R.G : 12/04183
décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 07 mai 2012
RG : 10/12400
ch n°
SA MAIF
C/
[E]
[E]
[E]
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHÔNE
Mutuelle MTRL-MUTUELLE POUR TOUS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Septembre 2013
APPELANTE :
MAIF - mutuelle assurance des instituteurs de France
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par la SCP PIERRE ARNAUD, BRUNO CHARLES REY, avocats au barreau de LYON
INTIMES :
M. [U] [E]
né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 4] (Algérie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Mme [H] [B] épouse [E]
née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Melle [T] [E] représentée par sa tutrice, Madame [H] [E] désignée selon jugement en date du 30 Juin 2010
née le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 3] (Tunisie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHÔNE
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE, avocat au barreau de LYON
MTRL- MUTUELLE POUR TOUS -
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante
******
Date de clôture de l'instruction : 19 Février 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Juin 2013
Date de mise à disposition : 10 Septembre 2013
Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Philippe SEMERIVA, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Le 13 février 2007, [T] [E] , âgée de 17 ans, a été très grièvement blessée alors qu'elle se trouvait passagère dans un véhicule volé, suite à la perte de contrôle du véhicule par le conducteur, ce dernier ainsi que le deuxième passager étant décédés, le troisième passager, [Q] [X] étant quant à lui légèrement blessé.
Par acte du 31 août 2010, M. et Mme [U] et [H] [E] en leur qualité de père et mère de leur fille [T] et Mme [E] en sa qualité de tutrice de [T] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon la société Maif, assureur du véhicule volé, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône et la MTRL, en indemnisation de leur préjudice personnel et de celui de [T], sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article L 211-1 du code des assurances.
La société Maif invoquant l'exclusion de garantie prévu à cet article lorsque la victime est auteur, co-auteur ou complice du vol, s'est opposée aux prétentions.
La CPAM du Rhône a sollicité la condamnation de la Maif à lui rembourser le montant de ses prestations qui s'élèvent à 1.334.410 €.
Par jugement du 7 mai 2012, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré la société Maif tenue d'indemniser les consorts [E] des conséquences dommageables de l'accident du 13 février 2007 et avant-dire-droit sur la réparation des préjudices ordonné une expertise médicale de [T] [E] confiée au Docteur [K] [N],
- condamné la société Maif à payer à :
*[T] [E] représentée par sa tutrice [H] [E], une provision de 15.000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel,
* [U] [E] et [H] [E] une provision de 1.500 € chacun à valoir sur la réparation de leur préjudice,
outre la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné qu'une copie du présent jugement soit adressée au Juge des Tutelles majeurs du Tribunal d'Instance de Lyon,
- réservé les droits de la CPAM du Rhône,
- déclaré le présent jugement commun à la MTRL,
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état.
Le tribunal a retenu :
- qu'aux termes de l'article L 211-1 du code des Assurances in fine, en cas de vol d'un véhicule les contrats (d'assurance) ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, co-auteurs et complices du vol ;
- que si les quatre jeunes gens étaient bien ensemble durant la soirée en question, le vol du véhicule Ford Escort a été commis matériellement par les deux garçons (porte et neimann forcés et démarrage),
- que s'il est vrai que les deux jeunes filles se tenaient à proximité et sont montées dans cette voiture un fois dérobée et que [T] l'a même conduite un certain temps pendant la soirée, aucune des deux jeunes filles n'a commis un acte matériel susceptible de les rendre coupables de vol en qualité d'auteur ou co-auteur,
- qu'il n'est pas établi qu'elles aient fait le guet,
- qu'elle n'ont commis aucun acte positif d'assistance aux auteurs du vol susceptible de constituer le délit de complicité de vol,
- que le seul délit susceptible d'être reproché à [T] [E], est celui de recel de vol, délit non prévu par l'article L 211-1 du code des assurances comme motif d'exclusion de garantie.
La société Maif a relevé appel de ce jugement dont elle sollicite l'infirmation.
Elle demande à la cour :
- de constater que Mademoiselle [T] [E] avait la qualité de co-auteur ou à tout le moins la qualité de complice lors du vol du véhicule de Monsieur [R] assuré auprès de la Maif,
- de dire et juger que le contrat souscrit par Monsieur [R], qui prévoit comme motif d'exclusion de garantie les dommages subis par les auteurs, co-auteurs ou les complices de vol, ne saurait profiter aux Consorts [E].
M. et Mme [E] demandent à titre principal à la cour de :
- de dire que [T] n'est pas intervenue en tant qu'auteur, co-auteur ou complice de l'infraction de vol du véhicule,
- de dire que la société Maif est mal fondée à invoquer l'exclusion de garantie de l'article L 211-1 alinéa 2 in fine du code des assurances,
Par voie de conséquence,
- de condamner la société Maif à les indemniser intégralement des préjudices subis.
Ils soutiennent :
- que seuls les deux garçons ont participé à la soustraction matérielle du véhicule,
- qu'un acte postérieur à l'infraction principale ( tel que la conduite du véhicule par [T]) ne peut être considéré comme un fait de complicité, même s'il traduit la volonté de s'associer à l'activité délictueuse,
- qu'à supposer même que Mme [T] [E] puisse être qualifiée d'auteur ou de complice de l'infraction de recel, cette qualification ne permettrait aucunement à l'assurance de se soustraire à son obligation de garantie.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône demande à titre principal à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a réservé ses droits,
- de condamner la Maif à lui payer la somme de 1 334 410,48 € au titre des prestations d'ores et déjà servies à [T] [E] , outre l'indemnité forfaitaire de 997 €.
Elle soutient qu' elle est bien fondée au titre de son recours subrogatoire à demander la condamnation à titre provisionnel de la Maif d'avoir à lui régler les dépenses qu'elle a d'ores et déjà engagées.
La MTLR n'a pas comparu bien que régulièrement assignée par acte du 19 septembre 2012, à une personne habilitée à recevoir l'acte. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
MOTIFS
Aux termes de l'article L 211-1 du code des assurances, en cas de vol d'un véhicule les contrats (d'assurance) ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, co-auteurs et complices du vol.
En l'espèce, il résulte des éléments de l'enquête de police que le 12 mars 2007 dans la soirée [Q] [X] et [W] [O] circulaient à bord d'un véhicule Ford Fiesta qu'ils avait dérobé trois jours plus tôt, lorsqu'ils ont croisé [T] et [A].
Les quatre jeunes gens, tous mineurs, passaient la soirée et une partie de la nuit ensemble en se déplaçant à bord du véhicule, sans but précis.
Dans son audition du 13 mars 2007, [Q] a relaté la suite des faits de la manière suivante:
[T] a voulu essayer la voiture Ford Fiesta. Nous avons accepté. [W] est passé à l'avant-passager, je suis resté à l'arrière-gauche et [A] s'est installée à côté de moi.--
-Elle a roulé jusqu'au Vinatier où elle fait une fausse manoeuvre. La roue avant droite a tapé le trottoir pour crever.
--Nous nous sommes arrêtés dans une station-essence toute proche pour regarder ce qu'il y avait. (...)
--Je voulais rentrer au quartier en roulant doucement mais les autres ne voulaient pas.---
--Nous avons laissé la Ford Fiesta à 100 mètres de la station- essence, en tournant une fois à droite et une fois à gauche.---;
--Les autres pensaient que nous étions loin du quartier, ils ne voulaient pas rentrer à pied.---
---Les filles, [W] et moi-même étions d'accord pour prendre une autre voiture.---
--Les filles sont allés plus loin dans la rue pour nous attendre. [W] et moi nous avons vu une voiture Ford Break Escort blanche stationnée normalement au bord d'un trottoir.
--Comme c'était la même marque, on s'est dit qu'il suffisait dé faire la même chose pour s'en emparer.---
--[W] voulait essayer la voiture. Il a donc conduit.---
-- [T] montée à l'avant, je suis restée à l'arrière à droite et [A] à gauche.---
(...) [T] a pris le volant car c'était son tour.---
---Elle a roulé pendant 20 minutes au moins. [W] avait déjà roulé 15 minutes depuis le lieu de vol du véhicule.---
--J'ai pris le volant pour voir que [Localité 7] n'était pas trop loin. Nous avons décidé d'aller à [Localité 7]. (...)
---[W] a repris le volant car c'était son tour. Il a roulé jusqu'à [Localité 5] , jusqu'au moment où en se rabattant nous avons croisé une voiture MONDEO de la Police (...).
Il résulte de ces faits que les quatre protagonistes ont décidé de voler un second véhicule.
Si les filles se sont alors écartées, ce n'est pas par réprobation, mais plutôt par souci de discrétion et «pour attendre» les garçons.
Immédiatement après le vol, les deux filles sont montées dans le véhicule nouvellement volé, [T] le conduisant personnellement .
Dès lors, il convient de constater que les deux filles se sont approprié le véhicule volé au même titre que les deux garçons, ce qui caractérise la soustraction frauduleuse constitutive d'un vol, à l'égard des quatre protagonistes.
En conséquence, il convient de constater qu'en application des dispositions de l'article L211-1 du code des assurances, la garantie de la société Maif assureur du véhicule volé, est exclue en raison de la qualité de coauteur du vol de [T] [E].
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré, de débouter M. et Mme [E] et la caisse primaire d'assurance maladie de leurs demandes .
PAR CES MOTIFS:
la cour,
Infirmant le jugement déféré et statuant de nouveau,
- Déboute M.[U] [E] et Mme [H] [B] épouse [E] ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône de leurs prétentions,
- Condamne M.[U] [E] et Mme [H] [B] épouse [E] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Arnaud -Rey avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT