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05/02/2013 | FRANCE | N°11/06745

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 05 février 2013, 11/06745


R.G : 11/06745









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 12 septembre 2011



RG : 10/00458

ch n°





[M]

[G]



C/



Société CREDIT FONCIER DE FRANCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 05 Février 2013







APPELANTS :



M. [F] [K] [L] [M]

né le [Date naiss

ance 3] 1951 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 5]



représenté de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON,

assisté de Me Michel BEL, avocat au barreau de LYON,



Mme [T] [G] épouse [M]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 12] (TUNISIE)

[Adres...

R.G : 11/06745

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 12 septembre 2011

RG : 10/00458

ch n°

[M]

[G]

C/

Société CREDIT FONCIER DE FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 05 Février 2013

APPELANTS :

M. [F] [K] [L] [M]

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON,

assisté de Me Michel BEL, avocat au barreau de LYON,

Mme [T] [G] épouse [M]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 12] (TUNISIE)

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON,

assistée de Me Michel BEL, avocat au barreau de LYON,

INTIMEE :

CREDIT FONCIER DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON,

assistée Me LEOPOLD-COUTURIER, avocat au barreau de Paris

******

Date de clôture de l'instruction : 11 Décembre 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Décembre 2012

Date de mise à disposition : 05 Février 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur et Madame [M] ont acquis le 10 juillet 2006 dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement un studio pour étudiant financé par un prêt du CREDIT FONCIER, remis en gestion locative par un contrat conclu avec la société EUROSTUDIOHOMES.

L'offre de prêt acceptée par les époux [M] le 10 juillet 2006 pour un montant de 87350 euros prévoyait trois périodes de remboursement sur 324 mois comprenant :

-une période de compte courant de 24 mois au maximum correspondant au déblocage des fonds pendant la construction,

-une période de différé d'amortissement de 180 mois,

-une troisième période d'amortissement de 120 mois.

Pour ces trois tranches d'amortissement, il était stipulé que le taux de 3,65 % serait révisable à compter du 12ème mois suivant le point de départ du différé d'amortissement sur la base du taux Euribor majoré de 1,65 % et ensuite tous les douze mois après la première révision.

Estimant que le prêt était irrégulier, Monsieur et Madame [M] ont assigné le CREDIT FONCIER devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de remise sous astreinte d'un tableau d'amortissement sur la base du taux légal, à titre subsidiaire aux fins de remise d'un tableau d'amortissement sur la base d'une majoration du taux Euribor de 1,65 % et non 1,65 point d'intérêt.

Au dernier état de leur demande, ils ont sollicité la remise d'un tableau d'amortissement sur la base du taux légal, à titre subsidiaire, la déchéance des intérêts outre indemnisation pour résistance abusive.

Par jugement du 12 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Lyon les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés au paiement de la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur et Madame [M] ont interjeté appel aux fins de réformation du jugement.

Ils demandent à la cour de prononcer la nullité du taux d'intérêt du prêt et celle du taux effectif global et d'ordonner le remplacement du taux du prêt par le taux légal, d'ordonner la remise par le CREDIT FONCIER DE France d'un tableau d'amortissement sur 300 mois sur la base du taux légal sous déduction des règlements sous astreinte de 100 euros par jour de retard outre la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

1/sur le fondement des articles L.313-1 et R313-1 du code de la consommation que le taux effectif global est irrégulier du fait :

-de l'absence d'intégration de l'assurance décès-invalidité pendant la période de compte courant,

-de l'absence d'intégration des frais de chargement et de gestion du contrat CRISTALLIANCE souscrit auprès de la compagnie SKANDIA LINK en garantie du prêt et des frais correspondant de 13084,93 euros, l'assureur étant un intermédiaire intervenu dans l'octroi du prêt du fait de la garantie souscrite le 14 avril 2006 avant l'acceptation du prêt le 12 mai suivant,

-de l'affectation forcée de l'épargne des emprunteurs à hauteur de 66200 euros,

-de l'interdiction d'affecter cette épargne au remboursement du prêt ce qui aurait réduit le coût des intérêts de 17995,92 euros,

-de l'aveu du CREDIT FONCIER que la prise en compte des frais de chargement de 480 euros porte le taux effectif global de 4,44% à 4,47726 %,

-du calcul des emprunteurs démontrant que l'intégration des frais de chargement de 480 euros porte le taux effectif global de 4,44% à 4,47726 %, et celle des frais de chargement et de gestion de 13084,93 % le porte à 5,3196 %,

2/ que la clause d'intérêts du prêt est irrégulière du fait de la majoration du taux résultant :

-de la capitalisation des intérêts de la période de compte-courant pratiquée sur une durée inférieure à un an contrairement à l'article 1154 du code civil,

-de la clause de révision du taux de 3,65 % puisque ce taux a en fait été remplacé par le taux Euribor contrairement à l'article 1162 du code civil,

-de la clause relative à la hausse du taux du prêt de 1,65 point soit 34,37% alors que le contrat prévoyait une hausse de 1,65 %,

3/ que le contrat viole les articles L.113-3 et L312-8-3° du code de la consommation et 1591 du code civil sur l'obligation imposée à l'emprunteur d'assurer l'immeuble.

La société CREDIT FONCIER DE France conclut à la confirmation du jugement. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater que si par impossible, la cour considérait qu'elle aurait dû intégrer les frais de 480 euros dans le versement initial, elle constaterait que cette intégration est sans incidence sur le calcul du taux effectif global conformément à l'article R.313-1 du code de la consommation du fait du résultat par précision d'une décimale. Elle demande paiement d'une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique :

-que la majoration appliquée correspond strictement à la clause parfaitement claire du contrat soit en ajoutant au taux la partie fixe de 1,65 point,

-que les emprunteurs ont été parfaitement avisés par le contrat qu'ils ont signé qu'après un taux de départ de 3,65 %, le taux serait révisé en fonction de la combinaison de deux éléments, l'un fixe et l'autre public et accessible le TIBEUR à un an de sorte que les modalités de variation du taux et la clause de variation du taux ne sont pas irrégulières et ont permis aux emprunteurs de prendre la mesure de leur engagement,

-que la capitalisation des intérêts de la période de compte courant est prévue par le contrat mensuellement par des conditions contractuelles dérogatoires à l'article 1154 du code civil s'agissant d'une convention de compte courant,

-que le contrat n'a pas fait de la souscription d'une assurance incendie une condition d'octroi du crédit mais une modalité contractuelle d'exécution des garanties étant relevé que le bien assuré devait l'être par le preneur à bail postérieurement à la conclusion du contrat,

-que l'assurance décès invalidité payée pendant la période du compte courant n'était pas déterminable lors de l'émission de l'offre et de la signature de l'acte notarié puisque le prêteur ne savait pas à l'avance la durée de la période de compte courant pendant la durée maximum de 24 mois,

-que le contrat n'obligeait pas à la souscription d'un contrat CRISTALLIANCE avec versement de 200 euros par mois comme condition d'octroi du crédit mais seulement à justifier de l'existence de 10000 euros de valeur disponible sur ce contrat préalablement au versement des fonds et qu'en toute hypothèse, le taux serait réduit de 0,01% en tenant compte de ce coût,

-que l'assureur SKANDIA n'est pas un intermédiaire en opération de crédit puisque le contrat d'assurance vie contractuellement prévu entre le prêteur et l'emprunteur est une garantie destinée à éviter l'utilisation des fonds reçus en remboursement de TVA à d'autres fins que le remboursement du crédit et que les frais qui y sont adossés sont inhérents à ce contrat distinct et non au prêt, les sommes versées constituant un placement au bénéfice de l'emprunteur.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L.313-1 du même code, le calcul du taux effectif global doit prendre en compte tous les intérêts, frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dûs à des intermédiaires, intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

 

L'offre de prêt acceptée par Monsieur et Madame [M] contient des conditions générales et particulières qui fixent les conditions du prêt et le soumettent à la condition de justifier avant l'acte notarié de la souscription d'une assurance vie CRISTALLIANCE auprès de la société SKANDIA moyennant un versement initial de 10000 euros sous réserve de la régularisation au profit du crédit Foncier d'un acte de délégation devant être réalisée entièrement avant la mise en place du prêt sous réserve également de la production en copie des conditions particulières du contrat d'assurance vie apporté en garantie.

 

Toutes les pièces afférentes à la souscription et à la délégation du contrat d'assurance-vie sont produites.

L'offre de prêt imposait par ailleurs la souscription d'une assurance-décès par monsieur [M] ainsi que d'une assurance-incendie aux conditions prévues par l'offre préalable auxquelles l'offre est conditionnée.

 

Il est ainsi établi que l'octroi du prêt était conditionné à la fois par la souscription du contrat d'assurance-vie en garantie du prêt accordé et par l'admission de l'emprunteur à un contrat d'assurance décès outre la souscription d'une assurance-incendie et les risques personnels leur incombant.

Il s'ensuit que le coût de la souscription du contrat d'assurance-vie dû à l'exigence du prêteur d'obtenir une délégation et le coût des assurances imposées par le prêteur doivent être pris en compte dans le calcul du taux effectif global en application de l'article L.313-2 du code de la consommation. Il n'est pas discuté que ces coûts ne sont pas intégrés.

A défaut, le taux effectif global indiqué dans l'offre préalable et l'acte de prêt  est erroné.

La qualité d'intermédiaire de SKANDIA au sens des dispositions légales sus-visées ne peut être sérieusement contestée puisque l'assureur est désigné par le contrat imposant à l'emprunteur de souscrire auprès de lui.

Contrairement à ce que soutient le CREDIT FONCIER, l'intervention de cet assureur n'était pas limitée au versement initial mais au maintien des versements mensuels de 200 euros jusqu'au 5 janvier 2023 exigés parmi les garanties conditionnant l'octroi du prêt, ce que confirme la rédaction de la clause d'exigibilité alors que les frais exigibles à la souscription de l'assurance vie s'élèvent selon les pièces produites à 13084,93 euros et sont antérieurs au prêt puisqu'il est demandé la justification préalable de la souscription de l'assurance-vie.

Même à supposer que la rachat du contrat s'effectue à la fin de la période de différé d'amortissement de 180 mois, l'emprunteur aurait engagé entre temps la somme de 12180, 40 euros du fait de la réduction de la durée d'abondement et des conséquences sur les frais de gestion.

Le Crédit Foncier de France ne peut pas se prévaloir de l'assurance incendie contractée précédemment par le vendeur du bien pour considérer qu'il n'a pas imposé la souscription d'une assurance aux emprunteurs qui n'était pas dès lors tenu de souscrire une assurance.

Mais les conditions d'assurance demandées par le CRÉDIT FONCIER contractuellement définies étaient en durée, contenu et nature des garanties plus étendues par comparaison avec celle du bailleur selon les pièces du dossier.

Et cette assurance constituait une modalité contractuelle d'exécution du contrat à peine de résolution. Elle constituait donc une charge financière pour l'emprunteur dans l'intérêt du prêteur puisque celui-ci la lui impose.

Le coût de cette assurance était connu du Crédit Foncier de France qui pouvait interroger la compagnie d'assurance pour connaître précisément le coût de l'assurance incendie lequel était déterminable, pour l'intégrer dans le calcul du taux effectif global. A ce titre le calcul du taux effectif global est aussi erroné.

 

L'erreur entachant le taux effectif global, dont la mention est exigée dans un contrat de prêt, affecte la validité de la stipulation d'intérêts et est sanctionnée par la substitution du taux de l'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel en application de l'article 1907 du code civil.

 

Le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé.

Le Crédit Foncier de France devra émettre un nouveau tableau d'amortissement avec l'application du taux légal fixé par la loi année par année depuis la première échéance du prêt jusqu'à son terme et les intérêts perçus en trop viendront s'imputer à due concurrence de leur montant d'abord sur les intérêts puis sur le capital conformément à l'article 1254 du code civil.

 

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

 

Infirme le jugement déféré,

 

Prononce la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels de l'offre de prêt et de l'acte notarié et lui substitue l'intérêt au taux légal,

 

Dit que le Crédit Foncier de France devra établir un nouveau tableau d'amortissement au bénéfice de Monsieur et Madame [M] avec application du taux légal fixé par la loi année par année depuis la première échéance jusqu'au terme du prêt, dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

 

Dit que les intérêts perçus en trop viendront s'imputer à due concurrence de leur montant d'abord sur les intérêts puis sur le capital conformément à l'article 1254 du code civil ;

Condamne le Crédit Foncier de France à payer à Monsieur et Madame [M] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

 

Rejette toutes autres demandes,

 

Condamne le Crédit Foncier de France aux dépens de première instance et d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 11/06745
Date de la décision : 05/02/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°11/06745 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-05;11.06745 ?
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