La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2013 | FRANCE | N°11/02084

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 05 mars 2013, 11/02084


R.G : 11/02084









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 27 janvier 2011



RG : 2008/16229

ch n°





[F]



C/



[H]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 05 Mars 2013







APPELANT :



M. [J] [F]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 8]

[Adresse 2

]

[Localité 6]



représenté par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Isabelle IVERSEN, avocat au barreau de LYON









INTIMEE :



Mme [Z] [H]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par la SCP ...

R.G : 11/02084

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 27 janvier 2011

RG : 2008/16229

ch n°

[F]

C/

[H]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 05 Mars 2013

APPELANT :

M. [J] [F]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Isabelle IVERSEN, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Mme [Z] [H]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

assistée par ME AUBERT avocat au barreau de Lyon

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Décembre 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Janvier 2013

Date de mise à disposition : 19 février 2013 puis prorogé au 5 mars 2013 les avocats dûment avisés, conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [J] [F] et Madame [Z] [H] ont entretenu une relation de concubinage et se sont séparés en août 2008.

Par acte du 20 novembre 2008, Monsieur [J] [F] a assigné Madame [Z] [H] devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement des sommes de :

-137 448 euros correspondant à la restitution des dividendes de la société [F] CONSEIL SARL perçus par sa compagne pendant quatre ans,

-47037 euros en remboursement des sommes déposées par lui sur le compte joint et frauduleusement dépensés par sa compagne,

-35300 euros en remboursement d'un prêt accordé à sa compagne notamment pour le financement d'un véhicule automobile.

Par jugement contradictoire du 27 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné Madame [Z] [H] à rembourser à Monsieur [J] [F] la somme de 500 euros correspondant au montant d'un chèque tiré sur le compte joint non utilisé pour les besoins du ménage, la somme de 35500 euros en remboursement du prêt, outre intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, a débouté les parties de leurs autres demandes et a condamné Madame [Z] [H] aux dépens.

Monsieur [J] [F] a interjeté appel aux fins de réformation partielle du jugement. Reprenant ses demandes initiales, il demande à la cour de prononcer la résolution de la cession de parts sociales intervenue en juin 2005 et par suite de condamner Madame [Z] [H] au remboursement de la somme de 137448 euros correspondant à la restitution des dividendes de la société [F] CONSEIL SARL perçus par sa compagne pendant quatre ans outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 octobre 2008, de condamner l'intimée au paiement de la somme de 47307 euros utilisée frauduleusement sur le compte-joint outre intérêts à compter du 29 septembre 2008, d'ordonner la capitalisation des intérêts, de débouter Madame [Z] [H] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir que Madame [Z] [H] ne rapporte pas la preuve du paiement effectif des actions cédées en juin 2005, compte tenu du caractère suspect du courrier qu'il aurait alors établi reconnaissant que sa compagne aurait réglé le prix des parts sociales et de l'absence de toute justification de paiement par l'intimée.

Il conteste avoir dactylographié et dénie la signature figurant sur ce document tardivement produit en première instance alors qu'il appartenait à la juridiction de vérifier la signature déniée par son auteur.

Il ajoute que même en présence d'une clause portant quittance sous réserve du prix d'encaissement comme prévu à l'acte de cession, il appartient à celui qui se prétend libéré d'apporter la preuve du paiement conformément à l'article 1315 du code civil.

Il souligne qu'aucune intention libérale n'est prouvée par Madame [Z] [H] et qu'une telle libéralité serait viciée par le dol puisqu'il est établi que son ancienne compagne lui avait caché sa double vie avec son amant Monsieur [N].

Il en déduit que faute de justification du paiement du prix, la résolution judiciaire de la cession des parts sociales doit être prononcée sur le fondement de l'article 1184 du code civil avec pour conséquence la restitution des dividendes perçus indûment faute de propriété des 498 parts.

Il invoque la fraude commise par Madame [Z] [H] qui lui a fait croire qu'il était le père de son enfant issu de ses relations avec son amant et a utilisé le compte joint pour financer sa double vie à son profit personnel et à celui du tiers [N] en entretenant son deuxième compagnon par utilisation des fonds mis à sa disposition sur le compte joint fonctionnant en indivision pour l'entretien de la vie commune, étant précisé qu'il a exclu de sa demande les dépenses d'entretien courant du couple.

Il fait valoir que les versements à titre de prêts d'un montant total de 35300 euros sont justifiés et que Madame [Z] [H] ne peut se prévaloir de l'absence d'écrit en raison de l'impossibilité morale et matérielle résultant du concubinage ni de son intention libérale en raison de la fraude et du dol commis par sa compagne qui a obtenu les fonds en lui faisant croire que l'enfant était son fils de sorte que sa demande en remboursement des prêts est fondée tant au regard de la qualification de prêts que de l'enrichissement sans cause en l'absence de toute intention libérale.

Il demande confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Madame [Z] [H] de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive, soulignant que le tribunal d'instance a précédemment condamné sa compagne au remboursement de sommes détournées.

Madame [Z] [H] forme appel incident du chef de la condamnation au paiement de la somme de 35500 euros et sollicite confirmation du jugement pour le surplus. Elle conclut au débouté des demandes de Monsieur [J] [F] et sollicite paiement de la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique que Monsieur [J] [F] ne rapporte pas la preuve de la fausseté de la mention figurant dans l'acte de cession de parts concernant l'encaissement du prix, que l'appelant n'a jamais contesté sa qualité d'associée, que si Monsieur [J] [F] prétend contester la signature figurant sur son attestation, il ne conteste pas avoir signé l'acte de cession et ne rapporte aucun élément tendant à en établit la fausseté, qu'elle s'est acquittée du prix de vente et n'a pas à rapporter la preuve d'une intention libérale.

Elle fait valoir que le compte joint a fonctionné sous le bénéfice de la libéralité chacun des concubins apportant des fonds en fonction de sa situation financière alors que les pièces produites ne démontrent pas une utilisation frauduleuse, d'autant que Monsieur [J] [F] ne peut se prévaloir du grief d'une double vie qu'il menait lui-même en étant marié et en entretenant un double foyer.

Elle ajoute que le fait qu'elle ait eu un enfant avec Monsieur [N] ne constitue pas une fraude dans l'utilisation des fonds déposés sur le compte joint. Elle ne conteste pas devoir restituer la somme de 500 euros allouée par le jugement.

Elle soutient que le dol n'étant pas applicable à une libéralité, les sommes alléguées à titre de prêt lui ont été versées par intention libérale de Monsieur [J] [F] pendant leur vie commune alors qu'il avait des doutes sur la paternité de l'enfant.

Malgré plusieurs demandes de la cour, les pièces 69 à 74 de Monsieur [J] [F] visées au bordereau de communication de pièces n'ont pas été déposées au dossier de la cour par le conseil de Monsieur [J] [F].

Autorisé à les produire en délibéré, le conseil de l'appelant a indiqué par message du 27 février 2013 : « je ne suis pas en mesure de produire les pièces 69 à 74 visées dans les conclusions et non jointes au dossier de plaidoiries, En effet après vérification auprès du conseil de Mme [H] aussi bien Me AUBERT que ME AGUIRAUD, les pièces restent introuvables."

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre des dividendes

Par acte sous seing privé enregistré à Paris le 11 juillet 2003, Monsieur [J] [F] a cédé à Madame [Z] [H] les parts sociales numérotées 2 à 499 moyennant le prix total de 18266,80 euros.

L'acte signé des deux parties contient un article 2 relatif au prix par lequel le cédant Monsieur [J] [F] reconnaît avoir reçu le prix de Madame [Z] [H] « ce jour même et dont il lui consent bonne et valable quittance ».

Cette reconnaissance et quittance du paiement, donnée sans réserve notamment d'encaissement dans un acte dont la validité n'est pas discutée, a valeur libératoire.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'incombe pas à Madame [Z] [H] de prouver le paiement mais à celui qui a donné quittance de prouver l'absence de libération du débiteur.

Monsieur [J] [F], auquel peut être opposé le caractère tardif de sa réclamation après la rupture du concubinage, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que cette mention n'aurait pas la valeur libératoire qu'implique son libellé, ce qu'il ne peut faire qu'en conformité avec le principe posé à l'article 1341 du code civil.

Son argumentation ne repose que sur ses propres affirmations concernant le fait que le prix de cession aurait correspondu à une intention libérale, ce qui n'a pas été reconnu par Madame [Z] [H]. Les allégations de Monsieur [J] [F] concernant le fait que les fonds ne figureraient pas sur ses propres comptes bancaires sont inopérantes.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [J] [F] de ses demandes en résolution de la cession des parts sociales et remboursement des dividendes perçus de 2003 à 2008.

Sur la demande concernant le compte joint

Monsieur [J] [F] ne prouve pas autrement que par ses allégations que le compte-joint ait fonctionné d'un commun accord entre les parties sous le régime d'une indivision obligeant chacun à proportion de ses apports fixés à 50 %.

Il résulte au contraire des pièces déposées au dossier de la cour que le compte-joint a été utilisé pour les besoins de la vie commune et était approvisionné par chaque concubin à proportion de leurs ressources respectives.

Hormis un versement de 500 euros par chèque au profit d'un tiers, Monsieur [J] [F] ne prouve pas que le compte ait été utilisé par Madame [Z] [H] pour des dépenses somptuaires excédant l'entretien normal et les besoins du couple ce qui inclut les dépenses d'habillement, de sport et d'esthétique ni pour financer les besoins d'un tiers. Monsieur [J] [F] a conservé pendant la durée du concubinage la disposition des fonds versés sur le compte comme la faculté d'examiner les dépenses.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame [Z] [H] au remboursement de la somme de 500 euros et a débouté Monsieur [J] [F] du surplus de sa demande.

Sur la demande en remboursement de prêts

Monsieur [J] [F] prouve en pièce 32 avoir effectué au profit de Madame [Z] [H] quatre versements : virement de 2300 euros le 13 juillet 2006, virement de 4000 euros le 2 avril 2007, chèque de 28000 euros le 27 juillet 2007, virement de 1000 euros le 11 juillet 2008.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [J] [F], la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de les restituer.

Conformément à l'article 1315 alinéa 1er du code civil, il appartient à Monsieur [J] [F] de rapporter la preuve du prêt litigieux conformément aux règles qui gouvernent la preuve des actes juridiques.

Le premier juge a exactement retenu l'impossibilité morale pour Monsieur [J] [F] de se procurer un écrit compte tenu de la relation stable de concubinage ayant existé entre les parties de sorte qu'il lui appartenait d'en établir la preuve par tous moyens. Aucune pièce ne vient cependant établir que l'existence de prêts successifs puisque Monsieur [J] [F] ne produit que la lettre de réclamation de son conseil.

Il n'appartient pas ensuite à Madame [Z] [H] d'établir l'intention libérale de Monsieur [J] [F] mais à celui-ci de rapporter la preuve des prêts invoqués à l'appui de sa demande en paiement.

Enfin, l'action en enrichissement sans cause ne peut être exercée par Monsieur [J] [F] pour venir suppléer sa carence dans l'administration de la preuve des prêts sur le fondement desquels il a expressément fondé sa demande principale.

En conséquence, Monsieur [J] [F] sera débouté de sa demande en remboursement de la somme de 35500 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Aucun abus de procédure n'est démontré à l'égard de Monsieur [J] [F] dont la demande avait été partiellement accueillie en première instance. Le harcèlement procédural n'est pas caractérisé en l'état de deux procédures ayant opposé les parties dont la présente procédure. La demande de Madame [Z] [H] ne peut être accueillie.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame [Z] [H] aux dépens.

Monsieur [J] [F] qui succombe en appel en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné Madame [Z] [H] à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 35500 euros,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déboute Monsieur [J] [F] de sa demande en paiement de la somme de 35500 euros,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions,

Débouté Madame [Z] [H] de sa demande reconventionnelle,

Rejette les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [J] [F] aux dépens d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 11/02084
Date de la décision : 05/03/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°11/02084 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-05;11.02084 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award