La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2014 | FRANCE | N°13/06534

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 04 mars 2014, 13/06534


R.G : 13/06534









décision du Tribunal de Grande Instance de TOULON

au fond du 16 septembre 2010



RG : 2005/03710

ch n°1



[A]



C/



[G] VEUVE [I]

[I]

COMMUNE DE [Localité 13]

[V]

[O]

[C]

[J]

[L]

[L]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 04 Mars2014







APPELANT

:



M. [Z] [A]

né le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 12] (Algérie)

[Adresse 6]

[Localité 11]



représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Philippe SOLER, avocat au barreau de TOULON









INTIMES :



Mme [K] [G] veuve [I]

née le [...

R.G : 13/06534

décision du Tribunal de Grande Instance de TOULON

au fond du 16 septembre 2010

RG : 2005/03710

ch n°1

[A]

C/

[G] VEUVE [I]

[I]

COMMUNE DE [Localité 13]

[V]

[O]

[C]

[J]

[L]

[L]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 04 Mars2014

APPELANT :

M. [Z] [A]

né le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 12] (Algérie)

[Adresse 6]

[Localité 11]

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Philippe SOLER, avocat au barreau de TOULON

INTIMES :

Mme [K] [G] veuve [I]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 5]

représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, assistée de Me TEBOUL, avocat au barreau de PARIS

Mme [D] [I]

née le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 14]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me ROSE, avocat au barreau de LYON, assistée de Me TEBOUL, avocat au barreau de PARIS

COMMUNE DE [Localité 13], représentée par son maire en exercice

[Adresse 11]

[Adresse 9]

[Localité 13]

représentée par la SCP BERTHIAUD & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, assisté de la SCP Alain ROUSTAN - Marc BERIDOT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me [F] [V]

Notaire

né le [Date naissance 7] 1939 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par la SCP TUDELA & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, assisté de Me GARRY, avocat au barreau de TOULON

Mme [M] [O]

née le [Date naissance 2] 1929 à [Localité 10] (Algérie)

[Adresse 12]

[Adresse 14]

[Localité 11]

Mme [W] [C]

née le [Date naissance 6] 1926 à [Localité 17] (Hauts de Seine)

[Adresse 13]

[Adresse 10]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentée par Me Amandine BIAGI, avocat au barreau de LYON, assistée de Me HELLO, avocat au barreau de TOULON

M. [R] [J]

né le [Date naissance 4] 1927 à [Localité 15] (Aveyron)

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, assisté de Me Bruno CECCARELLI, avocat au barreau de PARIS

M. [T] [L] pris en sa qualité d'héritier de Monsieur [E] [Y] décédé le [Date décès 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Laëtitia EDOUARD-KLIMINE, avocat au barreau de LYON

M. [X] [L] pris en sa qualité d'héritier de Monsieur [E] [Y], décédé le [Date décès 1] 1997

né le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 12] (Algérie)

[Adresse 7]

[Localité 6]

représenté par la SCP VINCENT - DESCOUT & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Date de clôture de l'instruction : 20 Janvier 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Février 2014

Date de mise à disposition : 04 Mars 2014

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Mme [S] [I], petite-fille du peintre [B] [U], est décédée le [Date décès 2] 1993 en laissant pour lui succéder son fils, [P] [I], lui-même décédé le [Date décès 3] 2000 et aux droits de qui se trouvent Mme [K] [G], veuve [I] et Mme [D] [I]. Elle avait établi trois testaments authentiques, reçus par M [V], notaire, les 16 juin 1983, 20 juin 1991 et 3 août 1992. Aux termes du testament de 1991, elle avait consenti plusieurs legs particuliers dont :

- 'tous les tableaux, dessins, esquisses etc du peintre [B] [U]', à l'exception de deux tableaux légués 'à son choix' à M. [N] [Y], au profit du 'musée [U] à [Localité 13]',

- la somme de 1.800.000 francs à M. [A],

- un appartement situé à [Localité 16] à Mme [C],

- deux tableaux du peintre [B] [U] à M. [N] [Y],

- une commode ou un secrétaire à Mme [O].

Selon le testament de 1992, elle avait 'confirmé expressément (son) testament de 1983", à l'exception de sa propriété de [Localité 11], qu'elle décidait alors de léguer à M. [J]. Au vu de la déclaration de succession établie par Me [V] le 11 octobre 1994, les legs consentis à Mme [O], Mme [C], M. [J], M. [N] [Y] leur ont été délivrés, celui constitué au profit du musée [U] l'a été à la commune de [Localité 13], alors que, par courrier du 29 avril 1997, M [V] a refusé de délivrer le legs de M. [A], invoquant que la quotité disponible était atteinte.

Par des exploits des 29 décembre 1998 et 2 avril 2001, M [A] a assigné M [V] en responsabilité et M [P] [I] en délivrance de son legs particulier.

Par jugement du 7 mars 2002, le tribunal de grande instance de Toulon a condamné M [P] [I] à payer à M [A] la somme de 274 408,23 euros, représentant le montant du legs particulier qui lui avait été consenti par Mme [I], et a débouté M [A] de ses demandes formées à l'encontre de M [V].

Par arrêt du 24 février 2004, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a prononcé des condamnations à l'encontre de M [P] [I], décédé depuis le [Date décès 3] 2000, et a annulé l'assignation délivrée à ce dernier ainsi que le jugement rendu à son encontre.

Par exploit du 16 juin 2005, M. [A] a fait assigner Mmes [D] et [K] [I] en délivrance de son legs. Par actes des 12, 18, 20 et 26 mars 2008, ces dernières ont attrait dans la cause Me [V] ainsi que l'ensemble des autres légataires particuliers de la succession de Mme [S] [I], à savoir, la commune de [Localité 13], Mme [O], Mme [C], M. [J], et M. [N] [Y].

Par jugement du 16 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Toulon a débouté M. [A] de sa demande en délivrance de legs, a condamné Mme [O] et Mme [C], non citées dans le testament du 16 juin 1983, ainsi que la commune de [Localité 13], à restituer à Mmes [D] et [K] [I] la totalité des biens reçus de la succession de Mme [S] [I], a débouté ces dernières de leurs demandes en restitution à l'encontre de M. [Y] et M. [J] et a renvoyé les parties devant le président de la chambre des notaires du Var aux fins d'établissement d'un nouvel état liquidatif.

La commune de [Localité 13] a interjeté appel du jugement.

Par acte du 5 septembre 2011, Mmes [D] et [K] [I] ont assigné devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, MM. [T] et [X] [L], en qualité d'héritiers de M. [N] [Y], prédécédé le [Date décès 1] 1997.

Par arrêt du 13 mars 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a réformé le jugement, a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune de [Localité 13], a constaté la coexistence des testaments des 16 juin 1983, 20 juin 1991 et 3 août 1992, a accueilli la demande de M. [A] en délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991, a rejeté la prescription de l'action en réduction demandée par Mmes [D] et [K] [I], a ordonné la réduction des dispositions testamentaires de Mme [S] [I], et a renvoyé les parties devant le président de la chambre des notaires du Var aux fins d'établissement d'un nouvel état liquidatif.

Par arrêt du 3 juillet 2013, la cour de cassation, première chambre civile, a cassé et annulé l'arrêt sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune de [Localité 13], constaté la coexistence des testaments des 16 juin 1983, 20 juin 1991 et 03 août 1992, dit que M. [A] était fondé à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible, dit n'y avoir lieu à prescription de l'action en réduction de Mmes [D] et [K] [I], et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Lyon. La cassation est intervenue au double visa des articles 455 du code de procédure civile et 1382 du code civil, d'une part en raison du défaut de réponses à conclusions concernant la nullité du legs consenti au 'musée [U] à [Localité 13]' et la recevabilité de l'intervention forcée de MM [T] et [X] [L], d'autre part, pour défaut de motivation concernant la responsabilité du notaire.

Après saisine de la cour de renvoi, M. [A] conclut à la délivrance du legs qui lui a été consenti dans le testament du 20 juin 1991, dans la limite de la quotité disponible, à la réduction des dispositions testamentaires de Mme [S] [I], au renvoi des parties devant le président de la chambre des notaires du Var aux fins d'établissement d'un nouvel état liquidatif et à la condamnation de M [V] à lui payer la somme forfaitaire de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Il soutient que le legs consenti au musée [U] à [Localité 13] est nul car constitué au profit d'une personne inexistante. A ce titre, il fait valoir que ce musée n'est pas un établissement public mais un service communal et qu'il ne dispose pas de la personnalité juridique, de sorte qu'il n'a pas la capacité pour accepter un tel legs. Il ajoute que la commune de [Localité 13] n'avait pas qualité pour le recevoir dès lors que la volonté de la testatrice était de léguer ces oeuvres à un musée, non à une collectivité territoriale.

Sur le fondement de l'article 1382 du code civil, il met en cause la responsabilité M [V] en ce qu'il a commis une faute dans l'exécution du testament puisqu'il a appliqué un ordre de préférence dans la distribution des legs qui n'avait pas été indiqué par la testatrice, qu'il a délivré un legs à la commune de [Localité 13] alors qu'elle n'en était pas la destinataire et qu'il a manqué à son obligation de conseil et d'information vis à vis des héritiers puisqu'il aurait dû procéder d'office à la réduction des dispositions testamentaires, en application de l'article 926 du code civil. Il fait valoir que ces fautes lui ont directement causé un préjudice puisqu'il a été privé de son legs pendant près de 20 ans et qu'il a été contraint de poursuivre une longue procédure judiciaire.

Sur le fondement des articles 554 et 555 du code de procédure civile, il soutient que les interventions forcées dirigées à l'encontre de MM [T] et [X] [L] sont recevables puisqu'en tant que tiers en première instance, ils peuvent être mis en cause en appel dès lors que l'évolution du litige l'implique.

La commune de [Localité 13] conclut à l'infirmation du jugement, à l'irrecevabilité de toutes les demandes contestant son legs, au débouté de Mmes [D] et [K] [I] de leur demande de restitution de oeuvres de M. [B] [U] et de condamnation à leur payer des dommages-intérêts.

Elle soutient que seul l'héritier réservataire ou ab intestat a qualité pour contester un legs particulier, demander sa nullité et former une action en réduction de sorte qu'en l'espèce, seules Mmes [D] et [K] [I] sont recevables à présenter de telles prétentions, à l'exclusion des légataires particuliers. Elle fait valoir l'efficacité du legs dont elle a bénéficié dès lors que d'une part, il lui a été spontanément délivré par M. [P] [I], seul héritier réservataire de la testatrice, ce qui vaut reconnaissance indiscutable de ses droits sur les biens constitutifs du legs, et d'autre part, il correspond à l'intention exprimée par Mme [S] [I] qui était de léguer ces tableaux au gestionnaire du musée [U], à savoir la commune de [Localité 13], ce qu'elle savait pertinemment car elle avait des contacts réguliers avec son maire. Enfin, elle expose que Mme [D] et [K] [I] n'établissent aucun préjudice dont la réparation lui serait imputable et ajoutent qu'elles se sont totalement désintéressées des droits qu'elles prétendent aujourd'hui revendiquer jusqu'à ce qu'une action d'un légataire particulier soit dirigée à leur encontre.

M [V] conclut à l'irrecevabilité de l'action et au débouté de l'ensemble des demandes dirigées à son encontre.

Sur le fondement de l'article 1351 du code civil, il oppose une exception de chose jugée en raison de l'existence d'une précédente procédure mettant en cause les mêmes parties, à savoir les consorts [I], M. [A] et lui même, concernant le même objet, la délivrance du legs de M. [A] ainsi que la mise en jeu de sa responsabilité, répondant à la même cause, les testaments de Mme [S] [I] et ayant donné lieu à une décision de justice définitive, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 février 2004. Il se prévaut du principe jurisprudentiel de concentration des moyens alors que le moyen tiré du défaut de vérification de la validité du legs consenti au musée [U] n'a pas été soulevé dans le cadre de la première procédure, de sorte qu'il doit être considéré comme tardif et mal fondé.

Il explique que la volonté de la défunte était de préserver le patrimoine artistique du peintre [B] [U], ce qui s'inscrit pleinement dans l'activité culturelle du musée de [Localité 13]. Il ajoute que le musée n'est pas dépourvu de personnalité juridique puisqu'il se confond avec la commune de [Localité 13], de sorte que le legs est valable et qu'il n'a commis aucune faute dans sa délivrance. Enfin, il fait valoir qu'aucun préjudice n'est prouvé par Mmes [D] et [K] [I].

Mmes [D] et [K] [I] concluent à la condamnation de la commune de [Localité 13] à leur restituer l'intégralité des oeuvres reçues de Mme [S] [I], sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, à la condamnation in solidum de la dite commune et de M [V] à leur payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice de jouissance subi depuis le 03 janvier 1993, jour de l'ouverture de la succession, à la condamnation de ce dernier à supporter l'intégralité des frais et honoraires du nouvel état liquidatif à intervenir, et à la recevabilité de l'intervention forcée de MM. [T] et [X] [L].

Elles contestent l'exception tirée de l'autorité de chose jugée opposée par M [V] en raison du défaut d'identité de parties, d'objet ou de cause. Elles font valoir que la précédente procédure a été annulée à l'encontre de M. [P] [I], leur auteur, en raison de son décès en cours de procédure, de sorte que la présente instance ne concerne pas les mêmes parties. Elles ajoutent qu'il n'y a pas identité d'objet dès lors que son action, tendant à la réduction des libéralités consenties par Mme [S] [I], n'appartient qu'aux héritiers réservataires, et ne pouvait donc être intentée par M. [A] le 02 avril 2001 en tant que légataire particulier.

Elles soutiennent que le legs consenti au profit du musée [U] à [Localité 13] est entaché d'une incapacité d'exercice sanctionnée par une nullité d'ordre public dès lors que, le musée étant un service communal dépourvu de la personnalité juridique, il a été constitué au profit d'une personne inexistante. Elles font valoir que la commune de [Localité 13] n'avait pas qualité pour accepter un tel legs puisqu'elle n'en est pas désignée comme le destinataire et que la volonté de la défunte était de léguer ces oeuvres à un musée, non à une commune. Elles précisent que, contrairement à ce que soutient M [V], le musée et la commune de [Localité 13] ne sauraient être confondus dans la mesure où l'appellation musée désigne un établissement public administratif culturel crée par décret du premier ministre en conseil d'état alors qu'une commune est une collectivité territoriale.

Elles considèrent que la commune de [Localité 13] et M [V] ont chacun commis une faute l'un en délivrant un legs inexistant, l'autre en acceptant un legs dont elle n'était pas la destinataire, ce qui a eu pour conséquence de porter atteinte à la réserve héréditaire, leur causant de ce fait un préjudice évident.

Sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile et de la jurisprudence de la cour de cassation, elles expliquent que MM. [T] et [X] [L] sont irrecevables à critiquer la régularité de leur appel en cause, dès lors qu'ayant conclu au fond dans leurs écritures du 30 septembre 2011 et 20 janvier 2012 devant la cour d'appel d'Aix-en -Provence, la dévolution s'est opérée pour le tout.

M. [J], appelant, conclut à la condamnation de M [V] à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, à titre principal, à la réintégration du legs reçu par la commune de [Localité 13] en raison de l'atteinte à la réserve héréditaire, à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause, à titre très subsidiaire, à la garantie totale et entière du notaire en cas de condamnations prononcées à son encontre.

Il conteste l'exception de chose jugée opposée par M [V] car il n'était pas partie à la précédente procédure.

Sur le fondement de la jurisprudence de la cour de cassation, il soutient que la signature par l'héritier réservataire de la testatrice, M. [P] [I], de la déclaration de succession lui délivrant son legs vaut reconnaissance de ses droits et renonciation à se prévaloir des éventuelles causes d'inefficacité, ce qui s'impose aux héritières de ce dernier, à savoir Mmes [D] et [K] [I]. En outre, sur le fondement de l'article 1017 du code civil, il expose que, du fait de cette reconnaissance, le bien qu'il a reçu en héritage de Mme [S] [I] ne se trouvait pas dans le patrimoine de M. [P] [I] au jour de son décès de sorte qu'il ne peut pas avoir été transmis à ses héritières, qui sont alors mal fondées à en demander la restitution.

Par ailleurs, il reprend les arguments développés par Mme [D] et [K] [I] quant à l'absence de qualité de la commune de [Localité 13] pour recevoir le legs consenti au musée [U] et à ce titre, il fait valoir qu'après réintégration du legs reçu par la commune dans la masse partageable, la quotité disponible est suffisante pour servir tous les legs particuliers et dans ce cas, il n'y a plus lieu à réduction.

Il met en cause la responsabilité du notaire, M [V], lequel a manqué à son obligation de sécurité juridique de l'acte. Il fait valoir que ce dernier a été négligeant dans l'exécution du testament, alors même qu'il connaissait les éléments d'actif et de passif du patrimoine de la testatrice, ainsi que le montant de la quotité disponible et celui des legs cumulés puisqu'il avait conseillé cette dernière dans la rédaction de ses trois testaments. Il invoque d'une part un préjudice matériel qui résulterait du coût financier engendré par la restitution de son legs dans la mesure où il a vendu le bien correspondant afin de payer les frais de succession qui sont très élevés pour un tiers et d'autre part, un préjudice moral causé par l'angoisse de la présente procédure judiciaire.

M. [X] [L], intimé, conclut à titre principal, à la nullité de la procédure engagée à son encontre, à titre subsidiaire à l'irrecevabilité de l'assignation en reprise d'instance formée à son encontre en cause d'appel, à titre infiniment subsidiaire, au rejet des demandes en restitution formées par Mmes [D] et [K] [I], à titre encore plus subsidiaire, à la condamnation de M [V] à le relever et garantir de toute condamnation éventuelle.

Il soutient que l'assignation délivrée à M. [N] [Y], décédé depuis dix ans au jour de sa délivrance, est frappée d'une irrégularité de fond insusceptible d'être couverte par une reprise d'instance par les héritiers, de sorte que l'intégralité de la procédure subséquente à l'assignation doit être annulée.

A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile, il fait valoir l'irrecevabilité de son intervention forcée en cause d'appel car elle n'est justifiée par aucune évolution du litige.

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne le mettrait pas hors de cause, il invoque la validité indiscutable du legs accordé à M. [N] [Y] dans la mesure où il a été réitéré dans les trois testaments de Mme [S] [I].

A titre encore plus subsidiaire, si la cour faisait droit aux demandes de restitution, il met en cause la responsabilité de M [V] qui a commis une faute en accordant un legs à la commune de [Localité 13] alors même que celle-ci n'était pas visée dans le testament, à qui sont imputables des négligences dans l'évaluation de la quotité disponible, et qui a manqué à son obligation de conseil dès lors qu'il n'a pas donné les informations sur l'ensemble des testaments existants ni sur l'éventualité d'une réduction de legs. Il invoque un préjudice moral résultant de la remise en cause d'un legs quinze ans après sa délivrance.

M. [T] [L], intimé, conclut à l'irrecevabilité de l'action dirigée à son encontre, à sa mise hors de cause, au rejet des demandes en restitution formées par Mmes [D] et [K] [I], à titre subsidiaire, à la condamnation de M [V] à le relever et garantir de toute condamnation éventuelle.

Sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile et 921 du code civil, il oppose une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action dans la mesure où la succession de Mme [S] [I] a été réglée en 1994 alors qu'il a été assigné pour la première fois en août 2011, soit dix-sept ans après. Sur le fondement des articles 554 et 555 du code de procédure civile, il soutient que son intervention en cause d'appel n'est pas justifiée dès lors que M. [N] [Y] étant décédé avant le début de la procédure, aucune évolution du litige n'est à constater entre la première instance et l'appel.

A titre subsidiaire, si la cour considérait l'action recevable, il fait valoir, sur le fondement de l'article 1036 du code civil, que le legs au profit de son auteur a été maintenu dans les trois testaments de la défunte de sorte qu'il ne peut être remis en cause.

A titre infiniment subsidiaire, s'il était tenu à restitution, il met en cause la responsabilité du notaire dans la mesure où il n'a pas correctement évalué la quotité disponible, n'a pas donné les informations nécessaires sur l'ensemble des testaments existants ni sur l'éventualité d'une réduction de legs.

Mme [C], intimée, conclut à la condamnation du notaire, M [V] à lui payer la somme de 10.000 euros a titre de dommages-intérêts et à payer l'intégralité des frais générés par le nouvel état liquidatif.

Sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, elle soutient que M [V] a commis une faute professionnelle en délivrant des legs sans se préoccuper de la quotité disponible, ce qui lui a causé un préjudice constitué par la longueur de la procédure judiciaire et l'inquiétude relative à la réduction de son legs.

Mme [O] [M], régulièrement assignée à personne, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Attendu que l'assignation aux fins d'appel en cause a été délivrée à M [N] [Y] alors que ce dernier était décédé depuis plus de dix ans ; qu'en conséquence, cette assignation et la procédure subséquente suivie à l'encontre de M [N] [Y] sont nulles ; que l'intervention forcée de M [X] [L] et de M [T] [L], formée à hauteur d'appel est irrecevable, puisqu'aucune évolution du litige n'impliquait leur mise en cause tardive, le décès de M [N] [Y] étant intervenu plus de dix ans avant l'introduction de l'instance à son encontre ;

Attendu que la délivrance d'un legs par l'héritier réservataire vaut reconnaissance des droits du légataire et renonciation à se prévaloir des causes d'inefficacité du legs ; que la commune de [Localité 13] fait valoir à juste titre que la délivrance du legs émanant de l'auteur de Mme [G] veuve [I] et Mme [D] [I], héritier réservataire, vaut reconnaissance de ses droits sur les biens constitutifs du legs consenti par Mme [S] [I], de sorte que l'efficacité du legs qui lui a été délivré ne peut être remise en cause ; que doivent être rejetées les demandes tendant à ce que la commune de [Localité 13] soit condamnée à restituer la totalité du legs de Mme [S] [I] concernant les oeuvres du peintre [B] [I], et à payer des dommages intérêts à Mme [G] veuve [I] et Mme [D] [I] ;

Attendu qu'il est définitivement jugé que M [A] est fondé à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible ;

Attendu cependant que Mme [K] [I] et Mme [D] [I] ne sollicitent plus la réduction des legs, qu'en sa qualité de légataire, M [A] n'a pas qualité pour demander ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer les parties devant un notaire pour l'établissement d'un nouvel état liquidatif ;

Attendu que M [V] ne peut se prévaloir, à l'égard de Mme [K] [I] et Mme [D] [I], de l'autorité de la chose jugée résultant de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 février 2004, ni du principe de concentration des moyens, dès lors que cette décision a annulé l'assignation délivrée le 02 avril 2011 à l'encontre de M [P] [I] et le jugement subséquent, de sorte que l'instance dont la validité n'a subsisté qu'entre M [A] et M [V] ,alors diligentée, n'a pas opposé les mêmes parties que celles en cause dans la présente procédure ;

Attendu que dans le cadre de l'instance alors diligentée, M [A] a recherché la responsabilité de M [V], notaire, en raison du non respect de ses obligations professionnelles lors de la délivrance des legs, en effectuant notamment des préférences dans la distribution de ceux-ci alors que la testatrice n'avait prévu aucun ordre préférentiel;

qu'il reproche actuellement au notaire d'avoir établi un ordre de préférence dans la délivrance des legs à son détriment, d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information en ne signalant pas à l'héritier l'existence de legs dépassant la quotité disponible et en n'appliquant pas l'article 926 du code civil afin de répartir équitablement les legs suivant la quotité disponible et d'avoir accordé un legs à la commune de [Localité 13] alors que celle-ci n'en était pas destinataire ; qu'en ce qu'elle est fondée sur les deux premiers griefs, son action est atteinte par l'autorité de la chose jugée résultant de l'arrêt du 24 février 2004 ; que compte tenu des motifs qui précèdent sur l'absence de remise en cause du legs consenti à la commune de [Localité 13], le troisième grief n'est pas fondé ;

Attendu qu'en établissant les actes de délivrance des legs sans se préoccuper de la quotité disponible, en n'attirant pas l'attention de l'héritier réservataire sur ce point, et en ne lui indiquant pas qu'il était nécessaire de procéder à la réduction des legs, M [V] a commis des fautes et engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [K] [I] et Mme [D] [I], M [J] et Mme [C] ;

Attendu qu'au titre de leur préjudice, ces deux derniers invoquent un préjudice moral, lié notamment à l'inquiétude d'un procès supporté à un âge avancé ; que ce préjudice doit donner lieu à une indemnité de 5000 euros ; que Mme [K] [I] et Mme [D] [I] sollicitent ensemble une indemnité de 150.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance subi depuis le 03 janvier 1993, sans expliciter davantage les éléments constitutifs de leur préjudice ; que compte tenu de ce qui précède, elles ne peuvent invoquer un préjudice de jouissance au titre des biens léguées à la commune de Martiques; que leur préjudice, constitué par les troubles de jouissance entraînés par les vicissitudes de la longue procédure qu'elles subissent, doit être réparé par une indemnité de 5.000 euros;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant dans les limites de la cassation,

Déclare irrecevable l'action engagée à l'encontre de M [X] [L] et de M [T] [L],

Réforme le jugement entrepris,

Déboute M [A], Mme [K] [I] et Mme [D] [I], M [J] de leurs demandes dirigées contre la commune de [Localité 13],

Déboute M [A] de sa demande de réduction des legs,

Dit n'y avoir lieu de renvoyer les parties devant un notaire e, vie de l'établissement d'un nouvel était liquidatif,

Déboute M [A] de ses demandes contre M [V],

Condamne M [V] à payer :

- à Mme [C], la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts,

- à M [J], la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts,

- à Mme [K] [I] et Mme [D] [I] ensemble la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts,

Condamne M [V] à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- à M [J], la somme de 2.000 euros,

- à Mme [C], la somme de 2.000 euros,

- à Mme [K] [I] et Mme [D] [I] la somme de 2.000 euros,

Condamne Mme [K] [I] et Mme [D] [I] à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- à M [A], la somme de 2.000 euros,

- à la commune de [Localité 13], la somme de 2.000 euros,

- à M [T] [L], la somme de 2.000 euros,

- à M [X] [L], la somme de 2.000 euros,

Rejette les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M [V] aux dépens de première instance et d'appel envers M [J], Mme [C] et Mme [K] [I] et Mme [D] [I], avec droit de recouvrement direct par Maître Rose, la Scp Laffly et associés, Maître Biagi, avocats,

Condamne Mme [K] [I] et Mme [D] [I] au surplus des dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct par Maître Laetitia Edouard-Klimine et la Scp Vincent Descout, avocats.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/06534
Date de la décision : 04/03/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/06534 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-04;13.06534 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award