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05/11/2013 | FRANCE | N°13/03181

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 05 novembre 2013, 13/03181


R.G : 13/03181









Décisions :

- du Tribunal de Grande Instance de VALENCE du 23 septembre 2008

- cour d'appel de Grenoble en date du 3 octobre 2011

- de la cour de Cassation en date du 16 janvier 2013









COMMUNE DE [Localité 2]



C/



SCI L'ALLEXOISE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 05 Novembre 2013





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APPELANTE :



COMMUNE DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Marine BERTHIER, avocat au barreau de LYON

assistée par Me GABET, avocat au barreau de VALENCE







INTIMEE :



SCI L'ALLEXOISE

[Adre...

R.G : 13/03181

Décisions :

- du Tribunal de Grande Instance de VALENCE du 23 septembre 2008

- cour d'appel de Grenoble en date du 3 octobre 2011

- de la cour de Cassation en date du 16 janvier 2013

COMMUNE DE [Localité 2]

C/

SCI L'ALLEXOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 05 Novembre 2013

APPELANTE :

COMMUNE DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Marine BERTHIER, avocat au barreau de LYON

assistée par Me GABET, avocat au barreau de VALENCE

INTIMEE :

SCI L'ALLEXOISE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Aurélie BABOLAT, avocat au barreau de LYON

assistée par Me Roland DARNOUX, avocat au barreau de Valence

******

Date de clôture de l'instruction : 24 Septembre 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 1er Octobre 2013

Date de mise à disposition : 05 Novembre 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Stéphanie JOSCHT, vice-présidente placée

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par acte authentique du 14 novembre 1990, la commune de [Localité 2] a consenti à la SCI l'Allexoise un contrat de crédit-bail immobilier, en exécution d'une délibération du conseil municipal du 24 septembre 1990 autorisant le maire à signer un contrat de bail commercial. En raison du défaut de paiement des loyers, la commune [Localité 2] a obtenu par ordonnance de référé du 21 avril 2004, la constatation de la résolution du contrat aux torts de la SCI l'Allexoise et la condamnation de cette dernière à verser la provision de 73.971,13 euros à valoir sur les loyers échus et une indemnité d'occupation mensuelle de 2.219,59 euros jusqu'à la libération des lieux.

Par acte d'huissier du 6 septembre 2007, la SCI l'Allexoise a assigné la commune de [Localité 2] devant le tribunal de grande instance de Valence aux fins de prononcer la nullité du contrat de crédit-bail et le remboursement des loyers versés, au motif de l'absence d'autorisation délivrée au maire par le conseil municipal pour conclure un tel contrat.

Par jugement du 23 septembre 2008, le tribunal a prononcé la nullité du contrat de crédit-bail, en conséquence, a condamné la commune de [Localité 2] à payer à la SCI l'Allexoise la somme de 120.700 euros correspondant aux loyers versés et a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par le SCI l'Allexoise pour manquement à l'obligation de conseil de la commune de [Localité 2].

Par arrêt du 3 octobre 2011, la cour d'appel de Grenoble a infirmé le jugement, sauf en ce qui concerne le rejet de la demande en dommages-intérêts, et a déclaré irrecevable l'action en nullité au motif qu'étant édictée au seul profit de la commune de [Localité 2], elle ne pouvait être invoquée par la SCI l'Allexoise.

Par arrêt du 16 janvier 2013, la première chambre civile de la cour de cassation a cassé l'arrêt au visa des articles 1108 du code civil et L2121-29, L2122-21 et L2131-1 du code général des collectivités territoriales au motif que la méconnaissance des dispositions d'ordre public relatives à la compétence de l'autorité signataire du contrat conclu au nom de la commune est sanctionnée par une nullité absolue, en sorte qu'elle peut être invoquée par toute personne justifiant d'un intérêt légitime à agir. La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Lyon.

Après saisine de la cour de renvoi, la commune de [Localité 2], appelante, conclut à la réformation du jugement, à la forclusion et au débouté de la SCI l'Allexoise. A titre subsidiaire, elle conclut à la condamnation de la SCI l'Allexoise à procéder à une restitution par équivalent prenant la forme d'une indemnité d'occupation due pour la période d'occupation des lieux.

La commune de [Localité 2] invoque la renonciation tacite de la SCI l'Allexoise à se prévaloir de la nullité du contrat. A ce titre, elle fait valoir que les causes de nullité soulevées existaient dès la conclusion du contrat et auraient pu être soulevées auparavant, que la société l'Allexoise a exécuté le contrat pendant huit ans, de 1990 à 1998, et que la nullité n'est invoquée que pour tenter d'échapper à ses obligations.

A titre subsidiaire, elle soutient que la nullité, en ce qu'elle consiste en un anéantissement rétroactif du contrat, entraîne la restitution des prestations réciproques des parties, que si la restitution des loyers peut se faire en nature, la restitution de la jouissance des lieux loués ne peut se faire que par équivalent. Elle sollicite par conséquent la détermination d'une indemnité d'occupation pour l'ensemble de la durée d'occupation des lieux par la SCI l'Allexoise, à savoir du 15 novembre 1990 au 27 mai 2004, soit à hauteur de 198.038,37 euros par référence au montant du loyer stipulé dans le contrat annulé, soit à hauteur de 264.010,60 euros par rapport aux pratiques en matière de locations commerciales. En tenant compte de la somme de 120.700 euros déjà versée par la SCI l'Allexoise au titre des loyers, elle fait valoir un solde en sa faveur de 77.338,37 euros dans la première hypothèse ou de 143.310,60 euros dans la seconde.

La SCI l'Allexoise, intimée, conclut à la confirmation du jugement, au débouté de la commune de [Localité 2] et à sa condamnation à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la nullité du contrat de crédit-bail.

Tout d'abord, elle fait valoir sa qualité à agir en ce qu'elle invoque la nullité absolue du contrat, qui n'est pas une action attitrée, ainsi que la violation des règles d'ordre public édictées par les articles L2121-29, L2122-21 et L2131-1 du code général des collectivités territoriales dont la violation peut être opposée par tout intéressé.

Sur le fondement de l'article 1108 du code civil, elle invoque l'inexistence du contrat, conséquence de l'erreur obstacle découlant du défaut de rencontre des volontés dans la mesure où elle consentait à un contrat de crédit bail alors que la commune avait consenti à un contrat de bail commercial. A ce titre, elle fait valoir que la délibération du 24 septembre 1990 donnait autorisation de signature au maire exclusivement pour un contrat de bail commercial et non pour un contrat de crédit bail. Elle invoque en outre le défaut de pouvoir du maire puisque la délibération n'était pas exécutoire au jour de la signature du contrat, à savoir le 14 novembre 1990, puisqu'en application de l'article L2131-1 du code général des collectivités territoriales, elle ne pouvait l'être qu'à compter de la transmission au représentant de l'Etat qui, en l'espèce, n'est intervenue que le 20 novembre 1990.

Partant, elle se prévaut de la nullité absolue du contrat de crédit bail qui n'est susceptible d'aucune confirmation ou ratification. Sur le fondement de l'article 2262 ancien du code civil, elle fait valoir que son action se prescrit par trente ans à compter de la conclusion de l'acte en question et qu'en l'espèce, elle n'est pas prescrite.

Sur les conséquences de la nullité, elle rappelle qu'en présence d'un crédit bail, l'indemnité d'occupation n'est due qu'en cas de défaut d'évacuation des lieux par le crédit preneur après l'expiration ou la résiliation du crédit bail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle fait valoir que la cour de cassation définit le contrat de crédit bail comme une opération juridique à finalité acquisitive, ce qui le rapproche d'un contrat de vente et qui doit être prise en compte dans la détermination des restitutions consécutives à la nullité du contrat. A ce titre, elle soutient que la jurisprudence de la cour de cassation refusant, en cas d'annulation d'un contrat de vente immobilière, le bénéfice d'une indemnité d'occupation au profit de l'acheteur est applicable en matière de crédit bail, et que partant, la nullité du contrat de crédit bail n'entraîne pas l'obligation de versement d'une indemnité d'occupation par le crédit preneur mais implique uniquement la restitution des loyers versés au profit du crédit bailleur. Elle rappelle notamment que si elle a eu la jouissance des biens loués, la comme de [Localité 2] a eu la jouissance des sommes versées au titre des loyers.

Elle soutient enfin que les raisons de la nullité du contrat sont imputables à la commune qui a engagé sa responsabilité par son comportement fautif lors de la conclusion du contrat. Elle invoque un préjudice à hauteur de 100.000 euros en raison du manque à gagner et de la perte du bâtiment qu'elle n'est plus capable de financer.

MOTIFS

Attendu qu'en application des articles L 2121-29, L 2122-21 et L 2131-1 du code général des collectivités territoriales, le maire ne peut signer un contrat de crédit-bail au nom de la commune qu'en exécution d'une délibération du conseil municipal l'autorisant à passer un tel acte; que par ailleurs, les délibérations du conseil municipal ne sont exécutoires qu'après leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement;

Attendu que la méconnaissance des dispositions d'ordre public relatives à la compétence de l'autorité signataire d'un contrat conclu au nom de la commune est sanctionnée par la nullité absolue, qui peut être invoquée par toute personne justifiant d'un intérêt légitime à agir; que l'action en nullité est soumise à la prescription trentenaire;

Attendu en l'espèce, que le maire de la commune de [Localité 2] a, par acte authentique du 14 novembre 1990 conclu avec la Sci l'Allexoire un contrat de crédit-bail immobilier en exécution d'une délibération du conseil municipal du 24 septembre 1990; que cette délibération n'autorisait que la signature d'un contrat de bail commercial sur les biens immobiliers, et non celle d'un contrat de crédit-bail immobilier; qu'en outre, la délibération du conseil municipal n'était pas exécutoire au jour de la signature du contrat, puisqu'elle n'a été transmise à la préfecture de la Drôme que le 20 novembre 1990; que la Sci l'Axelloise, qui en sa qualité de cocontractant a qualité et intérêt à agir, et qui a assigné la commune dans les délais de la prescription, est fondée à solliciter la nullité du contrat;

Attendu que la nullité du contrat de crédit-bail emporte l'effacement rétroactif de celui-ci, les parties devant être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de l'acte annulé;

Attendu que le crédit-bail immobilier a pour objet essentiel de permettre au preneur d'acquérir la propriété d'un immeuble à l'expiration du contrat, par le versement de paiements échelonnés; que l'annulation du contrat doit conduire le bailleur à restituer les loyers perçus et le crédit-preneur à restituer le bien immobilier; que les parties admettent que la Sci a versé la somme de 120 700 euros à titre de loyers qui doit être restituée à la commune;

Attendu qu'à l'appui de sa demande d'indemnité d'occupation, cette dernière soutient que la Sci l'Allexoise sera dans l'incapacité de lui restituer la jouissance des locaux dont elle a bénéficié et l'avantage qu'elle en a tiré, et qu'en cas de restitution impossible, la cour doit ordonner une restitution en équivalent sous forme d'une indemnité; que cependant, du fait de la restitution de son bien immobilier, la commune, qui a eu la jouissance des loyers versés, fixés à un montant élevé dans le cadre d'un contrat de crédit-bail à la finalité d'acquisition de l'immeuble, ne subit pas d'appauvrissement et n'est pas fondée obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation du contrat ; que par ailleurs, seule la partie de bonne foi peut demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi; que la Sci l'Allexoise n'a pas adopté de comportement fautif à l'égard de la commune; que la demande d'indemnité d'occupation doit être rejetée;

Attendu que la Sci l'Allexoise qui va obtenir la restitution des loyers versés et qui a pu occuper le bâtiment durant huit ans, ne démontre pas l'existence d'un préjudice découlant de la nullité du contrat, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Condamne la commune de [Localité 2] à payer à la Sci l'Allexoise la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la commune de [Localité 2] présentée sur ce fondement,

Condamne la commune de [Localité 2] aux dépens, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/03181
Date de la décision : 05/11/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/03181 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-05;13.03181 ?
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