R.G : 13/05551
décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 30 mai 2013
RG : 11/02814
ch n°
[C]
[C]
C/
[R]
[R]
[R]
[Y] veuve [J]
SA PREDICA
SA CREDIT LYONNAIS LCL ASSURANCES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 03 Février 2015
APPELANTS :
M. [I] [C]
né le [Date naissance 6] 1947 à [Localité 6] (HAUTE-SAVOIE)
[Adresse 12]
[Localité 1]
Représenté par la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON
Assisté de la SCP BREMANT -GOJON- GLESSINGER - SAJOUS, avocat au barreau D'ANNECY
M. [G] [C]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 6] (HAUTE-SAVOIE)
[Adresse 14]
[Localité 2]
Représenté par la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON
Assisté de la SCP BREMANT -GOJON- GLESSINGER - SAJOUS, avocat au barreau D'ANNECY
INTIMES :
M. [Z] [R]
né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 7] (RHÔNE)
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
Mme [K] [R] épouse [U]
née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 7] (RHÔNE)
[Adresse 11]
[Localité 7]
Représentée par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
M. [B] [R]
né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 7] (RHÔNE) ([Localité 7])
[Adresse 6]
[Localité 4] / ALLEMAGNE
Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
Mme [D] [F] [L] [Y] veuve [J]
née le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 10] (RHÔNE)
[Adresse 5]
[Localité 5]
défaillante
SA PREDICA - Prévoyance Dialogue du Crédit Agricole
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Nathalie CARON, avocat au barreau de LYON
Assisté de la SELARL CABINET MESSAGER-COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS
SA CREDIT LYONNAIS LCL ASSURANCES
[Adresse 3]
[Localité 7]
défaillante
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Date de clôture de l'instruction : 21 Mai 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Janvier 2015
Date de mise à disposition : 03 Février 2015
Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier
A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DES FAITS
Le 8 avril 2005, M [E] a souscrit auprès de la société Predica dont les contrats sont commercialisés par la société LCL, un contrat d'assurance-vie dont la clause bénéficiaire est rédigée comme suit ;
' à mes héritiers, selon mon testament déposé en l'étude de Maîtres [W] et [S] notaires, [Adresse 1]'
Le 9 décembre 2008, il a rédigé un testament olographe instituant MM [Z] et [B] [R] et Mme [K] [R] en qualité de légataires universels, à charge pour eux de délivrer les legs à titre universel à hauteur de 15% de sa succession de M [G] [C], M [I] [C] et Mme [D] [Y].
M [E] est décédé le [Date décès 1] 2009, postérieurement à son épouse Mme [M] [Y] et à leur unique enfant.
Par acte du 18 juin 2010, Me [W], notaire a reçu délivrance de legs à titre universel par les consorts [R] au profit des consorts [C] et [Y]. Le 8 mars 2010, l'assurance-vie, d'un montant de 672.053,50 euros, a été versée par la société Predica aux consorts [R] à parts égales.
Par actes d'huissier des 2 et 6 décembre 2010 et 8 septembre 2010, MM [I] et [G] [C] ont fait assigner les consorts [R] ainsi que la société LCL en paiement des sommes de 96.232,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2010 et de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.
La société Predica est intervenue volontairement à l'instance le 5 octobre 2011. Par acte d'huissier en date du 19 décembre 2011, elle a assigné en intervention forcée Mme [Y].
Par jugement du 30 mai 2013, le tribunal de grande instance de Lyon a mis la société LCL hors de cause, a déclaré le jugement opposable à Mme [Y], a débouté Messieurs [C] de leurs demandes en ce que les légataires à titre universel n'ont pas la qualité d'héritiers, et les a condamnés à verser 1.500 euros aux consorts [R] de 1.000 euros à la société Predica sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MM [I] et [G] [C] ont interjeté appel du jugement dont ils sollicitent la réformation.
Soutenant qu'ils ont la qualité d'héritiers au sens de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie, ils sollicitent la condamnation des consorts [R] à leur délivrer les legs à titre universel en ce compris le contrat d'assurance-vie. Se prévalant d'une faute commise dans la répartition des droits des héritiers sur le capital décès, ils demandent la condamnation in solidum des consorts [R] à restituer à la société Predica les sommes indûment perçues, la condamnation de cette dernière à leur payer à chacun la somme de 96.232,50 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 juillet 2010, à titre subsidiaire la condamnation in solidum des consorts [R], du Crédit Lyonnais - LCL Assurances et de la société Predica à leur payer à chacun la somme de 96.232,50 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 juillet 2010, en tout état de cause la condamnation in solidum des mêmes à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts au titre de leur préjudice moral.
A titre liminaire, ils font valoir que la volonté du testateur ne saurait être déduite d'une lettre de Mme [Y], autre légataire à titre universel qui a indiqué qu'elle refusait de revendiquer quoi que ce soit au titre de l'assurance-vie car tel n'était pas le souhait de M [E]. Ils expliquent que M [E] a précisé à M [G] [C], avec lequel il a gardé un lien fort et constant jusqu'à son décès, qu'il serait dédommagé par le portefeuille et l'assurance-vie, de ses déplacements à [Localité 7]. Ils considèrent que par 'héritiers', M [E] a manifestement désigné l'ensemble de ses successeurs comme bénéficiaires de l'assurance-vie, que celle-ci fait partie du patrimoine qui sert de référence aux dispositions testamentaires et qu'ils ont un intérêt à agir qui résulte du lien successoral consistant en la délivrance des legs.
Ils soutiennent que la notion 'd'héritiers' englobe les héritiers légaux et les héritiers testamentaires, parmi lesquels figurent les légataires à titre universel.
Ils estiment que la mention ajoutée à la main par M [E] sur le contrat d'assurance-vie renvoie expressément aux dispositions testamentaires leur donnant la qualité d'héritiers comme aux consorts [R].
Ils invoquent l'erreur de paiement de la société Predica qui ne leur a pas versé la part du capital leur revenant.
Les consorts [R] concluent à la réformation du jugement entrepris et à l'irrecevabilité des demandes de Messieurs [C] pour défaut d'intérêt à agir. A titre subsidiaire, ils sollicitent la confirmation du jugement et le débouté de Messieurs [C], le rejet de la demande de Predica de restitution de la somme de 100.808,02 euros par chacun d'eux, ainsi que 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir qu'il résulte d'une lettre de Mme [Y], légataire à titre universel que la volonté du défunt était que l'assurance-vie ne revienne qu'aux légataires universels.
Ils invoquent le défaut d'intérêt à agir des consorts [C] qui ne peuvent se prévaloir d'aucune obligation ou lien contractuel dans le cadre du contrat d'assurance-vie même s'ils sont liés dans le cadre des opérations successorales car, précisément, le propre de l'assurance-vie est d'être hors succession en application de l'article L132-12 du code des assurances. Ils considèrent que la demande de restitution à la société Predica des sommes indûment perçues ne peut émaner que de celle-ci et non pas de Messieurs [C]. Ils s'interrogent sur le fondement qui permettrait de les condamner à leur payer une prime d'assurance alors qu'ils ne sont pas assureurs et qu'il n'existe aucune obligation solidaire entre eux et l'assureur. Ils estiment qu'ils ne peuvent être tenus de rembourser à un tiers une somme d'argent qui leur a été valablement délivrée. Ils ajoutent que le règlement du capital d'assurance-vie est de la seule responsabilité du promettant et que le tiers-bénéficiaire n'a pas la qualité de partie au contrat.
A titre subsidiaire, ils constatent que les demandes de remboursement et de dommages et intérêts ne reposent sur aucun fondement juridique. Ils rappellent que seuls les légataires universels ont vocation à l'intégralité de la succession et disposent de la saisine, et qu'en l'espèce, en citant immédiatement et nommément les consorts [R], M [E] a clairement entendu les considérer comme les seuls héritiers de la succession tandis qu'il limitait les droits des consorts [C] et de Mme [Y] à 15% de sa succession à l'exclusion du capital du contrat d'assurance-vie.
Ils exposent qu'il ne leur appartenait pas de délivrer une quelconque somme au titre du contrat d'assurance-vie, qui est hors succession, et donc qu'aucune résistance abusive, ne saurait leur être opposée. Ils constatent, au surplus, que les consorts [C], ne justifient d'aucun préjudice personnel, direct et certain.
Ils s'opposent à la demande de restitution de la société Predica pour défaut de qualité et absence de fondement. S'il en était décidé autrement, ils demandent que la société Predica soit condamnée à procéder aux formalités nécessaires auprès des services fiscaux pour rétablir les déclarations fiscales effectuées.
La société Predica soulève, in limine litis, l'irrecevabilité de la demande nouvelle des consorts [C] tendant à faire juger qu'elle a commis une faute dans la répartition des droits des héritiers sur le capital décès comme étant nouvelle. Elle sollicite la confirmation du jugement sur le fond et demande de juger libératoire le paiement qu'elle a effectué aux trois légataires universels et de rejeter touts les demandes formulées à son encontre. A titre subsidiaire et s'il était jugé que les consorts [C] sont également bénéficiaires du contrat, elle demande que les consorts [R] soient condamnés à leur verser directement les sommes qu'ils auraient alors perçues à tort soit 100.808,02 euros chacun si Mme [Y] n'a pas renoncé au contrat ou 67.205,35 euros si elle a renoncé. Très subsidiairement, elle demande que ces sommes lui soient reversées et qu'elle soit subrogée dans les droits des consorts [R] vis à vis de la recette des impôts.
Elle entend préciser que la mention manuscrite dans le contrat d'assurance-vie l'a été après sa souscription et sans que ce rajout ne soit porté à sa connaissance. Elle soulève l'irrecevabilité de la demande tendant à engager sa responsabilité pour faute, aucune demande n'ayant été faite sur ce fondement en première instance puisque les consorts [C] ne sollicitaient alors que le paiement du contrat d'assurance-vie.
Elle s'accorde à dire que la clause du contrat désigne les héritiers de l'assuré. Or, elle indique que le testament fait état de trois légataires universels et que les légataires à titre universel n'ont pas la qualité d'héritiers et ne sont d'ailleurs pas mentionnés dans la rubrique 'qualité héréditaire' de l'acte de notoriété. Elle rappelle que l'article L132-12 du code des assurances, dont les dispositions sont d'ordre public, prévoit que le capital-décès ne fait pas partie de la succession. Elle argue donc sa bonne foi lorsqu'elle a réglé l'entier capital aux légataires universels en vertu de l'acte de notoriété qui lui était présenté dans le respect du testament olographe établi par son assuré. Elle considère qu'elle n'est pas concernée par la délivrance du legs et d'une éventuelle quote-part du capital-décès par les consorts [R], et que le paiement qu'elle a effectué a un caractère libératoire.
A titre infiniment subsidiaire et si les consorts [C] étaient jugés bénéficiaires du contrat, elle estime que c'est à tort que les consorts [R] auront alors perçu les sommes leur revenant. Elle se prévaut des articles 1235 et 1376 du code civil pour demander la répétition de l'indu et la restitution des sommes.
Elle constate que Mme [Y] est dans la même situation que Messieurs [C], et demande à la cour de trancher le point de savoir si sa lettre indiquant qu'elle refusait de revendiquer quoi que ce soit au titre des assurances-vies au litige, vaut renonciation au contrat ou non.
Mme [Y], assignée à personne, et la société LCL - Le Crédit Lyonnais, assignée à son siège à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS
Attendu que le premier juge a déclaré à juste titre recevables les demandes de M [I] [C] et M [G] [C];
Attendu que la clause bénéficiaire figurant dans le contrat d'assurance-vie est rédigée comme suit :
'A mes héritiers, selon mon testament déposé en l'étude de Maîtres [W] et [S], notaires, [Adresse 1]';
que le texte du testament olographe de M [E] du 9 décembre 2008 est le suivant :
'Ceci est mon testament
Je soussigné Monsieur [Q] [H] [E] demeurant à [Adresse 10], né à [Localité 9] (Seine et Oise) le [Date naissance 7] 1909
Institue pour légataires universels :
- Monsieur [Z] [R], demeurant [Localité 8],
- Madame [K] [R], épouse de Monsieur [G] [U] demeurant à [Adresse 11],
- Monsieur [B] [R], demeurant à [Adresse 13] (Deutschland),
A charge pour eux de délivrer les legs à titre universel ci-après :
- 15% de ma succession à Madame [D] [Y] veuve de Monsieur [V] [J] demeurant à [Adresse 8],
- 15% de ma succession à Monsieur [I] [C] demeurant à [Adresse 9]) mon cousin issu de germain.
- 15% de ma succession à Monsieur [G] [C] demeurant à [Adresse 14] mon cousin issu de germain.
En outre je lègue à titre particulier mes deux Amphores antiques grecque et romaine au Musée [1], [Adresse 2], ce legs étant net de frais et droits.
...';
Attendu qu'il découle des termes de la cause bénéficiaire et du testament qu'en désignant M [Z] [R], Mme [K] [U] et M [B] [R] en qualité de légataires universels, M [A] [E] a entendu que ceux-ci soient considérés comme les seuls héritiers de sa succession, puisqu'il a limité les droits des consorts [C] à 15% des biens compris dans sa seule succession, à l'exclusion du capital du contrat d'assurance-vie qui est hors succession; qu'en conséquence, seuls les légataires universels étaient concernés par la qualité d'héritier au sens de la clause bénéficiaire, les légataires à titre universel voyant leur legs limité à 15% de la succession;
Attendu que cette interprétation est confirmée par les lettres établies par Mme [J], belle-soeur de M [E], qui indique qu'elle ne revendique rien au titre de l'assurance-vie qui ne revient qu'aux légataires universels conformément à la volonté de M [E];
Attendu en conséquence que le jugement qui a débouté M [I] [C] et M [G] [C] de leurs demandes doit être confirmé;
Attendu que M [I] [C] et M [G] [C] doivent supporter les dépens et des indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Condamne M [I] [C] et M [G] [C] in solidum à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, aux consorts [R] la somme supplémentaire de 2.000 euros et à la société Predica la somme supplémentaire de 1.500 euros,
Condamne M [I] [C] et M [G] [C] in solidum aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la Scp Rieussec et associés, et Maître Nathalie Caron, avocats.
LE GREFFIERLE PRESIDENT