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28/05/2015 | FRANCE | N°13/04314

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 28 mai 2015, 13/04314


R.G : 13/04314









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE

Au fond

du 04 avril 2013



RG : 08/02008

ch civile





SCI 4 AS STASI



C/



Syndicat des Copropriétaires LE GRAND PRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 28 Mai 2015







APPELANTE :



SCI 4 AS STASI représe

ntée par son gérant en exercice

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON







INTIMEE :



Syndicat des Copropriéta...

R.G : 13/04314

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE

Au fond

du 04 avril 2013

RG : 08/02008

ch civile

SCI 4 AS STASI

C/

Syndicat des Copropriétaires LE GRAND PRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 28 Mai 2015

APPELANTE :

SCI 4 AS STASI représentée par son gérant en exercice

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Syndicat des Copropriétaires LE GRAND PRE,pris en la personne de son Syndic la Régie FONCIA SOGIVAL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SELARL L. ROBERT et ASSOCIES, avocats au barreau de BOURG EN BRESSE

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Avril 2015

Date de mise à disposition : 26 Mai 2015 prorogé au 28 Mai 2015

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Agnès BAYLE, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par acte authentique des 12 et 22 décembre 1965, la société civile immobilière Le Grand Pré a concédé sur son fonds situé [Adresse 2], au profit du fonds voisin appartenant alors à la société C.I.R un droit de passage pour desservir ses parcelles cadastrées [Cadastre 3] et [Cadastre 1].

Par acte du 18 juin 2008, la société 4 AS Stasi, venant aux droits de la société C.I.R a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Grand Pré devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de voir :

- procéder à la démolition de tous les immeubles bâtis sur l'assiette de la servitude de passage sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir,

- procéder à l'enlèvement des véhicules automobiles stationnés sur l'assiette de la servitude sous astreinte de 500 € par voiture stationnée à compter de la signification du jugement à intervenir,

- condamner le défendeur à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un jugement avant dire droit du 24 mars 2011, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a ordonné un transport sur les lieux.

Le syndicat des copropriétaires a conclu :

- à l'irrecevabilité de l'action engagée par la société 4 AS Stasi à raison de vices de fond entachant l'acte introductif d'instance, de son défaut de qualité à agir et de l'absence aux débats des propriétaires des parties privatives des ouvrages dont la suppression est demandée,

- subsidiairement au rejet des prétentions adverses,

reconventionnellement,

- à l'extinction pour défaut d'exercice du droit de passage revendiqué par la société 4 AS Stasi sur la partie de l'assiette comprise entre le premier et le second portail, en direction du. Nord, ouvert par la partie adverse,

- à la remise en état antérieure des lieux,

- à la fermeture du second accès,

- à voir interdire aux résidents de la société 4 AS Stasi de passer sur cette partie du fonds,

- à voir ordonner le rétablissement des marques des 17 places de stationnement indûment supprimées par la demanderesse, à ses frais avancés et sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- à voir condamner la demanderesse à lui payer les sommes de :

* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir jusqu'à parfait paiement

* 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 avril 2013, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

- déclaré recevable les demandes formées par la société 4 AS Stasi au titre de la servitude de passage,

- déclaré irrecevables les demandes formées par la société 4 AS Stasi au titre des troubles anormaux de voisinage,

- dit que la société 4 AS Stasi bénéficie d'une servitude de passage conventionnelle sur le fonds appartenant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Grand Pré,

- dit que l'assiette de dix mètres de largeur résultant de l'acte des 12 et 22 décembre 1965 est éteinte,

- dit que l'assiette actuelle de la servitude est d'une largeur d'au moins 6,82 mètres et s'étend depuis la route nationale 84 jusqu'au portail n°1 de la société 4 AS Stasi et non pas au Nord de ce portail,

- condamné la S CI 4 AS Stasi à remettre en état les lieux conformément à l'assiette actuelle de la servitude et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

- fait interdiction aux résidents de la société 4 AS Stasi de passer sur cette partie du fonds appartenant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Grand Pré,

- condamné la SC 4 AS Stasi à rétablir les marques des 17 places de stationnement supprimées par elle, à ses frais avancés et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

- condamné la SA 4 AS Stasi à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Grand Pré la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société 4AS Stasi aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Serge Astier avocat, sur son affirmation de droit.

La société 4 AS Stasi a relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour :

Vu les articles 686 et suivants du Code civil,

Vu l'article 2240 et suivants du Code civil,

Vu la Loi du 10 juillet 1965,

Vu la théorie des troubles anormaux de voisinage,

Vu la législation en faveur de l'autonomie des personnes handicapées,

- de fixer l'assiette de la servitude et les modalités d'utilisation telles que retenues par M. [H] :

1/ la servitude qui se trouve sur la partie sur laquelle sont construits les garages (le long de la parcelle [Cadastre 2]) sera limitée à 6,82 mètres de largeur sur toute la longueur,

2/ La servitude se poursuivra sur une largeur de dix mètres au-delà du premier portail (le long des parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 1]),

3/ Un couloir piéton d'une largeur d'1,40 mètres devra être matérialisé entre le mur d'enceinte et les places de parking (le long de la parcelle [Cadastre 2]).

- de dire et juger que le deuxième portail correspond à la volonté des parties tant dans l'acte de création de la servitude que dans les échanges postérieurs,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à procéder à l'enlèvement de tous les véhicules automobiles stationnés sur l'assiette de la servitude, sous astreinte de 500 € par voiture stationnée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir;

- de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Grand Pré à mettre fin à ce trouble sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ou à défaut à prendre en charge les frais d'enlèvement des ordures, et à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour le trouble d'ores et déjà subi,

à titre subsidiaire,

- de dire et juger que son terrain bénéficie d'une servitude de passage pour cause d'enclave,

- de faire droit à ses demandes notamment l'agrandissement de la seconde ouverture,

- de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Grand Pré au paiement de la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de Maître LAFFLY, Avocat sur son affirmation de droit.

Elle soutient :

- qu'elle bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le fonds du syndicat des copropriétaires des immeubles Le Grand Pré, qui n'est pas prescrite,

- à titre subsidiaire, qu'elle bénéficie d'une servitude de passage pour cause

d'enclave,

- que cette servitude est nécessaire à l'accès des bâtis tant aux locaux professionnels qu'à l'immeuble à usage d'habitation pour la sécurité des personnes et l'accès aux personnes handicapées,

- que l'assiette de cette servitude doit être fixée à 10 mètres de largeur et sur toute la longueur du fonds de la copropriété Le Grand Pré,

- que l'assiette de cette servitude n'est pas prescrite par non usage,

- que le syndicat des copropriétaires Le Grand Pré ne respecte pas la servitude dont elle bénéficie,

- que son deuxième portail correspond à la volonté des parties tant dans l'acte de création de la servitude que dans les échanges postérieurs,

- qu'elle est victime d'un trouble anormal du voisinage imputable au

syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Grand Pré, du fait du comportement des résidents.

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Le Grand Pré» demande à la cour :

Vu les articles 682 et suivants du code civil, plus spécialement les art.685 & 706, les articles 543 et suivants du code de procédure civile,

- de dire abusive la procédure poursuivie par la société 4 AS Stasi,

- de la condamner à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts, outre celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

- de condamner la société 4 AS Stasi aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la Scp Aguiraud Nouvellet, sur son affirmation de droit.

Il soutient :

* sur le trouble de jouissance :

- que l'on comprend mal comment sa responsabilité pourrait être engagée, alors que les stationnements prétendus gênants sont le fait délibéré de copropriétaires sans gêne, soit même et plus souvent encore, d'étrangers à la copropriété qui viennent de manière parfaitement illicite, empiéter sur son héritage sans le moindre scrupule et ce malgré tous les moyens destinés à barrer le passage à ces intrus qu'elle a pu faire installer à grands frais (entre autre un portail électrique),

- que la copropriété ne disposant d'aucun droit lui permettant de prendre des règlements de police ne peut imposer à ses résidents et encore moins aux personnes extérieures, une quelconque sanction et ne peut donc dès lors être tenue pour responsable du préjudice invoqué par la partie adverse, à condition encore que celui-ci soit bien réel,

* sur la servitude de passage :

- que l'assiette actuelle de la servitude suffit largement aux besoins du fonds dominant, qu'elle est conforme a l'accord intervenu entre les précédents propriétaires des parcelles,

- que tous les bâtiments nouveaux construits par la société 4 AS Stasi peuvent aisément être desservis depuis le premier portail,

- qu'en application de l'article 685 du code civil, l'assiette actuelle du droit de passage est déterminée par trente ans d'usage continu,

- que le propriétaire du fonds dominant qui a emprunté pendant trente ans au moins et de manière continue une assiette restreinte par rapport à celle visée dans l'acte authentique a ainsi déterminé une assiette différente de celle initialement convenue qui l'empêche de se prévaloir des dispositions visées dans l'acte,

- que l'ouverture d'un second portail est constitutive d'une voie de fait.

MOTIFS

Analyse de la situation

1- constitution de la servitude. La servitude litigieuse a été constituée par acte authentique des 12 et 22 décembre 1965.

Il est rappelé liminairement dans cet acte :

- que la Sci le Grand Pré (M. [K]) a acquis le 28 décembre 1962 une parcelle de terre de 1551 m2 cadastrée [Cadastre 4] sur la commune de Miribel,

- que la société civile immobilière Le Grand Pré fait édifier sur ce terrain une ensemble immobilier dénommé « Le Grand Pré» comprenant divers blocs à usage d'habitation commercial le tout desservi par des voies et réseaux divers,

- qu'aux termes du règlement de copropriété de cet ensemble du 27 décembre 1963, il a été stipulé que les parties communes comprenaient le sol des constructions, et celui des parkings, les cours, passages et voies et aires d'accès...»

- que la société C.I.R (M. [W]) a acquis quant à elle de M. [Q] les parcelles [Cadastre 1] (10 a 61 ca) et [Cadastre 3] (6a 19 ca) le 18 novembre 1965,

- que par suite de la division de la propriété de M.[Q], la partie vendue à la C.I.R. s'est trouvée enclavée par le surplus restant la propriété du vendeur,

- que « les deux sociétés se sont mises d'accord pour ménager à cette propriété une autre issue vers les voies et réseaux publics divers», les parties ont convenu :

«CONSTITUTION DE SERVITUDE :

« 1°- un droit de passage pour piétons et tous véhicules quelconques sur une bande de terrain de dix mètres de largeur partant de la route de [Localité 2] à [Localité 1] et longeant les propriétés contiguës qui appartiennent à Monsieur [Q] et à la C.I.R. étant en outre précisé que le portail d'entrée de la C.I.R. devra toujours être libre d'accès.»

2°- Un droit de passage pour une canalisation souterraine d'électricité haute tension dont l'assiette est déterminée par la voie objet de la servitude de passage stipulée au paragraphe premier ci-dessus,

3°- un droit de branchement et raccordement à ses propres canalisations déjà installées et un droit de passage sur sa propriété des canalisations d'égout de la C.I.R afin de permettre ce branchement ainsi que l'autorisation d'effectuer tous travaux d'entretien et de réparation sur ces canalisation.

De son côté M. [W] engage la C.I.R. à participer aux frais d'entretien et de réparations des routes et voies intérieures de la société Le Grand Pré utilisées par elle et des canalisations d'égout à concurrence de 15% des dépenses engagées pour ce faire.»

Il résulte des plans produits aux débats que la parcelle de la société C.I.R. s'est bien trouvée enclavée ensuite de la division du fonds de M. [Q], lequel est resté propriétaire de la partie donnant sur la voie publique.

Les parties n'indiquent pas de quelle manière s'effectuait la desserte des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 3] avant la constitution de la servitudede 1965.

Cependant, l'acte des 12 et 22 décembre 1965 a pour objet de « ménager à cette propriété une autre issue», ce dont il résulte que la propriété de la société CIR disposait ou pouvait disposer d'un autre accès, étant observé qu'aux termes des dispositions de l'article 684 du code civil « si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.»

Ainsi la servitude est purement conventionnelle et le jugement sera réformé en ce qu'il a indiqué que « que la servitude litigieuse, visée dans l'acte authentique susmentionné, est fondée par l'état d'enclave du fonds dominant et que le dit acte s'est finalement borné à en fixer l'assiette et l'aménagement», tout en indiquant que «la servitude est conventionnelle».

2 - Transfert de propriété du fonds dominant au profit de la Sci Jayr Grand Pré . Par jugement du 15 novembre 1988, la société Jayr Grand Pré a acquis le fonds par adjudication.

Elle a saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse aux fins d'expertise en raison « de la gêne résultant de la mise en service de places de parking, par la construction de garages, et par l'édification d'un transformateur électrique.»

Par ordonnance du 22 décembre 1992, le juge des référé a désigné M. [X] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 25 octobre 1993.

Dans son rapport l'expert a mentionné :

«M. [F] se plaint que la servitude de passage dont profite le terrain qu'il a acheté n'est pas respectée par la copropriété, celle-ci ayant réduit l'emprise de cette servitude, tant en largeur qu'en longueur.

M. [F] souhaite que soit reconnu son droit à l'utilisation d'une servitude de passage sur une largeur de dix mètres et sur toute la longueur de la limite EST de l'ensemble immobilier "AD 5" depuis la route nationale 84.

Sur cette bande de dix mètres des parkings ont été aménagés et un transformateur électrique a été construit en bordure de la Route Nationale

L'emprise actuelle de la servitude ne se poursuit pas au delà du portail qui donne accès à sa propriété, c'est-à-dire dans la partie Nord de la copropriété.

Les copropriétaires et M. [Y], syndic de la copropriété, sont étonnés par cette demande qu'ils considèrent comme non justifiée. La copropriété n'a pas modifié le droit de passage au profit du terrain voisin depuis la construction de l'ensemble immobilier.

M. [F] désire revendre en deux lots sa propriété actuelle et de ce fait créer un deuxième accès, au Nord de celui qui existe actuellement.

Les copropriétaires ne veulent pas que la servitude actuelle soit modifiée et que deux entreprises industrielles, au lieu d'une, puissent bénéficier d'une servitude de passage avec le risque de circulation de poids lourds et de nuisances phoniques, dans un quartier résidentiel.»

L'expert a également relevé :

- que sur le plan de masse du 18 avril 1963 de l'ensemble immobilier Le Grand Pré sont dessinés le transformateur, dans l'angle Sud-Est et tous les immeubles existants ainsi que des parkings dans la bande des 10 mètres longeant la limite sud-est de l'ensemble immobilier et tous les immeubles existants,

- que des parkings sont également dessinés dans la bande des 10 mètres.

- que le permis de construire a été délivré le 28 juin 1963.

L'expert conclut :

- que « compte tenu de la date du permis de construire de la date de la constitution de servitude par rapport au permis de construire et du libellé de cet acte que la servitude de passage actuelle est conforme à l'esprit de l'accord intervenu entre M. [K] ( Sci Le Grand Pré) et M. [W] ( société CIR),

- que M. [W] ne pouvait pas méconnaître les plans du permis de construire bien antérieurs à la rédaction de l'acte,

- que la largeur du passage actuel n'est jamais inférieure à 6,82 mètres sur toute sa longueur,

- que cette largeur permet le passage de tous véhicules quelconques,

- que les copropriétaires présents à l'expertise accepteraient sous réserve de l'approbation de l'assemblée générale de la copropriété que la servitude de passage actuelle puisse être modifiée pour permettre la création d'un deuxième accès plus au nord à condition que le bâtiment industriel existant soit démoli et que les deux nouvelles parcelles de la Sci Jayr Grand Pré soient réservées à l'usage exclusif de maisons unifamiliales.

Le «plan de masse des canalisations» du 7 octobre 1964 produit aux débats confirme l'existence d'empiétement pérennes sur la bande des 10 mètres.

3 - Transfert de propriété au profit de la société 4AS Stasi . Par jugement d'adjudication sur surenchère du 2 avril 2002, M. [C] a acquis pour le compte de la société 4 AS Stasi les parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 1].

Il a démoli les anciens entrepôts, fait édifier dans la partie Nord une résidence d'habitation de quatre appartements dénommée le Clos ambré et a aménagé un petit immeuble de bureaux.

Par un courrier du 26 décembre 2004, M. [C] a sollicité du syndic de copropriété de la résidence Le Grand Pré l'autorisation de créer d'un second accès spécifiquement dédié à la desserte de la résidence Le Clos Ambré reprenant en cela le souhait que M. [F] avait indiqué à l'expert.

Ce second accès a été réalisé courant 2005, sans manifestation d'opposition de la copropriété le Grand Pré.

Sur l'assiette de la servitude

L'acte des 12 et 22 décembre 1965 prévoit «un droit de passage pour piétons et tous véhicules quelconques sur une bande de terrain de dix mètres de largeur partant de la route de [Localité 2] à [Localité 1] et longeant les propriétés contiguës qui appartiennent à Monsieur [Q] et à la C.I.R. étant en outre précisé que le portail d'entrée de la C.I.R. devra toujours être libre d'accès.»

Cette énonciation indique de manière certaine que le passage pourra s'exercer le long des parcelles [Cadastre 2] (M. [Q]) et [Cadastre 3] et [Cadastre 1] ( société CIR) et donc au-delà du portail, ce qui signifie que les parties ont nécessairement envisagé la possibilité d'autres accès.

La société 4 AS Stasi justifie d'ailleurs qu'il a existé une seconde ouverture plus au nord, qui a été utilisée avant 2002 ainsi qu'en atteste M.[F] ancien propriétaire des lieux.

Il ne saurait être reproché à la société 4 AS Stasi et à ses auteurs ( SCI Jayr et société CIR) d'avoir laissé s'éteindre par non usage pendant trente ans l'assiette de la servitude au-delà du premier portail, alors que d'une part il s'agit d'une servitude conventionnelle dont l'assiette ne peut être modifiée par prescription, et d'autre part, que le non usage de la servitude de passage au- dela du premier portail résultait d'une abstention volontaire des propriétaires successifs du fonds dominant, l'état des lieux, en l'occurrence la présence d'un premier portail permettant un usage complet de la servitude.

En conséquence, il convient de dire qu'aucune prescription n'est opposable à la société 4 AS Stasi.

En revanche, dès avant la constitution de la servitude, les plans, permis de construire et règlement de copropriété tous antérieurs à la constitution de la servitude faisaient apparaître un empiétement du transformateur à l'entrée de la servitude et la constitution de lots privatifs de parkings le long de la parcelle [Cadastre 2] ( le long du tènement de M. [Q]).

L'acte constitutif de 1965 ne mentionne aucune intention des parties de voir modifier le plan de masse et le règlement de copropriété qui comporte un plan annexé ( ce dernier étant visé dans l'acte), afin de laisser totalement libre la bande de 10 mètres.

Il n'est pas établi que la société CIR propriétaire des lieux jusqu'en 1987 ait émis la moindre protestation ensuite de la construction sur cette bande de 10 mètres ou empiétant sur celle-ci, d'un transformateur, d'un groupe de 20 garages et d'emplacements de parkings en épis le long de la parcelle [Cadastre 2].

En conséquence, la servitude ne pouvait avoir pour assiette que la partie libre de la bande de 10 mètres à l'exclusion des surfaces affectées à des constructions (transformateur, garages) ou à des emplacements de parkings tels que prévus aux plans de masse, au permis de construire et au règlement de copropriété.

Si aucune mention « parkings» ne figure sur le plan de masse de la résidence Le Grand Pré le long de la limite au-dela du premier portail, cette absence de mention n'interdisait pas pour autant le stationnement de véhicules à cet endroit, dès lors qu'aucune gêne n'était occasionnée pour l'exercice du droit de passage.

D'autre part, les occupants de la Résidence Le Grand Pré y stationnaient effectivement leur véhicule ainsi que cela peut être constater sur les photographies annexées au rapport d'expertise de M. [X] déposé en 1993.

Il en résulte qu'au-dela du 1er portail, l'assiette de la servitude pouvait être partiellement utilisée pour des emplacements de parkings en épi dès lors qu'aucune gêne n'est occasionnée au passage du propriétaire du fonds dominant.

La servitude conventionnelle doit donc s'interpréter comme s'exerçant au sein d'une bande de 10 mètres le long des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 3], et [Cadastre 1], et que les constructions et emplacements de parkings empiétant sur cette bande qui avaient été prévus et envisagés antérieurement à la constitution de la servitude peuvent être maintenus.

Sur la demande de fixation de la servitude qui se trouve sur la partie sur laquelle sont construits les garages (le long de la parcelle [Cadastre 2]) à 6,82 mètres de largeur sur toute la longueur,

Le syndicat des copropriétaires Le Grand pré demande la confirmation du jugement qui a dit que l'assiette actuelle de la servitude est d'une largeur d'au moins 6,82 mètres et s'étend depuis la route nationale 84 jusqu'au portail n°1 de la société 4 AS Stasi et non pas au Nord de ce portail.

La société 4AS Stasi demande à voir fixer la servitude qui se trouve sur la partie sur laquelle sont construits les garages (le long de la parcelle [Cadastre 2]) sera limitée à 6,82 mètres de largeur tout en concluant que l'assiette de cette servitude doit être fixée à 10 mètres de largeur et sur toute la longueur du fonds de la copropriété Le Grand Pré .

En l'absence d'accord complet des parties sur un plan précis délimitant une nouvelle assiette de la servitude, l'assiette de la servitude décrite à l'acte ne peut être modifiée.

En conséquence, le jugement sera réformé.

Sur le second accès

La création d'une seconde ouverture sur l'assiette d'un droit de passage constitue en principe une aggravation de la servitude.

Cependant en l'espèce, le second portail a été réalisé par M. [C] en 2005 et la copropriété ne s'est pas opposée à sa mise en place.

A ce titre, la société 4 AS Stasi produit un courrier du maître d'oeuvre HB ingénierie du 16 juin 2011, qui indique qu'il y a eu sur place une réunion le 23 juin 2005 avec le délégué syndical, les représentants du syndicat des copropriétaires, M. [Y], et M. [K] lui-même et que suite à cette réunion un accord verbal a été donné sur l'emplacement des entrées et sur le projet et qu'un plan indiquant les deux entrées a été remis a M. [Y].

Par ailleurs, l'acte de servitude ne limitait pas le droit de passage « jusqu'au portail» de la société C.I.R. .

Au contraire, l'acte mentionnait un droit de passage tout le long des parcelles de la société CIR, ce qui n'avait de sens que dans l'hypothèse de l'aménagement de nouveaux accès le long de ces parcelles ( [Cadastre 3] et [Cadastre 1]).

En tout état de cause, la société 4 AS Stasi justifie que la seconde ouverture n'a pas été créée pour des raisons de simples commodités personnelles mais bien pour la mise en valeur légitime de son fonds.

Il apparaît indispensable que la résidence de quatre appartements puisse bénéficier d'un espace clos et d'un accès autonome par rapport aux locaux professionnels.

Surtout, ce nouvel accès ne génère aucun préjudice au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Grand Pré.

Il n'y a aucune nuisance supplémentaire au fait que les occupants des quatre appartements de la résidence le Clos Ambré passent par le premier portail plutôt que par le second portail distant de quelques décamètres, alors que la bande de 10 mètres au-dela du premier portail est intensivement utilisée comme voirie par le syndicat des copropriétaires pour l'accès au bâtiment B, au «groupe des 20 garages» et aux emplacements de parkings en épis.

Par ailleurs la servitude avait originairement pour fonction de desservir une usine de traitement des métaux. Le chemin était emprunté par des poids lourds «de gros tonnage» ce dont se plaignaient les résidents de la résidence Le Grand Pré ainsi que cela résulte de l'expertise de M. [X], ce qui n'est plus le cas grâce aux investissements de la société 4 AS Stasi.

Il sera donc fait droit à la demande de la société 4 AS Stasi au titre du second accès donnant sur la servitude de passage.

En revanche, la demande d'élargissement n'est étayée par aucun motif et sera rejetée.

Sur le couloir pour piétons d'une largeur de 1m 40 le long de la limite de propriété

Il convient de constater que les parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 1] sont désormais à usage d'habitation et de bureaux loués à un organisme de Formation Professionnelle autorisé à accueillir du public (IFRA).

En conséquence, en raison de cette transformation des lieux, c'est à juste titre que la société 4 AS Stasi sollicite que les stationnements en épis soient écartés de 1m 40 du mur de cloture afin de permettre aux piétons, valides ou handicapés, de se rendre à la résidence le clos Ambré et au centre de formation sur un passage balisé et sécurisé sans avoir à déambuler sur la partie de la servitude où peuvent circuler les véhicules.

Il ne résulte de cette demande aucune aggravation de la servitude.

Sur la demande de la société 4 AS Stasi aux fins de voir condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Grand Pré à procéder à l'enlèvement de tous les véhicules automobiles stationnés sur l'assiette de la servitude, sous astreinte de 500 € par voiture stationnée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir

Au vu du projet de construction, il est établi que les parties avaient convenu dans l'acte constitutif de 1965 que l'assiette de la servitude devait seulement permettre l'accès aux parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 1] et non pas être totalement libre de tout obstacle.

Il en est ainsi nécessairement sur toute l'assiette de la servitude y compris au-dela du premier portail.

En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'enlèvement des véhicules stationnés le long des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 1], ceux-ci ne constituant aucune entrave au passage, dès lors que les accès sont toujours libres.

Au contraire, la société 4 AS Stasi devra rétablir les marques des 17 places de stationnement supprimées par elle, en tenant compte du couloir de 1m40 .

Sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte à la servitude de passage

Les pièces produites (quelques photographies) ne démontrent pas une atteinte à l'exercice de la servitude.

Sur la demande de dommages et intérêts pour troubles anormaux du voisinage

L'action de la société 4 AS Stasi est fondée sur l'article 544 du code civil et suppose un trouble résultant de l'exercice anormal par un voisin ( propriétaire ou occupant) de son droit de propriété.

En l'espèce, les dégradations commises sur le mur de cloture propriété de la société 4 AS Stasi de même que les jets d'objets en direction des voitures ou de la résidence d'habitation, commis par des personnes non identifiées, sont étrangers à l'exercice du droit de propriété ou d'occupation et relèvent de la seule responsabilité civile ou pénale personnelle des auteurs de ces agissements.

La demande fondée sur la « théorie des troubles anormaux du voisinage» dirigée contre le syndicat des copropriétaires, en l'absence d'implication personnelle de celui-ci dans les agissements invoqués, sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires de la Résidence le Grand Pré

Le jugement étant partiellement réformé, l'action de la société 4 AS Stasi n'est pas abusive.

La demande sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour,

réformant partiellement le jugement,

- Dit que la servitude conventionnelle constituée par l'acte notarié des 12 et 22 décembre 1965 reçu par Maître [B], notaire à [Localité 3] et Maître [T] notaire à [Localité 2], s'exerce ainsi qu'il est dit à l'acte «sur une bande de terrain de dix mètres de largeur partant de la route de [Localité 2] à [Localité 1] et longeant les propriétés contiguës qui appartiennent à Monsieur [Q] et à la C.I.R,» soit le long des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 1] et dans le respect des constructions figurant au plan de masse de l'ensemble immobilier Le Grand Pré et des emplacements de stationnements mis en service le long de la limite ces parcelles ,

- Dit que la société 4 AS Stasi est bien fondée à aménager à ses frais un couloir de circulation pour piétons d'une largeur de 1,40 m le long des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 1],

- Dit que la création du deuxième accès n'a pas généré d'aggravation de la servitude,

- Déboute la société 4 AS Stasi de sa demande d'élargissement de ce second portail,

- Déboute la société 4 AS Stasi de ses demandes d'enlèvement des véhicules,

- Condamne la société 4 AS Stasi à rétablir les marques des 17 places de stationnement supprimées par elle, à ses frais avancés et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement,

- Déboute la société 4 AS Stasi de ses demandes de dommages et intérêts,

- Déboute le syndicat des copropriétaires de la résidence le Grand Pré de ses demandes tendant à voir remettre les lieux en l'état antérieur, à faire interdiction à la société 4 AS Stasi ainsi qu'à tous ses résidents de passer sur la partie du fonds situé au Nord du premier portail, et aux fins de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties avec droit de recouvrement direct sur leur affirmation de droit au profit des avocats postulant des parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/04314
Date de la décision : 28/05/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/04314 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-28;13.04314 ?
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