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14/10/2014 | FRANCE | N°13/00623

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 14 octobre 2014, 13/00623


R.G : 13/00623









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 05 novembre 2012



RG : 11/02636

ch civile





[B]

[S]



C/



SA LYONNAISE DE BANQUE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 14 Octobre 2014







APPELANTS :



M. [G] [B]

né le [Date naiss

ance 2] 1957 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]





Représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, assisté de Me Loïc CONRAD avocat au barreau de THONON-LES-BAINS





Mme [R] [S] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Locali...

R.G : 13/00623

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 05 novembre 2012

RG : 11/02636

ch civile

[B]

[S]

C/

SA LYONNAISE DE BANQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 14 Octobre 2014

APPELANTS :

M. [G] [B]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, assisté de Me Loïc CONRAD avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Mme [R] [S] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, assisté de Me Loïc CONRAD avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

INTIMEE :

SA LYONNAISE DE BANQUE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu ROQUEL, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 21 Mai 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Septembre 2014

Date de mise à disposition : 14 Octobre 2014

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

En l'an 2000, M. [G] [B] et son épouse Mme [R] [S], disposant d'une épargne de 171.961 euros, ont souhaité financer une acquisition immobilière.

La société Lyonnaise de Banque leur a proposé la souscription d'un prêt immobilier d'un montant de 205.806, 17 euros remboursable en une échéance différée au 15 février 2012 adossé à un produit d'assurance-vie.

Le 13 juin 2000, les époux [B] ont adhéré à un contrat d'assurance-vie collectif HEREDIAL GESTION et ont versé une prime de 114.336 euros. Les époux [B] ont accepté l'offre préalable de crédit le 22 juillet 2000.

Le 11 mai 2006, les époux [B] ont souscrit deux nouveaux contrats de prêt immobilier, accordés le 23 mai 2006, pour financer la construction d'une maison, par un prêt de 360.000 euros à taux révisable, amortissable en 240 termes, et un prêt-relais pendant la construction et dans l'attente de la vente de leur appartement au prix de 239.000 euros.

Monsieur et Madame [B] ont le 30 mai 2008, revendu leur maison, inachevée, vente sur laquelle ils ont été imposés de 12000 euros au titre de la plus-value.

Invoquant la perte en capital des fonds placés en assurance-vie, les époux [B] ont écrit, le 25 septembre 2008, à la Lyonnaise de Banque pour mettre en cause sa responsabilité pour défaut de conseil en relevant que le montage particulier du prêt in fine leur avait été conseillé en mettant l'accent sur une rémunération de 8%.

Par acte d'huissier en date du 15 juillet 2011, Monsieur et Madame [B] ont assigné la société Lyonnaise de Banque devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en réparation du préjudice subi du fait d'un défaut de conseil dans la souscription du contrat de prêt in fine. Ils ont formé demande additionnelle en résiliation du prêt in fine et déchéance des intérêts du dit prêt, en restitution des sommes versées au titre de l'assurance-vie et paiement des gains manqués à ce titre, indemnisation du préjudice résultant de la souscription du crédit adossé à un prêt à taux révisable.

Par jugement du 5 novembre 2012 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

-déclaré les époux [B] irrecevables en leur demande de déchéance du droit aux intérêts du prêt in fine,

-rejeté la demande de résiliation du prêt in fine,

-débouté les époux [B] de leurs demandes relatives au prêt in fine et à l'assurance vie HEREDIAL GESTION venant en garantie du prêt in fine,

-dit que la Lyonnaise de Banque n'a pas respecté son obligation de mise en garde à l'égard des époux [B] dans l'octroi en 2006 du crédit relais adossé à un prêt à taux révisable,

-condamné la société Lyonnaise de Banque à payer à Monsieur et Madame [B] la somme de 30.208,19 euros en réparation de leurs préjudices patrimoniaux et la somme de 1500 euros en réparation de leur préjudice moral,

-ordonné la compensation entre la créance de la banque d'un montant de 205.806,17 euros au titre du prêt in fine et la somme de 31.708,19 euros (30.208,19 euros + 1.500 euros) due par la banque aux époux [B] à titre de dommages et intérêts,

-dit que la somme de 31.708,19 euros portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement, outre capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

-débouté la Lyonnaise de Banque de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Lyonnaise de Banque à payer aux époux [B] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens.

Vu les dernières conclusions de Monsieur et Madame [B] notifiées par RPVA le 17 février 2014 par lesquelles ils demandent à la cour de :

« Vu les articles 1134, 1147, 1184 et 1116 du Code civil,

Vu les articles 2355 et suivants du Code civil,

Vu les articles L.132-10 et L.132-5-1 du Code des assurances,

Vu les articles L.121-1, L.121-1-1, L.311-48, L.312-33 et L .313-1 du Code de la consommation,

Réformant partiellement le jugement entrepris,

A titre principal,

Constater que le CIC LYONNAISE DE BANQUE a manqué à ses obligations légales de mise en garde, conseil et information à plusieurs reprises ;

Constater que le Taux Effectif Global du prêt in fine consenti aux époux [B] est erroné ;

Ordonner la réparation intégrale des préjudices financiers subis par les époux [B];

En conséquence,

Concernant le prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie Heredial gestion

A titre principal, ordonner la résolution du prêt in fine et la résiliation du contrat HEREDIAL GESTION n°4U 91003208 ;

En conséquence,

Sur la résolution du prêt in fine

Ordonner le remboursement des intérêts intercalaires sur le prêt in fine d'un montant de 10.502,73 euros versés par les époux [B] du 26 décembre 2000 au 14 mars 2002 ;

Ordonner le remboursement de 118 échéances d'un montant de 994,73 mensuels versées par les époux [B], soit un montant total de 117.378, 14 euros correspondant au paiement des intérêts sur le capital emprunté du 14 avril 2002 au 14 février 2012,

Sur la résiliation du contrat HEREDIAL GESTION

Condamner le CIC LYONNAISE DE BANQUE à restituer la somme totale de 114.336 euros correspondant à la somme initialement placée sur l'assurance-vie HEREDIAL GESTION n°4U 91003208, par les époux [B] pour garantir le paiement du prêt in fine à compter du 14 février 2012, date d'échéance.

Ordonner le versement d'une somme de 53.570,22 euros au titre des gains manqués par les époux [B] soit 3 % minimum d'intérêt sur la somme de 114.336 euros initialement placée et ce, comme le garantissait le CIC LYONNAISE DE BANQUE lors de la souscription du contrat HEREDIAL GESTION n°4U91003208;

Ou subsidiairement, dire et juger que la somme de 114.336 euros portera intérêt aux taux légal majoré à compter du 13 juin 2000 correspondant à la date de souscription du contrat HEREDIAL GESTION n°4U 91003208 et ce, au titre des gains manqués par les époux [B] sur la somme de 114.336 euros initialement placée

Concernant le crédit relais adosse a un prêt à taux révisable

Confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de Bourg en Bresse s'agissant du crédit relais adossé à un prêt révisable.

En tout état de cause,

Ordonner le versement de la somme de 10000 euros au titre du préjudice moral subi par les époux [B] ;

Ordonner toute compensation de créances utile entre la créance de la LYONNAISE DE BANQUE d'un montant de 205.806,17 euros au titre du contrat de prêt in fine et la créance des époux [B] à l'encontre de la LYONNAISE DE BANQUE au titre de l'arrêt à intervenir,

Dire et juger que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 23 novembre 2009 ;

Ordonner au profit des époux [B] la capitalisation des intérêts sur la somme totale due au titre des demandes accordées par la cour de céans, sur le fondement de l'article 1154 du Code Civil et ce, à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

Condamner la LYONNAISE DE BANQUE à verser à Monsieur et Madame [B] la somme de 4.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Débouter LA LYONNAISE DE BANQUE de toutes les demandes reconventionnelles formulées contre Monsieur et Madame [B] ;

Condamner la LYONNAISE DE BANQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL de FOURCROY, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile ».

Monsieur et Madame [B] font valoir :

-que la banque a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard d'emprunteurs non avertis en leur faisant souscrire en 2000 un montage financier inadapté à leur situation puisqu'ils n'entendaient pas financer un immobilier locatif mais seulement acheter leur résidence principale -que la banque a fait signer à Monsieur [B], sans la signature de son épouse, un produit d'assurance-vie multi-support au lieu d'un support sécurisé par un fonds en euros, sans remise de notice d'information ou proposition d'assurance qui aurait permis une comparaison entre les deux types de produits en remettant une simulation sur la base d'un contrat Heredial Actif pour lui faire signer un contrat Heredial Gestion,

-que la banque en qualité de prestataire de services d'investissement ne les a nullement informés des risques de pertes importantes du placement en assurance-vie en OPCVM comme du risque corrélatif de défaillance dans le remboursement du prêt à l'échéance,

-que la loi imposant à l'assureur la remise de deux documents distincts, à peine de prorogation du délai de renonciation, la banque n'a pas accompli son obligation d'information en remettant des conditions générales valant notice d'information,

-que la banque n'est pas fondée à se prévaloir du caractère non-spéculatif du placement en OPCVM alors qu'en s'abstenant de mentionner les caractéristiques les moins favorables et les risque inhérents aux options corollaires des avantages annoncée, elle a manqué à son obligation d'information et de mise en garde,

-que la banque a également manqué à son obligation de mise en garde en 2000 en s'abstenant de se renseigner sur les capacités financières des emprunteurs profanes puisqu'ils disposaient d'un revenu annuel de 70126,53 euros, ont financé l'acquisition de leur résidence principale sans percevoir alors de revenus locatifs et devaient intégrer dans leurs charges la nécessité d'une épargne mensuelle de 1744,11 euros pour le remboursement à l'échéance, ce qui déterminait un taux d'endettement de 41 %,

-que le taux effectif global du prêt souscrit en 2000 était erroné dans le tableau d'amortissement édité le 13 mars 2002 après règlement des intérêts intercalaires en ce qu'il mentionnait un taux de 7,02 % au lieu du taux de 6,362 % mentionné dans la convention initiale, ce qui justifie le prononcé de la nullité des intérêts conventionnels et la déchéance du droit aux intérêts en application de l'article L.312-33 du code de la consommation,

-que leur action sur ce point n'est pas prescrite puisque le délai de cinq ans de l'article 1304 alinéa 1er du code civil court à compter de la date de révélation du taux erroné par le courrier de l'Association d'Aide contre les abus bancaires du 24 mai 2009,

-que leur action en dommages et intérêts n'est pas davantage prescrite au visa de l'article L.114-1 du code des assurances dès lors que le délai de deux ans court à compter de la reconnaissance de responsabilité découlant de la proposition de la banque du 18 septembre 2009 moins de deux ans avant l'assignation du 15 juillet 2011 et qu'en toute hypothèse, l'action en responsabilité contre la banque ne dérive pas directement du contrat d'assurance,

-que leur préjudice, distinct des aléas boursiers, est certain nonobstant le fait que le contrat d'assurance-vie n'est pas liquidé, dès lors que le nantissement rend le placement indisponible, sauf du fait du créancier nanti s'abstenant ici de révéler l'ampleur du préjudice en actionnant sa garantie,

-qu'ils sont ainsi fondés à chiffrer leur préjudice à la somme de 53 570, 22 euros correspondant à la perte sur la valeur du fonds au 1er juillet 2012 par rapport au capital initial investi et de la privation des fruits s'ils avaient été placés sur un support garantissant 3% à titre de perte chance,

-que concernant le prêt relais adossé à un prêt à taux révisable conclus en 2006 pour financer un nouveau logement après vente de l'appartement précédent, alors que Monsieur [B] venait d'être licencié et en avait informé la banque, celle-ci ne pouvait ignorer que la souscription des deux crédits conduirait les emprunteurs à une situation de surendettement, ne pouvant rembourser les échéances du prêt relais et les mensualités du prêt révisable avec un revenu disponible de 2742 euros, déduction faite des charges liés aux emprunts automobiles, consommation et in fine contractés auprès de la banque, soit un taux d'endettement de 76,81 %,

-que le fait que Monsieur [B] soit commerçant à Genève et Madame infirmière ne fait pas d'eux des clients avertis,

-que la banque a ainsi manqué à ses obligations de mise en garde et de conseil au titre des prêts de 2006 ce qui les a conduit à vendre leur maison en cours d'achèvement,

-que leur préjudice s'élève à 42276,41 euros soit les intérêts et frais payés au titre des deux emprunts, et le montant de l'impôt sur la plus-value de 11687 euros outre pénalités de retard.

Vu les dernières conclusions de la société LYONNAISE DE BANQUE notifiées par RPVA le 21 mai 2014 par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement sur l'appel principal, de débouter Monsieur et Madame [B] de leurs demandes concernant les le réformer pour le surplus, de condamner Monsieur et Madame [B] au paiement de la somme de 235 302,77 euros au titre du remboursement du prêt in fine selon décompte au 7 avril 2014, outre les intérêts moratoires postérieurs jusqu'à complet règlement, de la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 12000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La société Lyonnaise de Banque soutient :

-que le montage consistant à adosser un prêt in fine à un contrat d'assurance-vie est une opération classique,

-qu'elle est intervenue à la fois comme prêteur de fonds et comme simple intermédiaire ayant recueilli l'adhésion de M. [B] au contrat d'assurance-vie et non comme prestataire de services d'investissement,

-que dans le cadre d'une opération à visée patrimoniale pour le financement d'un investissement locatif en 2000 justifié par les pièces produites contrairement aux affirmations des appelants, ayant en toute hypothèse pour objectif de réaliser les rendements du contrat d'assurance-vie grâce à la bonne santé des marchés en 2000, Monsieur [B] a choisi délibérément le contrat Heredial Gestion Profil Dynamique,

-qu'il ne peut y avoir résiliation du contrat de prêt sur laquelle les appelants ne s'expliquent pas puisque son engagement, à savoir le versement des fonds, a été rempli et qu'en tout état de cause, l'obligation de restitution de la somme versée survit à la résiliation,

-que l'absence de validité du taux effectif global, sur laquelle les appelants ne s'expliquent pas et ne démontrent pas en quoi le taux est erroné, ne peut entraîner la résolution d'un contrat de prêt,

-que la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels est prescrite, le tribunal ayant retenu que le point de départ de la prescription quinquennale, s'il n'était pas celui de la signature de l'acte d'ouverture du crédit, devait être fixé au 13 mars 2002, jour où les emprunteurs ont pris connaissance de l'erreur alléguée en recevant le tableau d'amortissement du prêt suite au déblocage des fonds, conformément à la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation,

-que la demande de dommages et intérêts au titre de la perte subie sur le placement HEREDIAL et au titre du taux minimum garanti de 3 % est prescrite en application de l'article L.114-1 du code des assurances et de l'article 14 des conditions générales, alors que la banque n'a jamais reconnu sa responsabilité,

-que subsidiairement, elle n'a commis aucune faute et n'avait pas d'obligation de mise en garde en matière de commercialisation d'un produit financier non spéculatif, mais une simple obligation d'information qu'elle a remplie en portant à la connaissance des souscripteurs les données leur permettant de prendre la mesure du risque auquel leur choix exposait leur placement,

-que le financement proposé était parfaitement adapté aux besoins et ressources des époux [B] avec un taux d'endettement de 18 % en 2000,

-qu'en outre, les époux [B] ne justifient pas d'un préjudice certain et direct puisque le contrat d'assurance-vie n'est pas liquidé, que le contrat de gage laisse la possibilité d'effectuer des arbitrages avec accord du créancier, que le préjudice lié aux aléas boursiers constitue un préjudice indirect et que la perte de chance n'est pas démontrée dans le contexte général de la baisse des valeurs mobilières sans possibilité de référence aux valeurs or,

-que concernant les prêts de 2006, Monsieur [B] en qualité de gérant de commerce et les époux [B] souscripteurs de plusieurs emprunts et placements pour des investissements personnels, ne peuvent prétendre avoir souscrit en qualité d'emprunteurs non-avertis,

-que le caractère excessif du prêt relais doit s'apprécier en fonction de la valeur du bien mis en vente et a bien été remboursé,

-que le risque d'endettement a été exactement apprécié par la banque à 40,25 % lors de la souscription du prêt à taux révisable en 2006,

-que la banque n'était pas tenue de vérifier l'exactitude des renseignements fournis par les emprunteurs et n'a pas été informée du prétendu changement de situation de Monsieur [B], aucun élément de preuve n'étant produit,

-que la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde faute de risque de surendettement en raison de leur patrimoine foncier et liquidités permettant de faire face à leurs engagements, alors qu'ils ont pu rembourser l'intégralité du prêt relais et les mensualités du prêt à taux révisable,

-que la responsabilité de la banque ne peut même être recherchée en raison de la faute de l'emprunteur n'ayant pas averti la banque de son changement de situation antérieur à la souscription des prêts,

-que la banque ne peut être tenue responsable de la vente précipitée de leur bien laquelle s'est avérée bénéficiaire puisqu'ils ont réglé la taxation sur la plus-value dès lors que les crédits ont été remboursés,

-que les époux [B] ne démontrent pas leur préjudice au titre de la perte de chance de réaliser un investissement plus judicieux.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en nullité et déchéance des intérêts du prêt souscrit le 22 juillet 2000

Le contrat de prêt mentionnait un TEG de 6,362% l'an. La banque a édité le 13 mars 2002 suite au déblocage des fonds le tableau d'amortissement du prêt in fine qui mentionnait un TEG différent du contrat, soit de 7,02% l'an.

Cette date constitue le point de départ de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel puisque les emprunteurs ont eu alors connaissance ou avaient la possibilité de prendre connaissance de l'erreur invoquée. Les emprunteurs ne peuvent valablement se prévaloir de l'inattention prêtée à ce document pour indiquer qu'ils n'ont réalisé l'erreur que le 24 mai 2009, suite au courrier de l'Association d'Aide Contre les Abus Bancaires.

Le délai de cinq ans pour agir ayant pris cours à partir du mois de mars 2002, l'action était prescrite le 15 juillet 2011 à la date de l'assignation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré les époux [B] irrecevables en leur demande de nullité et déchéance du droit aux intérêts.

Sur les demandes au titre des contrats souscrits en 2000

Il ne ressort pas des éléments du dossier que les époux [B], exerçant alors la profession de gérant de brasserie et d'infirmière, aient eu des connaissances particulières en matière de crédit et de technique financière à l'époque des contrats souscrits en 2000.

L'offre de crédit consentie par la société Lyonnaise de Banque acceptée le 22 juillet 2000 a bien été signée par les époux [B] avec exécution des engagements du prêteur conformément à l'acte authentique de vente reçu le 14 décembre 2000 par Maître [E] de sorte que l'affirmation selon lesquelles le lieu, la date et la mention lu et approuvé ne seraient pas écrits par eux est sans incidence.

Le 9 juin 2000, M. [B] a signé une demande de prêt immobilier dans laquelle il déclarait disposer avec son épouse d'un revenu annuel de 82 322 euros et ne faisait état d'aucun crédit en cours. La charge du prêt immobilier au titre des intérêts à venir était de 13 027 euros par an.

Au regard de ces éléments, non démentis par les pièces produites par les appelants, et même en prenant en considération les revenus mentionnés sur la fiche patrimoniale de 70126, 55 euros avec une épargne disponible de 114336 euros, la souscription du prêt ne plaçait pas les époux [B] dans une situation de surendettement obligeant la banque en sa qualité de prêteur à une mise en garde.

Les époux [B] allèguent ensuite que la société Lyonnaise de Banque a manqué à son obligation de remise d'une notice d'information distincte des conditions générales. Cependant, un tel manquement, comme l'indiquent les appelants, n'aurait pour sanction que le mécanisme de prorogation du délai de renonciation et non la nullité ou la résiliation du contrat laquelle ne peut être examiné que sous l'angle des manquements reprochés à la banque pour défaut d'information, de conseil et de mise en garde.

L'action en responsabilité contre la société Lyonnaise de Banque n'est pas prescrite puisque la prescription biennale n'est applicable qu'aux parties au contrat d'assurance alors que l'obligation précontractuelle de conseil, en ce qu'elle est due avant qu'existe un quelconque lien contractuel, n'y est pas soumise, peu important que le banquier intervienne en qualité d'intermédiaire ayant obtenu le consentement de Monsieur et Madame [B] au contrat d'assurance-vie.
 

Si les époux [B] allèguent que leur objectif n'était que de financer l'acquisition d'une résidence principale non locative, ce qui est en contradiction avec les éléments de fait exactement relevés par le premier juge à l'époque des contrats, le montage proposé par la banque constituait néanmoins une opération financière classique non spéculative s'agissant d'un placement en OPCVM, permettant notamment, par le moyen d'un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie, de couvrir tout ou partie de l'amortissement du capital grâce au rendement procuré par le placement de la somme empruntée, ce qui en caractérise l'intérêt patrimonial pour les contractants au regard de leur situation financière et personnelle de bénéficier du rendement des fonds placés pour rembourser le prêt.

Il résulte du débat et des pièces produites par Monsieur et Madame [B] que, préalablement à la demande de crédit, la société Lyonnaise de Banque a présenté à ses clients un produit d'assurance plus sécurisé par la simulation le 2 juin 2000 du contrat Heredial Actif, contrat mono-support en euros garantissant à terme un taux minimal de 3 % avec un capital initial valorisé à 144790 euros en fin de contrat. Monsieur et Madame [B] ont ainsi choisi le contrat Heredial Gestion "Multi-gestion Dynamique" en ayant connaissance de l'option pour un placement plus sécurisé leur procurant un rendement inférieur.

En adhérant au contrat d'assurance-vie, Monsieur [B] a reconnu avoir reçu préalablement les conditions générales valant note d'information, et la notice d'information du support OPCVM choisi et a été informé que « le contrat ne comporte pas de garantie en capital et sa valorisation est soumise aux aléas du marché », par une mention en caractères très apparents, placée au-dessus de la signature.

Les conditions générales du contrat paraphées par Monsieur [B] comportaient également en caractères gras la mention que le risque lié aux variations des marchés financiers et immobiliers est entièrement supporté par l'adhérent-assuré.

La lettre d'information OPCVM du 5 juin 2000, remise aux adhérents selon les pièces produites, informait bien les souscripteurs de l'existence de plusieurs orientations financières du contrat Heredial Gestion à savoir : Multigestion Equilibre, composé à parts égales d'actions et d'obligations, et Multigestion Dynamique, choisi par les consorts [B], composé à 80% d'actions et 20% d'obligations (orientation sur deux ans).

Il est acquis par ailleurs que le contexte financier en 2000 n'était pas inapproprié au profil dynamique, ce que confirment les notes d'actualité reçues par les adhérents les deux années suivantes mentionnant des résultats au plus haut à l'époque du contrat suivant l'évolution haussière du CAC 40 en 1999 et 2000.

Enfin, le contrat de gage rappelait la faculté de modification du contrat vers une orientation de placement plus sécurisé avec l'accord du créancier ce qui permettait de satisfaire l'intérêt des deux parties de sécurisation du gage, faculté à laquelle les époux [B] n'ont pas souscrit, étant relevé que le contrat collectif d'assurance-vie n'est pas liquidé.

En définitive, en l'absence d'opération spéculative obligeant le banquier à exercer un devoir de mise en garde des clients non avertis, Monsieur et Madame [B] ont été exactement et complètement informés des caractéristiques et des risques inhérents au montage proposé adapté à leur situation personnelle et à leurs attentes telles qu'exprimées auprès de la société Lyonnaise de Banque.

En conséquence, la société Lyonnaise de Banque n'ayant pas commis de fautes, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [B] de l'intégralité de leurs demandes concernant le prêt et le contrat d'assurance-vie.

Monsieur et Madame [B] seront condamnés à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 205 806,17 euros au titre du remboursement du prêt in fine en capital à l'échéance du 15 février 2012, non discutée dans son principe ou dans son montant, outre les intérêts conventionnels à compter de cette date.

Sur le prêt relais adossé à un prêt à taux révisable

En février 2006, les époux [B] ont sollicité un prêt pour le financement de l'acquisition d'une maison au prix de 569 500 euros.

Le 11 mai 2006, la banque leur a octroyé un prêt à taux révisable de 360 000 euros remboursable en 240 mensualités et un crédit relais de 239 000 euros sur la base de la situation de ressources et charges déclarés en janvier 2006.

Le crédit-relais a été remboursé à l'échéance contractuelle du 15 avril 2008 de sorte que l'appréciation du risque d'endettement au regard de la valeur du bien et des perspectives de revente a été correctement apprécié par la banque.

Monsieur et Madame [B] ne prouvent pas avoir informé par écrit la société Lyonnaise de Banque du licenciement survenu le 26 avril 2006, étant relevé que le premier versement ASSEDIC sur le compte bancaire n'est intervenu qu'en septembre 2006.

Toutefois, même si l'on considère les revenus déclarés par les emprunteurs avant le licenciement soit 7068 euros par mois et les charges résultant des crédits en cours auprès de la banque que celle-ci ne pouvait ignorer soit 4378 euros par mois, le taux d'endettement de 62 % était excessif.

Le taux d'endettement de 40 % invoqué par la banque était également excessif, ce que confirme la précision dans son étude financière d'un reste à vivre de 1041,77 euros pour faire face aux charges courantes du couple.

Ainsi, la banque ne peut se prévaloir de la négligence des emprunteurs concernant l'actualisation de leur situation de revenus entre la demande de crédit et la souscription du contrat.

Et conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue lors de la conclusion du contrat à l'égard des époux [B], la société LYONNAISE DE BANQUE ne prouve pas avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières des emprunteurs et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt.

Le préjudice causé aux époux [B] en relation de causalité avec un tel manquement s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter le crédit à taux révisable de sorte qu'il ne peut être égal aux coûts financiers générés par le crédit et sera réparé par une indemnisation à hauteur de 20000 euros.

Monsieur et Madame [B] ne justifient pas d'un préjudice direct en relation de causalité avec le manquement de la banque concernant la taxation et les pénalités de retard au titre de la plus-value sur la revente du bien financé par le crédit.

Monsieur et Madame [B] ont subi un préjudice moral causé par les désagréments et démarches liées à la contrainte de remboursement anticipé du crédit exactement indemnisé à hauteur de 1500 euros.

La société Lyonnaise de Banque sera condamnée à payer à Monsieur et Madame [B] la somme de 21500 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt outre capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil.

Aucun abus de procédure n'est établi à l'encontre des époux [B] dont partie des demandes est reconnue fondée en première instance et en appel.

Chacune des parties succombant dans ses prétentions, leurs demandes respectives en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement sauf sur l'indemnisation allouée à Monsieur et Madame [B],

Statuant à nouveau

Condamne la société Lyonnaise de Banque à payer à Monsieur et Madame [B] la somme de 21500 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur et Madame [B] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 205 806,17 euros au titre du remboursement du prêt du 12 juillet 2000, outre intérêts conventionnels à compter du15 février 2012,

Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties,

Déboute la société Lyonnaise de Banque de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties au titre des frais exposés en première instance et en appel,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/00623
Date de la décision : 14/10/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/00623 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-14;13.00623 ?
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