R.G : 13/04037
Décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE
Au fond
du 07 février 2013
RG : 11/00302
[R]
C/
S.A.R.L. TRAJELIS
SA SAFER RHONE ALPES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 26 Mai 2015
APPELANT :
M. [X] [R]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représenté par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON
Assisté de la SCP REFFAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de L'AIN
INTIMEES :
S.A.R.L. TRAJELIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
Assistée de la SELARL BERTHELON GALLONE & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
SA SAFER RHONE ALPES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe VILLEFRANCHE, avocat au barreau de L'AIN
******
Date de clôture de l'instruction : 15 Octobre 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Avril 2015
Date de mise à disposition : 26 Mai 2015
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Agnès BAYLE, greffier
A l'audience, [P] [H] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
Suivant acte authentique en date du 31 décembre 1993, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Rhône Alpes (SAFER RHONE ALPES) a vendu à la SARL TRAJELIS une propriété agricole située sur la commune de [Localité 8], ainsi que diverses parcelles de terre situées sur la commune de[Localité 2].
Suivant acte authentique du 30 novembre 1994, la SAFER a vendu à monsieur [X] [R], une propriété située à[Adresse 3]» cadastrée section A [Cadastre 3] et [Cadastre 2], sur laquelle sont édifiés différents bâtiments à usage d'habitation et de ferme, où il exerce son activité d'agriculteur/éleveur.
Antérieurement, selon acte sous seing privé du 30 janvier 1994, la SARL TRAJELIS avait consenti un bail rural à monsieur [R], portant sur d'autres parcelles situées sur la commune de [Localité 2], contiguës aux parcelles acquises par ce dernier le 30 novembre 1994.
Depuis l'année 2000, plusieurs procédures opposent monsieur [X] [R] à la SARL TRAJELIS concernant un droit de passage que cette dernière revendique pour accéder à ses propres parcelles constituées notamment d'un étang, et dont elle prétend qu'elles sont enclavées.
Selon ordonnance du 16 janvier 2001, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a désigné monsieur [I] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 28 juin suivant.
Par jugement du tribunal d'instance de Trévoux du 6 février 2004, monsieur [R] a été condamné à supprimer les clôtures, cadenas et tout autre obstacle, sous astreinte de 460 € par jour de retard à compter de la signification de la décision afin que la SARL TRAJELIS puisse accéder à ses parcelles en empruntant le chemin traversant la cour de la ferme de monsieur [R], se trouvant sur les parcelles cadastrées n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2] section A, le juge rappelant qu'il statuait au possessoire et non sur l'existence d'une servitude de passage.
Par actes d'huissier des 7 et 19 janvier 2011, monsieur [X] [R] a fait citer la SARL TRAJELIS et la SAFER RHONE ALPES devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse de sorte, à titre principal, d'entendre dire et juger au pétitoire, que la servitude mentionnée dans l'acte de vente du 31 décembre 1993 entre la SARL TRAJELIS et la SAFER RHONE ALPES et portant sur les parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2] sur les communes de [Localité 1] et [Localité 2], lui est inopposable et que les tènements appartenant à la SARL TRAJELIS ne bénéficient d'aucune servitude de passage, l'intéressé sollicitant à titre subsidiaire l'indemnisation du préjudice subi au titre du non respect de l'acte de vente du 31 décembre 1993 à hauteur d'une somme de 7.000 € et réclamant l'interdiction et la sanction du passage par toute autre personne que les associés de la SARL TRAJELIS par une astreinte de 2.000 € par infraction constatée, l'autorisation de clore ses tènements avec engagement de sa part de remettre à la SARL TRAJELIS les clés du portail à mettre en place et la condamnation de la SAFER à lui payer les sommes de 87.500 € au titre de la diminution de la valeur des tènements immobiliers à raison de l'existence de la servitude ainsi que la somme de 40.000 € eu égard aux contingences générées par la dite servitude pour l'exploitation agricole, outre en tout état de cause à la charge des défenderesses, une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 7 février 2013, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a autorisé monsieur [X] [R] à clore ses tènements sous réserve de la remise des clés correspondant au portail qui sera mis en place à la SARL TRAJELIS, le déboutant du surplus de ses demandes et le condamnant aux dépens et à payer à la SARL TRAJELIS et à la SAFER RHONE ALPES, une indemnité de 800 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a considéré que la servitude conventionnelle de passage contenue dans l'acte de vente par la SAFER à la société TRAJELIS du 31 décembre 1993 était opposable à monsieur [R] mais éteinte et que la société TRAJELIS ne pouvait plus s'en prévaloir à l'égard de monsieur [R], et que l'[Localité 7] appartenant à la société TRAJELIS est enclavé de sorte que la société TRAJELIS dispose d'une servitude légale de passage sur les parcelles appartenant à monsieur [R] cadastrées section A n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2], considérant encore qu'aucun préjudice ne peut avoir été subi par monsieur [R] à ce titre que ce dernier ne justifie en rien des préjudices dont il réclame l'indemnisation à la SAFER.
Selon déclaration du 15 mai 2013, monsieur [X] [R] a formé appel à l'encontre du dit jugement ; par ordonnance du 5 mars 2014, le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre B de la cour a rejeté la demande d'expertise présentée par monsieur [R], considérant qu'il s'agissait en réalité d'une demande tendant à l'organisation d'une contre expertise ne ressortant pas de la compétence du conseiller de la mise en état, alors même qu'un rapport privé produit en cause d'appel pouvait être soumis à la discussion des parties, les lieux n'ayant pas pour autant été modifiés.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par monsieur [X] [R], appelant, lequel demande à la cour de :
A titre principal,
Réformer le jugement rendu du 7 février 2013,
Dire et juger que la servitude conventionnelle mentionnée dans l'acte de vente du 31 décembre 1993 entre la SARL TRAJELIS et la SA SAFER RHONE ALPES et portant sur les parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2] sises sur les communes de [Localité 1] et [Localité 2] (Ain) est inopposable à monsieur [X] [R],
A défaut, confirmer le jugement du 7 février 2013 en ce qu'il a considéré que le changement des associés de la SARL TRAJELIS fait disparaître tout droit à servitude conventionnelle, telle que portée à l'acte du 31 décembre 1993,
Dire et juger que les tènements appartenant à la SARL TRAJELIS ne bénéficient d'aucune servitude conventionnelle,
Réformer le jugement du 7 février 2013, en ce qu'il a considéré que les tènements propriétés de la SARL TRAJELIS bénéficiaient d'une servitude légale à raison d'un état d'enclave,
Constater l'absence d'état d'enclave des tènements propriété de la SARL TRAJElIS,
Dire que les parcelles cadastrées n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 2] ne sont grevées d'aucune servitude au bénéfice des tènements propriété de la SARL TRAJELIS,
Condamner la SARL TRAJELIS à payer à monsieur [X] [R] la somme de 7.000 € en réparation de son préjudice,
Dire et juger que dans l'avenir tout passage exercé par d'autres personnes que les associés de la SARL TRAJELIS en 1993, sera sanctionné pour toute infraction constatée, par une astreinte de 2.000 €,
En tant que de besoin,
Désigner tel expert qu'il plaira à la cour,
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement du 7 février 2013, en ce qu'il a autorisé monsieur [R] à clore ses tènements et prendre acte de son engagement de remettre à la SARL TRAJELIS les clés correspondant au portail qui sera mis en place,
Réformer le jugement du 7 février 2013, en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires présentées par monsieur [R] à l'encontre de la SAFER RHONE ALPES,
Statuant à nouveau,
Condamner la SAFER RHONE ALPES à payer à monsieur [X] [R] la somme de 87.500 € au titre de la diminution de la valeur des tènements immobiliers à raison de l'existence de la servitude,
Condamner la SAFER RHONE ALPES à payer à monsieur [X] [R] à titre de préjudice, la somme complémentaire de 40.000 € eu égard aux contingences générées par la servitude pour l'exploitation agricole,
En tout état de cause,
Réformer le jugement du 7 février 2013, en ce qu'il a condamné monsieur [R] à payer à la SARL TRAJELIS et à la SA SAFER RHONE ALPES les sommes de 800 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,
Statuant de nouveau,
Condamner in solidum la SARL TRAJELIS et la SAFER RHONE ALPES, ou qui mieux le devra d'entre-elles, aux dépens et à payer à monsieur [X] [R] la somme de 6.000 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et signifiées par la SARL TRAJELIS qui demande à la cour :
A titre principal :
Confirmer le jugement du 7 février 2013 en ce qu'il a constaté l'existence d'une servitude conventionnelle de passage et son opposabilité à monsieur [R],
Réformer la décision en ce qu'elle a jugé que la servitude conventionnelle de passage est éteinte et que la société TRAJELIS ne peut plus s'en prévaloir à l'endroit de monsieur [R],
Dire et juger que la servitude conventionnelle de passage n'a pas disparu et n'est pas éteinte,
Débouter monsieur [R] de ses entières demandes,
A titre subsidiaire :
Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société TRAJELIS dispose d'une servitude légale de passage,
Rejeter la demande de désignation d'un expert judiciaire présentée par monsieur [R],
Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté monsieur [R] de ses demandes indemnitaires.
Pour le cas où par impossible une condamnation était prononcée à l'encontre de la société TRAJELIS :
Condamner la SAFER à relever et garantir la société TRAJELlS de toute condamnation éventuellement mise à sa charge,
Condamner la SAFER à payer à la société TRAJELIS la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause :
Réformer le jugement en ce qu'il a autorisé monsieur [R] à clore ses tènements sous réserve de la remise des clés à la société TRAJELIS correspondant au portail qui sera mis en place,
Dire et juger que monsieur [R] ne pourra être autorisé à clore ses tènements qu'à la seule condition qu'une clé de ce portail et un dispositif de télécommande à distance soit remis à la société TRAJELIS,
Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné monsieur [R] aux dépens et à payer à la société TRAJELIS la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner monsieur [R] aux dépens et à payer à la société TRAJELIS la somme de 5.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Vu les dernières conclusions déposées et signifiées par la SAFER RHONE ALPES qui conclut à la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a déclaré éteinte la servitude conventionnelle mentionnée dans l'acte de vente du 31 décembre1993 entre la SARL TRAJELIS et la SAFER RHONE ALPES et portant sur les parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2] et demande qu'il soit statué ce que de droit sur l'existence d'une servitude légale et qu'en tout état de cause, monsieur [R] soit débouté de toute demande indemnitaire à son encontre et condamné avec la SARL TRAJELIS, à lui payer une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 5 mars 2014, le conseiller de la mise en état de la première chambre B de la cour d'appel de Lyon a rejeté la demande de monsieur [R] tendant à voir organiser une mesure d'expertise ou compléter l'expertise déjà réalisée par monsieur [I] afin de s'assurer de l'état d'enclave de la parcelle A n° [Cadastre 2] constituant l'[Localité 7] et proposer l'ensemble des possibilités de dessertes en indiquant celle qui paraît la moins dommageable.
MOTIFS ET DECISION
Monsieur [X] [R] soutient que la servitude conventionnelle mentionnée seulement dans le titre de propriété de la SARL TRAJELIS ne peut lui être opposée par cette dernière; qu'elle a d'ailleurs disparu en application des dispositions mêmes de l'acte susvisé qui l'ont créée dans la mesure où comme l'a justement retenu le premier juge, les associés de la SARL TRAJELIS ont été modifiés.
Il ajoute que l'étang qui constitue la propriété de la SARL TRAJELIS ne peut être considéré comme enclavé alors qu'il suffit à cette dernière de procéder à quelques aménagements pour bénéficier d'un accès sur la voie publique, sans pour autant contraindre un tiers, à supporter un passage, ainsi que l'a constaté l'expert [Y] dont le rapport est soumis à la discussion contradictoire des parties.
À titre subsidiaire, monsieur [R] soutient que les passages opérés par les membres de la société TRAJELIS sur sa propriété, ont nécessairement généré un préjudice à son encontre dans la mesure où il est exploitant agricole (lait et oeufs notamment), a besoin à ce titre de pouvoir clore ses parcelles et lutter contre tout bio agresseur dans le cadre des normes draconiennes mises en place notamment au titre du virus de l'influenza aviaire ou les salmonelles mortelles pour l'homme ; que la situation du chemin passant entre son bâtiment d'exploitation et les bâtiments de l'élevage et parcours herbeux est, sur le plan épidémiologique, un facteur de risque important.
S'agissant de la valeur de son tènement, il soutient que l'existence d'une servitude qui a été dissimulée par son vendeur l'autorise, en application de l'article 1638 du code civil, à solliciter l'indemnisation du préjudice subi auprès de celui-ci, en l'espèce la SAFER RHONE ALPES.
La SARL TRAJELIS fait valoir quant à elle que la servitude conventionnelle qui a été publiée à la conservation des hypothèques le 11 février 1994, est parfaitement opposable à monsieur [R] dont l'auteur était partie à l'acte de constitution de la servitude.
Elle ajoute que les servitudes sont instituées au profit des fonds eux-mêmes et non à titre personnel au profit de particuliers et que dans la mesure où la SARL TRAJELIS n'a pas été cédée depuis l'acquisition de sa propriété en 1993, restant la propriété familiale de la famille [E], les conditions emportant l'extinction de la servitude ne sont pas réunies en l'espèce.
À titre subsidiaire elle indique que le rapport non contradictoire établi par monsieur [Y] et produit au dossier par monsieur [R] ne peut sérieusement contredire les conclusions de l'expert [I] qui a constaté l'absence pour la SARL TRAJELIS d'issue suffisante sur la voie publique pour l'exploitation de son fonds enclavé, aucune nouvelle expertise ne s'avérant nécessaire en l'espèce.
Elle expose enfin que le montant des dommages-intérêts réclamés par monsieur [R] est disproportionné par rapport aux prétendus dommages subis, dont le caractère incertain et futur interdit d'ailleurs tout principe d'indemnisation et précise que seule l'automatisation du portail, sous réserve de la remise d'un système d'ouverture, serait de nature à ne pas rendre la servitude plus incommode.
La SAFER RHONE ALPES expose enfin que la demande indemnitaire présentée seulement à titre subsidiaire à son encontre par monsieur [R] suppose la démonstration par ce dernier d'une faute à son encontre ; qu'une servitude légale ne peut être dissimulée, l'intéressé qui exploite depuis des années des parcelles contiguës et connaît parfaitement les lieux, ne pouvant sérieusement soutenir avoir ignorer leur configuration, n'ayant d'ailleurs jamais émis la moindre doléance pendant de nombreuses années et ne justifiant d'aucun préjudice en la matière.
I Sur la servitude conventionnelle :
Aux termes d'un acte authentique reçu par Maître [Z], notaire à [Localité 4], le 31 décembre 1993, la SAFER a vendu à la SARL TRAJELIS une propriété agricole située sur la commune de[Localité 1]et diverses parcelles de terres sur la commune de [Localité 2], constituant notamment au titre de ces dernières, l'[Localité 7] pour les parcelles cadastrées A n°[Cadastre 1] à [Cadastre 2].
L'acte dont s'agit prévoyait une servitude de passage au profit de la SARL TRAJELIS 'mais en tant que les associés de la dite société apparaissant à la date de sa constitution', sur les parcelles section A n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2] de façon à permettre 'l'exploitation des étangs et l'activité de chasse'.
Il était encore précisé que 'cette servitude bénéficiera comme il est dit ci-dessus seulement à la société TRAJELIS et aux associés actuels de la dite société. Elle disparaîtra purement et simplement en cas de vente par la société TRAJELIS et en cas de changement des associés'.
L'article 686 du code civil autorise les propriétaires à établir sur leur propriété, ou en faveur de celles-ci, telle servitude que bon leur semble, leur usage ou leur étendue se réglant par le titre qui les constitue notamment.
Les servitudes établies par le fait de l'homme ne sont opposables à l'acquéreur que si elles sont mentionnées dans son titre de propriété ou si elles font l'objet de la publicité foncière.
Comme l'a justement relevé le premier juge, l'acte constitutif de servitude dont se prévaut la SARL TRAJELIS, propriétaire du fonds dominant, est opposable à monsieur [R], propriétaire du fonds servant, dans la mesure d'une part où l'auteur de ce dernier, la SAFER, y a été partie et où d'autre part la servitude litigieuse a fait l'objet d'une publicité foncière le 11 février 1994.
Comme l'a très justement considéré le premier juge dans des termes que la cour adopte, les conditions apportées à la servitude de passage de l'espèce, attachée à un fonds et non à une ou des personnes, permettent de constater qu'elle n'avait vocation à perdurer que tant que les associés de la SARL TRAJELIS, détenteurs des parts au moment de l'acquisition du tènement en 1993, resteraient les mêmes ; qu'ainsi, tout changement d'associés devait entraîner l'extinction de cette dernière, sans que cette condition ne soit cumulative avec celle relative à la vente de la société.
Les actes produits au dossier par la SARL TRAJELIS (AG extraordinaire du 3 mars 2010, statuts et acte de cession de parts du 22 mars 2005) permettent de constater ainsi que l'a relevé le premier juge, que l'un des associés a été remplacé depuis l'acquisition du bien en 1993 de sorte que les associés actuels ne sont plus entièrement les mêmes que ceux existant au moment de la constitution de la servitude.
La modification des associés a donc entraîné l'extinction de la servitude conventionnelle dont s'agit ainsi que la volonté des parties qui n'avaient prévu aucune réserve en la matière, était exprimée de façon claire et sans besoin d'aucune interprétation.
La décision du premier juge qui a considéré que la servitude de passage est éteinte et que la SARL TRAJELIS ne peut plus dès lors s'en prévaloir à l'égard de monsieur [R] mérite donc confirmation.
II Sur l'état d'enclave de la propriété de la SARL TRAJELIS et l'existence d'une servitude légale :
L'article 682 du code civil prévoit que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d' opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
Un fonds ne peut être considéré comme enclavé, lorsque son propriétaire peut à partir de ses propres tènements le desservir, même si cela suppose des aménagements, sauf à constater que le coût de ces derniers est hors de proportion avec l'usage qui en serait fait et la valeur du bien.
Le rapport de l'expert [I] déposé en 2001, permet de constater que la SARL TRAJELIS est propriétaire d'un ensemble de tènements contigus important, incluant les parcelles constituant l'[Localité 7] ; si ces dernières n'ont pas en tant que telles, d'issue sur la voie publique, il s'avère qu'une partie de la propriété TRAJELIS est bordée par le chemin départemental n°7 permettant l'accès principal à la propriété entre les parcelles section B n° [Cadastre 6]et [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 1].
L'expert [I] indique qu'une solution consistant à aménager un passage sur les parcelles AN n° [Cadastre 4], [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2] appartenant à la SARL TRAJELIS (commune de [Localité 2]) et longeant l'arrière des bâtiments d'exploitation de la ferme de monsieur [R] paraît la meilleure du fait de sa faible longueur (260 m) et de son débouché sur la voie publique ; l'expert [I] indique par ailleurs que deux autres solutions de passage proposées par monsieur [R] ne peuvent être retenues dans la mesure où soit les terres concernées sont données à bail notamment à l'un des associés de la SARL TRAJELIS et nécessitent un passage sur une longueur excessive de 700 m non aménagés, soit aucune servitude de passage n'est autorisée sur une parcelle B [Cadastre 5] de la commune de [Localité 1].
Le plan des lieux annexé au rapport [I] ne permettait cependant pas d'identifier les solutions qu'il rejetait ainsi puisque toutes les parcelles concernées n'y figuraient pas.
Il est par ailleurs produit en cause d'appel par monsieur [R], une note technique établie par monsieur [Y], géomètre-expert, expert auprès de la cour d'appel de LYON, à laquelle ce dernier a annexé un plan parcellaire figuratif réalisé à partir d'un assemblage des plans cadastraux des communes de [Localité 2] et de [Localité 1], document non discuté dans la description qu'il donne des lieux qui contrairement au plan de 2001 de l'expert [I], permet une vue d'ensemble des tènements propriété de la SARL TRAJELIS.
Si cette note technique ne peut présenter les garanties d'une expertise judiciaire, elle n'en a pas moins été soumise à la critique de l'ensemble des parties et ne saurait du seul fait de son caractère non contradictoire, être rejetée sans examen des informations qu'elle apporte et qui peuvent être retenues à titre de simples renseignements.
Après s'être rendu sur les lieux, avoir étudié les différents documents de propriété et plans qui lui ont été soumis, monsieur [Y] a proposé deux passages pour accéder à l'[Localité 7] en restant sur la propriété TRAJELIS tout du long, une des deux propositions coïncidant d'ailleurs avec une des propositions faites par monsieur [R] en 2001.
Il est indiqué que les ouvertures des chemins ou tronçons de chemin ainsi proposées ne nécessitent pas des travaux importants, le franchissement d'un fossé déjà busé étant tout à fait envisageable.
Une troisième solution empruntant un chemin empierré très carrossable est également proposée au nord de l'étang, la moins dommageable en termes d'aménagements mais nécessitant une autorisation de passage sur une propriété voisine.
Aucun élément du dossier n'est produit en réponse par la SARL TRAJELIS débitrice de la preuve en la matière, qui permettrait à la cour de constater que les aménagements nécessaires à l'ouverture d'un chemin sur les tracés ainsi retenus par monsieur [Y], voire même sur le tracé retenu par l'expert [I] en 2001 empruntant les parcelles AN [Cadastre 4], [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2] commune de [Localité 2], données à bail à monsieur [R] jusqu'en 2011, seraient soit techniquement impossibles pour assurer la desserte de véhicules se rendant à l'[Localité 7], soit d'un coût hors de proportion avec l'usage attendu de celui-ci.
L'état d'enclave de la propriété de la SARL TRAJELIS n'est donc nullement établi par les éléments du dossier ; aucune servitude légale de passage sur la propriété [R] n'a donc lieu d'être constatée en l'espèce et la décision du premier juge sera réformée de ce chef.
Il n'est d'ailleurs pas indifférent de constater que même à supposer que l'état d'enclave soit reconnu en l'espèce, aucun élément du dossier ne permettrait en l'état de retenir le passage à travers la propriété agricole de monsieur [R] comme le moins dommageable compte tenu notamment des normes sanitaires drastiques qui lui sont imposées dans le cadre de son élevage de poules pondeuses, le passage de personnes et de véhicules étrangers sur le site d'élevage étant considéré comme apportant un risque sanitaire et financier trop important par le docteur [W], vétérinaire.
* * * *
L'ensemble des demandes indemnitaires présentées par monsieur [R] et sa demande tendant à être autorisé à se clore, ne sont, à la lecture de ses conclusions de première instance ou des motifs de ses conclusions d'appel, contraires seulement pour partie à la rédaction de leur dispositif en appel, et aux termes des explications de son conseil à l'audience, que subsidiaires à la reconnaissance d'une servitude de passage et n'ont donc pas lieu d'être examinées en l'absence reconnue d'une telle servitude.
L'équité et la situation économique des parties commandent l'octroi à monsieur [R] à la charge de la SARL TRAJELIS, d'une indemnité de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît par ailleurs équitable d'allouer à la SAFER RHONE ALPES, une indemnité de 2.000 € en remboursement de ses frais irrépétibles, à la charge de la SARL TRAJELIS qui succombe et a provoqué, ne serait-ce qu'indirectement, sa mise en cause.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement rendu le 7 février 2013 par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a constaté d'une part l'existence d'une servitude de passage conventionnelle opposable à monsieur [X] [R] et d'autre part l'extinction de cette servitude,
Réforme ce jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la propriété de la SARL TRAJELIS n'est pas enclavée et déboute cette dernière de l'intégralité de ses demandes,
Condamne la SARL TRAJELIS à payer les indemnités suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 3.500 € à monsieur [X] [R],
- 2.000 € à la SAFER RHONE ALPES,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la SARL TRAJELIS aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT