R.G : 12/04322
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 18 avril 2012
RG : 10/07978
C.N.R.B.T.P.I.G.
BTP RETRAITE
C/
[Y] VEUVE [S]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 09 Avril 2013
APPELANTES :
C.N.R.B.T.P.I.G. - Caisse Nationale de Retraite du Bâtiment, des Travaux Publics et de l'Industrie Graphique,
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON assistée de la SCP DUCROT ASSOCIES-DPA, avocats au barreau de LYON,
BTP RETRAITE - Institution de Prévoyance complémentaire des Cadres, ETAM et Ouvriers du Bâtiment et des Travaux Publics,
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON assistée de la SCP DUCROT ASSOCIES-DPA, avocats au barreau de LYON,
INTIMEE :
Madame [F] [Y] veuve [S]
Née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 9] (Haute-Garonne)
[Adresse 2]
[Localité 3]
assistée de la SCP DUFOUR-HARTEMANN-PALAZZOLO, avocats au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 06 Novembre 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Mars 2013
Date de mise à disposition : 09 Avril 2013
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La CAISSE NATIONALE DE RETRAITE DU BÂTIMENT, DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L'INDUSTRIE GRAPHIQUE, ci-après CNRBTPIG, et l'institution BTP RETRAITE ont versé à Monsieur [P] [S] des allocation de retraite à compter du 1er janvier 1996.
Le 12 juillet 2007, elles ont informées par la caisse de retraite IREC CAPIMMEC que Monsieur [S] avait repris une activité professionnelle depuis le 1er janvier 1997.
Le 17 mars 2008, l'association PRO BTP, qui regroupe et gère les différentes institutions paritaires, a mis en demeure l'adhérent de restituer la somme de 198570 euros sur le fondement de la répétition de l'indû.
Le 31 mars 2008, Monsieur [S], par l'intermédiaire de son conseil, a informé les caisses qu'ayant repris une activité à l'étranger en 1997, soit antérieurement au 1er janvier 1998, la règle de non-cumul emploi-retraite ne lui était pas applicable.
Le 14 janvier 2009, Monsieur [P] [S] est décédé, laissant pour lui succéder son épouse Madame [F] [Y] veuve [S].
Par acte d'huissier du 17 mai 2010, les caisses ont assigné Madame [F] [Y] veuve [S] devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement des sommes de 7914,06 euros à BTP RETRAITE et de 191198,45 euros à CNRBTPIG outre intérê''ts au taux légal à compter du 17 mars 2008 et indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 18 avril 2012, le tribunal de grande instance de Lyon a débouté les caisses de leurs demandes et les a condamnées à rembourser à Madame [F] [Y] veuve [S] en deniers ou quittances les sommes prélevées sur la pension de retraite du défunt à compter de décembre 2007 en apurement d'une dette inexistante ainsi que la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Les caisses ont interjeté appel aux fins de réformation du jugement. Elles reprennent leurs demandes initiales et sollicitent condamnation de Madame [F] [Y] veuve [S] au paiement de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir :
-que leur demande n'est pas partiellement prescrite puisque le fait générateur est la troisième reprise d'activité du 8 février 1999 de sorte que la prescription trentenaire courait à compter de cette date pour s'achever le 8 février 2029, que le nouveau délai de cinq ans en application de l'article 2224 du code civil et 26 de la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription a commencé à courir à compter de son entrée en vigueur le 19 juin 2008 pour cinq ans, l'assignation du 17 mai 2010 étant intervenue à l'intérieur de ce délai,
-que Monsieur [S] a fait l'objet de trois reprises d'activité distinctes, les deux premières n'étant pas incompatibles avec le versement des retraites mais la troisième du 8 février 1999 postérieure au 30 juin 1998 relevant des règles issues de la circulaire de 1998 dès lors qu'il avait changé d'employeurs, la société Technical Fields services international limited étant une personne morale distincte de son employeur précédent ITS et qu'il n'est pas justifié que l'interruption de trois semaines correspondait à des congés payés de sorte qu'il n'avait plus droit aux allocations de retraite versées à compter du 8 février 1999,
-que les époux [S] étaient mariés sous le régime de communauté universelle pour lequel ils avaient opté le 22 janvier 1999 par contrat de mariage stipulant que le passif de communauté sera supporté intégralement par le conjoint survivant de sorte que Madame [F] [Y] veuve [S] est redevable des sommes perçues à tort par son époux.
Madame [F] [Y] veuve [S] demande confirmation du jugement et condamnation des appelantes au paiement de la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle oppose la prescription partielle des demandes de sorte que les caisses ne pourraient réclamer que les sommes dues à compter du 17 mai 2005, cinq ans avant l'assignation introductive d'instance soit les sommes de 2435 euros pour BTP RETRAITE et 59000 euros pour la CNRBTPIG.
Elle réplique :
-qu'en application de la circulaire de 1996, Monsieur [S] qui avait repris ses activités à l'étranger à compter de janvier 1997, pouvait cumuler emploi et allocations de retraite,
-qu'aucune reprise d'activité n'est établie après le 30 juin 1998 puisqu'il a travaillé pour la société Technical Fields services international limited, branche off shore de son précédent employeur Institut de soudure puis a repris son activité auprès de cette dernière après une période de trois semaines de congés sans être en cessation d'activité par un changement d'employeur ( référence à la pièce adverse 3 courrier CAPIMMEC du 12 juillet 2007 sans versement de bulletins de salaire),
-que les appelantes confondent reprise d'activité et changement d'employeur alors qu'il n'y a pas eu d'interruption d'activité, ce qu'admettait BRO BTP dans ses courriers des 1er août 2007 et 8 avril 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 prévoit en son article 6 § 1 c) que le service des allocations de retraite est suspendu si la reprise d'une activité n'a pas un caractère réduit.
Au moment du départ à la retraite de Monsieur [S] à compter du 1er janvier 1996, s'appliquait la circulaire du 9 juillet 1996, dérogatoire à la convention collective pour les activités reprises à l'étranger, ne faisant pas obstacle aux versement des allocations de retraite se cumulant avec la reprise d'une activité exercée à l'étranger.
La circulaire SJ 1998-4806 du 23 juin 1998 a interdit le cumul pour les retraites prenant effet à compter du 1er juillet 1998 ou postérieurement, et « quelque soit la date d'effet de la retraite, pour toute activité reprise après le 30 juin 1998 ».
Contrairement à ce que soutient Madame [F] [Y] veuve [S], les caisses appelantes n'opèrent pas de confusion entre reprise d'activité et changement d'employeur.
En effet, il ressort des pièces produites que Monsieur [S] a repris une activité salariée à compter du 1er janvier 1997 jusqu'au 30 avril 1997 au bénéfice de son employeur la société INSTITUT DE SOUDURE.
Il a ensuite bénéficié d'un contrat de travail au sein de la société de droit étranger TECHNICAL FIELDS services international limited du 5 août 1997 au 16 janvier 1999. L'attestation de cette société pièce 16 de l'intimée mentionne que le contrat a pris fin le 16 janvier 1999. Le bulletin de salaire établi par cette société en janvier 1999 mentionne seize jours de travail.
A compter du 8 février 1999, Monsieur [S] a été engagé par la société INSTITUT DE SOUDURE dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis par une suite de contrats successifs de même nature sans discontinuer jusqu'au 8 août 1999 date à laquelle il a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée auprès du même employeur. Le contrat de travail du 8 février 1999 fait mention d'une embauche avec période d'essai. Le contrat est devenu à durée indéterminée suivant avenant du 12 août 1999 précisant que la date d'effet est le 9 août 1999.
Si les deux premières reprises d'activité auprès d'employeurs juridiquement distincts se plaçaient dans le cadre des dispositions autorisant le cumul emploi-retraite dans la cadre des activités à l'étranger issues de la circulaire du 9 juillet 1996, tel n'était pas le cas de la reprise d'activité à compter du 8 février 1999 avec changement d'employeur après trois semaines d'inactivité sans qu'il soit justifié d'un transfert du contrat de travail au sens de l'article L.1224-2 du code du travail, d'une suspension du même contrat de travail ou d'une période de congés payés avec maintien de l'activité auprès du même employeur, ce qui n'est pas démontré par les bulletins de salaire versés au débat.
En conséquence, il convient de retenir que la reprise d'activité du 8 février 1999 dans le cadre d'un nouveau contrat de travail plaçait Monsieur [S] dans le cadre de l'interdiction du cumul emploi-retraite issue de la circulaire SJ 1998-4806 du 23 juin 1998 « quelque soit la date d'effet de la retraite, pour toute activité reprise après le 30 juin 1998 ».
Les courriers du 1er août 2007 et du 8 avril 2008 invoqués par l'intimée ne valent pas reconnaissance d'une reprise d'activité à compter du 1er janvier 1997 sans changement d'employeur puisqu'il est seulement demandé à Monsieur [S] de justifier de sa situation depuis cette date au regard de l'activité présentant un caractère réduit.
Le fait générateur de l'indu étant la reprise d'activité à compter du 8 février 1999 et l'action ayant été introduite le 17 mai 2010, l'action en répétition de l'indu, qui relève du régime spécifique des quasi-contrats n'était pas soumise à la prescription quinquennale abrégée mais à la prescription trentenaire de droit commun de sorte qu'à la date d'entrée en vigueur de la réforme de la prescription civile, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir jusqu'au 19 juin 2013 par application de l'article 2222 alinéa 2 du code civil.
La demande des caisses n'est donc pas prescrite.
Madame [F] [Y] veuve [S] sera condamnée à rembourser les sommes de 7914,06 euros à BTP RETRAITE et de 191198,45 euros à CNRBTPIG outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 mars 2008.
Le jugement entrepris sera infirmé sans que l'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclare recevables comme non prescrites les demandes en répétition d'indu formées par la Caisse nationale de retraite du bâtiment, des travaux publics et de l'industrie graphique et l'institution BTP RETRAITE,
Condamne Madame [F] [Y] veuve [S] à rembourser les sommes de 7914,06 euros à BTP RETRAITE et de 191198,45 euros à la Caisse nationale de retraite du bâtiment, des travaux publics et de l'industrie graphique outre intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2008,
Rejette les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [F] [Y] veuve [S] aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président