R.G : 13/09345
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 05 novembre 2013
RG : 10/12283
ch n° 3
[V]
[N]
C/
[I]
[F]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 28 Avril 2015
APPELANTS :
M. [H] [V]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 4] (SAÔNE ET LOIRE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Eric BERIOT, avocat au barreau de LYON
Mme [U] [N]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 5] (RHÔNE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric BERIOT, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Mme [E] [I]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3] (HERAULT)
[Adresse 3]
[Localité 1] USA
Représentée par Me Guillaume BAULIEUX de la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON
M. [M] [B] [F]
né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 6] (CHARENTE-MARITIME)
[Adresse 3]
[Localité 1]-USA
Représenté par Me Guillaume BAULIEUX de la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON
******
Date de clôture de l'instruction : 17 Septembre 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Mars 2015
Date de mise à disposition : 28 Avril 2015
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Suivant acte authentique en date du 20 avril 2004, monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] ont acquis de monsieur [H] [V] et de madame [U] [N], une maison à usage d'habitation située [Adresse 2] au prix de 330.000 €.
Par ordonnance de référé du 26 juin 2007, monsieur [Y] [T] a été désigné en qualité d'expert à la demande des acquéreurs se plaignant de désordres affectant la charpente.
L'expert a déposé son rapport le 4 février 2010 et par acte du 9 juillet 2010, monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] ont fait citer monsieur [H] [V] et madame [U] [N] devant le tribunal de grande instance de Lyon, afin d'obtenir, avec exécution provisoire, leur condamnation au paiement, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, des sommes de 10.233,50 € TTC au titre des travaux de reprises tels qu'évalués par l'expert et 2.250 € en réparation de leur préjudice de jouissance, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 5 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Lyon a déclaré recevables les demandes de monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] et a condamné, avec exécution provisoire, monsieur [H] [V] et madame [U] [N] à payer à ces derniers, la somme de 9.160 € à titre de dommages-intérêts au titre de la reprise des désordres outre une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant la demande au titre du préjudice de jouissance.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par monsieur [H] [V] et madame [U] [N], appelants selon déclaration du 2 décembre 2013, lesquels concluent à la réformation du jugement susvisé, au débouté de monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] en toutes leur demandes et sollicitent la condamnation de ces derniers à leur payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] qui concluent à la confirmation de la décision du premier juge en ce qu'elle a condamné monsieur [H] [V] et madame [U] [N] au paiement de la somme de 9.160 € au titre de la reprise des désordres, à sa réformation pour le surplus, sollicitant la condamnation de ces derniers au paiement d'une somme de 2.250 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, outre une somme de 11.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS ET DECISION
I Sur la recevabilité de la demande :
Monsieur [H] [V] et madame [U] [N] soulèvent l'irrecevabilité des demandes présentées par monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] dans la mesure où ces derniers sont dépourvus d'intérêt à agir en raison de la vente de la maison qui serait affectée de désordres, l'acte de vente aux époux [A] stipulant que les acquéreurs seront subrogés dans tous les droits et actions du vendeur relativement au bien ; que l'action engagée est une action portant sur ledit bien et concerne des travaux à faire.
Monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] font valoir quant à eux que, comme l'a justement retenu le premier juge, leur intérêt à agir doit être apprécié au jour de l'introduction de leur demande, alors même qu'ils n'avaient pas encore vendu leur bien ; que les travaux préconisés par l'expert ont été réalisés et ne sont donc pas des travaux à faire.
La demande présentée le 9 juillet 2010 par monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] consiste dans une demande en paiement de dommages-intérêts correspondant au coût de travaux dont il est indiqué qu'ils ont été réalisés avant la vente même de la maison cédée par les intéressés le 13 juillet 2011.
En application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice ; en l'espèce lors de l'introduction de leur demande le 9 juillet 2010, monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] étaient encore propriétaires de la maison, ayant donc intérêt à obtenir la condamnation de leur vendeur au titre de travaux à faire ; prétendant que ces travaux ont été réalisés en cours de procédure et en tout état de cause avant la vente du 13 juillet 2011, leur intérêt à agir a perduré.
Comme l'a justement considéré le premier juge, la demande de monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] doit être déclarée recevable.
II Sur la responsabilité des vendeurs :
Monsieur [H] [V] et madame [U] [N] soutiennent que les travaux qu'ils ont fait réaliser sont des travaux de faible importance ne caractérisant pas la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; ils ajoutent que le seul risque de dommage futur relevé par l'expert consistant dans un poinçonnement du plancher et compression d'une cloison est seulement éventuel, aucun élément ne permettant de constater qu'il se réalisera dans le délai décennal, ne compromettant en tout état de cause en rien, la stabilité ou la destination de la maison.
Ils ajoutent que n'ayant pas eux-mêmes conçu ni réalisé les travaux litigieux, aucun élément ne permet de démontrer qu'ils auraient eu connaissance des désordres au moment de la vente, aucun reproche ne pouvant leur être fait par les acquéreurs pour n'avoir pas mentionné l'existence de ces travaux dans l'acte de vente alors même que ces derniers ont fait de même dans leur vente intervenue quelques années plus tard, alors que le délai décennal n'était pas expiré.
Monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] exposent quant à eux que les travaux réalisés ont consisté dans une importante opération de rénovation avec création de surfaces habitables modifiant la structure même de la maison et qu'à ce titre ils ont consisté dans la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil comme l'a justement retenu le premier juge.
Ils ajoutent que la mutilation de la charpente qui a été constatée par l'expert constitue elle même un désordre existant nécessairement au moment de la vente, soit dans le délai de la garantie décennale ; que ce désordre engendre un risque de poinçonnement du plancher du rez-de-chaussée et de flexion de l'entrait 4 de la charpente qui pourrait écraser alors la cloison placostyl du rez-de-chaussée et remet en cela en cause la solidité de la maison.
Ils expliquent encore à titre subsidiaire, au titre de la responsabilité contractuelle des vendeurs, que ces derniers connaissaient l'existence de désordres et, en ne mentionnant pas l'existence des travaux au moment de la vente, ont manqué à leur devoir d'information, rendant de ce fait inefficace la clause de l'acte de vente aux termes de laquelle l'acheteur déclare prendre le bien en l'état ; ils précisent que contrairement à ce que soutiennent les appelants, ils ont quant à eux bien mentionné l'existence des travaux dans leur propre acte de vente en 2011.
En application des articles 1792 et 1792-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble dans lequel il a été procédé à des travaux de rénovation peut être déclaré responsable, envers les acquéreurs, des désordres affectant cet immeuble, sur le fondement des articles 1792 et suivants, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un contrat de louage d'ouvrage ou de maîtrise d''uvre, dès lors que l'importance des travaux réalisés les assimile à des travaux de construction d'un ouvrage.
Les travaux exécutés par Monsieur [H] [V] et madame [U] [N] ont été décrits par l'expert comme ayant consisté dans l'installation d'une mezzanine avec amputation d'une partie de l'arbalétrier et d'une contrefiche de deux fermes de la charpente afin de créer un volume circulable et donc aménageable, les suppressions opérées ayant été compensées par la pose d'un montant vertical intermédiaire de renfort 5 qui récupère les charges en toiture et descend dans un poteau 7 situé au niveau de la cuisine.
Il s'agit en cela de travaux d'une importance certaine, aboutissant à la création d'une surface habitable supplémentaire, emportant à la fois disparition de certains éléments et apport d'éléments nouveaux, faisant appel en cela aux techniques des travaux du bâtiment ; ils consistent donc dans la réalisation d'un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil.
L'expert judiciaire [T] indique que le poteau 7 installé dans la cuisine a été conçu pour supporter une charge d'habitation répartie et normalisée de 1.5 KN/m² et non pas une charge concentrée, ponctuelle, de 30KN/m² ; qu'il existe donc un risque de poinçonnement du plancher du rez-de-chaussée, au droit du poteau additionnel, qui pourrait générer un affaissement du plancher et une flexion de l'entrait 4 qui pourrait alors écraser la cloison Placostyl située sous cet entrait.
Comme l'a justement retenu le premier juge, les désordres ainsi constatés par l'expert ayant consisté dans la mutilation de la charpente compromettent la solidité du plancher de la cuisine, celle d'un entrait et partant de la cloison située dessous ; ils relèvent en cela de la garantie décennale de l'article 1792 susvisé, peu important qu'ils ne portent aucune atteinte à la solidité de la charpente ou des murs qui ne subissent aucune poussée et ne compromettent pas en cela la solidité de la maison dans son ensemble.
Les désordres susvisés n'étaient pas apparents pour les acquéreurs profanes au moment de leur acquisition ainsi qu'il ressort des explications de l'expert ; monsieur [H] [V] et madame [U] [N] doivent donc être déclarés responsables vis à vis de leurs acquéreurs, des désordres de nature décennale susvisés.
III Sur le préjudice :
Monsieur [H] [V] et madame [U] [N] soutiennent que la facture de travaux produite par Monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] ne correspond pas aux travaux préconisés par l'expert, situation confirmant l'absence de toute réalisation des travaux invoqués et justifiant le rejet d'une part de la demande visant à indemniser ces derniers du montant de travaux qu'ils ne pourront pas faire réaliser compte tenu de la vente de la maison intervenue en 2011 et d'autre part d'un préjudice de jouissance qu'ils n'ont pas pu subir.
Monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] prétendent quant à eux que la facture produite émanant de la société FANNI désigne les travaux réalisés comme étant des 'travaux de renforcement de charpente sur 65 m² suite à malfaçon charpente d'origine après rénovation maison', correspondant en cela aux préconisations de l'expert ; qu'ils sont donc bien fondés à en réclamer le remboursement que leur a justement alloué le premier juge.
Ils ajoutent que l'expert avait estimé à deux semaines la durée prévisible des travaux et qu'à ce titre, ne pouvant habiter normalement une maison dont la toiture avait été partiellement démontée pendant deux semaines avant la vente de 2011, ils ont incontestablement subi un préjudice de jouissance contrairement à ce qu'a retenu le premier juge qui les a déboutés à tort au motif de la vente intervenue.
Comme l'a justement relevé le premier juge dans des termes que la cour adopte, la facture du 28 avril 2011 de la société FANNI, produite au dossier par monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K], fait état de 'travaux de renforcement de charpente sur 65 m² suite à malfaçon sur charpente d'origine après travaux rénovation maison' ; elle liste une série d'opérations correspondant aux travaux indiqués en en-tête, lesquels ont nécessairement conduit l'entreprise à déposer des tuiles en toiture de façon à accéder aux pièces de bois devant être modifiées.
Aucun élément ne permet de contredire la réalité des travaux ainsi facturés, lesquels s'avèrent d'ailleurs légèrement moins onéreux que l'estimation faite à ce titre par l'expert judiciaire.
Il convient donc de condamner monsieur [H] [V] et madame [U] [N] à payer à Monsieur [M] [F] et madame [E] [I] divorcée [K] la somme de 9.160 € correspondant au montant de la facture susvisée.
L'expert a retenu une durée de deux semaines pour la réalisation des travaux de reprise ; ces derniers ont effectivement été réalisés au plus tard le 28 avril 2011, date de la facture alors même que monsieur [M] [F] et madame [E] [I] se trouvaient toujours propriétaires de la maison qu'ils n'ont vendue que le 13 juillet suivant ; ils ont donc nécessairement subi un préjudice de jouissance à ce titre et ils convient de les indemniser par l'octroi d'une juste de somme de 500 € en la matière, aucune facture d'hébergement n'étant produite au dossier qui permettrait de constater des frais supérieurs.
IV Sur l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à monsieur [M] [F] et madame [E] [I] d'une indemnité supplémentaire de 3.000 € en cause d'appel, s'ajoutant à celle déjà allouée par le premier juge.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 5 novembre 2013 en ce qu'il a débouté monsieur [M] [F] et madame [E] [I] de leur demande en dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance,
Statuant à nouveau,
Condamne monsieur [H] [V] et madame [U] [N] à payer à monsieur [M] [F] et madame [E] [I] une somme de 500 € à titre de dommages-intérêts au titre de leur préjudice de jouissance,
Confirme le jugement susvisé pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne monsieur [H] [V] et madame [U] [N] à payer à monsieur [M] [F] et madame [E] [I] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur [H] [V] et madame [U] [N] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT