre de la taxe sur les logements vacants démontre que le logement est considéré comme tel depuis le 31 décembre 2008 et non 2009 comme retenu à tort par le premier juge,

sur le montant des droits de succession :

- qu'il a réglé entre les mains de Maître [H], notaire , une somme totale de 18 293,89 € à titre de provision sur les frais et droits de successions,

- qu'il est bien fondé a solliciter le remboursement de cette somme tant sur le fondement de l'article 1377 du code civil ( répétition de l'indû) que sur celui de l'article 1326 du code civil ( enrichissement sans cause), car les services fiscaux s'opposeront à lui rembourser.

M. [E] [M] demande à titre principal à la cour :

- de confirmer le jugement déféré sur la nullité du testament, et formant appel incident, il demande que l'indemnité d'occupation soit réglée à compter du 4 Juin 2001 et jusqu'au jour de la libération effective des lieux et la remise des clés ,

- de condamner M. [P] [Y] à lui régler 7 500 € à titre de dommages et intérêts pour recours abusifs outre la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [P] [Y] aux dépens d'instance et d'appel distraits au profit de Maître Piot-Vincendon, avocat sur son affirmation de droit.

Il soutient :

- que le seul fait que le mot « testament » ait été rajouté par une autre main que celle de [U] [M] suffit à démontrer qu'il ne s'agit pas d'un testament au sens de l'article 970 du code civil,

- qu'aucun parallèle ne peut être opéré avec la jurisprudence récente relative aux testament en la forme authentique, compte tenu des garanties qu'offre cette forme de testament,

- que les articles 1156 et suivants du code civil sont relatifs à l'interprétation des conventions et ne sont donc pas applicables au testament qui n'est pas une convention,

- que M.[P] [Y] n'ayant toujours pas libéré l'appartement dont il détient seul les clés, l'indemnité d'occupation est due jusqu'à la restitution des clés,

- qu'aucune preuve n'est rapportée du caractère inhabitable de cet appartement,

- qu'au contraire M. [Y] l'a occupé postérieurement au décès avec une dame [C] durant de nombreuses années,

- que le jugement du tribunal doit être confirmé en ce qu'il a laissé

* à la charge de M. [P] [Y] :

~ la taxe d'habitation à hauteur de 41,72 €

~ les frais d'assurance à hauteur de 1 305,81 €,

* à sa charge :

~ les frais d'obsèques,

~ la part des charges de copropriété non «répercutables» sur l'occupant à hauteur de 10 195,75 €,

- qu'il réglera les droits de succession qui lui seront demandés par l'administration et qu'il appartiendra à M. [P] [Y] d'obtenir le remboursement des frais qu'il a avancé auprès de l'administration fiscale puisqu'il n'est pas l'héritier de [U] [M].

MOTIFS

Sur la validité du testament

L'article 970 du code civil qui dispose :

« Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; il n'est assujetti à aucune autre forme »,

Le testament qui n'a pas été entièrement écrit de la main du testateur doit, sans qu'il y ait lieu de rechercher si cet acte est ou non l'expression de la volonté propre de son signataire, être annulé par application de l'article 970 du code civil en raison du vice formel dont il est affecté.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le testament comporte deux écritures manuscrites et que le titre « testament» a été rédigé par une tierce personne.

Ce mot « testament» fait corps avec les dispositions testamentaires.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a prononcé la nullité du testament non entièrement écrit de la main du testateur.

Sur les demandes des parties relatives aux charges de l'appartement, aux droits de mutation et à l'indemnité d'occupation.

1 - sur les charges de l'appartement et les frais d'obsèques :

Il convient de confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a mis à la charge de M. [M] les frais d'obsèques, la taxe foncière, la taxe sur les logements vacants, les charges de copropriété et débouté M. [Y] de ses demandes relatives aux frais d'assurance et la taxe d'habitation, lesquelles incombent à l'occupant.

2 - sur les droits de mutation de l'appartement:

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [Y] de sa demande de remboursement des droits de mutation payés par lui au titre du bien objet du testament annulé.

En effet, il appartient à M. [E] [M] de s'acquitter directement les droits de mutations dont il est redevable.

L'action en répétition de l'indû à l'encontre de M. [M] qui n'a pas perçu la somme réclamée, n'est donc pas fondée .

Il en est de même de l'action fondée sur le principe selon lequel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui puisque que M. [P] [Y] ne justifie aucunement d'une opposition définitive, ni même provisoire des services fiscaux au remboursement de cette somme indûment versée de surcroît « à titre d'acompte ».

3 - sur l'indemnité d'occupation

M. [P] [Y] ne conteste pas qu'il est le seul possesseur des clés de cet appartement.

Ce défaut de restitution a généré un préjudice de jouissance de ce bien à M. [E] [M], lequel n'a pu depuis 2001, ni l'entretenir, ni le rénover , ni en profiter directement ou le donner en location.

Ce préjudice court depuis le décès et perdurera jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés, et ce quel que soit la dégradation de l'appartement survenu au cours de la période, étant en effet relevé que M. [Y] ne justifie pas de l'état de ce bien au jour du décès.

Ce préjudice de jouissance est égal au montant de la valeur locative de ce bien, justement évalué au vu des caractéristiques de ce logement d'une superficie de 32 m2, situé à Lyon 3ème arrondissement, et au vu de l'évaluation faite par la régie Saint Louis à hauteur de 350 € par mois hors charges), à 380 € par mois.

En conséquence le jugement sera confirmé sauf en ce qui concerne la durée de l'indemnité d'occupation;

Sur la demande de M. [E] [M] aux fins de dommages et intérêts pour appel abusif ou dilatoire

Aux termes de l'article 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal, dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 € , sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.

Le caractère infondé d'une prétention reprise en appel ne suffit pas à faire dégénérer en abus l'exercice de cette voie de recours.

Le recours n'étant pas en l'espèce, dénué de moyens sérieux, la demande de dommages et intérêts n'est pas fondée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

la cour,

- Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la durée de l'indemnité d'occupation,

le réformant partiellement de ce chef :

- Condamne M. [P] [Y] à payer à M. [E] [M] la somme de 380 € par mois au titre de l'indemnité d'occupation depuis le 4 juin 2001 jusqu'à la libération effective des lieux ( remise des clés à M. [E] [M] ou à son mandataire),

y ajoutant,

- Déboute M. [E] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

- Condamne M. [P] [Y] à payer à M. [E] [M] la somme supplémentaire de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [P] [Y] aux dépens, distraits au profit de la société Piot - Vincendon, avocat, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile, sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 14/00220
Date de la décision : 22/09/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°14/00220 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-22;14.00220 ?
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