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19/06/2012 | FRANCE | N°11/01745

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 19 juin 2012, 11/01745


R.G : 11/01745















Décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE au fond du 19 mai 2010



ch n°1

RG : 2009/00801







[D]



C/



SCP DENIEUIL









COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 19 Juin 2012







APPELANT :



M. [E] [M] [K] [D]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 4] (Loire)

[Adresse 5]

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représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Pierre ROBILLARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMEE :



SCP DENIEUIL

titulaire d'un office notarial

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par la SCP BRON...

R.G : 11/01745

Décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE au fond du 19 mai 2010

ch n°1

RG : 2009/00801

[D]

C/

SCP DENIEUIL

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 19 Juin 2012

APPELANT :

M. [E] [M] [K] [D]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 4] (Loire)

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, assisté de Me Pierre ROBILLARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

SCP DENIEUIL

titulaire d'un office notarial

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avocats au barreau de LYON, assistée de Me Joël TACHET, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 11 Mai 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Mai 2012

Date de mise à disposition : 19 Juin 2012

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Claude MORIN, conseiller

- Christian RISS, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile,

Arrêt contradictoire rendtu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Monsieur [D] et Madame [R] se sont mariés le [Date mariage 2] 1988 et ont adopté le régime de la séparation de biens.

Par acte authentique du 13 décembre 1988, Madame [R] a fait l'acquisition d'un immeuble pour le prix de 1.520.000 francs. Par un acte sous seing privé du même jour, Monsieur [D] lui a consenti une avance de 500.000 francs souscrit auprès du Crédit Lyonnais, pour lequel Monsieur [D] était co-emprunteur à hauteur de 70 %.

Par acte sous seing privé du 13 décembre 1988, Monsieur et Madame [D] convenaient des modalités de répartition du prix de vente de la maison en cas de séparation.

Par acte sous seing privé du 04 décembre 1995, les époux ont convenu qu'en cas de séparation ou de divorce, Madame [R] devrait verser à Monsieur [D] la moitié du prix de la vente ou de la valeur du bien.

Le divorce des époux [D] a été prononcé le 11 mai 2000.

Par jugement du 25 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Versailles a retenu que la convention du 13 décembre 1988 n'avait aucune valeur juridique, dès lors qu'elle ne pouvait contredire les termes de l'acte authentique de vente mentionnant que l'immeuble appartient à Madame [R], et compte tenu du régime de séparation de biens adopté par les époux, et a considéré que l'acte sous seing privé du 04 décembre 1995 était contraire au régime matrimonial et devait être déclaré nulle. Le tribunal, faisant application de l'article 1099-1 du code civil, a dit que Madame [R] était redevable à l'égard de Monsieur [D] de la somme de 128.700 euros en remboursement de la somme versée pour l'acquisition de l'immeuble, représentant 33 % du prix d'achat et a débouté Monsieur [D] de ses demandes tendant à la condamnation de Madame [R] à lui payer des sommes de 298.600,15 euros représentant la moitié de la valeur de l'immeuble, de 126.213,12 euros au titre de sa perte de jouissance, de 9.769,93 euros en remboursement de frais notariés et de 7.622 euros au titre de la perte de jouissance du mobilier.

Monsieur [D] a assigné la Scp de notaires Denieuil en responsabilité en lui reprochant des fautes dans la rédaction des conventions contestées et des manquements dans son devoir de conseil.

Par jugement du 19 mai 2010, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne l'a débouté de ses demandes, au motif qu'il n'est pas établi que le notaire a prêté son concours à la rédaction des actes sous seing privé du 13 décembre 1988 et du 04 décembre 1995.

Monsieur [D], appelant, conclut à la réformation du jugement et sollicite la condamnation de la Scp Denieuil à lui payer :

- la somme de 1.180.000 euros, ou subsidiairement 1.024.502 euros, correspondant à la valeur actualisée de la maison, ou à défaut au montant qu'il aurait dû percevoir si l'acte avait porté ses effets,

- la somme de 355.394 euros, ou en subsidiaire 177.697 euros au titre de la privation de jouissance de la maison,

- la somme de 235.079 euros, ou à titre subsidiaire 168.439 euros en réparation de son préjudice moral,

le tout sous déduction de la somme attribuée par le tribunal de grande instance de Versailles.

Il soutient qu'alors que l'acte authentique de vente fait apparaître que Madame [R] est propriétaire exclusive de la maison dont elle a financé seule l'acquisition, le clerc de la Scp de notaires a dicté les termes de l'acte sous seing privé du même jour sans valeur juridique. Il rappelle que l'étude Denieuil gère les affaires de sa famille depuis des décennies, et qu'il lui avait confié toutes les opérations destinées à l'achat de son domicile conjugal, de l'obtention du prêt à la participation à l'acte de vente lui-même. Il reproche à la Scp Denieuil d'avoir manqué à son devoir de conseil et de prudence, en faisant écrire aux époux sous la forme d'un acte sous seing privé un texte contredisant le contrat de mariage, l'acte de vente et le prêt immobilier, et de les avoir induits en erreur en leur laissant penser que cet acte permettait d'aménager leur régime matrimonial et la dévolution de leur habitation principale. Il considère qu'elle aurait dû établir un acte de vente conforme à la réalité, et attirer l'attention de ses clients sur le décalage entre le financement (co-emprunteurs) et le titre de propriété. Il soutient que s'il avait été correctement informé, il aurait acquis la maison pour son propre compte. Il ajoute que le notaire aurait pu conseiller l'établissement d'un acte de prêt et d'un acte d'achat du bien immobilier qui fasse correspondre le montant des financements respectifs, ou encore la constitution d'une Sci, ou l'établissement d'un contrat de prêt entre époux, ou d'une reconnaissance de dette figurant dans l'acte et précisant les conditions de remboursement de la somme empruntée.

La Scp Denieuil conclut à la confirmation du jugement.

Elle soutient qu'elle n'est pas le rédacteur de la convention sous seing privé du 13 décembre 1988, ni de celle du 04 décembre 1995, et qu'elle a simplement reçu le premier acte en dépôt, de sorte qu'elle n'était pas tenue d'un devoir de conseil quant à la teneur de ce document.

Elle souligne que devant le tribunal de grande instance de Versailles, Monsieur [D] a réclamé à son épouse une somme calculée non pas en fonction des termes de l'acte sous seing privé du 13 décembre 1988 (500.000 francs + la moitié de la plus-value constatée) mais la moitie de la valeur de l'immeuble selon les termes de l'acte sous seing privé du 04 décembre 1995, de sorte que l'acte du 13 décembre 1988 est étranger au débat tranché par cette juridiction, d'autant que les époux avaient prévu que l'acte du 04 décembre 1995 remplaçait et annulait le précédent.

Elle conteste les préjudices réclamés par Monsieur [D] et fait valoir :

- que c'est en parfaite connaissance de cause que Monsieur [D], divorcé et ayant des enfants de sa précédente union, a choisi le régime de la séparation de biens et a décidé pour éviter une nouvelle indivision entre sa nouvelle épouse et ses enfants, que l'immeuble serait acquis par elle seule,

- qu'il ne peut soutenir qu'il aurait pu obtenir la compensation prévue par l'acte sous seing privé du 13 décembre 1988, alors que ce n'est pas ce qu'il a demandé au tribunal de grande instance de Versailles et qu'il a convenu, le 04 décembre 1995, que les dispositions de cet acte étaient annulées,

- qu'il ne peut prétendre être indemnisé de la totalité de la plus-value alléguée, alors que l'acte du 13 décembre 1988 ne lui en concédait que la moitié,

- qu'il ne peut substituer à l'évaluation de l'immeuble retenue par le tribunal au mois de juin 2005 (390.000 euros) au vu de l'estimation qu'il avait produite, une évaluation largement postérieure (820.000 euros) de février 2008,

- que le bien étant indiqué comme la seule propriété de son épouse, il ne pouvait, en tant que créancier du montant avancé à celle-ci, être assimilé à un propriétaire et prétendre bénéficier d'indemnités d'occupation,

- que si l'acte sous seing privé du 13 décembre 1988 avait été applicable pour la solution du litige entre les époux, Monsieur [D] aurait perçu en tout et pour tout une somme 155.362 euros, alors qu'il lui a été alloué une somme de 128.700 euros.

MOTIFS

Attendu par l'acte sous seing privé critiqué du 13 décembre 1988, Monsieur et Madame [D] ont convenu des modalités de répartition du prix de vente de la maison en cas de séparation ;

Attendu que par acte sous seing privé du 04 décembre 1995, ils ont convenu qu'en cas de séparation ou de divorce, Madame [R] devrait verser à Monsieur [D] la moitié du prix de la vente ou de la valeur du bien ; que cet acte indique qu'il 'remplace et annule l'accord sous seing privé signé entre les parties le 13 décembre 1988" ;

Attendu qu'il résulte des termes du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 28 juin 2005 que Monsieur [D] a réclamé à son ex-épouse la moitié de la valeur de l'immeuble selon les termes de l'acte sous seing privé du 04 décembre 1995, et non pas une somme calculée selon les termes de l'acte sous seing privé du 13 décembre 1988 ; que dès lors, comme le souligne à juste titre la Scp Denieuil, ce dernier acte est étranger au débat judiciaire tranché par le tribunal de grande instance de Versailles et il n'existe aucun lien de causalité entre cette décision et cet acte, sur lequel Monsieur [D] fonde sa réclamation et qui avait été privé de toute efficacité par l'acte postérieur de 1995 ;

Attendu qu'il est constant que la Scp Denieuil n'est pas intervenue lors de l'établissement de l'acte du 04 décembre 1995 ;

Attendu en conséquence que Monsieur [D] n'est pas fondé à reprocher au notaire un manquement à son devoir de conseil et de prudence à l'occasion d'un acte sans lien de causalité avec le préjudice dont il se prévaut ;

Attendu en outre que les époux avaient choisi librement d'adopter un régime de séparation de biens et de prévoir l'acquisition de l'immeuble par l'épouse seule ; que Monsieur [D] ne peut sérieusement prétendre qu'il a été privé de la possibilité d'acquérir le bien en son nom propre en raison d'une faute de la Scp Denieuil ; que cette dernière n'était pas intervenue lors de l'adoption du régime matrimonial et n'était pas tenue à l'égard de Monsieur [D] d'un devoir de conseil dans le cadre de l'acte d'achat de l'immeuble, puisqu'il n'était pas partie à cet acte ; que par ailleurs, devant le tribunal de grande instance de Versailles, Monsieur [D] n'a pas obtenu une somme supérieure à 128.700 euros parce qu'il n'a pas rapporté la preuve de ce que les sommes dues au Crédit Lyonnais n'avaient pas été remboursées par Madame [R] seule au moyen de ses revenus et qu'il n'a pas établi la réalité de la plus-value dont il se prévalait, le tribunal ayant retenu l'évaluation de 390.000 euros qu'il produisait ; que cette juridiction a considéré que Madame [R] justifiait du remboursement du prêt immobilier par prélèvement, sur son propre compte ouvert auprès du Crédit Lyonnais, et en présence d'une reconnaissance par l'épouse d'un apport du mari, a fait application de l'article 109-1 du code civil ;

Attendu en conséquence qu'en l'absence de preuve d'une faute du notaire en lien de causalité avec le préjudice invoqué, le jugement qui a débouté Monsieur [D] de ses demandes doit être confirmé ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [D] à payer à la Scp Denieuil la somme supplémentaire de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [D] aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la Scp Brondel-Tudela conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 11/01745
Date de la décision : 19/06/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°11/01745 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-19;11.01745 ?
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