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15/09/2015 | FRANCE | N°11/03445

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 15 septembre 2015, 11/03445


R.G : 11/03445









Décision du

Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Au fond

du 24 février 2011



RG : 2009/00896







[Q]

[S]



C/



[P]

[P]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 15 Septembre 2015









APPELANTS :



M. [H] [Q]

né le [Date nai

ssance 5] 1959 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SELARL PINET - BARTHELEMY-OHMER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON



Mme [M] [S] épouse [Q]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3]
...

R.G : 11/03445

Décision du

Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Au fond

du 24 février 2011

RG : 2009/00896

[Q]

[S]

C/

[P]

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 15 Septembre 2015

APPELANTS :

M. [H] [Q]

né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SELARL PINET - BARTHELEMY-OHMER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Mme [M] [S] épouse [Q]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SELARL PINET - BARTHELEMY-OHMER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Mme [G] [P] épouse [P]

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 1]

La Roue

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

M. [F] [P]

venant au droit de Monsieur [U] [P]

décédé le [Date décès 1] 2013

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

M. [MT] [P]

venant au droit de Monsieur [U] [P]

décédé le [Date décès 1] 2013

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

******

Date de clôture de l'instruction : 16 Avril 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Juin 2015

Date de mise à disposition : 15 Septembre 2015

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, [D] [K] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 29 mars 1980, les consorts [Z] ont vendu à Monsieur et Madame [P] une parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 22] sur la commune de [Localité 2].

Par acte du 24 avril 2005, les héritiers d'[E] [Z] ont vendu à Monsieur et Madame [Q] une propriété cadastrée section [Cadastre 18], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 11] sur la commune de [Localité 2].

Invoquant un droit de passage de 1,50 mètres institué par servitude conventionnelle figurant dans l'acte du 29 mars 1980 auquel il est fait obstacle, Monsieur et Madame [Q] ont assigné Monsieur et Madame [P] devant le tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône le 8 juillet 2009 pour voir reconnaître leur droit de passage sur le fondement des articles 637, 639, 682 et 686 du code civil.

Après un transport sur les lieux avec établissement d'un procès-verbal le 12 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône a débouté Monsieur et Madame [Q] de leur demande et les a condamnés à payer à Monsieur et Madame [P] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que la servitude mentionnée dans l'acte du 29 mars 1980 n'étant pas définie par le cadastre, il convenait de se référer à l'acte de partage du 29 octobre 1937 créateur de la servitude conventionnelle bénéficiant aux attributaires des 1er et 4ème lots soit madame [A] et Monsieur [B] [Z] de sorte qu'il appartenait à Monsieur et Madame [Q] de démontrer qu'ils tiennent leurs droits de ses attributaires, ce qu'ils ne font pas puisqu'il résulte de leur titre de propriété qu'ils ont acquis le bien des enfants d'[E] [Z], attributaire du lot 2, non bénéficiaire de la servitude litigieuse.

Monsieur et Madame [Q] ont relevé appel aux fins de réformation du jugement.

Par arrêt du 27 novembre 2012, la cour a ordonné avant dire droit une expertise confiée à Monsieur [R], géomètre-expert, aux fins de':

- fournir tous éléments permettant de déterminer si au vu des actes invoqués par les parties, de la configuration actuelle des lieux, et de leurs références cadastrales, la parcelle actuellement cadastrée section [Cadastre 22], actuellement propriété de Monsieur et Madame [P], sur la commune de [Localité 2] est susceptible d'être grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles section [Cadastre 18], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 11] sur la commune de [Localité 2] cadastrées appartenant actuellement à Monsieur et Madame [Q],

-rechercher si la parcelle [Cadastre 16] dispose d'une issue suffisante sur la voie publique ou si elle est enclavée. En cas d'enclave, fournir tous éléments permettant de déterminer l'assiette du passage conformément aux prescriptions de l'article 683 du code civil. Le rapport été déposé le 2 septembre 2013.

Par conclusions après expertise, monsieur et madame [Q] demandent à la cour de':

-réformer le jugement,

-dire que monsieur et madame [Q] tiennent leurs droits de madame [A],

-dire que les parcelles acquises bénéficient d'un droit de passage conventionnel,

-constater en tout état de cause l'état d'enclave de la parcelle [Cadastre 16],

-dire que la parcelle [Cadastre 19] actuellement propriété [P] est grevée d'une servitude de passage de 1,5 mètres de large au profit des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 11] actuellement propriété [Q],

-débouter monsieur et madame [P] de leurs demandes de dommages et intérêts formées dans le cadre de l'appel incident,

-condamner monsieur et madame [P] à leur payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens recouvrés au profit de la SCP AGUIRAUD & NOUVELLET, avocats.

Ils font valoir':

-que l'expertise judiciaire a démontré que selon l'acte d'acquisition [P], la parcelle [Cadastre 22] est grevée d'une servitude de passage d'1,50 mètres de large au profit des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 11] leur appartenant et que la parcelle [Cadastre 16] bénéficie d'un passage de trois mètres pour accéder à la [Cadastre 28] constitué pour 1,50 mètres de la parcelle leur appartenant et pour 1,50 mètres pris sur la parcelle appartenant aux époux [P],

-qu'en suite de la donation-partage de 1937, Madame [A] a vendu sa propriété lot 1 aux consorts [N] par acte du 13 novembre 1941 et que les consorts [N] ont vendu à leur tour par acte du 11 août 1959 à [E] [Z] le lot 1, que les héritiers d'[E] [Z] ont vendu aux époux [Q] le lot 1 et aussi le lot 2 attribué depuis le partage, que le lot 1 est aujourd'hui démembré et appartient pour partie à Monsieur [T] et pour partie à Monsieur et Madame [Q],

-que monsieur [T] a acheté aux consorts [Z] leur habitation qui était à l'origine l'écurie du lot 1 mais le surplus du lot 1 est actuellement la propriété [Q] et constitue la parcelle [Cadastre 16],

-qu'il est ainsi démontré qu'ils tiennent leurs droits de Madame [A] ainsi qu'il ressort des actes de 1941 et 1959 non produits devant le premier juge même si le lot [Cadastre 25] du partage a été ensuite démembré de sorte que partie de ce lot qu'ils ont acquis constitue la parcelle [Cadastre 16] qui donne directement sur le droit de passage litigieux sans lequel elle serait enclavée,

-que selon les attestations produites, leurs vendeurs utilisaient bien la servitude depuis 30 ans qu'ils ne peuvent désormais eux-même entretenir du fait des ouvrages réalisés par les époux [P] qui y font obstacle par la présence de pavés auto-bloquants,

-que les consorts [P] affirment avec contradiction que cette servitude n'existe plus depuis 1959 reconnaissant ainsi son existence antérieure.

Monsieur [U] [P] étant décédé le [Date décès 1] 2013, ses héritiers madame [G] [P] et ses enfants [F] et [MT] [P] ont conclu aux fins de reprise d'instance.

Par conclusions après expertise, les consorts [P] demandent à la cour de confirmer le jugement et sollicitent condamnation solidaire de Monsieur et Madame [Q] au paiement de la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils répliquent':

-qu'il n'est désormais plus soutenu que le fonds serait enclavé de sorte que la demande des époux [Q] n'est recevable que sur le fondement de la servitude conventionnelle,

-que la servitude n'existe pas et ne figure pas dans l'acte du prétendu fonds dominant [Q],

-qu'aucune servitude n'est mentionnée dans l'acte du prétendu fonds servant puisque la servitude de passage est stipulée au profit de personnes déterminées et non par numéros et références cadastrales,

-qu'ils ne peuvent par ailleurs prétendre sans motif ni fondement réclamer une servitude non seulement au bénéfice de la parcelle [Cadastre 16] mais également des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 11] lesquelles débouchent sur la voie publique,

-que la servitude instituée dans l'acte de partage de 1937 est au bénéfice des lots 1 et 4 aujourd'hui parcelles [Cadastre 10] appartenant à monsieur [T] et parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 6] appartenant à un tiers de sorte que la parcelle [Cadastre 16] n'a jamais bénéficié d'une servitude,

-que l'acte de vente de 1941 de madame [A] bénéficiaire du lot 1 aux consorts [N] ne mentionne pas de servitude bénéficiant aux parcelles vendues et ne concerne pas selon le croquis sur l'acte de la partie cédée les éléments du lot 1 ni les éléments du lot 4 bénéficiaires de la servitude due par le lot, mais seulement une infirme partie du lot 1 débouchant sur le chemin vicinal ordinaire,

-que l'acte de 1959 transfère quant à lui les mêmes biens immobiliers de sorte les époux [Q] ne démontrent pas que la servitude dont ils se prévalent leur a été transmise,

-que les époux [Q] ne démontrent pas que par l'acte de démembrement du lot 1 entre eux et monsieur [T], la servitude leur a été cédée,

-que les attestations produites sont dénuées de force probante en contradiction avec les titres,

-que l'expert judiciaire ne pouvait considérer que si tous les actes successifs ne font pas mention explicite et complète de la servitude de passage créée par le partage de 1937, aucun ne l'a annulée alors que ce faisant, l'expert ne formule aucune observation sur le non-usage du passage ou son extinction,

-que l'expert procède par affirmations sur la comparaison graphique du plan de partage initial faisant apparaître que le passage de trois mètres est toujours au même endroit pour ensuite préconiser un mesurage sans craindre de se contredire,

-que les conclusions de l'expert conduisent à des non-sens juridiques':

la parcelle [Cadastre 16] étant laissée en commun dans l'acte de 1937, il est antinomique de reconnaître aux propriétaires indivis d'un fonds un droit de passage sur ce même fonds,

la parcelle [Cadastre 11] faisant partie du lot 2 désigné comme fonds servant dans l'acte de 1937, cette parcelle doit la servitude pour accéder aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 16] de sorte qu'aucun droit de passage situé ailleurs sur les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 1] ne peut être revendiquée en contradiction avec l'article 637 du code civil,

-que la parcelle [Cadastre 9] a été acquise avec la parcelle [Cadastre 16] en juin 1959 par monsieur [E] [Z] de sorte que les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] appartenant à monsieur [T] ainsi que la parcelle [Cadastre 16] de même que la parcelle [Cadastre 11] ont été réunies en une seule main pour devenir la propriété de monsieur [E] [Z], ce qui doit conduire à retenir l'extinction de la servitude de passage en application de l'article 705 du code civil et non-usage depuis trente ans de 1959 à 2005, aucune preuve de faits de passage n'étant rapportée,

-que la parcelle [Cadastre 13] n'est pas enclavée puisqu'il est possible de rétablir une ouverture depuis les fonds [Cadastre 9] et [Cadastre 11].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Monsieur [U] [P] étant décédé le [Date décès 1] 2013, il convient de recevoir l'intervention volontaire de [F] et [MT] [P] reprenant l'instance au côté de madame [G] [P] en qualité d'héritiers.

Monsieur et madame [Q] invoquent l'existence d'une servitude de passage constituée par l'acte de partage de 1937 au profit de leurs parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 11].

Dans son rapport déposé le 2 septembre 2013, monsieur [R] conclut':

«'La propriété [Q] en ce qui concerne les parcelles [Cadastre 17] et [Cadastre 11] est bordée sur sa face sud-est pas une voie publique à laquelle on accède directement.

La parcelle [Cadastre 16] située à l'arrière des parcelles [Cadastre 17] et [Cadastre 11] en est séparée par un bâti sans porte ou portail d'accès ou de liaison.

La parcelle [Cadastre 18] relie cette parcelle [Cadastre 16] à une autre voie publique en longeant la propriété [P] parcelle [Cadastre 15].

Cette parcelle [Cadastre 18] semble «'physiquement incluse dans le chemin d'accès qui dessert la propriété [P].

Des bornes matérialisent l'extrémité est des parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 2]'»

Et encore':

«'Selon acte notarié du 29 mars 1980 (acquisition [P]), la parcelle [Cadastre 22] est grevée d'une servitude de passage de 1,5 mètres de large au profit des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 11].

L'origine de cette servitude est l'acte de partage [Z] du 29 octobre 1937.

La parcelle [Cadastre 16] bénéficie d'un passage de 3 mètres de large pour accéder à la route numéro 30. Ce passage est composé de la servitude de 1,5 m de large sur la parcelle [Cadastre 22] (actuelle parcelle [Cadastre 15]) et de la parcelle [Cadastre 18] elle aussi de 1,50 mètres de large appartenant aux consorts [Q] comme ladite parcelle [Cadastre 16].'»

Par acte du 29 mars 1980, Madame [C] [Z], fille de [X] [Z], attributaire du lot [Cadastre 26], a vendu à Monsieur et Madame [P] une parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 22] sur la commune de [Localité 2].

L'acte prévoit en page 2 que la parcelle bénéficie d'une servitude de passage de trois mètres de large pour tous usages et tous temps sur la limite sud ouest des parcelles cadastrées section [Cadastre 20] et [Cadastre 12] et que parallèlement, elle supporte en sa limite sud ouest une servitude de passage de 1,50 mètres de large au profit d'[I] et des consorts [Z]. L'assiette de la servitude demeure la bande de trois mètres dont le sol appartenait pour moitié chacun aux ayant-droit de [X] et [E] [Z].

L'acte translatif de propriété de l'auteur commun des consorts [P] et [Q] est l'acte authentique du 2 octobre 1937 transcrit le 29 octobre 1937 par lequel madame veuve [O] [Z] a fait donation-partage à ses enfants':

[L] [Z] épouse [A] attributaire du lot 1,

[E] [Z] attributaire du lot 2,

[L][B] [Z] attributaire du lot 3,

[B] [Z] attributaire du lot 4.

Aux termes de cette donation-partage, une servitude de passage a été constituée: 'entre les parties de terrain attribuées dans la verchère aux deuxième et troisième lots, il sera établi un chemin de trois mètres de largeur allant du chemin de grande communication n°30 à l'angle nord-ouest des bâtiments attribués au premier lot. Le sol de ce chemin sera fourni par moitié par les attributaires des deuxième et troisième lots et sera grevé d'un droit de passage, à voiture seulement, au profit des premier et quatrième lots'».

Cette servitude correspond à celle revendiquée par les époux [Q] qui sont devenus propriétaires de la parcelle [Cadastre 2] correspondant selon l'expert exactement au demi-chemin visé dans l'acte de 1937.

Il ressort du titre constitutif de la servitude qu'elle ne peut bénéficier qu'aux propriétaires de parcelles ayant constitué les lots 1 et 4 du partage de 1937.

Or il résulte de l'expertise et de l'analyse des actes qui n'avaient pas été produits devant le premier juge que':

-Par acte du 13 novembre 1941, Madame [L] [Z] épouse [A], attributaire du lot 1 a vendu à [Y] [N] un tènement de bâtiment composé de partie de cave voutée en sous-sol, cuvier hangar et écurie au rez de chaussée, fenils et soupente au premier étage avec cour, terrain au devant des bâtiments ainsi que le droit de communauté avec ses copartageants sur la parcelle définie dans le partage de 1937 donnant accès au chemin. Ce tènement correspond au lot 1 du partage de 1937.

-Par acte des 19 et 20 juin 1959, les héritiers d'[Y] [N] ont vendu à [E] [Z], attributaire du lot 2, le tènement [Cadastre 24] correspondant au lot 1 du partage de 1937 ainsi que la communauté avec [B], [X] et [E] [Z] du terrain indivis cadastré [Cadastre 27] correspondant au droit de communauté figurant dans l'acte de 1937.

-Par acte du 29 avril 2005, les héritiers d'[E] [Z] ont vendu à monsieur et madame [Q] les parcelles cadastrées section [Cadastre 18], [Cadastre 16], [Cadastre 9] et [Cadastre 11].

Il est mentionné dans l'acte que les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 16] issues de la division des parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 4] ont pour origine l'acquisition faite par acte des 19 et 20 juin 1959 soit la vente héritiers [N] à [E] [Z] et que la parcelle [Cadastre 11] issue de la parcelle [Cadastre 5] et le bien cadastré [Cadastre 2] demi-chemin ont pour origine la donation-partage du 2 octobre 1937.

-Ultérieurement, la parcelle [Cadastre 10] provenant de la division a été vendue par les héritiers d'[E] [Z] à Monsieur [J] [T].

Les consorts [P] sont ainsi mal fondés à soutenir que le lot 1 correspond à cette parcelle [Cadastre 10] qui est en réalité issue de la division du lot 1 du partage de 1937 entre les parcelles acquises par monsieur et madame [Q] d'une part, monsieur [T], d'autre part.

Il en résulte que monsieur et madame [Q] sont devenus propriétaires de fonds ayant appartenu à l'attributaire du lot 1 madame [A] bénéficiant de la servitude de passage grevant le fonds appartenant aux consorts [P], parcelle cadastrée section [Cadastre 22], issue du fonds attribué à [X] lot 3, la dite servitude ayant été constituée dans le titre de l'auteur commun par la donation-partage de 1937.

Cette analyse est confortée par l'acte de partage du 13 mars 1982 par lequel monsieur et madame [V] [I] ont fait donation-partage à leurs enfants des parcelles cadastrées [Cadastre 23] et [Cadastre 21], précisant que l'origine de propriété est l'acquisition par acte du 26 juillet 1960 de la veuve d'[B] [Z] et de son fils des parcelles lui appartenant en propre aux termes de la donation-partage du 2 octobre 1937. Cet acte reprend au chapitre des servitudes qu'à la connaissance des vendeurs, il n'en existe pas d'autres que celles reprises dans l'acte du 26 juillet 1960 et reproduites intégralement dans l'acte du 13 mars 1982 en termes identiques à ceux de la donation-partage du 2 octobre 1937 bénéficiant aux lots vendus, notamment le chemin de trois mètres pris par moitié sur les lots 2 et 3.

Par ailleurs, le plan de lotissement établi par le géomètre [PC] le 23 janvier 1963 à la demande de [L] [Z] matérialise la servitude et mentionne le droit de passage de trois mètres entre les propriétés de [L] et [E] [Z] avec la mention «'droit de passage de trois mètres à conserver libre de tout obstacle'».

L'expert a vérifié que par comparaison graphique du plan de partage initial avec les plans successifs de division, cadastre et bornage jusqu'à la modification du parcellaire cadastral selon document d'arpentage 534 J à la demande des consorts [Z] le 24 mars 2005 préalable à la vente aux époux [Q], le passage de trois mètres est situé au même endroit et que les limites des parcelles n'ont pas été modifiées avec leurs divisions successives en examinant les différents documents d'arpentage.

Les consorts [P] considèrent à tort que la servitude est éteinte en application de l'article 705 du code civil qui dispose que toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis en une seule main.

En effet, avec la réunion des lots 1 et 2 issus du partage entre les mains d'[E] [Z], le fonds actuellement [P] issu du lot 3 du partage de 1937 restait débiteur de la servitude puisque les fonds dominant et servant n'étaient pas réunis en une seule main et qu'[E] [Z] était devenu propriétaire des parcelles issues du lot 1 bénéficiant également de la servitude.

La seule conséquence de la division de l'héritage, lot 1, pour lequel la servitude a été établie est que la servitude reste due pour chaque portion ainsi que le prévoit l'article 700 du code civil de sorte que monsieur et madame [Q] peuvent s'en prévaloir au titre de la propriété des parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 9] issues de cette division et non au titre de la parcelle [Cadastre 11]. Il n'est pas discuté par ailleurs que la parcelle [Cadastre 2] demi-chemin en bénéficie comme elle doit à la parcelle demi chemin appartenant aux consorts [P].

Les attestations [T], [W] et [V] établissent que [C] [Z] puis [E] [Z] et ses ayant-droit ont fait usage du droit de passage et entretenu le chemin de trois mètres depuis 1965.

Les ouvrages édifiés par les consorts [P] résultant de la pose de pavés auto-bloquants sur la bande de 1,50 mètres leur appartenant constituent un obstacle à l'usage de la servitude définie comme un passage en voiture sur la bande de trois mètres.

Il ressort des motifs qui précèdent que les consorts [P] ne peuvent se prévaloir d'une impossibilité d'usage au sens de l'article 703 du code civil ni d'un non-usage trentenaire au sens de l'article 706 du même code.

Par ailleurs, la prétendue aggravation de la situation du fonds servant qui résulterait de la division des parcelles correspondant aux «'parties de terrain attribuées dans la verchère aux deuxième et troisième lots'», qui sont distinctes des parcelles appartenant actuellement aux époux [Q], n'est pas une cause d'extinction de la servitude de passage.

Enfin, la création d'une servitude de passage de cinq mètres pour l'accès aux lots B et E, appartenant aux propriétaires concernés figurant dans le titre de propriété des époux [P] ne remet pas en cause la servitude de passage. Il s'agit selon l'arrêté de lotissement du 30 mai 1963 d'une facilité de desserte accordée entre les propriétaires de ces lots à proximité du CD n°30 avec la précision dans l'arrêté que c'est à la moitié de la bande de trois mètres que le fonds attribué au lot 3 trouve ses limites.

En conséquence, monsieur et madame [Q] bénéficient du droit de passage sur une largeur de trois mètres sur la bande de terrain prise pour moitié d'1,50 mètres sur la parcelle cadastrée [Cadastre 19] appartenant aux consorts [P] dans les termes de l'acte de donation-partage du 2 octobre 1937.

Les consorts [P] doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Reçoit l'intervention volontaire de [F] et [MT] [P] reprenant l'instance au côté de madame [G] [P] en qualité d'héritiers,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté monsieur et madame [P] de leur demande de dommages et intérêts,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Constate que les parcelles cadastrées section [Cadastre 18], [Cadastre 16], [Cadastre 9] situées sur la commune de [Localité 2] appartenant à monsieur [H] [Q] et à madame [M] [S], son épouse, bénéficient d'une servitude de passage grevant la parcelle située sur la même commune [Cadastre 14], anciennement [Cadastre 22], appartenant aux consorts [P], le dit passage à voiture seulement de trois mètres de large pour accéder à la route numéro 30, l'assiette de ce passage étant composée de la servitude de 1,5 m de large sur la parcelle [Cadastre 22] (actuelle parcelle [Cadastre 15]) des consorts [P] et de la parcelle [Cadastre 18] elle aussi de 1,50 mètres de large appartenant époux [Q], selon les termes de l'acte de donation partage du 2 octobre 1937,

Condamne madame [G] [P] et messieurs [F] et [MT] [P] ensemble à payer à monsieur et madame [Q] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de monsieur et madame [Q] sur le même fondement,

Condamne madame [G] [P] et messieurs [F] et [MT] [P] aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP AGUIRAUD & NOUVELLET, avocat.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 11/03445
Date de la décision : 15/09/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°11/03445 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-15;11.03445 ?
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