R.G : 12/06728
Décisions :
- du Tribunal de Grande Instance de VALENCE du 21 septembre 2004
- de la cour d'appel de Grenoble en date du 28 novembre 2006
- de la cour de Cassation en date du 30 septembre 2008
- du 16 novembre 2010 de la cour d'appel de Grenoble sur renvoi après Cassation,
- du 10 juillet 2012 de la cour de Cassation
[C]
C/
Caisse de Crédit Mutuel CREDIT MUTUEL DAUPHINE VIVARAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 15 OCTOBRE 2013
APPELANTE :
Mme [Z] [C] veuve [V]
née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de LYON
assistée par la SCP KUHN avocats au barreau de Paris
INTIMEE :
CREDIT MUTUEL DAUPHINE VIVARAIS
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par la SELARL REBOTIER ROSSI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
assistée de Me PALACCI avocat au barreau de Valence
******
Date de clôture de l'instruction : 12 Avril 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Mai 2013
Date de mise à disposition : 11 Juin 2013 prorogé au 17 septembre 2013 puis au 15 octobre 2013 les avocats dûment avisés, conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Madame [Z] [C] veuve [V] ( Mme [V]) a souscrit auprès du Crédit Mutuel du Dauphiné Vivarais ( la banque) :
-le 22 novembre 1989 : 58 parts de la SCPI Pierre III au prix nominal de 5.200 francs, pour un total de 310.600 F,
-le 18 juillet 1990 : 18 parts de cette SCPI au prix nominal de 5.310 francs, pour un total de 95.580 F,
-le 12 novembre 1992 : 78 parts de SCPI PIERRE IV au prix nominal de 5100 francs soit 397.800 francs ( 60.644,22 € )
Pour financer cette troisième souscription, Mme [V] a souscrit le 2 décembre 1992 auprès de la banque un prêt de 397.800 francs prévoyant un remboursement sur dix ans au taux de 11,215 % l'an, remboursable in fine moyennant une échéance de 401.517,71 francs le 31 décembre 2002, Mme [V] remboursant jusqu'à cette date les intérêts prélevés trimestriellement.
Suivant les conseil de sa banque, Mme [V] a transféré le 12 juin 1996 la valeur des parts de la SCPI PIERRE IV sur un contrat de capitalisation PHILARMONIA PIERRE, dont le rendement dépendait également du cours de l'immobilier.
Courant juillet 1997, Mme [V] cessa de rembourser les échéances de son prêt et céda son contrat de capitalisation à un autre établissement financier sans en informer la banque, en juillet 1998, au prix de 310.528 francs ( 47.339 euros)
Soutenant avoir enregistré des pertes financières du fait d'un manquement de la banque à son obligation de conseil, Mme [V] a assigné la banque en indemnisation par acte du 27 juin 2002 devant le tribunal de grande instance de Valence.
Par jugement du 21 septembre 2004, le tribunal de grande instance de Valence a :
- dit que la société Crédit Mutuel n'avait commis aucune faute,
- débouté Mme [V] de ses prétentions et l'a condamnée à payer une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Par arrêt du 28 novembre 2006, la cour d'appel de Grenoble a infirmé le jugement du 21 septembre 2004 et a condamné la banque à payer à Madame [V] :
- la somme de 160 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
- la somme de 10.000 € e réparation de son préjudice moral,
- et celle de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
La Cour de Grenoble a retenu que la caisse avait commis une faute en proposant à sa cliente l'acquisition de nouvelles parts de SCPI, titres dont la rentabilité était affectée en plein par la crise immobilière et dont le caractère spéculatif était largement aggravé par le Krach immobilier de 1991.
Par arrêt du 30 septembre 2008, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée.
La Cour a fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi décidé sans préciser en quoi, les parts de la SCPI présentaient, à la date de leur acquisition en décembre 1992, un caractère spéculatif, lequel aurait été aggravé par le Krach immobilier de 1991.
Par arrêt du 16 novembre 2010, la cour d'appel de Grenoble sur renvoi de cassation, a infirmé le jugement du le tribunal de grande instance de Valence du 21 décembre 2004 et a condamné la banque à payer à Mme [V] la somme de 95.091,38 € au titre des pertes directes et celle de 75.000 € au titre de la perte de chance outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt avec capitalisation des intérêts.
La Cour de Cassation par arrêt du 10 juillet 2012 , statuant sur le pourvoi de la société Crédit Mutuel formé à l'encontre de cet arrêt, a jugé en ces termes :
Sur le premier moyen :
Attendu que la caisse reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle a commis une faute et de l'avoir condamné à payer diverses sommes avec capitalisation au titre des pertes indirectes et de la perte d echance après avoir rejeté l'exception invouée par celle-ci ainsi que ses autres demandes, alors selon le moyen (...)
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le coût financier du prêt et son mode de remboursement dépendaient en réalité de la plus-value des placements SCPI souscrits eux mêmes en garantie de ce même prêt, l'arrêt retient que ce mode de financement était nécessairement soumis à un aléa, à savoir celui d'une rentabilité dépendant uniquement de placements et de valeurs immobilières, tandis que, dans le même temps, le marché immobilier s'était effondré, ce que n'ignorait pas la banque ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le remboursement devait être fait en fonction des gains acquis, peu important que ces appréciations ressortent du contrat de prêt ou de stipulations contractuelles, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé, d'un côté, que c'est sur les seuls conseils de la caisse qu'à la suite du décès de son mari, Mme [V] a envisagé de procéder aux placements des fonds provenant de l'héritage de celui-ci et, de l'autre, qu'au lieu de proposer une diversification des investissements à sa cliente, la caisse a, à l'inverse, fait seule le choix d'un investissement unique, à savoir celui d'un placement dépendant des seuls aléas du marché immobilier, l'arrêt retient que si Mme [V] avait été complètement informée des risques encourus, elle n'aurait pas à l'évidence accepté de souscrire à cette opération qui s'est avérée financièrement
désastreuse, contrairement aux prévisions de la caisse qui lui laissait espérer un rendement minimum de 6,5 % par an ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'information délivrée par la caisse à sa cliente de souscrire des parts de SCPI n'était pas cohérente avec l'investissement proposé et ne mentionnait pas les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés, la cour d'appel, abstraction faite du grief énoncé à la huitième branche qui est inopérant au regard de la faute reprochée à la caisse lors de la conclusion du prêt in fine en 1992, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que le manquement de la banque à l'obligation d'information à laquelle elle est tenue à l'égard de son client prive seulement celui-ci d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé ;
Attendu que, pour condamner la caisse à payer à Mme [V] 95 091,38 € au titre des pertes directes et 75 000 € au titre de la perte de chance, l'arrêt retient que Mme [V] a, du fait du comportement de la caisse, subi non seulement un préjudice résultant d'une perte de chance de voir ses fonds prospérer sur les titres qu'elle avait acquis en 1989 et 1990, mais également un appauvrissement avéré de son capital de départ lié à une perte de valeur nominale ainsi qu'à une obligation de rembourser un emprunt contracté inutilement, de sorte qu'elle doit être indemnisée à concurrence de la moins-value globale constatée sur l'ensemble des opérations financées ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2010.
Par requête du 17 septembre 2012, le conseil de Mme [V] a saisi la présente Cour .
Mme [V] demande à la cour :
- d'infirmer intégralement le Jugement du Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 24 septembre 2004,
Et statuant à nouveau,
- de dire et juger qu'elle est recevable en ses demandes contre la caisse du Crédit mutuel Dauphiné Vivarais,
- de dire et juger que le Crédit Mutuel a commis des fautes au titre de son devoir de conseil,
- de condamner le Crédit Mutuel à lui payer la somme de 241.486,12 € à titre de dommages et intérêts au titre des pertes de chance susvisées, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'Article 1154 du code civil,
- de condamner le Crédit Mutuel à lui payer à la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- de condamner le Crédit Mutuel aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître [H] [G], Avocat qui y a pourvu, conformément aux dispositions de l'Article 699 du CPC.
Madame [V] reproche à la banque d'avoir manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de sa cliente non avertie désirant placer les fonds issus de la succession de son mari lui faisant perdre en dix ans 50% de son capital :
-en lui ayant conseillé des placements dans l'immobilier à une période particulièrement défavorables avec un marasme immobilier déjà avéré en novembre 1992, ce que la banque ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel,
-en lui ayant conseillé de doubler grâce à un prêt les investissements opérés dans les supports SCPI de ses filiales lui faisant contracter des obligations de remboursement représentant pour les deux premières années 62 % et 92 % de son revenu net qu'elle ne pouvait manifestement rembourser avec des ressources limitées constituées d'une modeste rente alors qu'elle était sans profession, ce qui constituait par le remboursement in fine avec une charge d'emprunt supérieure au revenu global du placement et un coût annuel d'intérêt de 43.758 francs une opération risquée hautement spéculative et inadaptée à sa situation puisqu'elle était non imposable, sans la mettre en garde sur les risques de l'endettement dont la banque avait conscience en se garantissant par un nantissement du patrimoine de sa débitrice à hauteur de 600 000 francs,
-en ayant aggravé sa situation lui proposant de mauvaise foi de diversifier ses placements par la souscription d'un contrat de capitalisation qui n'était en réalité qu'un contrat entièrement adossé aux parts de SCPI immobilières de la banque assorti de frais à hauteur de 5% ne distribuant aucun revenu ce qui a conduit sa cliente à l'impossibilité de rembourser les mensualités du crédit alors que l'échec de l'opération était définitivement acquis dès l'origine avec l'impossibilité de rembourser le crédit au moyen d'un contrat ne distribuant par définition aucun intérêt et générant 5% de frais par an opérant décote de son capital.
Madame [V] fait valoir ensuite que si son préjudice doit être indemnisé sur la base de la seule perte de chance, cette perte de chance peut aboutir à une réparation intégrale lorsqu'il est démontré que le cocontractant, mieux informé se serait engagé différemment et n'aurait pas subi le préjudice dont il demande réparation.
Elle estime que son préjudice doit être indemnisé sur la base du manque à gagner :
-au titre de la perte de chance de voir ses propres fonds fructifier, soit une indemnité de 101 279,50 €, calculée sur la base d'un rendement moyen de 9% depuis la souscription des parts en 1989 et 1990 et la date de l'assignation,
-au titre de la perte d'une chance de voir les fonds empruntés fructifier, soit une indemnité de 31728,30 €, calculée sur la base d'un rendement moyen de 9% depuis la souscription en 1992 et la date de l'assignation en déduisant les intérêts du crédit et les intérêts perçus au titre des 78 parts de la SCPI PIERRE IV entre 1992 et 1998,
-au titre de la perte d'une chance de pouvoir éviter les pertes subies à hauteur de moitié de son capital en effectuant des placements dépourvus de risque, ce qui était le cas avant les conseils de la banque,
-soit la somme de 25003,66 € représentant la moins-value sur ses fonds propres par différence entre le capital à la souscription des parts SCPI PIERRE III et l'évaluation faite par le banque dans son dernier relevé du 18 janvier 2005,
-soit la somme de 13304,53 € représentant la moins-value sur les sommes empruntées par différence entre le remploi du capital prêté en souscription de 78 parts SCI PIERRE IV et la valeur de revente des parts en juin 1996 pour souscrire le contrat de capitalisation,
-soit la somme de 14695,93 € représentant la moins-value sur le coût du prêt par différence entre les sommes payées au titre des intérêts du prêt jusqu'en juin 1997 et les revenus du placement jusqu'en juin 1998.
Madame [V] demande en outre condamnation de la banque au paiement des sommes de:
- 5.449,79 € , représentant les frais indûment prélevés sur son compte bancaire en sus du nantissement,
- 24,23 € au titre des intérêts de retard prélevés au titre du solde débiteur de son compte bancaire lequel n'était dû qu'aux prélèvements injustifiés,
- 20.000 € représentant les revenus de parts de SCPI de 2500 € par an de 2005 à 2012 qui n'ont jamais été versés sur son compte,
- 20.000 € au titre du préjudice moral causé par la perte de ses actifs désormais entièrement absorbé par la dette à l'égard de la banque, par l'attitude de la banque qui ignore délibérément ses demandes de rachat des autres contrats, poursuit l'exécution du prêt et a inscrit une hypothèque judiciaire sur sa résidence principal constituant son seul actif.
La société Crédit Mutuel demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [V] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Crédit Mutuel soutient :
-que les souscriptions de 1989 et 1990 ne peuvent être remises en cause conformément à l'article L.110-4 du code de commerce contrairement aux prétentions de Mme [V] qui intègre les conséquences des trois souscriptions pour l'évaluation de son préjudice,
-que Mme [V] ne démontre pas le caractère spéculatif de l'opération qui ne peut se déduire d'un prétendu mobile spéculatif dépendant de la volonté de l'auteur de l'opération de sorte que faute d'opération spéculative, la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde,
-qu'aucun manquement au devoir de conseil et de mise en garde n'est établi à son encontre lors de la souscription des parts de SCPI qui procuraient en 1992 des revenus fonciers équivalents à un SMIC au moyen d'un emprunt prévoyant des remboursement de 3646 francs par mois compatible avec ses revenus déclarés de 16500 francs par mois dans le cadre de l'opération de défiscalisation des revenus fonciers souhaitée par la cliente au moyen de la déduction fiscale des intérêts dans le cadre d'un prêt amortissable,
-que la banque avait pris en compte la crise du secteur de l'immobilier dont les effets étaient acquis en 1992 puisqu'en octroyant un prêt in fine, elle permettait à Mme [V] de rembourser uniquement les intérêts et de se constituer une épargne en vue du remboursement du capital,
-que l'objectif d'exonération fiscale a été maintenu en 1996 lors de la souscription du contrat d'assurance vie PHILARMONIA PIERRE dont les perspectives semblaient plus heureuses que pour les parts de SCPI, ce contrat ayant une qualification "immobilier" permettant à Mme [V] de continuer à bénéficier des exonérations fiscales,
-qu'il était prévu que ce réinvestissement allait être revalorisé pour un montant de 324 846 francs (49 52 45 €) en 1997, 337 320 francs (51 424,10 €) en 1998, 369433francs (56319,70€) en 1999, 403125francs (61456,01 €) en 2000, 448 114 francs (68 314,54 €) en 2001 et une projection estimative pour la fin de l'année 2002 était de 484 000 francs (73 785,32 €),
-que Mme [V] ne peut prétendre que ce placement n'était pas judicieux puisqu'en cédant le contrat en février 1998 sans en avertir la banque, elle n'a pas bénéficié du rendement estimé à 484000 francs en 2002,
-que les placements financiers intrinsèquement aléatoires sont incompatibles avec toute idée de perte de chance d'autant qu'aucun revenu n'était garanti pas le contrat de sorte que Mme [V] devra être déboutée de l'intégralité de sa demande,
-qu'à titre subsidiaire, le préjudice causé par la perte de chance consiste à réparer le risque réalisé à son détriment en ne souscrivant pas l'opération projetée de sorte qu'il ne peut inclure les gains que cette opération ne lui ont pas procurés,
-que les chiffres réclamés démontrent le peu de sérieux des calculs puisque la réclamation représente quatre fois la somme investie de 60644,22 € et qu'il conviendrait de tenir compte des revenus perçus sur le placement et de la valeur liquidative fixée à 46110 € au 31 décembre 2012 pièce 6,
-que Mme [V] a contribué à la réalisation de son préjudice en réalisant les titres litigieux avant terme,
-que ses calculs financiers sur les pertes de revenus vont au delà de 1996 sans aucune justification et intègrent à tort les conséquences des placements de 1989 et 1990,
-que les prélèvements effectués sur le compte sont venus en déduction de la dette et n'ont pas été contestés durant de longues années de sorte que leur répétition est exclue,
-que sa prétention à réparation d'un préjudice moral formée pour la première fois devant la cour de renvoi est prescrite en application de l'article L.110-4 du code de commerce si les conséquences du prêt de 1992 en sont à l'origine ce qui est difficile à déchiffrer à la lumière des explications confuses de l'appelante,
-que les actions en justice de la banque ont toujours été reconnues fondées et ne peuvent donc fonder un préjudice alors que Madame [V] se reconnaît débitrice de 669890 francs au titre du solde du prêt de 1992.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la prescription de l'action au titre des souscriptions de parts en 1989 et 1990
L'article L.110-4 du code de commerce en application du droit en vigueur avant la réforme de la prescription opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans.
La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
Le dommage invoqué par Mme [V] à l'occasion des investissements du 22 novembre 1989 et du 18 juillet 1990 consiste en une perte de chance de pas contracter et se manifeste ainsi dès la souscription des parts de SCPI de sorte que l'action engagée le 27 juin 2002 est prescrite.
La demande d'indemnisation de Madame [V] de ce chef sera rejetée.
2) Sur la responsabilité de la banque
Il résulte des pièces produites que le coût financier du prêt souscrit le 2 décembre 2002 ( 11%) et son mode de remboursement ( l'emprunteur ne remboursant que les intérêts, l'échéance unique fixée au 31 décembre 2012 étant garantie par la valeur du bien acquis) dépendaient de la plus-value des placements SCPI souscrits concomitamment en garantie de ce même prêt.
Ce mode de financement était nécessairement soumis à un aléa, à savoir celui d'une rentabilité dépendant uniquement de placements et de valeurs immobilières, tandis que, dans le même temps, le marché immobilier avait depuis 1991 commencé sa chute, ce que n'ignorait pas la banque.
Le remboursement devait être fait en fonction des gains acquis, peu important que ces appréciations ressortent du contrat de prêt ou de stipulations contractuelles .
Un tel montage par lequel une personne emprunte 100% du montant des parts sociales de SCPI dans l'unique but de réaliser au terme du prêt in fine un profit financier dont la réalisation dépend du marché de l'immobilier, est spéculatif.
Or en l'espèce, c'est sur les seuls conseils de la caisse qu'à la suite du décès de son mari, Mme [V] a envisagé de procéder aux placements des fonds provenant de l'héritage de celui-ci .
Le dossier de demande de prêt, annoté par la banque avec la mention d'une charge annuelle de remboursement des intérêts du prêt de 44.000 francs annuels « réglés par les revenus fonciers procurés par les 800 KF de SCPI soit environ 48.000 francs soit une opération blanche », ne pouvait que renforcer la cliente dans sa croyance d'une opération sans risque financier.
En effet, les revenus des " SCPI PIERRE IV ", n'ont jamais dépassé 8,43 % et ne pouvaient en conséquence permettre d'équilibrer le remboursement du prêt au taux de 11% .
Il en résulte que l'information délivrée par la société Crédit Mutuel à sa cliente n'était pas cohérente avec l'investissement proposé et ne mentionnait pas les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés ainsi que leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de Mme [V].
Ce manquement de la Caisse à son obligation d'information lors de la souscription des parts de SCPI le 12 novembre 1992 et lors de la souscription de l'emprunt corrélatif, engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de Madame [V], totalement profane.
Au lieu de proposer une diversification des investissements à sa cliente comme par exemple des placements assurant un revenu régulier permettant de faire face aux échéances du prêt, la banque a, à l'inverse, fait seule le choix d'un investissement dépendant toujours des seuls aléas du marché immobilier et ne procurant pas de revenus disponibles .
Il convient donc de constater que la banque a commis des manquements a ses obligations contractuelle d'information et de conseil et en conséquence d'infirmer le jugement déféré.
4) Sur le préjudice
* sur la perte de chance et son évaluation
Le manquement de la banque à l'obligation d'information à laquelle elle est tenue à l'égard de son client prive seulement celui-ci d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé .
Mme [V] a en l'espèce perdu une chance de n'avoir pas été mise mesure de refuser le montage financier proposé par la banque consistant d'une part à emprunter un capital pour le réinvestir en totalité dans l'acquisition le 12 novembre 1992 de 78 parts de la SCPI PIERRE IV.
Il convient de retenir que la baisse du marché de l'immobilier a débuté dès 1991.
Cependant cette baisse ne présageait pas de manière certaine en novembre 1992 la survenance d'un «krach immobilier», lequel a débuté seulement un an auparavant, et ne s'est révélé dans toute son ampleur qu'au fil du temps.
Ainsi, la perte de chance pour Mme [V] de ne pas souscrire à des produits financiers adossés au marché de l'immobilier ne peut être supérieur à 50 % dès lors que la souscription de valeurs immobilières même en tendance baissière ne constituait pas une aberration eu égard à la moindre volatilité reconnue de ces valeurs et eu égard à la durée du placement envisagé ( 10 ans) , alors qu'en moyenne, sur le moyen et le long terme , le marché de l'immobilier n'a jamais cessé de progresser.
* Sur la liquidation du préjudice
La perte de chance doit s'appliquer sur le préjudice de Mme [V] résultant du bilan de l'opération au regard de ce qu'aurait été sa situation actuelle si elle n'avait pas adhéré au montage proposé par la banque en 1992.
Dans cette hypothèse , n'ayant pas souscrit le prêt :
- Mme [V] n'aurait pas eu à prélever sur ses avoirs personnels les sommes nécessaires pour compléter le différentiel entre les revenus du placement et le montant des échéances d'intérêts trimestriels du prêt,
- elle ne serait pas redevable du solde du prêt qui lui est réclamé par la banque,
- elle n'aurait pas été confrontée aux importantes perturbations dans sa vie personnelle occasionnées par les conséquences de ces placements désastreux.
En revanche :
- elle n'aurait eu aucun capital à placer en 1992,
- et n'aurait pas récupéré la somme de 47.339 € provenant de la cession de son contrat Philarmonia, somme provenant intégralement du prêt, que par hypothèse elle n'aurait pas souscrit.
En conséquence, au vu des pièces produites par les parties, le préjudice sera liquidé de manière suivante :
- sommes restant dues sur le prêt immobilier : 102.124 €
*à déduire capital revenu à Mme [V] suite à revente du produit «Philarmonia» en juillet 1998 ( 47 339 €) pris pour sa valeur 2013 au terme d'un placement en bon père de famille, estimé à 80.000 €.
Soit : 102.124 - 80.000= 22.124 € .
- différence entre les sommes payées au titre des intérêts du prêt jusqu'en juin 1997 et les revenus du placement jusqu'en juin 1998, soit la somme de 14.695 € .
- préjudice moral : Mme [V], veuve, retraitée, profane, a été confrontée à de graves difficultés financières, et judiciaires justifiant l'allocation d'une somme de 10.000 € de dommages et intérêts.
Total du préjudice: 22.124 + 14.695 + 10.000 € = 46.819 € ( arr 46.820 €)
En revanche, ne peuvent être retenus :
- le préjudice invoqué au titre de la perte de chance de voir ses propres fonds fructifier, soit une indemnité de 101 279,50 €, calculée sur la base d'un rendement moyen de 9% depuis
la souscription des parts en 1989 et 1990 et la date de l'assignation, cette demande étant prescrite,
-au titre de la perte d'une chance de voir les fonds empruntés fructifier et de pouvoir éviter les pertes subies à hauteur de moitié de son capital en effectuant des placements dépourvus de risque, dès lors que Mme [V], pleinement informée n'aurait pas eu à emprunter en 1992 et n'aurait donc pas eu à sa disposition de capital à placer ni à cette époque ni en 1996.
En conclusion il convient de condamner la banque à payer à Mme [V] la somme de 46 820 : 2 = 23.410 €
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
la Cour,
Infirme le jugement du 21 septembre 2004 rendu par le tribunal de grande instance de Valence,
- Vu l'assignation du 27 juin 2012, déclare prescrite l'action de Mme [Z] [C] veuve [V] à l'encontre de la société Crédit Mutuel relativement aux placement souscrits courant 1989 et 1990, comme ayant été engagée plus de 10 ans après le manquement au devoir d'information,
- Dit que la société Crédit Mutuel du Dauphiné Vivarais a manqué à son obligation d'information à l'égard de sa cliente, Mme [Z] [C] veuve [V], à l'occasion du montage financier des 12 novembre 1992 et 2 décembre 1992, ainsi que lors de la restructuration de son placement SCPI PIERRE IV vers le contrat de capitalisation PHILARMONIA PIERRE en 1996,
- Déclare la société Crédit Mutuel du Dauphiné Vivarais responsable des préjudices subi par Mme [V] résultant de ces manquements,
- Dit que le la perte de chance subie par Mme [Z] [V] de ne pas adhérer en 1992 au montage financier proposé par la banque est de 50%,
- Condamne la société Crédit Mutuel du Dauphiné Vivarais à payer à Mme [Z] [C] veuve [V] la somme de 23 410 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2002, les intérêts étant capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil , outre la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamne la société Crédit Mutuel du Dauphiné Vivarais aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître [H] [G],
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT.