R.G : 12/01650
Décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE
Au fond
du 26 janvier 2012
RG : 10/01978
ch n°
[D]
SCI SR
C/
[Q]
SCI DUPLO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET du 15 octobre 2013
APPELANTS :
M. [Z] [D]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 4] (74)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assisté par la SELAS RIERA-TRYSTRAM-AZEMA, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
SCI SR
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assistée par la SELAS RIERA-TRYSTRAM-AZEMA, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
INTIMES :
M. [M] [P] [Q]
né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocat au barreau de LYON
assisté par Me Laurence BORNENS de la SELARL IXA, avocat au barreau D'ANNECY
SCI DUPLO
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
représentée par Selarl FAVRE DUBOULOZ COFFY, avocat au barreau de THONON LES BAINS
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Date de clôture de l'instruction : 06 Mars 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Mai 2013
Date de mise à disposition : 25 Juin 2013 prorogé au 17 septembre 2013 puis au 15 octobre 2013 les avocats dûment avisés, conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 17 novembre 1994, Messieurs [Z] [D] et [M] [Q] ont constitué une société civile immobilière SR dont le capital social était détenu par moitié entre eux et dont ils étaient co-gérants.
La SCI SR a acquis un ensemble immobilier situé [Adresse 3] vendu le 1er août 2005 à la SCI DUPLO.
Par arrêt du 16 mars 2010, la cour d'appel de Chambéry a notamment annulé la cession de parts sociales de la SCI SR par Monsieur [Q] à la fille de M [D], annulé la vente du 1er août 2005 de la SCI SR à la SCI DUPLO et débouté la SCI DUPLO de sa demande de remboursement du prix de la vente et des travaux, considérant que la preuve n'était pas rapportée du paiement du prix et de travaux par cette société.
Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt par M [Q] et la SCI DUPLO.
Par acte notarié du 1er avril 2010, M [Q] et la SCI DUPLO ont régularisé, d'une part, un nantissement des parts sociales détenues par le premier en garantie du remboursement de la somme d'un million d'euros et, d'autre part, une promesse de cession de parts à M [V] [J], gérant de la SCI DUPLO, si le pourvoi en cassation de celle-ci était rejeté, après fixation du prix des parts à dire d'expert conformément à l'article 1843-4 du code civil.
Par acte d'huissier du 20 avril 2010, M [D] et la SCI SR ont assigné M [Q] et la SCI DUPLO devant le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse en annulation de ces actes et mainlevée du nantissement des parts sociales publié au greffe du tribunal de commerce de Thonon les Bains outre indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 26 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a déclaré recevable la demande, a débouté M [D] et la SCI SR de leurs demandes et les a condamné in solidum à payer à M [Q] et la SCI DUPLO, chacun, la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les défendeurs de leur demande pour action abusive.
La SCI SR et M [Z] [D] ont interjeté appel aux fins de réformation du jugement, sauf en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Ils demandent à la cour sur le fondement des articles 1349 et suivants, 1131, 1166 et 1167, 1867 et suivants du code civil, l'annulation des actes de nantissement et de promesse de cession de parts sociales et la mainlevée du nantissement et la condamnation de M [Q] et la SCI DUPLO à leur payer la somme de 6000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, ils demandent de déclarer inopposables les dits actes.
Ils font valoir :
-que nonobstant l'effet relatif des conventions, ils sont recevables en qualité de tiers au contrat à se prévaloir des effets du contrat dès lors que cette situation de fait leur crée un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité,
-qu'il est manifeste que l'acte du 1er avril 2010 n'a été régularisé que dans le but de nuire à la SCI SR et à M [D], puisque si le pourvoi était rejeté, la SCI DUPLO et M [Q] officieusement pourraient les contraindre à acquérir les parts et à en verser le prix alors que l'arrêt déboute la SCI DUPLO de sa demande en remboursement du prix et travaux, ce qui rend recevable leur demande,
-que l'acte du 1er avril 2010 est nul pour absence de cause puisque la cause du nantissement exprimée dans l'acte, à savoir l'affirmation du paiement du prix et des travaux par la SCI DUPLO et du préjudice résultant pour cette dernière de la poursuite de l'emprunt qu'elle a souscrit et des travaux de rénovation qu'elle a réalisé, est contraire à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Chambéry alors que selon l'article 1352 du code civil, nulle preuve n'est admise à l'encontre de l'autorité de chose jugée lorsque sur le fondement de cette présomption, elle annule certains actes ou dénie l'action en justice,
-que la nullité pour absence de cause n'est pas une nullité relative lorsqu'elle est fondée sur l'absence d'un des éléments essentiels du contrat mais une nullité absolue malgré les jurisprudences contraires invoquées par les parties,
-qu'à titre subsidiaire, la société SR et M [D] sont recevables et fondés à demander la nullité pour absence de cause par voie oblique au lieu et place de M [Q] dès lors que la SCI SR est bien créancière de ce dernier,
-qu'à titre infiniment subsidiaire, l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry n'étant pas exécuté ni par la SCI DUPLO ni par M [Q], l'acte de nantissement et de promesse de cession de parts sociales a été consenti en fraude de leurs droits de sorte que leur action paulienne est recevable et fondée pour voir déclarer inopposables les dits actes.
M [Q] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts. Il demande à la cour de dire que la société SR et M [D] ne justifient pas de leur qualité et intérêt à agir, de les débouter de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 20000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 6000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il sollicite confirmation du jugement.
M [Q] fait valoir :
-qu'en considération du principe de l'effet relatif des conventions, les appelants ne démontrent pas leur intérêt et qualité à agir en nullité de l'acte,
-que la cour de Chambéry ayant très mal apprécié le litige, il a estimé être moralement responsable du préjudice subi par la SCI DUPLO qui a perdu le bénéfice des fonds investis pour l'acquisition des parts et la rénovation des locaux, ce qui constitue la cause des actes litigieux ainsi que mentionné dans l'acte notarié,
-que la nullité pour défaut de cause ne peut être invoquée que par les parties à l'acte,
-que le moyen tiré de l'autorité de chose jugée et la vérité judiciaire supposent un jugement définitif ce qui n'est pas le cas de l'arrêt ayant fait l'objet d'un pourvoi en cassation.
La SCI DUPLO conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts. Elle demande à la cour de dire que la société SR et M [D] ne justifient pas de leur qualité et intérêt à agir, de les débouter de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 20000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 6000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle sollicite confirmation du jugement.
La SCI DUPLO expose qu'elle a été dépossédée de l'immeuble dont elle continue à payer le prix par le remboursement d'un crédit hypothécaire souscrit auprès du crédit agricole de Savoie, précédé d'un prêt consenti par M [Q] dans l'attente de l'obtention du prêt bancaire qu'elle a bien remboursé à ce dernier, tels qu'établi par la comptabilité du notaire, raison pour laquelle M [Q] redevenu propriétaire des parts sociales en suite de l'arrêt a voulu la prémunir des conséquences injustes subies par l'acquéreur évincé.
Elle ajoute que suite à l'expertise ordonnée par le juge de l'exécution, elle a réglé à la SCI SR le solde déterminé par le jugement du juge de l'exécution du 8 novembre 2012 soit la somme de 85838, 59 euros.
La SCI DUPLO réplique :
-que le nantissement et la promesse de cession de parts sociales ne nuisent en rien aux intérêts de la SCI SR et de M [D] puisque si la liberté de contracter des associés est libre, les contrats emportant cession volontaire ou forcée des parts ne permettront pas au bénéficiaire de devenir associé sans le consentement des autres associés selon les statuts de sorte qu'ils sont dépourvus d'intérêt et de qualité à agir,
-que la demande de nullité de la promesse de cession de parts est irrecevable, faute d'avoir appelé dans la procédure M [J] bénéficiaire de cette promesse,
-que la demande de nullité pour absence de cause est irrecevable s'agissant d'une nullité relative,
-que la présomption légale invoquée par les appelants qui confondent autorité et force de chose jugée ne prive pas l'acte litigieux de cause laquelle résulte de la reconnaissance par M [Q] du préjudice subi par la SCI DUPLO afin de prévoir les conséquences d'un rejet du pourvoi, étant établi par l'expertise judiciaire que la SCI DUPLO rembourse réellement le prêt consenti pour l'acquisition des parts sociales,
-que M [Q] ne peut se prévaloir de la qualité de créancier pour justifier une action oblique constituant une demande nouvelle irrecevable et infondée puisqu'il a été intégralement réglé des sommes dues en exécution de l'arrêt,
-que la demande fondée sur l'action paulienne est également nouvelle devant la cour et présuppose la qualité de créancier et le concert frauduleux non établis au vu des circonstances de la conclusion des actes en cause,
-que l'action téméraire et abusive de la SCI SR et de M [D] est caractérisée par l'opposition volontaire et frauduleuse de percevoir les sommes dues en exécution de l'arrêt pour se prévaloir contre toute raison devant la cour de leur qualité de créancier.
MOTIFS
Attendu que la nullité d'un acte pour absence de cause est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le contractant qu'elle a vocation à protéger; que l'acte du 1er avril 2010 n'a été conclu qu'entre M [Q] et la Sci Duplo; que la nullité de cet acte ne peut être invoquée que par M [Q], contractant qui cède ses droits, et non par la Sci SR et M [D], tiers à l'acte, ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge;
Attendu qu'à titre subsidiaire, la société SR et M [D] soutiennent qu'ils sont recevables à demander la nullité pour absence de cause par voie oblique en lieu et place de M [Q], dès lors que la Sci SR est créancière de ce dernier, ou par la voie de l'action paulienne; que ces actions, qui poursuivent la même fin que la demande initiale présentée devant le premier juge, sont recevables; qu'en tout état de cause, la Sci Duplo, qui se prévaut de l'irrecevabilité de cette demande dans le corps de ses conclusions, ne la reprend pas dans le dispositif;
Attendu qu'au soutien de leur action oblique, les appelants font valoir que la Sci SR est créancière de M [Q] et que ce dernier n'a entrepris aucune démarche afin que la nullité de l'acte du 1er avril 2010 soit prononcée; que cependant, ils ne démontrent pas la qualité de créancière de la Sci SR, dès lors qu'il a été justifié de l'exécution de l'arrêt du 16 mars 2010 et du règlement des sommes dues;
Attendu que l'action paulienne ne peut non plus prospérer puisqu'elle suppose la démonstration de la qualité de créancier, à laquelle ne peuvent prétendre ni la Sci SR ni M [D]; qu'en outre, la preuve d'un concert frauduleux n'est pas non plus rapportée;
Attendu que la Sci Duplo et M [Q] ne démontrent pas la caractère abusif de la procédure diligentée à leur encontre;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Déboute M [Q] et la Sci Duplo de leurs demandes de dommages intérêts pour procédure abusive,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sci SR et M [D] aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la Scp Laffly et associés et la Scp Ligier de Mauroy, avocats.
Le greffierLe président