La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2014 | FRANCE | N°12/07290

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 21 janvier 2014, 12/07290


R.G : 12/07290









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 28 août 2012



RG : 11/01315

ch n°





[F]



C/



[Q]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 21 Janvier 2014







APPELANT :



M. [Z] [F] ancien notaire associé de la SCP RIVON MERLE DUREUX dont le s

iège est [Adresse 1]



[Adresse 2]

[Localité 2]







Représenté par Me Roger TUDELA de la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON





INTIMEE :



Mme [L] [Q]

née le [Date na...

R.G : 12/07290

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 28 août 2012

RG : 11/01315

ch n°

[F]

C/

[Q]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 21 Janvier 2014

APPELANT :

M. [Z] [F] ancien notaire associé de la SCP RIVON MERLE DUREUX dont le siège est [Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Roger TUDELA de la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Mme [L] [Q]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5] (Ain)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Séverine DEBOURG, avocat au barreau de L'AIN

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Septembre 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Décembre 2013

Date de mise à disposition : 21 Janvier 2014

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocat dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l'audienceJean[P] [H] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Pierre BARDOUX, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

A la suite de leur divorce prononcé par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse par jugement du 21 novembre 1994, Mme [Q] et M. [O] ont saisi M [F], notaire, afin qu'il établisse un état liquidatif de la communauté. Par acte des 24 mars et 18 avril 1998, ce dernier a établi que l'actif communautaire était composé uniquement d'un bien immobilier situé à Saint André de Bage évalué à 464.000 francs, soit 70.736 euros, que le passif communautaire correspondant au solde de l'emprunt immobilier s'élevait à 84.000 francs, soit 12.806 euros, que par conséquent, les droits de chacun des époux s'élevaient à 190.000 francs, soit 28.965,31 euros, et que le bien immobilier était attribué à Mme [Q], qui en avait la jouissance depuis l'ordonnance de non conciliation du 2 décembre 1997, à charge pour elle de solder le passif et de verser à M. [O] une soulte de 190.000 francs, soit 28.965 euros, payée comptant par la comptabilité du notaire.

Par jugement en date du 10 février 2005, confirmé par arrêt du 14 juin 2007, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a, sur assignation de M. [O], annulé l'acte de partage rédigé par M [F], en raison de l'insanité d'esprit de M [O]. Par jugement du 7 mars 2011, le tribunal a homologué l'état liquidatif de M [Y], notaire désigné pour établir un nouvel état liquidatif, a fixé la valeur du bien immobilier à la somme de 200.000 euros et a mis à la charge de Mme [Q] une indemnité d'occupation de 500 euros par mois à compter du 2 décembre 1997, date de l'ordonnance de non conciliation, jusqu'à la date du partage. Le jugement a été confirmé par un arrêt du 9 juillet 2012, qui a cependant actualisé la valeur de l'immeuble à 216 900 euros.

Par exploit d'huissier en date du 4 avril 2011, Mme [Q] a fait assigner M [F] pour le voir déclarer responsable de l'annulation de l'acte liquidatif de communauté qu'il a dressé les 24 mars et 18 avril 1998 et le condamner à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 28 août 2012, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a condamné M [F] à payer à Mme [Q] la somme de 142.103,38 euros en réparation de son préjudice ainsi que celle de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral.

M [F], appelant, conclut à l'infirmation du jugement, à l'absence de faute, au débouté de Mme [Q] et à la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par son action abusive.

Il soutient qu'aucune faute au sens de l'article 1382 du code civil ne lui est imputable concernant la signature de l'état liquidatif par M. [O]. A ce titre, il fait valoir qu'il a été requis par la volonté exprimée de ce dernier, que celui-ci a compris l'acte qui lui était présenté, qu'il n'était soumis à aucun régime de protection, que son médecin traitant a confirmé sa capacité à régulariser l'acte et que sa sortie d'hospitalisation est intervenue quelques mois seulement après la régularisation de l'acte, de sorte qu'aucun élément ne permettait d'avoir un doute sur sa capacité à signer l'acte. Il ajoute que l'annulation de l'acte ne permet pas à elle-seule de déduire une faute du notaire. Il précise que M. [O], alors qu'il était hospitalisé pour la même pathologie, a divorcé par jugement du 21 novembre 1994, formant en outre une demande reconventionnelle, ce qui prouve ses capacités de discernement. Il soutient que les décisions rendues les 10 février 2005 et 14 juin 2007 ne lui sont pas opposables et qu'il n'est nullement démontré que le 24 mars 1998, M [O] n'avait pas le discernement nécessaire pour comprendre l'acte qui était régularisé.

Il fait valoir que les préjudices invoqués par Mme [Q] ne présentent aucun lien de causalité avec la faute alléguée, de sorte que ne lui sont pas imputables :

- l'endettement résultant du paiement de la soulte à M. [O] d'une part parce que l'état des finances de Mme [Q] lui est étranger et d'autre part puisque la soulte payée en 1998 est déduite de celle restant due,

- l'augmentation de la soulte qui résulte uniquement de la réévaluation de la valeur du bien dans la mesure où celle retenue en 1998 a été confirmée par l'expertise de M. [G],

- le paiement d'une indemnité d'occupation dès lors que cela correspond à la contre-partie de la jouissance de l'immeuble et qu'en outre, si Mme [Q] ne s'était pas fait attribué le bien, elle aurait dû engager des frais pour son propre logement.

Sur le préjudice, il fait valoir que le jugement du 7 mars 2011 ne fait que rétablir les parties dans leurs droits, ce qui ne saurait constituer un préjudice indemnisable. En outre, il soutient que le calcul présenté par Mme [Q] est erroné, considérant que si l'immeuble est évalué à 200.000 euros, la soulte due à M. [O] serait de 100.000 euros, de laquelle il convient de déduire celle payée en 1998, ce dont il résulte la somme de 112.103,38 euros.

Mme [Q], intimée, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M [F], à sa réformation concernant le quantum des dommages-intérêts alloués, à la condamnation de M [F] à le relever et garantir de toutes les sommes qu'elle sera tenue de verser à M. [O] dans le cadre de la nouvelle procédure de liquidation du régime matrimonial, des frais de partage et des droits supplémentaires qu'elle devra régler ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Elle soutient que M [F] a commis une faute et manqué à son devoir d'information et de conseil. Elle fait valoir d'une part, qu'il n'a pas accompli les diligences nécessaires pour s'assurer de la capacité de M. [O] à régulariser l'acte et d'autre part qu'il ne l'a pas informée de l'éventualité d'octroi d'une indemnité d'occupation à ce dernier au titre de la jouissance de l'immeuble dont elle a profité à compter de l'ordonnance de non conciliation, comme en témoigne le défaut de mention relative à ces deux éléments dans l'acte. Elle ajoute que M [F] était tenu de vérifier la capacité de M. [O] à signer un tel acte, et qu'à ce titre, il aurait dû, en raison de l'hospitalisation antérieure et postérieure de M. [O], solliciter un certificat médical, ce qu'il prétend avoir fait sans justifier d'un tel document. Elle précise que l'acte ne mentionne pas expressément le lieu de régularisation par M. [O], à savoir le centre psychothérapique où il séjournait, ni le fait que les parties n'étaient pas ensemble au moment de leur signatures respectives.

Sur le lien de causalité, elle soutient qu'en raison de la faute de M [F] qui a causé l'annulation de l'acte des 24 mars et 18 avril 1998, elle a été contrainte de mettre en oeuvre une nouvelle procédure de liquidation du régime matrimonial, à des conditions financières différentes et qui lui préjudicient.

Sur l'évaluation de son préjudice, elle soutient que cette nouvelle procédure lui impose une importante augmentation de la soulte dont elle est redevable à l'encontre de son ex-mari et ce, en raison d'une augmentation de la valeur du bien, due notamment aux travaux qu'elle a elle-même réalisés et financés dans l'immeuble. Elle ajoute qu'aucune indemnité d'occupation n'aurait été mise à sa charge en l'absence d'annulation du premier état liquidatif, intervenue en raison de la faute de M [F] et qu'en outre, le montant de cette indemnité s'est trouvé considérablement accru en raison du retard pris dans les opérations de liquidation. Enfin, elle invoque un préjudice moral en raison des longues procédures judiciaires engendrées par la faute du notaire, sources d'inquiétude et d'angoisse.

MOTIFS

Attendu que Mme [Q] soutient en premier lieu que M [F] a manqué à ses obligations légales et commis une faute en n'indiquant pas le lieu exact de signature de l'acte; que cependant, ce grief n'est pas établi, dès lors que l'acte indique, en page 6, qu'il a été 'fait et passé' à [Localité 3] en Bresse, au centre psychothérapique le 24 mars 1998 pour M [O] et à [Localité 4] en l'office notarial le 18 avril 1998 pour Mme [Q]; qu'en outre, le reproche est sans lien de causalité avec le préjudice invoqué, puisque l'acte n'a pas été annulé pour ce motif;

Attendu que l'arrêt du 14 juin 2007 ayant confirmé le jugement du 10 février 2005 n'a pas autorité de chose jugée à l'égard de M [F] qui n'était pas partie à la procédure et qui peut discuter l'absence d'insanité d'esprit de M [O] au moment de la signature de l'acte de partage; que l'appelant relève à juste titre que M [O] n'était soumis à aucun régime de protection, qu'il a divorcé par jugement du 21 novembre 1994, en formulant une demande reconventionnelle, alors qu'il était déjà hospitalisé pour la même affection depuis le 9 février 1993, et que sa sortie d'hospitalisation est intervenue quelques mois après la régularisation de l'acte critiqué, ce qui laisse apparaître qu'il se trouvait alors dans une phase d'amélioration de son état; que Mme [Q] ne produit aucune pièce permettant d'apprécier l'état de santé de M [O] au moment de l'acte litigieux, ni d'ailleurs au cours des périodes antérieures ou postérieures; qu'en conséquence, il doit être considéré qu'aucun élément n'établit l'insanité d'esprit de ce dernier lors de la signature de l'acte; que la responsabilité du notaire, qui ne peut découler automatiquement de l'annulation de l'acte prononcée par l'arrêt du 14 juin 2007, n'est dès lors pas engagée à ce titre;

Attendu que Mme [Q] reproche en outre au notaire de n'avoir inséré dans l'acte liquidatif aucune mention relative à une éventuelle indemnité d'occupation, et de ne pas avoir attiré son attention sur ce point; que cependant, l'éventuel manquement du notaire à son devoir de conseil à cet égard ne pouvait qu'engendrer des conséquences favorables pour Mme [Q], puisqu'en cas de fixation d'une indemnité d'occupation, elle en aurait été la débitrice, alors que M [O] ne formulait alors aucune demande de cette nature; que dès lors qu'il est retenu que la responsabilité du notaire n'est pas engagée au titre de l'annulation de l'acte, Mme [Q] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice en lien de causalité avec un éventuel manquement du notaire à son devoir de conseil sur l'indemnité d'occupation;

Attendu en conséquence, que par réformation du jugement, Mme [Q] doit être déboutée de ses demandes;

Attendu que M [F] n'établit pas que Mme [Q] a diligenté la procédure à son encontre de manière abusive;

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [Q] de ses demandes,

Déboute M [F] de sa demande de dommages intérêts,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Q] aux dépens de première instance et d'appel,

avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct par la Scp Tudela et associés, avocat.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 12/07290
Date de la décision : 21/01/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°12/07290 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-21;12.07290 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award