R.G : 12/06286
décision du
Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Au fond
du 05 juillet 2012
RG : 10/01331
ch n°
[D]
[S]
[S]
SCP [A] [D] [B] [U] [S] [I] [S]
C/
SCI DE LA PLACE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 15 Avril 2014
APPELANTS :
Me [A] [D]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Me [B] [U] [S]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Me [I] [S]
[Adresse 1]
[Localité 1]
SCP [A] [D] [B] [U] [S] [I] [S]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentés par Me Joël TACHET de la SCP J.TACHET, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SCI DE LA PLACE
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
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Date de clôture de l'instruction : 19 Juin 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Mars 2014
Date de mise à disposition : 15 Avril 2014
Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier
A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DES FAITS
Selon compromis du 28 novembre 2000, rédigé par l'office notarial [A] [D], [G] [S] et [I] [S] à [Localité 1], M.[K] [Q] a vendu à M.[V] [F], avec faculté de substitution au profit de toute personne physique ou morale de son choix, un ensemble immobilier à usage commercial, sis [Adresse 3] pour un prix de 1.200.000 Francs.
Le compromis comportait les précisions et conditions suivantes:
- le bien immobilier est actuellement loué a la société LAMAG, selon bail commercial du 2 juin 1992,
- un congé sans offre de renouvellement pour défaut de paiement du loyer a été délivré par M.[Q] à la société LAMAG le 10 juillet 2000,
- M.[F] ne doit être ni gérant, ni actionnaire de la société LAMAG société avec laquelle M.[Q] a actuellement une procédure en cours,
- de même la ou les sociétés acquéreur que se substituera M.[F] ne doivent comporter aucun actionnaire de ladite société LAMAG,
- obtention par l'acquéreur d'un engagement de la société LAMAG pour le renouvellement du bail en cours au plus tard le 15 janvier 2001 de sorte qu'aucune indemnité ne soit le cas échéant demandée au vendeur,
- l'acte doit être réitéré au plus tard le 27 février 2001, et en tout cas dans les 15 jours de la réitération (réalisation) de la dernière des conditions suspensive, par acte authentique devant Me [A] [D], notaire à Chazay d'Azergues et Me [L] [P] notaire associé à [Localité 3], choisis d'un commun accord entre les parties.
- si le vendeur ne veux pas réitérer l'acte, l'acquéreur aura la possibilité de l'y contraindre par toute voie de droit.
- l'acquéreur sera propriétaire des biens vendus le jour de la réitération des présentes par acte authentique et il en aura la jouissance à compter du même jour par la perception des loyers dus par la société LAMAG.
- l'office notarial est désigné comme mandataire commun à l'effet d'effectuer toutes les formalités préalables pour parvenir à la réitération de la vente.
La société civile immobilière « de la Place» a substitué M.[F] pour l'acquisition.
Par acte du 22 décembre 2010, la société LAMAG a signifié à M.[Q] son intention de demander le renouvellement de son bail pour une durée de 9 ans.
Selon procès verbal du 23 août 2011, Me [L] [P], notaire, a constaté la carence de M.[Q], sommé de se présenter pour réitérer la vente, et a recueilli les dires de M.[F] aux termes desquelles ce dernier a confirmé sa volonté de poursuivre par toute voie de droit la réalisation de la vente.
Par acte du 29 mai 2002, la société de la Place a assigné M.[Q] devant le tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône aux fins de voir déclarer la vente parfaite.
La société LAMAG quant à elle a obtenu du tribunal de grande instance de Villefranche su Saône aux termes d'un jugement du 26 mars 2004, la fixation d'une indemnité d'éviction à son profit d'un montant de 278 000 €.
Selon contrat du 7 octobre 2004 établi par l'office notarial Marigny-[S] et malgré le litige relatif au caractère parfait de la vente à la société de la Place, M.[Q] a donné à bail commercial le tènement immobilier à la société Casino Distribution moyennant le versement d'un droit d'entrée de 300.000 € réglé le 6 septembre 2004 entre les mains du notaire, que ce dernier a employé au règlement à la date du 30 septembre 2004 du montant de l'indemnité d'éviction due à la société LAMAG.
Par jugement rendu le 15 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône a débouté la société de la Place de sa demande aux fins de voir déclarer la vente parfaite au motif que cette dernière détenait par personne interposée une participation dans le capital social de la société LAMAG de sorte que toutes les conditions suspensives n'étant pas réalisées, le compromis était devenu caduc.
Statuant par un arrêt du 29 mars 2007 sur l'appel interjeté par la société de la Place, la cour d'appel de Lyon, infirmant le jugement déféré a jugé au contraire que la condition suspensive était réalisée, et que la vente litigieuse était devenue définitive à compter du 23 avril 2001.
Aux termes d'un protocole en date du 10 juillet 2007, la société de la Place et M.[Q] ont convenu d'une remise des clés au plus tard le 11 juillet 2007.
Le 26 juillet 2007, la société de la Place a réglé le prix de vente de l'immeuble (179 189 € ) entre les mains du notaire, ce dernier rétrocédant ce montant entre les mains de M.[Q] le même jour.
Par acte du 1er décembre 2007, la société de la Place a mis en demeure M.[Q] de lui restituer les «fruits et les produits» de l'ensemble immobilier pour un montant en principal de 369 615,76 €, puis, par acte du 30 septembre 2008, l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Lyon à cet effet.
Par jugement réputé contradictoire du 4 juin 2009, le tribunal de grande instance de Lyon a fait droit à la demande de la société de la Place et a condamné M.[Q], non comparant, à lui payer la somme de 369 615,76 € au titre des loyers, du droit d'entrée et du dépôt de garantie.
Par jugement du 26 juin 2009, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon, saisi par décision d'orientation du 5 février 2009 de la commission d'examen de la situation de surendettement des particuliers, a prononcé l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel à l'égard de M.[Q].
La société de la Place a produit sa créance entre les mains du mandataire désigné par le juge de l'exécution le 14 août 2009.
Par jugement du 29 janvier 2010, le juge de l'exécution a prononcé la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif, cette décision entraînant l'effacement de la dette de M.[Q] à l'égard de la société de la Place.
Par acte du 7 décembre 2010, la société de la Place a assigné la société civile professionnelle notariale «[A] [D]- [B]-[U] [S]- [I] [S]» et les notaires associés au sein de l'office notarial, devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en déclaration de responsabilité civile professionnelle et aux fins de condamnation à lui payer la somme de 369 615,76 € en principal à titre de légitimes dommages et intérêts en réparation des pertes financières subies.
Par jugement du 5 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur Saône a :
-déclaré responsables Maîtres [A] [D], [G] [S], [I] [S] et la Scp [D]-[S] à l'égard de la société de la Place,
- condamné solidairement Maîtres [A] [D], [G] [S], [I] [S] et la Scp [D]-[S] à payer à la société de la Place la somme principale de 369 615,76 € en réparation de son préjudice, outre intérêts légaux courus sur cette somme depuis le 7 décembre 2010, date de l'assignation en justice,
- condamné solidairement Maîtres [A] [D], [G] [S], [I] [S] et la Scp [D]-[S] à verser à la société de la Place la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a retenu :
- que les notaires, en tant qu'officiers ministériels, sont tenus d'instrumenter lorsque des parties viennent leur soumettre un acte,
- que toutefois, cette obligation n'est pas sans réserves,
- que l'office notarial était informé, un mois avant la conclusion du contrat de bail qu'il existait une contestation portant sur la capacité du bailleur à donner à bail le tènement immobilier sis au [Localité 2],
- que l'Office Notarial [A] [D], [G] [S] et [I] [S] aurait par conséquent dû refuser d'instrumenter,
- que le fait que l'acte de vente n'ait pas été publié à la conservation des hypothèques est sans conséquence sur l'appréciation de la responsabilité du notaire,
- que la carence de l'Office Notarial est constitutive d'une faute engageant sa responsabilité délictuelle.
Maîtres [A] [D], [B] [U] [S], [I] [S] et la société [A] [D] [B] [U] [S] [I] [S] appelants de cette décision demandent à la cour :
- de réformer la décision rendue en première instance,
- de débouter la société de la Place de sa demande,
- d'ordonner la restitution par la société de la Place des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance,
- de condamner la société de la Place à leur payer 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent :
- que la Cour de cassation a rappelé au visa de l'article 1382 du Code civil et de l'article 3 de la loi du 25 ventôse an XI que les notaires sont tenus d'instrumenter dès lors que les actes pour lesquels ils sont requis ne méconnaissent pas les droits que les tiers peuvent opposer aux parties, ce qui ne saurait être le cas d'une promesse de vente non publiée (Civ. 1ère, 20 décembre 2012, n° 11-19682),
- que la société de la Place ne démontre pas la faute qu'elle allègue à leur encontre, tant du point de vue de la régularité et de l'efficacité de l'acte intervenu le 7 octobre 2004 entre M.[Q] et la société Distribution Casino France, que de l'atteinte alléguée à ses droits, alors que la promesse de vente, déclarée définitive par la Cour d'appel de Lyon n'avait pas été publiée à la conservation des hypothèques, ni davantage l'assignation en réitération de la vente,
- que les droits qu'elle conférait à la société de la Place n'étant pas opposables aux tiers, rien n'interdisait à la Scp [A] [D], [B] [U] [S] et [I] [S], notaires associés, de recevoir l'acte critiqué, d'autant que la promesse stipulait que le transfert de propriété n'interviendrait qu'à la signature de l'acte authentique,
- que la société de la Place ne démontre pas la réalité du préjudice pour lequel elle demande indemnisation, dès lors que, par l'effet de la stipulation relative à la date du transfert de propriété, elle ne peut revendiquer les fruits de l'immeuble pour la période antérieure à la signature de l'acte authentique ou, à défaut de celui-ci à celle du dépôt aux minutes de son notaire de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Lyon.
- que si le bail n'était pas intervenu, la société de la Place n'aurait pu revendiquer aucune des sommes versées par la société Distribution Casino France à l'occasion ou en exécution de celui-ci,
- qu'il n'est pas établi qu'elle ait pu devenir effectivement propriétaire de l'immeuble car la société LAMAG, disposant sur M.[Q] d'une créance de 278 000 € dès le courant de l'année 2004, n'aurait pas manqué de diligenter des mesures d'exécution et une saisie immobilière alors que la société de la Place n'a rendu son titre de propriété opposable aux tiers qu'au mois de juillet 2007,
- qu'ainsi l'origine du préjudice allégué ne se situe pas dans l'acte critiqué mais dans de circonstances extérieures à celui-ci,
- que la société de la Place qui connaissait le projet de location à la société Distribution Casino dès le début, n'a pris aucune disposition pour faire publier à la conservation des hypothèques l'assignation par laquelle elle saisissait le tribunal de grande d'une demande en exécution forcée, n'a pas saisi le tribunal de conclusions qui auraient tendu, comme conséquence de la demande principale, à voir prononcer la nullité ou l'inopposabilité du bail et à ordonner la restitution des fruits perçus par M.[Q] pendant le cours de la procédure, et n'a pas davantage cherché à garantir par le biais de mesures conservatoires la créance de restitution qu'elle était susceptible de détenir sur M.[Q],
- qu'elle a réglé l'intégralité du prix sans se préoccuper de la créance qu'elle était susceptible de faire valoir une fois l'arrêt rendu et dont elle ne pouvait ignorer le montant,
- qu'elle n'a pris aucune disposition pour évaluer le montant de la créance qu'elle allait ultérieurement faire valoir en justice et, sinon opposer la compensation, à tout le moins se faire autoriser à procéder à une saisie conservatoire entre ses propres mains au préjudice de M.[Q] ou entre les mains du notaire,
- qu'il en résulte que la société de la Place a directement concouru au préjudice dont elle demande réparation.
La Société de la Place demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner les appelants au paiement d'une somme de 4.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient :
- que l'office notarial et les notaires qui la composent, ont fautivement établi une convention de bail commercial qu'ils eussent dû refuser d'instrumenter dès lors qu'ils avaient connaissance de la revendication de propriété de la société de la Place sur le bien litigieux et dès lors, du défaut de qualité du de M.[Q] bailleur pour y souscrire,
- que par l'effet de la régularisation du bail authentique du 7 octobre 2004, M.[Q] a indûment perçu les fruits et produits d'un bien immobilier dont il a été jugé qu'il n'était plus propriétaire,
- que la perception de ces fruits est intervenue à son préjudice ainsi que l'a définitivement jugé le tribunal de grande instance de Lyon le 4 juin 2009,
- que cette décision a fixé définitivement le montant des restitutions des sommes issues de l'acte authentique de bail souscrit par M.[Q] a non domino.
MOTIFS
Sur la faute de la société notariale et des notaires
Tenu en sa qualité d'officier public, d'assurer l'efficacité et la sécurité des actes qu'il instrumente, le notaire doit vérifier la qualité de propriétaire du bailleur à l'acte qu'il établit et engage sa responsabilité de ce chef.
1) Sur la qualité de propriétaire de M.[Q] pour louer le bail et l'absence de prise en compte par le notaire du litige en cours sur la vente
* Sur la portée de l'arrêt de la cour d'appel du 29 mars 2007
Il convient de rappeler que le compromis prévoyait un transfert de propriété à la date de la réitération de la vente par acte authentique.
A défaut de réitération, l'acte prévoyait seulement la possibilité pour l'acquéreur de « l'y contraindre par toute voie de droit».
Le compromis ne mentionnait pas de transfert de propriété automatique, d'office ou de plein droit, à la date de la réalisation effective des conditions suspensives.
C'est donc à tort que la société de la Place soutient que la cour d'appel dans son arrêt du 29 mars 2007, «ayant constaté la caractère définitif de la vente à compter du 23 avril 2001 et ordonné le transfert de propriété sans mentionner de date différente, il convenait d'en déduire que la date du transfert de la propriété était intervenue en même temps que la vente était devenue définitive, soit à cette même date».
Cette interprétation de l'arrêt n'est pas conforme au dispositif de l'arrêt qui n'a pas constaté le transfert de propriété à la date du 23 avril 2001.
Le dispositif de l'arrêt de la cour mentionne en effet « ordonne le transfert de propriété».
La date du 23 avril 2001 correspond à la date à laquelle la vente était parfaite, c'est à dire la date à laquelle la réitération aurait pu intervenir, les conditions suspensives étant réalisées à cette date, et non la date du transfert de propriété reportée conventionnellement par les parties à la date de réitération de l'a vente.
En tout état de cause, cet arrêt n'est pas opposable au notaire non appelé à l'instance.
* Sur la portée du jugement du 4 juin 2009 du tribunal de grande instance de Lyon
Dans son jugement réputé contradictoire du 4 juin 2009, le tribunal a considéré que la somme sollicitée par la société de la Place, soit 369 615,76 €, était «bien due en vertu de l'arrêt définitif prononcé par la cour d'appel de Lyon» et qu'elle représentait «les fruits de l'immeuble que M.[Q] a perçu alors qu'il n'en était plus propriétaire».
Cette motivation n'étant pas reprise dans le dispositif qui se borne à condamner «M.[Q] à verser à la société de la Place la somme de 369 615,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2007», elle n'a pas autorité de la chose jugée.
De surcroît, ce jugement n'est pas opposable au notaire non partie à cette instance.
D'ailleurs, la société de la Place n'a pas tenté de contester à l'égard de la société distribution Casino, la validité du bail commercial du 6 octobre 2004, dont elle soutient pourtant qu'il a été consenti «non a domino».
La société de la Place ne produit aucun courrier faisant grief à M.[Q] ou au notaire d'avoir loué le bien.
Son courrier du 3 septembre 2004, figurant en pièce 5, la société de la Place rappelle simplement à M.[Q] et au notaire que le tènement «fait l'objet d'un compromis» et qu'il «ne peut faire l'objet d'une transaction».
De 2001 à 2007, la société de la Place n'a jamais revendiqué les loyers perçus par M.[Q] de la part de la société Lamag, puis de la part de la société Distribution Casino.
Elle n'a pas mis en demeure M.[Q] de lui remettre les clés du bien.
Elle ne produit pas ses comptes faisant apparaître l'état de son actif patrimonial au 31 décembre 2001.
En résumé, d'avril 2001 à courant 2007, la société de la Place n'a jamais soutenu et n'a jamais considéré, que le transfert de propriété était intervenu à son profit dès avril 2001.
En conséquence, contrairement à ce que soutient la société de la Place, M.[Q] avait bien seul qualité en octobre 2004 pour remplacer le locataire sortant et percevoir les loyers jusqu'au transfert effectif de propriété intervenu ensuite de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 29 mars 2007.
Le litige en cours sur la propriété du bien entre M. [Q] et la société de la Place, n'était pas susceptible de faire rétroagir le transfert de propriété à la date de la conclusions du bail commercial.
En conséquence, l'office notarial n'avait aucun motif de refuser son concours aux parties pour l'établissement du bail commercial, et n'a commis aucune faute au regard de la qualité de propriétaire de M. [Q] ni au regard de l'existence d'un litige en cours.
2) sur le préjudice et le lien de causalité
La société de la Place soutient que son préjudice est constitué par la privation des loyers et du droit d'entrée versé par la société Distribution Casino, au motif qu'elle était propriétaire de l'immeuble à compter du 23 avril 2001.
Or, le transfert de propriété n'est intervenu qu'ensuite de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 29 mars 2007.
La société de la Place n'avait donc aucune vocation à percevoir des loyers avant le transfert de propriété.
Par ailleurs, il est établi que la société de la Place avait initialement souhaité acquérir un immeuble loué.
En effet, il était prévu au compromis de vente signé entre M. [Q] et M. [F] que l'entrée en jouissance devait se réaliser à la date de la réitération par acte authentique par la perception des loyers de la société Lamag, laquelle devait par ailleurs s'engager auprès de l'acquéreur à poursuivre le bail pour une nouvelle période de 9 ans et à renoncer à toute indemnité d'éviction à l'égard de M.[Q].
La société de la Place n'avait donc aucune vocation à percevoir un droit d'entrée.
In fine, la société de la Place est devenue propriétaire courant 2007, d'un bien immobilier loué, comme cela était convenu initialement.
Le nouveau bail commercial au profit de la société Distribution Casino n'a donc pas aggravé la situation de l'acquéreur.
Il a au contraire replacé les parties dans la situation qu'elles avaient envisagée lors du compromis.
***
Au vu de ces éléments, le notaire pouvait prêter son concours à M.[Q] et à la société Distribution Casino, pour l'établissement d'un bail commercial à la date du 6 octobre 2004, sans commettre de manquement à son obligation d'assurer l'efficacité et la sécurité de l'acte qu'il a reçu, ni commettre de manquement à son devoir de prudence à l'égard des droits opposables aux tiers.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
la cour,
Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau :
- Dit que la société civile professionnelle [A] [D] [B]-[U] [S]- [I] [S], ou les notaires associés à titre personnel, n'ont pas commis de faute en prêtant leur concours à l'établissement du bail commercial du 6 octobre 2004, passé entre M.[Q] propriétaire bailleur et la société Distribution Casino, locataire,
- Dit que la société de la Place n'a pas subi de perte imputable à la passation de ce contrat de bail,
- Déboute la société de la Place de toutes ses prétentions,
y ajoutant :
- Condamne la société de la Place à payer à la société civile professionnelle [A] [D] [B]-[U] [S]- [I] [S] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société de la Place aux dépens de premier instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Tachet, avocat, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile, sur son affirmation de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT