R.G : 13/06409
Décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE
Au fond
du 14 mars 2013
RG : 12/04001
Chambre civile
[W]
C/
[Z]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 17 Février 2015
APPELANTE :
Mme [V] [W]
née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Bertrand GENAUDY, avocat au barreau de L'AIN
INTIMEE :
Mme [J] [Z]
née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Séverine DEBOURG, avocat au barreau de L'AIN
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Date de clôture de l'instruction : 18 Juin 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Janvier 2015
Date de mise à disposition : 17 Février 2015
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier,
A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Mme [M] veuve [C] est décédée le [Date décès 1] 2009, laissant pour lui succéder ses deux filles, [V] [C] veuve [W] et [J] [C] épouse [Z].
Mme [W] a assigné Mme [Z] afin que soient ordonnées les opérations de compte liquidation et partage de la succession, ainsi que le rapport à la succession par Mme [Z] d'une somme de 50 060 euros dont elle a bénéficié indûment, et que celle-ci soit condamnée à des dommages intérêts.
Par jugement du 14 mars 2013, le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a ordonné le partage de la succession et débouté Mme [W] de ses autres demandes.
Mme [W], appelante, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné le partage de la succession, à sa réformation pour le surplus. Elle sollicite le rapport à la succession de la somme globale de 50 060 euros correspondant aux multiples chèques ou virements dont a bénéficié Mme [Z] de manière indue et sans contrepartie. Elle demande à la cour de la condamner à rapporter cette somme à la succession, de dire qu'elle sera privée de ses droits sur celle-ci en raison du recel successoral commis, et de la condamner à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral.
Elle fait valoir que son action est recevable au regard de l'article 1360 du code de procédure civile, puisque l'assignation comporte le descriptif sommaire du patrimoine à partager, qu'elle rappelle les nombreuses diligences qu'elle a initiées en vue de parvenir à un partage amiable, et que le fait qu'elle n'ait pu produire que certains extraits de comptes bancaires n'est pas un élément déterminant pour juger la recevabilité de sa demande.
Elle précise que le patrimoine à partager est essentiellement composé des sommes détournées par sa soeur.
Elle affirme que ces sommes concernent des 'virements borne' pour la somme de 7 220 euros, de prétendus loyers pour 24 016 euros, que versait Mme [M] à sa fille de manière indue puisqu'elle bénéficiait de l'usufruit sur le bien, des remboursements d'un crédit logement souscrit par Mme [Z], pour 10 672 euros, du paiement de factures d'eau pour 4 494 euros, du paiement d'une dette de Mme [Z] auprès de Mme [Q] pour 3658 euros, et de nombreux chèques apparaissant sur les relevés de compte.
Mme [Z] conclut à titre principal à l'irrecevabilité des demandes en application de l'article 1360 du code de procédure civile, subsidiairement, à la confirmation du jugement.
Elle précise liminairement que les deux soeurs ont bénéficié de donation de la part de leurs parents.
Elle fait valoir que l'assignation ne contient aucun descriptif de la succession à partager, de sorte que les demandes sont irrecevables.
Elle conteste le recel qui lui est reproché soutenant qu'elle n'a commis aucune manoeuvre pour tenter de déséquilibrer le partage, et affirme que les sommes invoquées par Mme [W] n'ont pas à être rapportées à la succession. Elle considère qu'il n'est pas établi qu'elle ait été bénéficiaire de chèques, qu'elle ne s'est pas fait rembourser un crédit par ses parents, que si sa mère a pu payer certaines dettes, elle l'a toujours remboursée, qu'elle a fait l'objet d'une interdiction bancaire et qu'il était plus aisé d'émettre un chèque pour payer la dette, que le paiement de factures d'eau par Mme [C] était compensé par le paiement de factures d'électricité et des taxes d'ordures ménagères, et qu'en toute hypothèse, le paiement de factures d'eau par sa mère, assimilable à l'hébergement d'un enfant majeur, n'a pas à être rapporté à la succession.
Elle soutient que les fonds qui lui ont été versés constituaient des donations rémunératoires, compte tenu de l'investissement et du soutien dont elle a fait preuve envers sa mère, que Mme [W] a elle -même reçu des sommes d'argent dont elle n'a pas fait état, de même que ses enfants, de sorte qu'il n'y a pas de rupture d'égalité entre les héritiers.
MOTIFS
Attendu que l'assignation vise l'acte de donation partage du 06 août 1993, et comporte une description sommaire du patrimoine à partager avec l'indication que celui-ci est composé essentiellement des sommes détournées par Mme [Z] pour un montant connu de 50 060 euros; qu'elle rappelle les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable; que les prescriptions de l'article 1360 du code de procédure civile ayant été respectées, l'action est recevable;
Attendu qu'en application de l'article 843 du code civil, tout héritier doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donation entre vifs, à moins que les dons par le défunt ne lui aient été faits expressément hors part successorale;
Attendu que Mme [W] établit par des relevés de compte bancaire que Mme [Z] a bénéficié de virements pour un montant de 7 220 euros; que Mme [Z], qui admet la réalité de ces virements, soutient qu'ils n'ont pas à être rapportés à la succession dès lors qu'ils constituent des donations rémunératoires; que cependant, elle n'établit pas qu'elle a apporté à sa mère une aide et une assistance dépassant celle qui relève de la piété filiale, dans des conditions justifiant une rémunération du service rendu; que l'attestation, objet de la pièce n° 12 de l'intimée, établie dans des conditions non conformes à l'article 202 du code civil, par l'épouse du fils aîné de Mme [Z], est insusceptible d'apporter la preuve des prétentions de cette dernière et ne fait état que de l'attitude aimante et serviable de celle-ci envers sa mère; que la donation de la somme de 7 220 euros doit être rapportée à la succession;
Attendu qu'il résulte des relevés du compte de Mme [C] au Crédit Agricole Centre Est que cette dernière a versé à Mme [Z] des loyers d'un montant mensuel de 304 euros pour l'occupation de l'immeuble pour lequel pourtant, aux termes de l'acte de donation partage du 6 août 1993, elle s'était réservé un droit d'usage et d'habitation; que les sommes versées à ce titre constituent des donations indirectes qui doivent être rapportées à la succession; que l'examen des relevés de compte fait apparaître que sont justifiés à ce titre les versements pour les mois suivants:
- mars, juin, août, septembre, octobre, novembre, décembre 2003,
- janvier, février, mars, avril, juin, juillet, août, septembre, octobre, décembre 2004,
- janvier, février, mars, mai, octobre 2005,
- janvier, février, avril, septembre, octobre 2006,
- mars, mai, août, octobre, décembre 2007,
- janvier, février, mars, août, octobre 2008,
- janvier, février, mars, avril, juin, octobre 2009,
Soit 43 mois x 304 euros = 13 072 euros;
Attendu qu'aucun élément ne permet d'établir que Mme [Z] a été la bénéficiaire de chèques mentionnés sur les relevés de compte;
Attendu que Mme [W] ne démontre pas non plus que Mme [C] a remboursé , pour le compte de sa fille, un emprunt souscrit auprès du Crédit Logement; que si un chèque de 762,25 euros dont la photocopie est produite a été établi sur le compte de Mme [C] à l'ordre du Crédit Logement, cette seule pièce n'apporte pas la preuve d'un remboursement effectué pour le compte de Mme [Z] ; que le décompte de créance , objet de la pièce n°13 de l'appelante, n'est pas de nature à justifier la prétention émise sur ce point par cette dernière;
Attendu qu'il n'est pas non plus démontré que la défunte a réglé une dette de Mme [Z] auprès d'un huissier de justice pour un montant de 3658 euros;
Attendu par contre que Mme [W] justifie que Mme [C] a réglé des factures d'eau pour un montant de 4 494 euros pour le compte de sa fille, Mme [Z]; que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que ces paiements sont intervenus en contrepartie du règlement par elle de la taxe d'ordures ménagères, de la taxe foncière et de factures d'électricité; qu'en sa qualité de propriétaire, elle était tenue du paiement de la taxe foncière; qu'elle devait également prendre en charge les factures d'électricité pour la partie du bien qu'elle occupait; que le paiement des factures d'eau par Mme [C] ne peut être assimilé, comme le soutient l'intimée, à l'hébergement d'un enfant majeur justifiant une dispense de rapport;
Attendu en conséquence que Mme [Z] est tenue de rapporter à la succession la somme globale de 24 786 euros;
Attendu qu'en dissimulant l'existence des donations directes et indirectes dont elle a été bénéficiaire, et dont elle devait le rapport , Mme [Z] a cherché à rompre l'égalité du partage au détriment de sa cohéritière; qu'en application de l'article 778 du code civil, elle ne peut prétendre à aucune part sur la somme qu'elle doit rapporter à la succession;
Attendu que la dissimulation ainsi commise a causé à Mme [W] au préjudice moral qui doit être réparé par une indemnité de 500 euros;
Attendu que Mme [Z], qui succombe, doit supporter les dépens et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les demandes de Mme [W],
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le partage de la succession de Mme [M] veuve [C] et commis un notaire pour y procéder,
Le réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Ordonne le rapport à la succession par Mme [Z] de la somme de 24 786 euros,
Dit que Mme [Z] ne peut prétendre à aucune part sur cette somme,
Condamne Mme [Z] à payer à Mme [C] veuve [W] la somme de 500
euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne Mme [Z] à payer à Mme [C] veuve [W] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Mme [Z] présentée sur ce fondement,
Condamne Mme [Z] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct par Maître Genaudy, avocat.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT