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29/01/2013 | FRANCE | N°11/06604

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 29 janvier 2013, 11/06604


R.G : 11/06604









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 31 août 2011



RG : 09/13409

ch n°





[E]

[E]



C/



SA GROUPAMA GAN VIE

SA PREDICA

Société CAISSE D EPARGNE RHONE ALPES

Société ALLIANZ VIE

Société SPA DE LYON et du SUD EST

Association COMITE PERCE NEIGE

Association LES RESTAURANTS DU COEUR





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



>
COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 29 Janvier 2013







APPELANTS :



Mme [Y] [E]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 24]

[Adresse 5]

[Adresse 5]



représentée par Me Eric DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, ...

R.G : 11/06604

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 31 août 2011

RG : 09/13409

ch n°

[E]

[E]

C/

SA GROUPAMA GAN VIE

SA PREDICA

Société CAISSE D EPARGNE RHONE ALPES

Société ALLIANZ VIE

Société SPA DE LYON et du SUD EST

Association COMITE PERCE NEIGE

Association LES RESTAURANTS DU COEUR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 29 Janvier 2013

APPELANTS :

Mme [Y] [E]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 24]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Eric DUMOULIN, avocat au barreau de LYON,

assistée de Me Christiane DEBONO-CHAZAL, avocat au barreau de LYON

M. [R] [E]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 24]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représenté par Me Eric DUMOULIN, avocat au barreau de LYON,

assisté de Me Christiane DEBONO-CHAZAL, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

SA GROUPAMA GAN VIE

[Adresse 12]

[Adresse 12]

représentée par Me Annick DE FOURCROY, avocat au barreau de LYON

assistée de Me Elie-S-KORCHIA avocat au barreau de Paris

SA PREDICA

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représentée par Me Annick DE FOURCROY, avocat au barreau de LYON

assistée de la SELARL MESSAGER COUILBAULT, avocats au barreau de PARIS,

Société CAISSE D'EPARGNE et de Prévoyance RHÔNE ALPES

[Adresse 8]

[Adresse 8]

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON

assistée de la SCP BRUMM & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON,

Société ALLIANZ VIE

[Adresse 13]

[Adresse 13]

assistée de la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

SPA DE LYON et du SUD EST

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représetnée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON

assistée de la SELARL SELARL ROUSSET-BERT TERESZKO LAVIROTTE, avocats au barreau de LYON,

Association COMITE PERCE NEIGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON

assistée de Me Aliette LASNIER avocat au barreau de Paris

Association LES RESTAURANTS DU COEUR - LES RELAIS DU COEUR -

[Adresse 11]

[Adresse 11]

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

assistée de Me Anny-Claude ROISSARD avocat au barreau de Paris

******

Date de clôture de l'instruction : 09 Novembre 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Novembre 2012

Date de mise à disposition : 15 janvier 2013 puis prorogé au 29 Janvier 2013 les avocats dûment avisés, conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [B] [E] est décédé le [Date décès 3] 2009, laissant deux enfants [Y] et [R] [E].

Il avait souscrit de 1982 à 2005 plusieurs assurances vie auprès de PREDICA, la caisse d'Epargne Rhône Alpes, Groupama et Allianz vie et avait choisi des tiers étrangers, la SPA, les restaurants du c'ur et l'association Perce-neige comme bénéficiaires des contrats d'assurance vie.

[Y] et [R] [E] ont assigné PREDICA, la caisse d'Epargne Rhône Alpes, Groupama Vie et la société AGF vie Allianz vie ainsi que la SPA, les restaurants du c'ur et Perce-neige devant le tribunal de grande instance de Lyon en nullité des contrats sur le fondement de l'article L.132-13 du code des assurances, subsidiairement, de dire que les primes étaient manifestement exagérées et en réintégration du capital issu de tous les contrats dans l'actif de la succession.

Par jugement du 31 août 2011, le tribunal de grande instance de Lyon a rejeté l'intégralité des demandes des consorts [E], a ordonné à PREDICA, la caisse d'Epargne Rhône Alpes, Groupama Vie et la société AGF vie Allianz vie à verser les sommes dues à la SPA, aux restaurants du c'ur et à l'association Perce-neige, rejeté les demandes des parties en dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles.

[Y] et [R] [E] ont interjeté appel aux fins de réformation du jugement.

Ils soutiennent que les contrats sont nuls pour cause illicite en ce qu'ils reposent sur la volonté de [B] [E] de détourner les règles successorales d'ordre public pour nuire à ses enfants en les déshéritant alors que l'intention libérale ou la désignation non anodine à l'égard des associations n'est pas démontrée.

Ils soulignent qu'il a refusé tout lien avec eux et le reste de sa famille jusqu'à sa mort, ayant reproché à son fils de ne pas travailler chez lui et à sa fille d'avoir épousé une personne de couleur, qu'il voulait nuire à ses enfants, qu'il a versé toutes ses disponibilités financières sur des contrats d'assurance-vie et a vendu sa maison en viager trois ans avant son décès alors qu'il se savait très malade, que les associations défenderesses ne peuvent justifier d'aucun lien ni intérêt particulier pour justifier ce choix.

Ils invoquent à titre subsidiaire le caractère manifestement exagéré des sommes versées par l'assuré provenant de la succession de sa mère, de la vente de son entreprise et du bouquet de la vente en viager de sa maison d'habitation, à titre de primes d'un montant global de 315 751 euros dépassant le revenu annuel et le patrimoine mobilier du souscripteur.

Ils demandent à la cour de constater la nullité des contrats pour cause illicite, subsidiairement, de dire que les primes étaient manifestement exagérées et ordonner la réintégration du capital issu de tous les contrats dans l'actif de la succession, de condamner in solidum les bénéficiaires à payer aux consorts [E] les intérêts légaux des sommes issues des contrats à compter du jour du décès et à leur payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SPA de Lyon Sud-Est soulève l'irrecevabilité de la demande de nullité pour cause illicite comme se heurtant au principe de concentration des moyens et à l'autorité de chose jugée de la décision entreprise.

Elle conclut à titre subsidiaire au mal-fondé de cette prétention dès lors que les consorts [E] procèdent par affirmations pour établir l'absence d'intention libérale de leur père lors de la souscription du contrat quinze ans avant son décès et ne démontrent pas la fraude ou l'insanité d'esprit du souscripteur lors de la conclusion du contrat.

Elle souligne que l'article L.132-13 du code des assurances qui exclut le rapport à succession et la réduction pour atteinte à la réserve en matière d'assurance-vie ne peut fonder la demande de nullité.

Elle observe que la situation patrimoniale du souscripteur n'est pas justifiée par les consorts [E] pour chacun des versements opérés par le souscripteur depuis 1993 et que les appelants ne peuvent sans se contredire soutenir que leur père n'avait aucune utilité des sommes placées pour assumer son quotidien et affirmer dans le même temps que les primes auraient été exagérées par rapport à ses capacités financières.

Elle fait valoir qu'en toute hypothèse, seules les primes pour la part manifestement exagérées peuvent être réintégrées dans l'actif successoral.

Elle sollicite confirmation du jugement et condamnation des consorts [E] au paiement de la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association COMITÉ PERCE-NEIGE soutient que les consorts [E] ne rapportent pas la preuve de la fraude, de l'insanité d'esprit, d'un vice du consentement ou d'une cause illicite à l'appui de leur demande de nullité alors que les règles du droit des successions ne sont pas applicables au contrat d'assurance-vie.

Elle rappelle que Monsieur [B] [E] a bénéficié de la somme de 861783,60 francs en 1993 au décès de sa mère, de la somme de 30000 euros de la vente de son entreprise en 2003 selon les dires de ses enfants, de la somme de 60000 euros outre une rente mensuelle de 1650 euros en 2006 lors de la vente en viager de sa maison et souligne que le souscripteur avait les moyens financiers de souscrire les contrats d'assurance vie et d'effectuer des versements compte tenu de ses revenus suffisants à son train de vie de sorte que les primes n'ont pas un caractère manifestement exagéré.

L'association LES RESTAURANTS DU C'UR LES RELAIS DU C'UR demande qu'il lui soit donné acte de l'acceptation des contrats d'assurance vie souscrits à son profit en 1988, 1993, 1994 et 2004 de sorte que ses droits sur ces capitaux sont irrévocables.

Elle souligne que Monsieur [E] était libre de désigner les bénéficiaires qu'il souhaitant et que s'agissant d'associations, leur mauvaise foi n'est pas rapportée pas plus qu'une autre cause de nullité de contrat de sorte que le jugement doit être confirmé.

Elle fait valoir que la seule circonstance qu'au décès du souscripteur, il s'est révélé que la succession ne comprenait aucun actif ne suffit pas à prouver que les sommes versées étaient manifestement exagérées eu égard aux facultés à l'époque des versements ainsi que l'a jugé la cour de cassation.

Elle observe que les consorts [E] ne démontrent pas la consistance du patrimoine de leur père lors du versement de chaque prime et non limitativement le montant de son revenu mensuel'alors que l'essentiel des contrats a été souscrit entre 1988 et 1995 soit entre 54 et 61 ans à une époque proche du règlement de la succession de sa mère dans un objectif de placement pourvu d'un aléa car dépendant de son espérance de vie sans qu'il soit prouvé le caractère manifestement exagéré des versements puisque les sommes provenant de remploi de fonds ne lui étaient pas nécessaires pour vivre.

Elle sollicite la condamnation solidaire des consorts [E] au paiement des sommes de 10000 euros pour procédure abusive et de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les consorts [E] de leur demande de nullité du contrat et s'en rapporte à la décision de la cour sur le caractère manifestement exagéré des primes versées par Monsieur [E] sur la totalité des contrats transmis. Elle sollicite paiement d'une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société PREDICA conclut au débouté de la demande de nullité du contrat, faute de preuve de la faute, de l'insanité d'esprit, d'un vice du consentement et s'en rapporte à justice concernant le caractère manifestement exagérés des primes qui ne pourrait donner lieu à rapport que pour la partie manifestement exagérée. Elle demande à la cour de dire qu'elle ne pourra verser le capital au bénéficiaire que conformément à l'article 806 III du code des impôts et de condamner solidairement les consorts [E] au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GROUPAMA GAN VIE conclut au débouté de la demande de nullité du contrat, aucune fraude ou nullité ne pouvant être soulevée à son encontre et s'en rapporte à justice concernant le caractère manifestement exagérés des primes. Elle demande condamnation solidaire des consorts [E] au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ALLIANZ VIE conclut au débouté de la demande de nullité du contrat, faute de preuve d'un vice du consentement ou de l'insanité d'esprit du souscripteur et s'en rapporte à justice concernant le caractère manifestement exagérés des primes qui ne pourrait donner lieu à rapport que pour la partie manifestement exagérée. Elle demande condamnation solidaire des consorts [E] au paiement de la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité des contrats

Les appelants soutiennent que leur père a placé l'intégralité de sa fortune en assurances-vie avec la volonté de les déshériter, ayant reproché à son fils de ne pas travailler chez lui et à sa fille d'avoir épousé une personne de couleur, ce qui constitue une cause illicite justifiant l'annulation de tous les contrats.

En première instance, ils ont demandé la nullité des contrats pour fraude à la réserve sur le fondement de l'article L.132-13 du code des assurances.

Leur demande reposant sur un moyen nouveau pour soutenir la demande de nullité des contrats déjà formée en première instance est recevable.

Il résulte de la combinaison des articles 1131 et 1133 du code civil que le contrat, fondé sur une cause illicite, contraire aux bonnes m'urs ou à l'ordre public est nul.

En application de ces dispositions, il appartient à [Y] et [R] [E] d'établir que le mobile déterminant lors de la souscription des contrats d'assurance-vie était illicite.

Quatre attestations sont produites au débat.

La première de Madame [N], mère des appelants, relate que Monsieur [E] en a beaucoup voulu à son fils de ne pas travailler avec lui et était un homme intransigeant et rancunier. Le témoin précise que ses enfants ont tout fait pour maintenir les relations avec leur père.

Madame [H], s'ur de Monsieur [B] [E] confirme que ses neveux n'ont pas abandonné leur père et que la rupture des relations résulte du caractère intraitable de ce dernier.

L'épouse et la s'ur de Monsieur [B] [E] précisent qu'elles rédigent les attestations parce qu'elles estiment injuste qu'il soit reproché à [Y] et [R] [E] d'avoir abandonné leur père.

Madame [W], qui précise n'avoir noué des relations amicales fréquentes avec Monsieur [B] [E] qu'à compter de 2007, déclare que Monsieur [E] indiquait à tous que son argent était placé en assurance-vie. Il ne résulte pas de ce témoignage que Monsieur [E] ait confié sa volonté de déshériter ses enfants en raison de leurs choix de vie.

La quatrième attestation de Madame [T] ne contient aucun élément autre que le constat de la rupture des relations entre le père et ses enfants suite au divorce.

Les témoins ne relatent aucun propos de Monsieur [E] démontrant qu'il ait voulu priver ses enfants de tout héritage en raison des reproches qu'il leur faisait concernant l'orientation professionnelle de son fils ou le mariage de sa fille avec un homme de couleur.

La cour retient donc que la démonstration d'une cause illicite des contrats d'assurance-vie souscrits par Monsieur [E] n'est pas rapportée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté [Y] et [R] [E] de leurs demandes de nullité des contrats.

Sur le caractère manifestement exagérés des primes

Entre 1982 et 2005 Monsieur [E] a souscrit sept contrats d'assurance-vie qui se répartissent comme suit :

-auprès de GROUPAMA GAN VIE:

à l'âge de 48 ans, un contrat REPMA souscrit le 1er décembre 1982, destiné à constituer un complément de retraite, prévoyant le versement d'une rente trimestrielle laquelle s'élevait à 1067,71 euros au décès e, versements de 4107 euros en 1994, 15560 euros en 2003 et 3880 euros en 2007,

à l'âge de 60 ans, un contrat SORA EPARGNE souscrit le 4 décembre 1994, destiné à constituer un complément de retraire, avec versement d'une prime de 4107, 64 euros puis de deux autres versements le 3 juillet 2003 de 15560 euros et le 19 juillet 2007 de 3800 euros,

-auprès de PREDICA :

à l'âge de 59 ans, un contrat PREDIGE le 17 juillet 1993 avec primes versées de :

121969 euros à la souscription,

8508, 33 le 29 décembre 1994 par rachat total du contrat PREDIPLUS,

3048,97 euros le 26 décembre 1997,

9146,94 euros le 4 août 1998,

2195,72 euros le 23 novembre 1998,

10000 euros le 24 mars 2006.

-auprès de la Caisse d'épargne :

à l'âge de 60 ans, un contrat n°[XXXXXXXXXX010] avec un versement initial le 3 septembre 2004 de 23000 euros avec faculté de retraits programmés de 312 euros par trimestre exercée effectivement par Monsieur [E] puisque malgré les intérêts acquis, le solde était de 19800,74 euros au décès.

-auprès d'ALLIANZ VIE :

à l'âge de 54 ans, un contrat « la retraite AGF version épargne » en date du 8 décembre1988 avec versementinitial de 20000 francs dontl'objet était le « versement d'une rente trimestrielle à l'assuré à compter de l'âge prévu pour la liquidation de la retraite.

Monsieur [E] a effectué deux rachats partiels de 4603,05 euros et 47,71 euros les 17 juillet 1996 et 11 juin 2003.

A l'âge de 59 ans, un second contrat retraite AGF version épargne en date du 7 octobre 1993 avec versements: 7622,45 euros à l'entrée, 7622,45 euros en juillet 199.7, 6097,96 euros le 1er octobre 1998 et de 2927,02 euros le 1er janvier 1999,

A l'âge de 61 ans, un contrat "Modul'épargne" souscrit le 1er juillet 1995 avec versements de 28218,31 euros à l'entrée, 1525 euros le 15 mars 2004, 17195 euros le 22 mars 2004 et 18200 euros le 29 mars 2004.

Le 17 juillet 1996, Monsieur [E] a obtenu le règlement d'une avance de 22546,75 euros.

A l'âge de 71 ans, un contrat "AGP itinéraires épargne" souscrit le 28 juillet 2005 avec versement initial de 26900 euros, puis de 20000 euros le 29 janvier 2007.

Les primes d'assurance-vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur, ce caractère devant s'apprécier lors du versement compte tenu de l'âge du souscripteur, de sa situation patrimoniale et familiale, et de l'utilité pour lui de l'opération.

Monsieur [B] [E], né en 1934 et décédé le [Date décès 3] 2009 à l'âge de 75 ans, vivait seul depuis son divorce en 1985 et était propriétaire de son logement reçu par succession.

Durant sa vie professionnelle, Monsieur [E] a souscrit cinq contrats d'assurance-vie et versé des primes de 1982 à 1998 avec un objectif de gestion de trésorerie et de complément de retraite sur lesquels il a versé les économies proportionnées à ses revenus procurés par son entreprise horticole et l'actif successoral hérité de sa mère de 861783,60 francs reçu en 1993, année à partir de laquelle ont été réalisé l'essentiel des souscriptions et versements. Au regard des revenus du souscripteur, de sa situation personnelle d'un homme vivant seul, de son patrimoine immobilier et de l'utilité pour lui des opérations définies avec versements trimestriels et facultés de rachat qu'il a effectivement exercées, les primes versées n'apparaissent pas manifestement exagérées.

En revanche, à compter de 2003, date à laquelle Monsieur [E] a vendu son entreprise puis son bien immobilier en viager, vu ses revenus baisser et son état de santé se détériorer jusqu'à son décès, les primes versées ont présenté un caractère manifestement exagéré.

En effet, il ressort des pièces bancaires produites que le souscripteur a placé l'intégralité de ses capitaux disponibles reçus, d'une part, de la vente de son entreprise et de son bien immobilier en viager, d'autre part, des assurances vie représentant plus de 150 000 euros et de 50% de son patrimoine alors que ses déclarations fiscales font apparaître des revenus mensuels de 800 euros et que compte tenu de son âge et du montant du capital épargné résultant des anciens contrats, ils ne représentaient aucune utilité pour lui à titre d'opération d'épargne et de complément de retraite mais poursuivaient manifestement l'objectif exclusif de transmettre cette partie de son patrimoine aux tiers bénéficiaires désignés en dehors de la famille.

En conséquence, les primes doivent être rapportées à la succession pour les montants manifestement exagérés qui suivent':

-GROUPAMA GAN VIE': contrat REPMA': 19940 euros, contrat SORA EPARGNE': 34920 euros

-PREDICA': 10000 euros,

-CAISSE D'EPARGNE': 19800 euros,

-ALLIANZ VIE': contrat modul'épargne': 36920 euros, contrat AGP itinéraire épargne': 46900 euros.

Aucun abus n'est démontré à l'égard des appelants de sorte que l'association les Restaurants du c'ur doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

[Y] et [R] [E] qui succombent pour une part importante supporteront les dépens de première instance et d'appel sans qu'il y ait lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties au litige.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme partiellement le jugement entrepris sur la demande de rapport à succession,

Dit que devront être rapportées à la succession les primes manifestement exagérées des contrats d'assurance vie pour les montants qui suivent':

-GROUPAMA GAN VIE': contrat REPMA': 19940 euros, contrat SORA EPARGNE': 34920 euros

-PREDICA': 10000 euros,

-CAISSE D'EPARGNE': 19800 euros,

-ALLIANZ VIE': contrat modul'épargne': 36920 euros, contrat AGP itinéraire épargne': 46900 euros,

Déboute les consorts [E] du surplus de leur demande de ce chef,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions,

Déboute l'association les Restaurants du c'ur de sa demande de dommages et intérêts,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties,

Condamne [Y] et [R] [E] aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 11/06604
Date de la décision : 29/01/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°11/06604 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-29;11.06604 ?
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