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25/06/2013 | FRANCE | N°12/04555

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 25 juin 2013, 12/04555


R.G : 12/04555









Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 18 avril 2012



1ère chambre section 2



RG : 10/013024



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 25 Juin 2013







APPELANT :



[A] [W]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par la SCP AGUIRA

UD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON



assisté de Maître Christian ASSIER, avocat au barreau D'ALBERTVILLE









INTIME :



[F] [B]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par la SCP BALAS ...

R.G : 12/04555

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 18 avril 2012

1ère chambre section 2

RG : 10/013024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 25 Juin 2013

APPELANT :

[A] [W]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

assisté de Maître Christian ASSIER, avocat au barreau D'ALBERTVILLE

INTIME :

[F] [B]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par la SCP BALAS & METRAL AVOCATS, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Décembre 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Mai 2013

Date de mise à disposition : 25 Juin 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Par acte du 25 juin 1982, la société Land, lotisseur, a acquis une parcelle de terrain figurant au cadastre de la ville de [Localité 5] section [Cadastre 3] pour 64 a 86 ca, lieu-dit « [Localité 3]», en vue de la partager en cinq lots à bâtir.

Cette parcelle est grevée d'une servitude de passage constituée dans un acte de partage du 16 décembre 1894, reçu par Maître [O] notaire à [Localité 5] et rédigée en ces termes :

«il est expliqué qu'il existe sur le fonds situé à [Localité 5] hameau de [Localité 3], sur les limites septentrionales et orientales du fonds un chemin de desserte appartenant à ce fonds et contournant la terre de M. [L]. Ce passage dont la largeur est de deux mètres cinquante centimètres sur tout son parcours, appartiendra a due concurrence à chacun des lots sur lesquels il est établi à la charge cependant de tolérer pour chacun des attributaires le droit de passage nécessaire pour desservir l'immeuble entré dans son lot».

Pour la réalisation du lotissement, le lotisseur a fait réaliser un plan de piquetage par un géomètre expert, a constitué un dossier administratif et a élaboré un cahier des charges, lequel précise :

«servitude passive : l'ensemble de la voie d'accès sera grevée d'une servitude pour tous usages au profit des parcelles suivantes :

- section [Cadastre 4] M. [V] [E],

- section [Cadastre 2] et [Cadastre 1] à M. [Y],

- section [Cadastre 5] et [Cadastre 6] appartenant aux héritiers de M. [B] [S].

En outre la bande d'accès au lot n° 5 sera également grevée d'une servitude de passage au profit des terrains appartenant à M. [Y] [N] et [B] [S].

Il est précisé que ces différentes servitudes résultent d'un état de fait existant et que la création du lotissement aura pour effet d'en améliorer l'assiette».

Le plan de lotissement (document d'arpentage) élaboré par M. [J], géomètre expert et annexé à l'arrêté préfectoral du 5 mai 1982, fait apparaître que le lot n° 5 supporte une «servitude de passage au profit de M. [Y] et des consorts [B]» , celle-ci étant matérialisée sur le plan le long de la limite Sud du lot n°5 et ayant une largeur de 5,54m.

Par acte du 11 mai 1983, M. [A] [W] a acquis le lot n° 5 du lotissement.

L'acte reprend les énonciations du cahier des charges, notamment celles relatives aux servitudes passives grevant le lot n° 5.

Il y est mentionné en outre que :

«La vente a lieu en outre sous les charges et conditions stipulées dans le règlement du lotissement, le programme général, l'arrêté préfectoral sus-visé.

L'acquéreur fera son affaire personnelle de toutes les charges conditions et servitudes résultant de ces documents qu'il déclare bien connaître de même que le plan de masse; il s'oblige à respecter et exécuter toutes ces charges.

A ce sujet, l'acquéreur déclare faire toutes réserves en ce qui concerne le rappel des servitudes énoncé en page 6 des présentes se réservant le droit de les contester le cas échéant ultérieurement».

Aux termes d'un courrier du 2 décembre 1983, M. [J], géomètre expert, répondant à M. [B] a précisé :

«En ce qui concerne la largeur du passage, les usages locaux le définissent comme devant avoir un largeur de trois mètres. Cependant, le plan d'occupation des sols impose une largeur minimum de 5 mètres pour obtenir un permis de construire. De même une moissonneuse batteuse ne passe pas sur trois mètres avec un mur de chaque côté. C'est la raison pour laquelle, j'ai prévu sur le plan de lotissement en plein accord avec le lotisseur, la société Land, de porter cette servitude à 5 mètres».

Selon procès verbal du 5 mai 2007, les colotis ont adopté une modification du cahier des charges du lotissement précisant notamment que la propriété de M. [W] est grevée d'une servitude de passage de 2,50m de largeur au profit de la propriété [B] s'exerçant le long de la limite Sud de la parcelle.

Cet acte modificatif était déposé au rang des minutes de M. [M], notaire à [Localité 6] et publié le 5 décembre 2007 à la conservation des hypothèques de [Localité 7].

Le 22 août 2008, M. [W] a déposé en mairie de [Localité 5] une demande de permis de construire portant sur la construction d'un garage accompagné d'un plan faisant apparaître que l'un des angles du garage est situé à 2m75 de la limite de propriété.

M. [B] a alors formé un recours gracieux.

Par lettre du 31 octobre 2008, le maire de la ville de [Localité 5] a rejeté le recours gracieux de M. [B] , en l'invitant à saisir les tribunaux civils s'il s'estimait lésé par la méconnaissance de dispositions de droit privé.

Par courrier du 3 décembre 2008, M. [B] a répondu au Maire de [Localité 5] en lui rappelant :

«En 1983 , vous m'avez informé que vous aviez obtenu de la société Land promoteur du lotissement» [Localité 4]» de porter le chemin d'accès du lotissement qui dessert mes parcelles de terrain agricoles de 3 à 5 mètres, permettant le passage d'unemoissonneuse batteuse. Cette clause est inscrite depuis cette date dans l'arrêté de lotissement.(...)»

Par lettre recommandée du 6 février 2009, M. [B] a indiqué à M. [W], qu'eu égard à la servitude de 5m54 dont il bénéficie pour la desserte de ses parcelles d'après le plan de piquetage du lotissement, ils considérera comme une voie de fait toutes constructions empiétant sur l'assiette de la servitude.

Passant outre, M. [W] réalisait son projet de construction.

Par assignation du 11 août 2010, M.[B] a assigné M. [W] devant le tribunal de grande instance de Lyon auquel il a demandé :

- d'ordonner la démolition par M. [W] du garage ainsi que de toute construction empiétant sur l'assiette de 5,54 mètres de la servitude,

- de condamner M. [W] à supprimer la canalisation d'évacuation des eaux à l'angle Sud Ouest de son fonds aggravant anormalement la servitude d'écoulement qui grève son fonds.

Mr [W] a conclu au rejet de la demande et à titre subsidiaire a sollicité une mesure d'expertise.

Par jugement du 18 avril 20102, le tribunal de grande instance a :

- constaté que le lot 5 du lotissement " [Localité 4] " appartenant à M. [W] cadastré [Cadastre 7] était grevé d'une servitude de passage d'une largeur de 5,54 mètres au profit des parcelles cadastrées [Cadastre 6] et [Cadastre 5] appartenant à Mr [B],

- ordonné la démolition par M. [W] du garage ainsi que de toute construction empiétant sur l'assiette de 5,54 mètres de la servitude sous astreinte provisoire de 15 € par jour de retard si les travaux n'ont pas été réalisés dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement,

- ordonné la suppression par M. [W] de la canalisation d'évacuation des eaux à l'angle Sud Ouest de la propriété du défendeur sous astreinte provisoire de 15 € par jour de retard si les travaux n'ont pas été réalisés dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement,

- condamné M. [W] à payer à Mr [B] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu :

- que le titre constitutif de la servitude (l'acte de partage) avait été remplacé par un titre récognitif de la servitude émanant du fonds asservi (cahier des charges du lotissement et plan du lotissement),

- que tout permis de construire est délivré sous réserve des droits des particuliers et notamment des servitudes de passage,

- qu'il y avait lieu d'ordonner la démolition par Mr [W] de toute construction empiétant sur l'assiette de 5,54 mètres de la servitude,

- qu'il y avait lieu, en l'absence d'explications fournies par M. [W] sur la provenance et le branchement du tuyau d'évacuation d'ordonner la suppression de ladite canalisation.

M. [W] a relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour de débouter purement et simplement M. [B] de sa demande de servitude de passage de 5,54 mètres, et à titre subsidiaire d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire aux frais avancés de M. [B] aux fins notamment de vérifier les différents titres de propriété respectifs des parties, de procéder à un bornage judiciaire des propriétés et de déterminer ensuite l'existence d'un état d'enclave, de définir le ou les accès possibles par application des articles 682 et 683 du code civil.

Il sollicite également la condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure.

Il soutient :

- qu'il n'existe aucun titre conventionnel ou récognitif établissant une servitude de 5,54 mètres,

- qu'un géomètre expert ne peut créer ou modifier une servitude conventionnelle, seul un acte notarié régulièrement publié permettant une modification ou une création d'une servitude,

- que de même le cahier des charges du lotissement "[Localité 4]" ne peut créer de servitudes nouvelles qu'entre les colotis et en aucun cas vis-à-vis de tiers non présents à l'acte,

- qu'il n'y a donc pas lieu à démolition de tout ouvrage existant sur sa propriété,

- qu'il n'y a lieu à suppression de la canalisation d'évacuation d'eau en l'absence de preuve d'une quelconque aggravation de la servitude d'écoulement des eaux.

M. [B] demande à la cour de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner M. [W] à leur payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient :

- qu'il y a lieu de tenir compte de la volonté expresse du lotisseur opposable à M. [W], " d'améliorer " l'assiette et d'élargir le droit de passage de 2,50 mètres à 5,54 mètres pour le mettre en conformité avec les règles d'urbanisme applicables à la date du lotissement,

- que le propre titre de M. [W] vise expressément cette servitude, et le fait qu'il était parfaitement informé de la largeur de celle-ci de 5,54 mètres,

- qu'une servitude est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé si elle a été publiée, si son acte d'acquisition en fait mention ou encore s'il en connaissait l'existence au moment de l'acquisition,

- que le modificatif du cahier des charges ne saurait modifier la servitude consacrée par la société Land en 1982.

MOTIFS

Sur l'assiette de la servitude

La société Land alors seule propriétaire du fonds servant, a unilatéralement , mais de manière expresse et non équivoque, élargi l'assiette de la servitude de passage grevant son fonds au profit du fonds des consorts [B], devenue insuffisante, pour se conformer aux souhaits des services de l'urbanisme, eux-mêmes saisis de la difficulté par M. [B].

Cette stipulation de la société Land au profit des consorts [B], constitutive de servitude, est concrétisée par les énonciations du cahier des charges du lotissement, reçu par Maître [T] notaire le 25 juin 1982, acte publié à la conservation des hypothèques.

La servitude élargie est également rappelée dans l'acte d'acquisition du lot n° 5 par M. [W], cet acte reprenant les énonciations du cahier des charges du lotissement et comportant en annexe le plan d'arpentage matérialisant l'assiette de la servitude.

M. [B], propriétaire du fonds dominant et auquel la modification du cahier des charges n'est pas opposable dès lors qu'il avait manifesté son acceptation de la stipulation faite à son profit, peut donc opposer, à M. [W] - qui les connaissaient au moment de son acquisition - les nouvelles modalités d'utilisation de la servitude de passage.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux

Il appartient à M. [B] de rapporter la preuve d'une aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales en provenance du fonds supérieur de M. [W]..

En l'espèce, il ne communique ni constat, ni expertise.

Les photographies produites ne montrent aucune canalisation, ni ruissellement sur le fonds de M. [B].

En conséquence, il convient de reformer le jugement et de débouter M. [B] de ses prétentions à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, eu égard notamment aux frais de constat.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

réformant partiellement le jugement et statuant de nouveau :

- Dit n'y avoir lieu à expertise,

- Constate que le lot n° 5 du lotissement "[Localité 4]" appartenant actuellement à M. [A] [W] et cadastré [Cadastre 7] est grevé d'une servitude de passage d'une largeur de 5,54 mètres au profit des parcelles cadastrées [Cadastre 6] et [Cadastre 5] appartenant à M. [F] [B],

- Ordonne la démolition par M. [A] [W] du garage ainsi que de toute construction empiétant sur l'assiette de 5,54 mètres de la servitude sous astreinte provisoire de 15 € par jour de retard si les travaux n'ont pas été réalisés dans un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt,

- Déboute M. [F] [B] de sa demande de suppression par M. [A] [W] de la canalisation d'évacuation des eaux à l'angle Sud Ouest de la propriété de ce dernier,

- Condamne M. [A] [W] à payer à M. [F] [B] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [A] [W] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 12/04555
Date de la décision : 25/06/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°12/04555 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-25;12.04555 ?
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