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24/01/2012 | FRANCE | N°10/05363

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 24 janvier 2012, 10/05363


R.G : 10/05363









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 16 juin 2010



RG : 08/15123

ch n°1





SOCIETE CLEAR CHANNEL FRANCE



C/



VILLE DE [Localité 3]









COUR D'APPEL DE [Localité 3]



1ère chambre civile B



ARRET DU 24 Janvier 2012







APPELANTE :



SOCIETE CLEAR CHANNEL FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 4]
>

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE,

assistée de Me Christophe CABANES, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE :



VILLE DE [Localité 3], représentée par son Maire en exercice

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par la SCP LAFFLY - WICKY,

as...

R.G : 10/05363

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 16 juin 2010

RG : 08/15123

ch n°1

SOCIETE CLEAR CHANNEL FRANCE

C/

VILLE DE [Localité 3]

COUR D'APPEL DE [Localité 3]

1ère chambre civile B

ARRET DU 24 Janvier 2012

APPELANTE :

SOCIETE CLEAR CHANNEL FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE,

assistée de Me Christophe CABANES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

VILLE DE [Localité 3], représentée par son Maire en exercice

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY,

assistée de Me Sabrina BOUSSOUR, avocat au barreau de MACON

******

Date de clôture de l'instruction : 25 Novembre 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Novembre 2011

Date de mise à disposition : 24 Janvier 2012

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Claude MORIN, conseiller

- Agnès CHAUVE, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par délibération du 04 mai 1959, le conseil municipal de la Ville de [Localité 3] a institué une taxe sur la publicité en application des articles L.2333-6 et suivants du code général des collectivités territoriales.

Au vu de cette décision, la Ville de [Localité 3] a émis un titre de recettes numéro 8853 du 9 juillet 2008 pour un montant de 6.600 euros, destiné à la société Clear Channel France.

Contestant la validité de ce titre, cette dernière a assigné la Ville de [Localité 3] en nullité de celui-ci.

Par jugement du 16 juin 2010, le tribunal de grande instance de Lyon l'a déboutée de sa demande et l'a condamnée à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

La société Clear Channel France, appelante, conclut à 'l'annulation' du jugement, et du titre de recettes, après que la cour ait sursis à statuer et renvoyé les parties devant le tribunal administratif en vue d'une question préjudicielle.

Elle soutient que sa demande est recevable dès lors qu'elle a agi dans le délai de recours de deux mois suivant l'émission du titre de recettes. Elle se prévaut au surplus du caractère perpétuel de l'exception d'illégalité des actes administratifs de nature réglementaire.

Elle considère que la cour doit surseoir à statuer en vue d'une question préjudicielle au juge administratif dès lors qu'elle met en cause de manière sérieuse la légalité de la délibération du 04 mai 1959 sur le fondement de laquelle le titre de recette a été émis. Elle fait valoir que compte tenu des dispositions de l'article L.2333-10 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au litige, le conseil municipal ne pouvait pas à la fois doubler le taux de la taxe pour les affiches de première catégorie (de 0,80 euros à 1,60 euros) et quadrupler le taux de la taxe pour les affiches de quatrième catégorie pour les villes de plus de 30.000 habitants (de 6,40 euros à 25,80 euros), alors qu'il avait trois possibilités :

- appliquer le taux de base,

- doubler tous les taux,

- quadrupler (ou tripler) les taux des affiches de quatrième et de cinquième catégorie.

Elle souligne que cette interprétation a été confirmée par une circulaire du ministre de

l'intérieur du 16 février 1983.

Elle ajoute qu'elle n'a commis aucun abus de procédure et que contestant le fondement même de la taxe sur la publicité, elle n'a d'autre issue que de contester tous les titres émis pour sa perception.

La Ville de [Localité 3] conclut à la confirmation du jugement. Elle fait valoir que la délibération du 04 mai 1959 a été publiée régulièrement et est donc opposable.

A titre principal, elle se prévaut de la forclusion du recours qui n'a pas été formé dans le délai de deux mois du rejet, le 25 novembre 2005, de la réclamation formée par la société' Clear Channel France pour contester les modalités de calcul de la taxe de publicité.

Elle considère qu'il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant le juge administratif en l'absence de sérieux de la contestation de la validité de la délibération du conseil municipal prise en conformité avec les dispositions de l'article L.2333-10 du code général des collectivités territoriales.

Elle estime que la circulaire invoquée par l'appelante, qui ne figure pas sur le site officiel du Premier Ministre et n'a fait l'objet d'aucune autre publicité, n'est pas applicable.

Elle soutient que la société Clear Channel France exerce un recours abusif et fait preuve d'un véritable acharnement judiciaire.

La Ville de [Localité 3] ayant communiqué et déposé de nouvelles conclusions le 25 novembre 2011, jour de l'ordonnance de clôture, la société Clear Channel France a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi des plaidoiries à une date ultérieure, à défaut l'irrecevabilité des conclusions tardives en raison de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire.

MOTIFS

Attendu que la Ville de [Localité 3] a communiqué et déposé le jour de l'ordonnance de clôture de nouvelles conclusions complétant son argumentation ; que compte tenu de la tardiveté de ces écritures contenant un complément d'argumentation, la société Clear Channel France n'a pu utilement répliquer ; qu'en conséquence, les conclusions communiquées et déposées le 25 novembre 2011 par la Ville de [Localité 3] doivent être déclarées irrecevables ;

Attendu que dès lors que la société Clear Channel France a assigné la ville de [Localité 3] en contestation de la validité du titre de recettes émis le 9 juillet 2008 notifié le 8 août 2008, par acte du 5 septembre 2008, dans le délai de deux mois du recours prévu par l'article L.1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable, son action est recevable ;

Attendu que le juge judiciaire, auquel est opposée un exception d'illégalité d'un texte réglementaire, doit surseoir à statuer si cette exception présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige ;

Attendu que l'article L.2333-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que la taxe frappe :

1° Les affiches sur papier ordinaire imprimées ou manuscrites ;

2° Les affiches ayant subi une préparation quelconque en vue d'en assurer la durée, soit que le papier ait été transformé ou préparé, soit qu'elles se trouvent protégées par un verre, un vernis ou une substance quelconque, soit qu'antérieurement à leur apposition, on les ait collées sur une toile, plaque de métal, etc. Sont assimilées à ces affiches les affiches sur papier ordinaire, imprimées ou manuscrites, qui sont apposées soit dans un lieu couvert public, soit dans une voiture, quelle qu'elle soit, servant au transport du public ;

3° Les affiches peintes et généralement toutes les affiches autres que celles sur papier, qui sont inscrites dans un lieu public, quand bien même ce ne serait ni sur un mur ni sur une construction ;

4° Les affiches, réclames et enseignes lumineuses, constituées par la réunion de lettres ou de signes installés spécialement sur une charpente ou sur un support quelconque pour rendre une annonce visible tant la nuit que le jour.

Sont assimilées à ces affiches les affiches sur papier, les affiches peintes et les enseignes éclairées la nuit au moyen d'un dispositif spécial, ainsi que les affiches éclairées apposées sur les éléments de mobilier urbain ;

5° Les affiches, réclames et enseignes lumineuses obtenues soit au moyen de projections intermittentes ou successives sur un transparent ou sur un écran, soit au moyen de combinaisons de points lumineux susceptibles de former successivement les différentes lettres de l'alphabet dans le même espace, soit au moyen de tout procédé analogue.

Que l'article L.2333-10 du même code dispose :

'I - Les taux de la taxe sur la publicité sont les suivants :

1° Pour les affiches mentionnées au 1° de l'article L.2333-7 par mètre carré ou fraction de mètre carré : 0,80 euro ;

2° Pour les affiches mentionnées au 2° du même article :

La taxe est égale à trois fois celle des affiches sur papier ordinaire.

Toutefois, le tarif n'est que double pour les affiches sur papier qui sont apposées soit dans un lieu couvert public, soit dans une voiture, quelle qu'elle soit, servant au transport du public;

3° Pour les affiches mentionnées au 3° du même article : 3,20 euros par mètre carré ou fraction de mètre carré et par période quinquennale. Ce tarif est doublé pour la fraction de la superficie des affiches excédant 50 mètres carrés ;

4° Pour les affiches, réclames et enseignes mentionnées au 4° du même article : 3,20 euros par mètre carré ou fraction de mètre carré et par année.

Ce taux est doublé dans les communes où la population dépasse 30.000 habitants.

Les taux susvisés sont doublés pour la superficie des affiches, réclames et enseignes excédant 50 mètres carrés.

A la demande des assujettis, la taxe peut être acquittée par périodes mensuelles. Dans ce cas, la quotité en est fixée par mètre carré ou fraction de mètre carré et par mois à :

- 0,80 euro dans les communes dont la population n'excède pas 30.000 habitants ;

- 1,60 euro dans les communes dont la population dépasse 30.000 habitants.

5° Pour les affiches, réclames et enseignes mentionnées au 5° du même article :

Par mètre carré ou fraction de mètre carré et par mois, quel que soit le nombre des annonces, à :

- 3,20 euros dans les communes dont la population n'excède pas 30.000 habitants ;

- 4,80 euros dans les communes dont la population dépasse 30.000 habitants ;

Ces tarifs mensuels sont doublés pour la fraction de la superficie des affiches, réclames et enseignes excédant 50 mètres carrés.

II - Ces tarifs sont relevés chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de la dotation globale de fonctionnement. Toutefois, lorsque les tarifs ainsi obtenus sont des nombres avec deux chiffres après la virgule, ils sont arrondis pour le recouvrement au dixième d'euro, les fractions d'euro inférieures à 0,05 euros étant négligée et celles égales ou supérieures à 0,05 euro étant comptées pour 0,1 euro.

III - Les conseils municipaux ont la faculté de doubler tous les taux prévus au présent article.

Ils peuvent, en outre, dans les communes de plus de 30.000 habitants :

- soit tripler ou quadrupler les tarifs prévus aux 4° et 5° du I ci-dessus ;

- soit instituer, pour les affiches, réclames, enseignes lumineuses et supports publicitaires mentionnés aux 4° et 5° du I, une échelle de tarifs variables selon les rues et allant du double au quadruple des tarifs prévus aux 4° et 5° du I.

Ces dispositions ne sont pas cumulables entre elles.

Qu'il découle clairement de ce texte que le taux prévu pour les affiches de quatrième catégorie est automatiquement doublé dans les communes où la population dépasse 30.000 habitants, que les conseils municipaux ont la faculté de doubler tous les taux et en outre, pour les villes de plus de 30.000 habitants, soit tripler ou quadrupler les tarifs prévus au 4° et 5° du I, soit instituer une échelle de tarifs variables selon les rues et allant du double au quadruple des tarifs prévus au 4° et 5° du I ; que l'interdiction de cumul prévue en fin du paragraphe III ne concerne que les alternatives prévues dans ce paragraphe, et non les dispositions de l'article L. 2333-10 dans son ensemble, que comme le souligne la Ville de [Localité 3], l'interprétation contraire conduirait à supprimer la faculté pour la Ville de tripler ou de quadrupler les tarifs pour les affiches de quatrième catégorie, puisque le doublement prévu pour les affiches au paragraphe I, 4° est automatique dans les communes où la population dépasse 30.000 habitants ;

Attendu que la société Clear Channel France invoque en vain une circulaire du 16 février 1983 qui n'a fait l'objet d'aucune publication, qui ne figure pas sur le site internet relevant du Premier Ministre et qui par conséquent n'est pas applicable ;

Attendu que par délibération du 04 mai 1959, la Ville de [Localité 3] a doublé la taxe pour les affiches de première catégorie et quadruplé les taux pour les affiches de quatrième catégorie, comme le lui permet le paragraphe III de l'article L.2333-10 ; qu'elle a ainsi adopté des mesures séparées et distinctes pour des titres différents, de première catégorie d'une part, de quatrième catégorie d'autre part ;qu'elle n'a pas cumulé, pour la même catégorie d'affiches, le doublement facultatif et le quadruplement des tarifs ; que la contestation de la légalité du texte réglementaire soulevée par la société Clear Channel France n'est pas sérieuse, de sorte qu'il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant la juridiction administrative; que le premier juge a débouté à juste titre la société Clear Channel France de ses demandes;

Attendu que la Ville de [Localité 3] n'établit pas que cette société a diligenté la procédure abusive ; que la multiplicité des actions engagées trouve son origine dans le nombre de titres de recettes émis, dont elle a contesté le fondement juridique, et ne caractérise pas par elle-même un exercice abusif d'une voie de droit ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare irrecevables les conclusions déposées par la Ville de [Localité 3] le 25 novembre 2011,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Clear Channel

France au paiement des dommages intérêts,

Réformant de ce seul chef,

Déboute la Ville de [Localité 3] de sa demande de dommages intérêts,

Ajoutant,

Condamne la société Clear Channel France à payer à la Ville de [Localité 3] la somme supplémentaire de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Clear Channel France présentée sur ce fondement,

Condamne la société Clear Channel France aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la Société Civile Professionnelle (Scp) Laffly-Wicky.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 10/05363
Date de la décision : 24/01/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°10/05363 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-24;10.05363 ?
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