R.G : 11/03153
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON au fond du 05 avril 2011
RG : 10/13688
[X]
[X]
[X]
C/
[F]
[X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 27 Novembre 2012
APPELANTS :
Mme [M] [X] agissant en qualité d'héritière de [L] [X] et de [O] [P] épouse [X] décédés
chez Monsieur [C] [X]
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 7]
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avocats au barreau de LYON, assistée de Me Frédéric ZENATI-CASTAING, avocat au barreau de LYON
M. [G] [X] agissant en qualité d'héritier de [L] [X] et de [O] [P] épouse [X]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représenté par la SCP LAFFLY WICKY, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Frédéric ZENATI-CASTAING, avocat au barreau de LYON
M. [C] [X] agissant en qualité d'héritier de [L] [X] et de [O] [P] épouse [X]
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 7]
représenté par la SCP LAFFLY WICKY, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Frédéric ZENATI-CASTAING, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
Mme [W] [F] épouse [S]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 17] (Rhône)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par la SCP Elisabeth LIGIER de MAUROY et Laurent LIGIER, assistée de Me LAFONTAINE, avocat au barreau de LYON
Mme [T] [X] épouse [Z]
née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 18] (Rhône)
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par la SCP BEUFUME-SOURBE, avocats au barreau de LYON, assistée de Me Michel BONNEFOY, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 23 Février 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Octobre 2012
Date de mise à disposition : 27 Novembre 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
Au terme d'une promesse synallagmatique du 18 juillet 2003, Monsieur et Madame
[X] ont vendu à Madame [S] un bien immobilier situé à [Localité 20] moyennant le prix de 373.500 euros.
La vente devait être réitérée par acte authentique avant le 15 juin 2004, après réalisation des conditions suspensives.
Le 21 mai 2004, Monsieur et Madame [X] ont déposé plainte contre X pour escroquerie et abus de faiblesse.
Par acte du 15 juin 2004, Madame [S] les a assignés en réitération de la vente et en paiement de dommages intérêts.
La société Badoil Immobilier est intervenue volontairement à l'instance pour obtenir la condamnation de Madame [S] à lui payer sa commission.
Par jugement du 18 janvier 2005, le tribunal de grande instance de Lyon a sussis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale.
Par arrêt du 08 décembre 2009, la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de non lieu rendue à la suite de la plainte de Monsieur et Madame [X].
Après le décès de ces derniers, leurs héritiers, Madame [M] [X], Monsieur [G] [X] et Monsieur [C] [X] ont repris l'instance. Madame [S] a appelé en cause Madame [T] [X], autre héritière.
Par jugement du 05 avril 2011, le tribunal de grande instance de Lyon a dit que la vente conclue le 18 juillet 2003 est parfaite et que l'acte de vente n'est pas entaché de nullité, condamné les consorts [X] à signer l'acte authentique de vente dans le délai d'un mois de la signification du jugement, sous astreinte de 800 euros par jour de retard, débouté Madame [S] de sa demande au titre de la clause pénale, donné acte à Madame [S] de sa proposition de payer à la société Badoil Immobilier la somme de 22.867,35 euros, et, en tant que de besoin, l'a condamnée au paiement de cette somme dès la signature de l'acte authentique de vente.
Madame [M] [X], Monsieur [G] [X] et Monsieur [C] [X], appelants, concluent à la réformation du jugement et demandent que soit constatée la caducité de la promesse de vente, à titre subsidiaire qu'elle soit annulée en application de l'article 503 du code civil dans sa version applicable au moment des faits, plus subsidiairement pour insanité d'esprit. Ils se prévalent en premier lieu de la défaillance des conditions suspensives tenant à la capacité civile des vendeurs, à l'obtention d'un permis de construire, et à la réalisation d'un diagnostic d'amiante. Ils relèvent que Madame [X] a été placée sous le régime de la tutelle par jugement du 25 janvier 2006, alors que la réalisation par acte authentique n'avait pas eu lieu, que le permis de construire n'a pas été obtenu avant le 15 juin 2004, délai fixé dans la promesse, que la condition suspensive relative à l'amiante a été stipulée dans l'intérêt des deux parties, et que Madame [F] ne pouvait renoncer unilatéralement aux effets de la défaillance de cette condition.
Ils soutiennent que la maladie d'Alzheimer dont souffrait leur mère et qui a justifié son placement sous tutelle a été diagnostiquée dès le mois de mars 2002, et que cette cause de nullité était connue de l'acquéreur. Ils se prévalent à ce titre de plusieurs certificats et expertises.
Ils font valoir en outre que Monsieur [X] souffrait de troubles psychiques dès le 09 janvier 2002 et que ceux-ci ont connu un accroissement constant.
Madame [T] [X] épouse [Z] s'en rapporte sur la demande et sollicite la confirmation du jugement, en précisant qu'elle n'a d'autre souhait que de voir respecter la signature de ses parents.
Madame [S] conclut à la confirmation du jugement, sauf sur le rejet de sa demande concernant la clause pénale.
Elle fait valoir que si l'acte prévoit que les vendeurs doivent avoir la pleine capacité civile au jour de la réitération par acte authentique, il ne peut s'agir d'une condition suspensive, mais d'un rappel des dispositions légales, et qu'en toute hypothèse, les parties n'ont pu que prévoir l'existence de cet état au plus tard le jour convenu pour la réitération, soit le 15 juin 2004. Elle demande que soit constatée la parfaite réalisation de la condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire, et souligne que la condition suspensive a été stipulée au seul profit de l'acquéreur. Elle considère qu'il en va de même pour la condition relative à la réalisation d'un diagnostic amiante, et qu'en fixant un rendez-vous pour la signature de l'acte authentique, elle a renoncé aux conditions suspensives stipulées à son profit.
Elle souligne que la décision de vendre des époux [X] était bien antérieure à la prétendue période à laquelle se reportent les consorts [X] pour revendiquer un état de faiblesse mentale. Elle rappelle que l'expert désigné par le juge d'instruction a conclu que Monsieur [X] gardait une bonne efficience intellectuelle, ne présentait pas de pathologie démentielle ou évolutive, malgré un certain ralentissement sur le plan psychomoteur, et que
Madame [X] présentait des troubles de la mémoire, suspectant que la maladie d'Alzheimer avait pu débuter en 2003 et que le notaire choisi par les époux [X] n'avait pas observé un état d'affaiblissement.
Madame [S] estime que les conditions d'application de la clause pénale sont réunies, puisqu'elle a assigné les vendeurs afin de les contraindre à respecter leurs engagements, et sollicite la condamnation des consorts [X] à lui payer à ce titre la somme de 37.350 euros. A titre subsidiaire, elle demande cette somme à titre de dommages intérêts pour résistance abusive.
MOTIFS
Attendu que la promesse de vente prévoyait notamment des conditions suspensives tenant à la pleine capacité physique des vendeurs lors de la réitération de la vente, à l'obtention par l'acquéreur d'un permis de construire, l'obtention par lui d'un prêt et la réalisation d'un diagnostic ne révélant pas la présence d'amiante ; que la promesse précise expressément que la condition relative à l'obtention d'un prêt est stipulée dans le seul intérêt de l'acquéreur ; que même si l'acte ne le mentionne pas, les conditions tenant à l'obtention d'un permis de construire et à la réalisation d'un diagnostic amiante sont également prévues dans l'intérêt de l'acquéreur ; qu'en conséquence, les vendeurs ne peuvent se prévaloir de la défaillance de ces trois conditions pour invoquer la caducité de la promesse ; que dès lors que la vente n'a pas été réitérée, la condition relative à la pleine capacité des vendeurs au jour de la réitération n'a pu défaillir ; qu'en outre, cette stipulation s'analyse en réalité en un simple rappel des conditions légales de validité d'une convention, et non en une véritable condition suspensive ;
Attendu que l'article 503 ancien du code civil dispose que les actes antérieurs au jugement d'ouverture de la tutelle pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture existait notoirement à l'époque où ils ont été faits ; que Madame [X] a fait l'objet d'un placement sous tutelle par jugement du 25 janvier 2006 ; que les consorts [X] se prévalent d'une grille nationale AGGIR établie le 07 janvier 2002 mentionnant la lettre 'C' définie comme 'ne fait pas' dans deux critères (l'orientation et les activités de temps libre) ; qu'en premier lieu, l'authenticité de ce document n'est pas démontrée, dès lors qu'il ne comporte ni nom ni cachet d'un médecin ; que par ailleurs, cette grille, ainsi que les pièces n° 22 et 23 des appelants n'apportent nullement la preuve de l'existence, au moment de la signature du compromis, de la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle, puisqu'ils n'évoquent qu'une suspicion de maladie d'Alzheimer et le début d'une détérioration intellectuelle ; que le rapport d'expertise médicale psychiatrique réalisée dans le cadre de la procédure pénale le 18 novembre 2004, c'est-à-dire seize mois après la signature de la promesse, fait apparaître une altération de ses fonctions intellectuelles supérieures en rapport avec une démence s'inscrivant dans le cadre d'une maladie d'Alzheimer, avec une réduction de ses facultés de jugement, de compréhension et de raisonnement ; que l'expert précise : 'il s'agit d'un processus évolutif dont les critères d'évolution peuvent être variables d'un individu à l'autre mais qui, connaissant son délai d'évolution, permet de faire suspecter que cette pathologie démentielle avait déjà débuté en 2003 et ce au vu de la sévérité des troubles actuellement constatés' ; qu'il découle de cet avis une incertitude sur l'état de Madame [X] à l'époque à laquelle la promesse a été régularisée, puisque l'expert souligne que les critères d'évolution sont variables d'un individu à l'autre, et qu'il reste imprécis et non affirmatif sur l'époque à laquelle a débuté la pathologie ; qu'en conséquence c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les conditions d'application de l'article 503 ancien du code civil n'étaient pas réunies ;
Attendu qu'il découle de ce qui précède qu'il n'est pas établi non plus que Madame [X] présentait une insanité d'esprit lors de la signature de la promesse de vente le 18 juillet 2003 ; que l'expertise psychiatrique de Monsieur [X] réalisée le 18 novembre 2004 dans le cadre de la procédure pénale indique que ses fonctions mnésiques restent relativement bien conservées, qu'il n'est pas mis en évidence de trouble en rapport avec une pathologie démentielle, qu'il ne présente pas d'altération de ses fonctions intellectuelles supérieures, même si l'on note un certain ralentissement sur le plan psychomoteur, s'accompagnant d'une lenteur idéative avec une réduction de la fluence verbale ; que l'expert conclut que l'on ne peut considérer que l'intéressé présente une altération de ses facultés mentales ni que de tels troubles pouvaient exister en 2002 ou 2003 ; que ces conclusions ne sont pas sérieusement remises en cause par l'expertise réalisée le 26 novembre 2006 par Monsieur [E], dès lors que cette dernière mesure d'instruction n'a été effectuée que sur pièces, sans examen de Monsieur [X], que si l'expert affirme qu'en 2002 et en 2003
Monsieur [X] était en situation de faiblesse au sens de l'article 223.15.2 du code pénal
et qu'il apparaissait particulièrement vulnérable au sens de l'article 313.2.4 du code pénal, il n'en découle pas qu'il présentait, lors de la signature de la promesse, une insanité d'esprit au sens de l'article 489 du code civil dans sa version alors applicable ; que la preuve d'un trouble mental de Monsieur [X] au moment de l'acte ne découle pas non plus des autres pièces produites aux débats ni de la mention figurant dans la promesse selon laquelle les vendeurs devaient avoir leur pleine capacité civile au jour de la réitération par acte authentique ; qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que la vente n'est pas entachée de nullité et qu'elle est parfaite, et en ce qu'il a condamné les consorts [X] à signer l'acte authentique de vente ; que la signature devra intervenir dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, sous l'astreinte prévue par le premier juge ;
Attendu que la promesse de vente prévoit, qu'au cas où toutes les conditions relatives à l'exécution de l'acte étant remplies, l'une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique, elle devrait verser à l'autre partie la somme de 37.350 euros à titre de clause pénale ; que dès lors que Madame [S] a assigné les vendeurs à jour fixe afin de les contraindre à respecter leurs engagements, ceux-ci ont été mis en demeure de signer l'acte authentique comme le prévoit la promesse ; que les consorts [X] sont dès lors tenus au paiement de la clause pénale ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Réforme le jugement entrepris en ce qu'ill a débouté Madame [S] de sa demande au titre de la clause pénale,
Condamne Madame [M] [X], Monsieur [G] [X], Monsieur [C] [X] et Madame [T] [X] à payer à Madame [S] la somme de 37.350 EUROS à titre de clause pénale,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Dit que les consorts [X] devront signer l'acte authentique de vente dans le mois suivant le présent arrêt sous peine d'une astreinte de 800 euros par jour de retard,
Condamne Madame [M] [X], Monsieur [G] [X], Monsieur [C] [X] et Madame [T] [X] à payer à Madame [S] la somme supplémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes des consorts [X] présentées sur ce fondement,
Condamne Madame [M] [X], Monsieur [G] [X], Monsieur [C] [X] aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par la Scp Ligier de Mauroy-Ligier, avocats.
Le Greffier Le Président