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25/11/2014 | FRANCE | N°13/02717

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 25 novembre 2014, 13/02717


R.G : 13/02717









décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 25 mars 2013



RG : 12/01403

ch n°4



Société SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FERS FRANCAIS



C/



[E]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE PAU-PYRENEES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 25 Novembre 2014






r>APPELANTE :



Société SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FERS FRANCAIS

[Adresse 3]

[Localité 3]





Représentée par Me Carine LEFEVRE-DUVAL, avocat au barreau de LYON





INTIMES :



M. [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 5]

[Adres...

R.G : 13/02717

décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 25 mars 2013

RG : 12/01403

ch n°4

Société SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FERS FRANCAIS

C/

[E]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE PAU-PYRENEES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 25 Novembre 2014

APPELANTE :

Société SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FERS FRANCAIS

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Carine LEFEVRE-DUVAL, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, assisté de M. DOMINIQUE ARCADIO (avocat)

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE PAU-PYRENEES

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 05 Mars 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Octobre 2014

Date de mise à disposition : 25 Novembre 2014

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- François MARTIN, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Le 23 novembre 2010, M. [E], passager d'un train effectuant le trajet [Localité 4] - [Localité 6], a été victime d'un accident à la gare d'arrivée. Voulant récupérer un bagage qu'il avait oublié dans le train, il a fait une chute du marchepied alors qu'il tentait d'ouvrir la porte du wagon, conduisant à l'amputation de sa jambe gauche au dessus du genou.

Par acte d'huissier du 3 janvier 2012, il a assigné la Société nationale des chemins de fers français (SNCF) en réparation des préjudices subis sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et demandé une expertise aux fins d'évaluation de son préjudice corporel. La CPAM de Pau a été appelée en la cause.

Le tribunal de grande instance de Lyon, dans un jugement du 25 mars 2013, a déclaré la SNCF entièrement responsable du dommage subi en considérant que le contrat de transport n'avait pas pris fin dès lors que le voyageur n'avait pas eu matériellement le temps de débarquer avec ses bagages et que la faute de M. [E] ne présentait pas les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité permettant l'exonération de la SNCF. Le jugement a également fait droit à la demande d'expertise, accordé une provision de 25.000€ et condamné la SNCF à 1.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SNCF a formé un appel contre la CPAM de Pau puis contre M. [E]. Elle sollicite la réformation du jugement et le rejet des demandes, en se fondant sur la faute de M. [E] qui présente, selon elle, les caractères de la force majeure et qu'elle estime être la seule cause du dommage, et demande à ce qu'il soit condamné à 800€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle conclut à un partage de responsabilité et à titre infiniment subsidiaire, à l'absence de responsabilité de sa part en application du règlement européen du 23 octobre 2007.

Elle fait valoir que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée, le contrat de transport ayant pris fin au moment du dommage. Elle explique que M. [E] est descendu du train et a fait quelques pas avant de se rendre compte qu'il avait oublié un de ses bagages, ces éléments attestant de son arrivée sain et sauf à destination et donc de la survenue du terme du contrat de transport. Elle estime également que le fait de remonter dans le train n'a pu créer un nouveau contrat, car il n'avait pas de nouveau titre de transport.

Dans le cadre délictuel, elle considère que l'obligation de sécurité qui pèse sur elle n'est pas une obligation de résultat. Le motif selon lequel n'y avait pas de personnel suffisant est, à son sens, inopérant, celui-ci n'ayant pas de pouvoir de contrainte pour empêcher un voyageur d'essayer de monter dans le train en marche. Quant au système de verrouillage, elle indique qu'il est conforme à la sécurité des voyageurs et contrôlé à distance par le contrôleur du train. Elle précise qu'il s'agit d'un système de fermeture progressive qui s'enclenche à 7km/h et conduit au blocage des portes lorsque le train atteint la vitesse de 15km/h. Elle considère que le fait que la porte ait claqué lorsque M. [E] a essayé de l'ouvrir prouve que le train roulait au moins à 7km/h.

Elle insiste sur le fait que cette faute de M. [E] est la cause unique du dommage. Elle signale que la porte avait été fermée manuellement par le contrôleur du train ainsi que le prévoit la procédure de vérification. Elle rappelle qu'il est interdit de monter dans un train en marche et avant son arrêt complet et que ce comportement dangereux et imprévisible de M. [E] permet l'exonération du transporteur.

Enfin, elle demande qu'il soit fait application du règlement européen n°1371/2007 du 23 octobre 2007 qui prévoit qu'une faute simple de la victime permet de l'exonérer de sa responsabilité.

M. [E] demande la confirmation du jugement en ce qu'il déclare la SNCF seule et entièrement responsable sur le fondement du contrat de transport. A titre subsidiaire, il demande qu'elle soit condamnée à l'indemnisation de ses préjudices en application de l'article 1134 du Code civil et en tout état de cause, au paiement de 4.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il considère que le contrat n'avait pas pris fin quand l'accident est survenu et indique que l'article 1147 du Code civil met à la charge du transporteur une obligation de sécurité de résultat pendant toute la durée du transport c'est-à-dire du moment où le voyageur commence à monter dans le train jusqu'au moment où il achève d'en descendre comprenant ainsi la période de descente du voyageur et de ses bagages.

Il se prévaut du fait que la faute de la victime, pour être exonératoire, doit revêtir les caractères de la force majeure et donc être imprévisible ou irrésistible, ce qui n'est pas le cas en l'espèce car son comportement est quotidiennement observé par les agents de la SNCF.

Il estime que celle-ci n'a pas pris les précautions suffisantes pour éviter le dommage, et notamment qu'il n'y avait pas de système interdisant l'ouverture des portes du wagon pendant la marche. Il allègue l'absence de chef de gare au moment du dommage, et l'absence de moyens suffisants pour contrôler efficacement la présence ou non de passagers aux abords du train.

Il soutient que le règlement européen est un régime de protection minimal qui n'a pas à s'appliquer en présence d'un droit national accordant une plus grande indemnisation.

A titre subsidiaire, et sur le fondement contractuel, il indique que la jurisprudence ne permet pas l'exonération pour faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure.

La CPAM de PAU-Pyrénées sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la SNCF à lui payer la somme de 229.522,60€ (61.434,84€ de dépenses de santé actuelles et 168.117,83 de dépenses de santé futures), 1015€ au titre de l'indemnité de l'article L.376-1 du Code de sécurité sociale, ainsi que 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'article 1147 du Code civil impose une obligation de sécurité de résultat au transporteur qui est présumé fautif si le voyageur n'est pas conduit sain et sauf à destination. Elle estime que le contrat de transport n'avait pas pris fin car M. [E] n'a pas eu matériellement le temps de descendre tous ses bagages et que la SNCF n'apporte pas la preuve d'une faute de la victime présentant les caractères de la force majeure.

Subsidiairement, et sur le fondement de la responsabilité délictuelle, elle estime que la SNCF ne peut pas s'exonérer car le fait de remonter à bord du train alors qu'il se remet en marche n'est pas une faute remplissant les caractères d'imprévisibilité et d'irresistibilité.

MOTIFS

Attendu que le contrat de transport liant un passager à la SNCF, qui met à la charge de cette dernière, une obligation de sécurité de résultat envers le passager, débute lorsque celui-ci commence à monter dans le train et prend fin lorsque le débarquement du passager et de ses bagages est terminé ;

Attendu en l'espèce qu'il résulte des propres déclarations de M. [E] lors de son audition que ce dernier est descendu du train en gare de [Localité 6], qui constituait sa destination, qu'il a fait quelques pas sur le quai, que réalisant alors qu'il avait oublié un bagage, il a tenté de remonter dans le train alors que celui-ci démarrait ; qu'il en résulte que le contrat de transport le liant à la SNCF avait pris fin puisqu'il avait débarqué du train et qu'il s'était avancé sur le quai pour rejoindre la sortie lorsqu'il s'est ravisé ; que sa tentative de remontée dans le train qui démarrait n'a pu faire naître un nouveau contrat de transport, alors qu'il était démuni de titre pour poursuivre un voyage au-delà de la gare de [Localité 6] ;

Attendu que l'action de M. [E] ne peut dès lors être fondée sur la responsabilité contractuelle de la SNCF, dont il ne peut rechercher que la responsabilité délictuelle qui est engagée sur le fondement de l'article 1384 du code civil ;

Attendu qu'il résulte des auditions du témoin [F], du contrôleur SNCF et de la victime, que M. [E] a tenté de remonter dans le train alors que celui-ci se trouvait dans sa phase de démarrage et que les portes avaient été fermées à l'initiative du contrôleur ; qu'il a ainsi commis une faute en effectuant une manoeuvre interdite et dangereuse ;

Attendu cependant que cette faute ne présente pas les caractères de la force majeure, puisque d'une part, elle n'est pas imprévisible, la SNCF étant régulièrement confrontée à ce type de comportement, d'autre part, elle n'est pas irrésistible puisque des moyens peuvent permettre d'empêcher les passagers de remonter dans le train dans ces conditions, comme la présence d'agents sur le quai, ce qui n'était pas le cas le jour de l'accident, ou la mise en place de systèmes différents de fermeture des portes ;

Attendu en conséquence que la SNCF doit être déclarée entièrement responsable de l'accident ;

Attendu que le premier juge a, à bon droit, ordonné une expertise médicale et condamné la SNCF au paiement d'une provision de 25.000 euros ; qu'il doit être sursis à statuer sur la demande de la CPAM tendant au remboursement de ses prestations jusqu'à la liquidation du préjudice de M. [E] ;

Attendu que la SNCF qui succombe doit supporter les dépens et des indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la SNCF à payer à M. [E] la somme de 2.500 euros et à la Caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées la somme de 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la SNCF présentée sur ce fondement,

Condamne la SNCF aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la SCP Aguiraud-Nouvellet et Maître Philip de Laborie, avocats.

Le GreffierLe PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/02717
Date de la décision : 25/11/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/02717 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-25;13.02717 ?
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