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23/06/2015 | FRANCE | N°14/01934

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 23 juin 2015, 14/01934


R.G : 14/01934









décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 27 janvier 2014



RG : 11/00495

ch n°4



[W]

SCI HIPPOPOTAME



C/



SA APRIL SANTÉ PRÉVOYANCE

SA AXERIA PREVOYANCE

Société [Adresse 5]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 23 Juin 2015







APPELANTES :r>


Mme [M] [W]

[Adresse 8]

[Localité 1]



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON





SCI HIPPOPOTAME représentée par son gérant en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXA...

R.G : 14/01934

décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 27 janvier 2014

RG : 11/00495

ch n°4

[W]

SCI HIPPOPOTAME

C/

SA APRIL SANTÉ PRÉVOYANCE

SA AXERIA PREVOYANCE

Société [Adresse 5]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 23 Juin 2015

APPELANTES :

Mme [M] [W]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

SCI HIPPOPOTAME représentée par son gérant en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

SA APRIL SANTÉ PRÉVOYANCE

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

SA AXERIA PREVOYANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Société [Adresse 5] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Assistée de le SCP LAPOUGE-LEMONNIER-SERGENT-DENIAUD, avocats au barreaux d'ALENCON et du MANS

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Mai 2015

Date de mise à disposition : 23 Juin 2015

Audience tenue par Marie-Pierre GUIGUE, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Agnès BAYLE, greffier

A l'audience, [G] [H] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Marie-Pierre GUIGUE, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

[S] [X] a exercé des fonctions d'agent d'assurance et de courtier représentant notamment les intérêts de la société April Prévoyance.

Il a constitué avec son épouse, Mme [M] [W] une société civile immobilière dénommée «Hippopotame».

Par acte notarié des 11 et 12 mai 2007, la société Hippopotame a souscrit auprès de la société [Adresse 5] (Crédit Mutuel) un prêt de 142 000 € pour financer l'acquisition d'un bien immobilier.

L'acte mentionne :

1 - que la société Hippopotame déclare être assurée auprès d'une compagnie d'assurance dans les conditions agréées par le prêteur et s'oblige à maintenir cette assurance et à en payer les primes,

2 - que la société Crédit Mutuel est désignée comme délégataire dans les termes suivants: « [Adresse 4] (Axeria Prévoyance). Adhérent n° 616664200 Police N2006P03 Couverture M. [S] [X] et Mme [M] [X] à 100% sur chaque tête en décès + PTIA pour 142 000 à compter du 27 avril 2007. »

[S] [X] est décédé le [Date décès 1] 2010.

La société Crédit Mutuel a sollicité auprès de la société April santé prévoyance (société April) le règlement des sommes restant dues au titre du prêt en application de la garantie décès en sa qualité de bénéficiaire de l'indemnité.

La société April a opposé un refus de garantie au motif qu'aucun contrat d'assurance n'avait été régularisé par M. [X], la demande d'adhésion n'ayant jamais été retournée.

Par acte du 23 décembre 2010, la société Crédit Mutuel a assigné devant le tribunal de grande instance de Lyon la société April Santé Prévoyance et la compagnie Axeria Prévoyance, aux fins de les voir condamnées à lui payer la somme de 143 782,54 € au titre du solde du prêt consenti à la société Hippopotame outre intérêts au taux de 3,95% l'an ainsi qu'une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Axeria Prévoyance a appelé en cause la société Hippopotame.

Mme [M] [W] veuve [X] est intervenue volontairement à l'instance.

L'instance connexe introduite par la société Hippopotame et Mme [W] veuve [X] devant le tribunal de grande instance d'Alençon a été jointe à l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Lyon.

Par jugement en date du 27 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- débouté la société Crédit Mutuel,

- condamné la société Crédit Mutuel à payer à la société April et à la société Axeria la somme globale de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [M] [W] la société Hippopotame et les a condamnées à payer à la société April et à la société Axeria la somme globale de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société April et la société Axeria pour le surplus,

- condamné la société [Adresse 5], Mme [M] [W] et la société Hippopotame aux dépens avec droit de recouvrement direct dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

La société Hippopotame et Mme [M] [W] ont relevé appel.

Elles demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré,

statuant à nouveau et à titre principal,

- de dire et juger que l'engagement de la société April Santé Prévoyance et de la société Axeria Prévoyance est devenu ferme et définitif par la signature de la délégation de bénéfice en date du 27 avril 2007 qui constitue l'engagement contractuel,

- de dire et juger que la société April Santé Prévoyance et la société Axeria Prévoyance sont tenues de prendre en charge le remboursement du prêt en raison de la survenance d'un événement garanti,

- de dire et juger que la société April Santé Prévoyance et la société Axeria Prévoyance sont responsables du préjudice subi en raison de leur inexécution contractuelle,

- de condamner in solidum la société April Santé Prévoyance et la société Axeria Prévoyance à leur verser les sommes 150 000 € au titre du préjudice financier outre celle de 20 000 € au titre du préjudice moral,

à titre subsidiaire,

- de dire et juger que les sociétés Crédit Mutuel, April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance ont commis une faute en ne les informant pas de l'inefficacité du contrat d'assurance et de la délégation de bénéfice,

- de condamner in solidum les sociétés Crédit Mutuel, April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance à verser à la société Hippopotame ainsi qu'à Mme [W] veuve [X] les sommes suivantes :

- 150 000 € au titre du préjudice subi en raison de son inexécution contractuelle,

- 20 000 € au titre du préjudice moral,

en toute hypothèse,

- de condamner la société Crédit Mutuel, les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance à payer à la société Hippopotame et à Mme [W] veuve [X] une indemnité de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner aux dépens d'instance et d'appel distraits au profit de la société d'avocats Laffly & Associés, sur son affirmation de droit.

Elles soutiennent :

- que la délégation de bénéfice établit de manière claire qu'un contrat d'assurance a été souscrit auprès de la société Axeria Prévoyance par les époux [X],

- que les explications données sur la procédure de validation interne sont indifférentes et ne concernent que les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance,

- qu'il n'est pas démontré que les documents remis constitueraient des faux,

- que même si c'était M. [X] qui avait édité de tels documents, il a nécessairement agi en qualité de mandataire de la société April Santé Prévoyance ayant le pouvoir de le faire en utilisant ses identifiants et codes professionnels,

- que si la société April a informé le Crédit Mutuel de l'annulation du contrat en raison de l'absence de régularisation et du défaut de paiement des primes, pour autant, le Crédit Mutuel n'a pas cru bon devoir en informer la société Hippopotame et Mme [W] veuve [X] qui était pourtant la bénéficiaire de la garantie,

- que si elles avaient été informées d'une telle annulation, elles auraient pu faire les démarches nécessaires pour régulariser la situation auprès d'April Santé Prévoyance et d'Axeria Prévoyance ou pour souscrire un autre contrat d'assurance en remplacement,

- qu'en agissant de la sorte, la société April santé prévoyance, Axeria prévoyance et de la Caisse de Crédit Mutuel en qualité de professionnels ont commis un manquement grave à leurs devoirs de conseil et d'information, en application des dispositions de l'article 1382 et 1383 du code civil.

La société [Adresse 5] demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré,

- de condamner Axeria Prévoyance à lui payer la somme de 47 398,47 €, outre intérêts conventionnels au taux de 3.95 % l'an à compter du 18 avril 2012 jusqu'à parfait paiement, ainsi qu'une indemnité de 8 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter Mme [X] et la société Hippopotame de leurs demandes de condamnation in solidum avec April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance à lui verser 150 000 € et 20 000 € au titre de ses préjudices,

- de condamner les défenderesses aux entiers dépens distraits au profit de la société Aguiraud-Nouvellet avocat sur son affirmation de droit.

Elle soutient :

- que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime,

- que lors du contrat de prêt notarié contracté le 19 avril 2007 sous seing privé puis par acte notarié le 12 mai 2007, pour l'acquisition d'un appartement à la montagne par la société Hippopotame dont il était cogérant, M. [S] [X] étant alors un agent d'assurances bien en vue sur [Localité 4], mandataire de plusieurs sociétés et notamment April assurances, elle n'avait aucune raison de vérifier les limites exactes de ses pouvoirs vis-à-vis d'April Assurances dont il a présenté devant le notaire rédacteur, le courrier à entête April assurances en date du 27 avril 2007,

- que ce document est parfaitement clair, portant en annexe la délégation de bénéfice, et n'a laissé aucun doute au Crédit Mutuel ni d'ailleurs au notaire instrumentaire sur la réalité de cette délégation de bénéfice et par conséquent, sur l'existence réelle du contrat d'assurance consenti,

- que la délégation définie à l'article 1275 du code civil est un contrat unilatéral entre le délégué qui seul s'oblige et le délégataire,

- que la jurisprudence a consacré le principe d'autonomie de l'engagement du délégué envers le délégataire,

- que si une mauvaise utilisation par feu [S] [X] des documents à entête « April Assurances » est établie par les sociétés défenderesses, il leur appartient d'engager une action en réparation contre ses héritiers en application de l'article 1992 du code civil, le mandataire répondant à l'égard de son mandant de son dol et de ses fautes,

- que cette responsabilité d'April assurances est également engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil, le mandant étant responsable vis-à-vis des tiers des fautes commises par le mandataire dans l'exercice du mandat,

- qu'il appartenait à April assurances d'éventuellement éviter que son mandataire puisse par l'intermédiaire de son système informatique tromper des co-contractants grâce au libre accès qui lui était offert puisqu'il bénéficiait « d'habilitations informatiques »,

- qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de Mme [X], puisqu'elle était extérieure au contrat et seulement bénéficiaire d'une délégation et qu'il ne lui appartenait pas de prévenir le délégant.

Les sociétés April Santé Prévoyance et Axeria Prévoyance demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de condamner la société [Adresse 5], la société Hippopotame et Mme [M] [W] au paiement d'une indemnité de 7 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la société Vital Durand, avocat, sur son affirmation de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles soutiennent :

- que M. [X] qui avait accès au service informatique de la société April, a lui-même saisi la demande d'assurance pour la société Hippopotame et obtenu la délégation de bénéfice,

- que dès le 27 avril 2007, puis à plusieurs reprises il a été réclamé à M. [X] en sa qualité de courtier la transmission de la demande d'adhésion,

- qu'un courrier recommandé avec accusé de réception a été adressé le 8 octobre 2007 par la société April Assurances au Cabinet Homo, ainsi qu'à l'agence du [Adresse 5] les informant du classement sans suite du dossier, la demande d'adhésion n'ayant jamais été retournée régularisée par M. [X],

- que la délégation de bénéfice annexée à l'acte notarié en date des 11 et 12 mai 2007 régularisée entre la société Crédit Mutuel et la société Hippopotame ne vaut pas contrat, ce d'autant qu'elle ne définit pas les garanties, les primes, les exclusions,

- qu'aucun contrat n'a été formé entre la société Axeria Prévoyance et M. [X] [S],

- que le classement du dossier a été notifié à M. [X] qui ne pouvait pas ignorer l'absence de contrat d'assurance,

- que le Crédit Mutuel ne peut fonder sa demande sur un mandat apparent, alors qu'il était pourtant bien prévu dans l'acte notarié (page 4) que l'emprunteur s'obligeait à produire la police d'assurance (y compris si la police n'était pas encore souscrite), ce qui n'a pas été le cas.

MOTIFS

Sur la demande de Mme [W] , de la société Hippopotame et de la société Crédit mutuel tendant à ce que la société April Santé Prévoyance et la société Axeria Prévoyance soient tenues de prendre en charge le remboursement du prêt en raison de la survenance d'un événement garanti

L'offre de prêt, reprise à l'acte notarié, mentionne :

«5.5 délégation d'assurance :

[Adresse 4] (Axeria Prévoyance). Adhérent n° 616664200 Police N2006P03 Couverture M. [S] [X] et Mme [M] [X] à 100% sur chaque tête en décès + PTIA pour 142 000 à compter du 27 avril 2007. »

Il comporte en annexe :

1 - un courrier du 27 avril 2007 à l'en-tête de la société April, comportant la signature numérisée d'une dame «[K] [R], responsable relation clients-habitat», à l'adresse de la société Crédit Mutuel aux termes de laquelle il est indiqué:

« Nous vous prions de bien vouloir prendre connaissance de l'exemplaire de la (ou des) délégation(s) de bénéfice, concernant le(s) prêt(s) contracté(s) auprès de votre établissement bancaire par Mr [S] [X].

Vous devenez donc bénéficiaire acceptant de fait de la garantie (selon les conditions ci-après définies). Il est inutile de nous retourner un exemplaire de la présente délégation signée. Si vous souhaitez néanmoins faire apposer la signature de l'Adhérent : Mr [S] [X] et du (ou des) Assurés(s) Mr [S] [X] né le [Date naissance 2]/1973 et Mme [M] [X] née le [Date naissance 1]/1969 sur ce document, nous vous laissons le soin d'en avoir l'initiative. Par ailleurs, si vous refusez d'être le bénéficiaire acceptant, nous vous invitons à nous retourner la présente délégation avec mention « annulée», et ce, dans les meilleurs délais. Enfin, en cas de modification des caractéristiques de l'emprunt, vous voudrez bien vous référer au formulaire ci-joint.

Attentifs à la qualité de notre relation, nous restons à votre entière disposition pour toute information complémentaire. »

2 - une «délégation de bénéfice» comportant la signature numérisée de Mme [K] [R], et signé par M. [X] ( «l'adhérent») et les «assurés» ( M. [X] et Mme [X]) aux termes de laquelle il est indiqué :

« L'adhérent a souscrit auprès de la compagnie d'assurance Axeria prévoyance, l'assureur, un contrat assurance de Prêt ( ref 2006P03) en couverture de l'emprunt n°001 d'un montant intitial de 142 000 € d'une durée initiale de 240 mois auprès de l'organisme prêteur (...)

les garanties souscrites sont :

Décès /perte totale et irréversible d'autonomie : M. [S] [X] et Mme [M] [X]

date d'effet de la garantie : 27 avril 2007

montant initial garanti 142 000 €

L'adhérent désigne comme bénéficiaire acceptant selon les garanties souscrites, l'organisme prêteur ci-dessus référencé» (ndlr: le [Adresse 6] à [Localité 4])

Il est bien entendu que les sommes faisant l'objet de la présente délégation ne concernent que le montant du capital dû en principal au moment de l'événement mettant en jeu la garantie.

Il est également convenu qu'aucune modification du contrat ne pourra avoir lieu sans le consentement de l'organisme prêteur. celui-ci sera informé en cas de non paiement éventuel des cotisations.

Sous réserve de non exclusion mentionnée aux conditions particulières, les garanties sont accordées et s'exercent conformément aux conditions générales et au certificat d'adhésion détenu par l'adhérent pour chaque assuré tant qu'il fait parti du groupe assurable, sous condition suspensive du paiement des cotisations dans les conditions prévues au contrat.»

Il résulte de ces éléments, qu'une délégation de bénéfice a été émise par anticipation avant même que l'adhésion ne soit effective et acceptée par l'assureur.

Il s'agit d'une anomalie qui n'a pû se produire qu'en raison des accès privilégiés au site intrapril dont disposait M. [X], en sa qualité de courtier d'assurance, mandataire de la société April.

En tout état de cause, force est de constater qu'aucune police d'assurance définitive n'est intervenue entre la société April et l'assureur Axeria et le souscripteur ( M. [X]), ce dernier n'ayant jamais retourné la demande d'adhésion.

De surcroît, la société April justifie avoir réclamé les 27 avril 2007, 9 mai 2007, 8 juin 2007 et 28 septembre 2007 la « demande d'adhésion», afin de «prendre définitivement en compte l'adhésion de M. [S] [X]».

Puis, par un courrier recommandé du 8 octobre 2007, la société April a informé M. [X] que le dossier avait été «classé sans suite» en l'absence de transmission de ce document.

Par un courrier recommandé du même jour, la société April a informé la société Crédit Mutuel:

- qu'une délégation de bénéfice a été émise au nom de M. [X] pour un prêt de 142 000 €,

- que n'ayant pas reçu la demande d'adhésion demandée, elle est dans l'obligation de classer sans suite le dossier,

- que la délégation de bénéfice est nulle et non avenue.

En conséquence, la délégation de bénéfice qui n'a été consentie que sous la condition de régularisation du certificat d'adhésion et sous la «condition suspensive du paiement des cotisations dans les conditions prévues au contrat» est devenue caduque faute de régularisation de la demande d'adhésion et faute de paiement des cotisations.

Cette caducité notifiée au souscripteur de la police, est également opposable aux personnes assurées.

En conséquence, la demande de Mme [M] [W], de la société Hippopotame et de la société Crédit Mutuel, tendant à la mise en oeuvre de la garantie en raison de l'existence d'un contrat d'assurance et sur le fondement d'une délégation d'assurance, est mal fondée.

Sur la demande de Mme [M] [W] et de la société Hippopotame dirigée contre la société April sur le fondement de l'article 1382 du code civil

En l'absence de contrat, Mme [W] n'a jamais acquis la qualité d'assurée et n'avait pas à être avisée personnellement par la société April.

En outre, la société April a avisé par lettre recommandée [S] [X] en sa qualité de courtier du classement sans suite du dossier.

M. [X] était par ailleurs co-gérant avec Mme [W] de la société Hippopotame.

L'information donnée à M. [X] était donc opposable à la Sci Hippopotame et à Mme [W].

La demande est donc mal fondée.

Sur la demande de Mme [M] [W] et de la société Hippopotame dirigée contre la société Axeria sur le fondement de l'article 1382 du code civil

Mme [W] n'allègue aucun fait à l'encontre de la société Axeria.

Sur l'action en responsabilité de Mme [M] [W] et de la société Hippopotame dirigée contre la société Crédit Mutuel

Le banquier dispensateur de crédit est tenu d'une obligation d'information et de conseil qui perdure tout au long du contrat.

En l'espèce, la condition d'assurance des associés de la société Hippopotame, était une condition essentielle du prêt.

L'annulation de la délégation de bénéfice par la société April constituait un événement majeur et potentiellement lourd de conséquences, autant pour le prêteur qui perdait une garantie, que pour l'emprunteur, la société Hippopotame, exposé au risque de décès de l'un des associés de la société et au risque d'exigibilité immédiate du prêt.

La société Crédit Mutuel, en sa qualité de prêteur, ne pouvait ignorer purement et simplement, comme elle l'a fait, cette circonstance et se devait de contacter la société Hippopotame, représentée à l'acte de prêt par M. [S] [X] et Mme [M] [X], pour attirer son attention, la mettre en garde et la conseiller.

En ce qui concerne la société Hippopotame, celle-ci étant informée de la situation à la suite du courrier de la société April adressé à [S] [X], et compte tenu des compétences de ce dernier en matière d'assurance, elle ne peut avoir subi aucun préjudice résultant de l'absence d'information donnée par la société Crédit Mutuel.

En revanche, la société Crédit Mutuel en n'avisant pas personnellement Mme [W], qui au travers de la société Hippopotame était tenue solidairement du prêt, et directement intéressée par la garantie décès souscrite par [S] [X], a manqué à son obligation d'information et de conseil à son égard.

Mme [W] a ainsi perdu une chance de souscrire une assurance auprès d'une autre compagnie ou de régulariser la situation auprès de la société April.

Au vu du rôle joué par [S] [X], du montant du prêt et de l'existence d'une hypothèque sur le bien financé, la perte de chance, peut être fixée à 50%, calculée sur le montant du capital qui aurait été réglé par l'assureur soit :

127 582 € (Capital restant dû au 20 avril 2010 ) /2 = 63 791 €.

Mme [M] [W] ne justifie d'aucun préjudice moral.

Sur la demande de la société Crédit Mutuel aux fins de condamnation de la société Axéria

1- sur le fondement de l'article 1275 du code civil ( délégation de bénéfice) et 1998 du code civil ( mandat apparent)

La société Crédit Mutuel a reçu notification le 8 octobre 2007 de l'annulation de la délégation d'assurance.

Elle n'a émis aucune protestation suite à ce courrier.

Elle est donc mal fondée à voir exécuter par «la société April assurance et donc Axeria prévoyance pour le compte de laquelle elle agit (...) les engagements pris» envers elle, alors que ces engagements étaient devenus caducs, ce dont elle était informée.

2- sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil

La société Crédit Mutuel n'invoque aucun acte délictuel qui aurait été commis par la société Axeria Prévoyance. Cette demande est donc mal fondée.

3 - sur le fondement des dispositions de l'article 1384 al 5 du code civil

La société Crédit Mutuel soutient que la « responsabilité d'April assurances est également engagée sur le fondement de l'article 1384 alinea 5 du code civil, le mandant étant responsable vis-à-vis des tiers des fautes commises par le mandataire dans l'exercice du mandant.»

Elle sollicite cependant dans le dispositif de ses conclusions uniquement la condamnation de la société Axeria.

En conséquence, sa demande ne peut qu'être rejetée.

En tout état de cause, il convient de relever que la société Crédit Mutuel n'a pas exigé la production du certificat d'adhésion à l'assurance avant le déblocage des fonds, ce qui constitue une négligence.

D'autre part, la société Crédit Mutuel était informée dès le 8 octobre 2007 de la caducité de la délégation de bénéfice d'assurance.

Elle n'a pas mis en oeuvre pour autant la clause d'exigibilité immédiate figurant à l'acte de prêt, du fait des déclarations fausses ou inexactes de l'emprunteur relativement à l'assurance et d'autre part du fait de la disparition d'une «sûreté».

Enfin, elle ne soutient pas qu'elle n'aurait pas consenti le prêt en l'absence d'assurance décès des associés de la société Hippopotame si la délégation d'assurance n'avait pas été remise le jour du prêt.

La société Crédit Mutuel est donc exclusivement à l'origine du préjudice qu'elle allègue.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La COUR,

Réformant le jugement déféré et statuant de nouveau,

- Constate qu'aucun contrat d'assurance n'a été souscrit par M. [S] [X] auprès des sociétés April assurances et Axeria,

- Constate que la délégation de bénéfice a été annulée à compter du 8 octobre 2007,

- Déboute la société Hippopotame, Mme [M] [W] et la société [Adresse 5] de leurs demandes respectives à l'encontre des sociétés April santé prévoyance et Axeria prévoyance,

- Déclare la société [Adresse 5] responsable, pour manquement à ses obligations d'information et de conseil, de la perte de chance de Mme [M] [W] de régulariser l'adhésion auprès de la société April assurances ou de souscrire une assurance décès auprès d'un autre assureur,

- Fixe à 50% la perte de chance du préjudice subi correspondant à l'indemnité d'assurance qui aurait été perçue en cas d'assurance valable,

- Condamne la société [Adresse 5] à payer à Mme [M] [W] la somme de 63 791 €,

- Déboute Mme [M] [W] et la société Hippopotame de leurs demandes au titre du préjudice moral,

- Condamne la société [Adresse 5] à payer à Mme [M] [W] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [Adresse 5] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la société d'avocat Laffly et associés et de la société Vital Durand sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 14/01934
Date de la décision : 23/06/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°14/01934 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-23;14.01934 ?
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