R.G : 14/03408
Décision du
Tribunal de Grande Instance de ROANNE
Au fond
du 02 avril 2014
RG : 13/00632
[T]
[M]
C/
S.A.R.L. AVENUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 30 Juin 2015
APPELANTS :
M. [Y] [T]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 5] (Pyrénées-Altantiques)
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Sandrine BUISSON, avocat au barreau de ROANNE
M. [V] [Z] [M]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 3] (Loire)
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Sandrine BUISSON, avocat au barreau de ROANNE
INTIMEE :
S.A.R.L. AVENUE exerçant son activité sous la dénomination AGENCE 'FONCIA SOL DOURDIN'
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
Assisté de la SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE
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Date de clôture de l'instruction : 05 Novembre 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Juin 2015
Date de mise à disposition : 30 Juin 2015
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Madame [P], propriétaire d'une maison à usage d'habitation à [Localité 6] (42), en a confié la vente à la SARL AVENUE exerçant son activité sous la dénomination AGENCE FONCIA SOL DOURDIN, pour un prix net vendeur de 120.000 € et une commission de 10.000 €.
Monsieur [Y] [T] et monsieur [V] [M], à la recherche d'un bien immobilier, se sont rapprochés de l'agence immobilière et monsieur [M] a signé un mandat de recherche sans exclusivité daté du 19 mars 2012, étant indiqué à l'acte qu'ils avaient visité la maison de madame [P] située [Adresse 2], vendue 130.000 € rémunération du mandataire incluse.
Suivant acte du 22 mars 2012, monsieur [Y] [T] a constitué comme mandataire spécial monsieur [V] [M] à l'effet de conclure un avant contrat pour l'achat de la maison de madame [P] pour le prix de 125.000 €, comprenant la commission de l'agence FONCIA SOL DOURDIN de 9.000 €.
Le 23 mars 2012, un compromis de vente a été signé entre madame [P] et messieurs [T] et [M] moyennant un prix de vente de 116 000 €, outre honoraires de négociation revenant à la SARL AVENUE à hauteur de 9.000 € et frais d'acquisition et de notaire à la charge des acquéreurs.
Il était prévu au compromis que l'acte authentique serait réalisé devant notaire au plus tard le 23 juin 2012.
Le même jour était également signée par monsieur [M], une reconnaissance d'honoraires au profit de la SARL AVENUE, pour la somme de 9.000 €.
L'acte authentique de vente n'a finalement été signé que le 24 avril 2013 et les acquéreurs ont alors contesté la validité du mandat délivré à l'agent immobilier, maître [I], notaire, conservant à titre de séquestre la somme de 9.000 € prévue au titre des honoraires de l'agence FONCIA SOL DOURDIN.
Par acte d'huissier du 8 juillet 2013, la SARL AVENUE a saisi le tribunal de grande instance de Roanne d'une demande en paiement à l'encontre des consorts [T]/[M] et par jugement du 2 avril 2014, ces derniers ont été condamnés à payer à la demanderesse la somme de 9.000 € outre intérêts au taux légal à compter du jugement, la SARL AVENUE étant quant à elle condamnée à restituer à messieurs [T] et [M] une somme de 3.000 € versée à titre d'acompte, outre intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2013, les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par monsieur [Y] [T] et monsieur [V] [M], appelants selon déclaration du 25 avril 2014, lesquels concluent à la réformation du jugement susvisé sauf en ce qui concerne la restitution de leur acompte de 3.000 € et demandent à la cour de dire et juger nul le mandat de recherche n° 1795 non valablement ratifié a posteriori, débouter la SARL AVENUE de sa demande en paiement au titre de ses honoraires et la condamner à leur payer la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par la SARL AVENUE qui conclut d'une part à la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a condamné monsieur [Y] [T] et monsieur [V] [M] au paiement de ses honoraires de 9.000 € et à sa réformation pour le surplus, demandant à la cour de condamner ces derniers solidairement aux dépens et à lui payer une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS ET DECISION
I Sur la demande de la SARL AVENUE en paiement de sa commission :
Monsieur [Y] [T] et monsieur [V] [M] soutiennent que le mandat de recherche du 19 mars 2012, sous réserve de sa régularité, ne peut engager que monsieur [V] [M] dans la mesure où la procuration donnée par monsieur [T] était réservée à la signature du compromis de vente ; que par ailleurs il n'est pas régulier et sera déclaré nul, ne pouvant donc donner lieu à commission dans la mesure où :
- il n'a pas été fait en deux originaux et que seule une copie en a été remise à monsieur [T] en contravention avec les dispositions de l'article 1325 du code civil,
- monsieur [M] n'a pas signé le mandat préalablement au compromis de vente le 19 mars 2012 comme indiqué mais à la suite de la signature du compromis le 23 mars suivant, l'utilisation de correcteur sur le registre tenu à cet effet confirmant le doute sur la date ainsi allégué,
- la commission revenant à l'agence immobilière n'était pas fixée par le mandat en contravention avec les dispositions de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et des articles 72 et 73 du décret du 20 juillet 1972, une simple référence à un tarif ne pouvant suffire en l'espèce,
- ni le compromis de vente ni la reconnaissance d'honoraires n'ont pu régulariser l'acte irrégulier, seule une ratification postérieure à l'acte authentique pouvant fonder une demande en paiement à ce titre.
Ils ajoutent que l'acompte de 3.000 € payé par chèque le 23 mars 2012 ne leur a pas été restitué et que les fautes professionnelles commises par l'agent immobilier leur ont causé un préjudice notamment en retardant leur acquisition puisque la vente a été signée plus de 11 mois après la conclusion du compromis de vente et en les contraignant à engager des dépenses supplémentaires.
La SARL AVENUE rétorque quant à elle que si monsieur [T] n'a effectivement pas signé le mandat de recherche le 19 mars 2012, il a donné procuration à monsieur [M] postérieurement et a ratifié et entériné par la suite tous les actes ayant précédé la vente ; elle ajoute que le mandat a bien été signé le 19 mars 2012 ainsi qu'il ressort du registre tenu à cet effet et qu'il fait expresse référence aux tarifs de l'agence qui sont affichés et ne sont d'ailleurs pas discutés, la rémunération prévue au mandat se référant au barème par tranche ainsi affiché ; qu'enfin le mandat en cause a été rappelé et visé au compromis du 23 mars 2012, avec rappel de la commission sans qu'aucune discussion ne soit alors élevée par les futurs acquéreurs.
La SARL AVENUE fait encore valoir que la régularisation a posteriori du mandat est en tout état de cause valable puisque les conditions suspensives insérées dans la promesse de vente ont été réalisées et que la vente a donc été effectivement conclue.
Les actes produits au dossier par les parties permettent à la cour de constater que par acte sous seing privé du 22 mars 2012, monsieur [Y] [T] dénommé le mandant, a constitué comme mandataire spécial monsieur [V] [M] à l'effet de conclure à son profit l'avant contrat représentant le compromis de vente de la maison située [Adresse 2] ; une telle procuration ne portait nullement sur la conclusion d'un mandat de recherche non exclusif destiné à être donné à l'agence FONCIA SOL DOURDIN et ainsi, seul le signataire du mandat de recherche non exclusif, en la personne de monsieur [V] [M], a pu être engagé par l'acte dont s'agit, l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 applicable aux activités de l'agent immobilier interdisant à celui-ci de négocier sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l'une des parties.
Le mandat de recherche doit dont être considéré comme nul et de nul effet à l'égard de monsieur [Y] [T] ; il ne peut être considéré que ce dernier a ratifié le versement à l'agence FONCIA SOL DOURDIN d'une rémunération en dehors de tout mandat valable, dans la mesure où une telle ratification ne peut ressortir que d'actes postérieurs à la signature de l'acte authentique de vente, et non du comportement des parties et de la signature d'actes intervenus tel le cas en l'espèce, entre la date de signature du mandat et la signature de l'acte de vente en avril 2013.
Monsieur [M] ne démontre en rien que le mandat de recherche daté du 19 mars 2012 n'aurait pas été signé à cette date ; en effet, la copie du registre des mandats produite au dossier permet de constater que le mandat n° 1795 des parties, a bien été signé le 19 mars 2012, aucune surcharge ou correction n'apparaissant avoir été portée au dit registre numéroté ainsi que le soutiennent faussement les appelants ; l'attestation de l'employeur de monsieur [M] indiquant que celui a travaillé à la Clinique [Établissement 1] à [Localité 4] le 19 mars 2012 'en 8 h 30-20 h 30", ne suffit pas non plus à contredire la véracité de la date mentionnée à l'acte.
Le mandat litigieux fait expressément référence aux tarifs de l'agence lesquels sont affichés en intérieur et en vitrine ainsi que permettent de le constater les photographies du dossier, l'affichage ainsi opéré n'étant d'ailleurs pas discuté dans sa réalité par les consorts [T]/[M] ; il était ainsi indiqué aux termes du mandat que la rémunération du mandataire serait incluse dans le prix de vente, selon barème par tranche, affiché en agence, à la charge de l'acquéreur ; il était par ailleurs précisé que le mandat de recherche donné avait donné lieu à la visite de la maison située [Adresse 2], avec un prix annoncé de 130.000 € rémunération du mandataire incluse.
Les tarifs affichés faisant état des tranches de tarification dégressives en fonction de l'importance de la valeur du bien, permettaient indiscutablement aux acquéreurs éventuels de déterminer aisément le montant de la commission de l'agent immobilier ; aucune irrégularité ne saurait donc être retenue de ce chef.
Il ressort par ailleurs des mentions portées au mandat juste avant la signature des parties et en caractères apparents, que 'le dit mandat, enregistré conformément aux dispositions de l'article 72 du décret du 20 juillet 1972, sur le registre des mandats tenu par le mandataire et dûment numéroté, a été fait en deux exemplaires dont l'un a été remis au mandant qui le reconnaît.'
Il appartient en conséquence à monsieur [M], signataire de l'acte critiqué, de démontrer que la mention ainsi apposée et qu'il a approuvée en apposant sa signature en bas du document en précisant 'Bon pour mandat' ne correspond pas à la réalité ; aucun élément ne permet de constater qu'un exemplaire n'aurait pas été remis le 19 mars 2012 à l'intéressé.
Monsieur [M] ne rapporte donc nullement la preuve de la nullité du mandat de recherche non exclusif qu'il a signé le 19 mars 2012 ; il doit donc être condamné au paiement de la commission due à l'agence FONCIA SOL DOURDIN et fixée à la somme de 9.000 €, en application des tarifs annoncés et conformément aux termes du compromis de vente et de l'acte authentique, somme d'ailleurs non discutée dans son quantum ne serait-ce même qu'à titre subsidiaire.
II Sur la demande des consorts [T]/[M] en restitution de l'acompte de 3.000 € :
Comme l'a très justement considéré le premier juge en des termes que la cour adopte, aucun élément du dossier ne permet de constater que la somme de 3.000 € qui a fait l'objet par les acquéreurs [T]/[M] d'un chèque remis à la SARL AVENUE à titre d'acompte, a été remise à la venderesse en déduction du prix de vente ou conservée par le notaire qui justifie avoir retourné le chèque à l'agence FONCIA SOL DOURDIN selon son courrier du 24 mai 2012.
La SARL AVENUE sera donc condamnée à rembourser cette somme aux consorts [T]/[M] outre intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2013, date des conclusions valant mise en demeure.
III Sur la demande de la SARL AVENUE en dommages-intérêts pour résistance abusive :
Aucun abus ni mauvaise foi n'est caractérisé à l'encontre de messieurs [T] et [M] par la SARL AVENUE qui sera déboutée en sa demande de ce chef, confirmant en cela la décision du premier juge.
IV Sur la demande en dommages-intérêts de messieurs [Y] [T] et [V] [M] :
Messieurs [Y] [T] et [V] [M] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice supplémentaire à celui déjà compensé par l'octroi des intérêts de retard au taux légal qui leur sont alloués au titre du remboursement de leur créance ; aucun élément du dossier ne permet effectivement à la cour de constater que le retard apporté à la signature de l'acte authentique soit imputable à l'agent immobilier, les nombreux courriers de relance en production de documents adressés par le notaire choisi par les intéressés étant adressés au notaire de la venderesse et non à la SARL AVENUE ; ils seront donc déboutés de leur demande en dommages-intérêts, confirmant encore en cela la décision du premier juge.
V Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Chaque partie succombe dans ses prétentions et il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune d'elles la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement rendu le 2 avril 2014 sauf en ce qu'il a condamné in solidum messieurs [Y] [T] et [V] [M] à payer à la SARL AVENUE une somme de 9.000 € outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
Réforme de ce chef et statuant à nouveau,
Dit et juge que le mandat de recherche exclusif établi le 19 mars 2012 est nul et de nul effet à l'égard de monsieur [Y] [T],
Déboute la SARL AVENUE de sa demande en paiement dirigée à l'encontre de monsieur [Y] [T],
Condamne monsieur [V] [M] à payer à la SARL AVENUE une somme de 9.000 € à titre de commission d'agence outre intérêts au taux légal à compter du jugement du 2 avril 2014,
Rejette toute autre demande contraire ou plus ample des parties,
Partage également les dépens entre les consorts [T]/[M] d'une part et la SARL AVENUE d'autre part et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT