R.G : 09/07173
Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE au fond
du 29 octobre 2009
RG : 09/192
ch n°
SOCIETE ROUX TROOSTWIJK SVV
C/
SOCIETE PLASTIC SERVICES SAS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 19 Avril 2011
APPELANTE :
SOCIETE ROUX TROOSTWIJK SVV
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Frédéric Boucly, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SOCIETE PLASTIC SERVICES SAS
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me ROBERT, avocat au barreau de l'AIN
******
Date de clôture de l'instruction : 18 Mars 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Mars 2011
Date de mise à disposition : 19 Avril 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Claude MORIN, conseiller
- Agnès CHAUVE, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSE DE L'AFFAIRE
La société Plastic Services a confié à la société Roux Troostwijk un mandat de vente aux enchères publiques de son stock d'outillages industriels.
Considérant que la société Roux Troostwijk avait commis des manquements contractuels à l'origine d'un manque à gagner, la société Plastic Services l'a assignée en responsabilité et en paiement de dommages intérêts.
Par jugement du 29 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a dit que la société Roux Troostwijk a commis des fautes engageant sa responsabilité et l'a condamnée à payer à la société Plastic Services la somme de 150.000 euros à titre de dommages intérêts.
La société Roux Troostwijk, appelante, conclut à la réformation du jugement et au rejet des demandes formées à son encontre. Elle soutient que l'animateur de la vente a la qualité de crieur professionnel multilingue et qu'il possédait les compétences pour animer la vente conformément au mandat confié. Elle précise que les enchères se sont déroulées en français, en anglais et en allemand lorsque cela était nécessaire, en fonction des adjudicataires intéressés. Elle considère que la publicité de la vente a été conforme aux engagements prévus, la présence de plus de soixante-dix sociétés, représentant plus de quatorze nationalités constituant la preuve de la large publicité donnée à la vente.
Elle précise que la société Plastic Services lui a confié le mandat de vendre au meilleur prix, que de nombreux matériels ont été retirés de la vente par celle-ci ou en raison des faibles prix proposés. Elle fait valoir que la vente a rapporté la somme de 596.400 euros alors que les matériels vendus étaient estimés à moins de 630.000 euros, et qu'il n'a jamais été convenu entre les parties que la vente devrait atteindre un montant déterminé ni que l'estimation préalable, qui ne constituait qu'un simple élément indicatif, devait correspondre au résultat escompté. Elle souligne qu'il était convenu que le représentant de la société Plastic Services, présent dans la salle, pouvait demander au vendeur le retrait des machines lorsqu'il estimait le prix proposé trop faible, et qu'il ne l'a fait que pour le dernier lot.
Elle conclut à la confirmation du jugement sur l'absence de faute lors de l'organisation des enlèvements et du versement du prix d'adjudication. Elle rappelle que la société Plastic Services n'a pas souhaité fixer de prix de réserve afin de jouer pleinement le jeu des enchères, de sorte qu'elle a entendu assumer l'aléa inhérent à toute vente aux enchères, et qu'elle ne peut se prévaloir de la perte d'une chance réelle et sérieuse de réaliser la vente au prix raisonnable du marché.
La société Plastic Services, intimée, conclut à la confirmation du jugement. Elle soutient que la société Roux Troostwijk a manqué à son obligation de faire assurer la vente par son crieur professionnel multilingue, à ses obligations de versement du prix d'adjudication et d'assistance aux enlèvements, et à son obligation afférente à la publicité de la vente. Elle considère qu'elle a été défaillante dans la conduite de l'organisation de la vente, tant la veille que le jour même, qu'elle n'a pas mis tous les moyens nécessaires pour assurer la pleine réussite de la vente et atteindre les objectifs fixés, et qu'elle n'a pas rempli son obligation de résultat de retirer toute marchandise dont le prix raisonnable de marché n'était pas atteint.
Elle estime que les multiples manquements commis par la société Roux Troostwijk ont contribué à la réalisation d'une perte en pourcentage représentant, hors les lots invendus, 28 %, soit 302.450 euros HT.
A titre subsidiaire, elle sollicite la condamnation de la société Roux Troostwijk à lui payer la somme de 73.432,36 euros correspondant à la perte nette comptable enregistrée sur la cession à perte de certaines machines.
Elle demande en outre la somme de 15.780 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait du manquement de l'appelante à son obligation de délivrance d'un prix de cession dans un délai de trente jours, ainsi que d'assistance et d'assurance de la date de libération des locaux.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions déposées par l'appelante le 15 mars 2011 et par l'intimée le 11 février 2011.
DECISION
Attendu que la société Plastic Services demande que soient écartées des débats les pièces numéros 36 et 38 communiquées par la société Roux Troostwijk le 15 mars 2011 ; que cependant, le conseiller de la mise en état ayant reporté l'ordonnance de clôture au 18 mars 2011, elle n'établit pas s'être trouvée dans l'impossibilité de discuter ces éléments de preuve;
Attendu que les relations contractuelles entre les parties sont définies par le contrat qu'elles ont signé le 25 octobre 2006 et par les échanges de courriers et de messages électroniques à l'époque où la convention a été conclue ; que le contrat prévoyait que la société mandataire devait dresser l'inventaire détaillé des matériels mis en vente, organiser toutes les publicités et démarches en vue de rechercher des acquéreurs, fixer les conditions de la vente ; qu'il était précisé que le versement du prix par le mandataire au mandant devait intervenir dans les trente jours suivant l'encaissement des sommes, et que ses honoraires s'élevaient à 10 % hors taxes du montant du prix de vente ;
Attendu que l'offre du 28 septembre 2006 précisait que la prestation de la société Roux Troostwijk comprenait notamment l'inventaire et le descriptif détaillé des matériels, la vérification et la supervision de la présentation, la conception et l'établissement d'un dépliant photos/catalogue français anglais adressé par mailing aux acheteurs potentiels sur le plan national et international, la publicité par annonces dans les supports spécialisés et sur son site internet, la présence de son personnel les jours de visite, le jour de la vente et pour l'organisation des enlèvements, la préparation de la salle pour la vente et l'animation celle-ci par son crieur professionnel multilingue ; qu'il était ajouté que les montants encaissés seraient versés dans un délai maximum de trente jours, déduction faite des honoraires, et que pour l'organisation des enlèvements, ceux-ci ne pourraient avoir lieu qu'après paiement intégral des lots achetés ; que ce document indiquait que compte tenu notamment de la qualité des matériels présentés et des récentes expériences de vente du mandataire en ce domaine, un produit de vente entre 900.000 et 1.100.000 euros hors taxes semblait réaliste; qu'un calendrier des opérations était annexé à cette offre ;
Attendu que par un message électronique du 3 octobre 2006, la société Roux Troostwijk ajoutait : 'il n'est pas dans nos habitudes de brader le matériel, nous nous imposons un prix raisonnable de marché et lorsque ce prix n'est pas atteint, nous préférons retirer le matériel' ; que dans un message du 6 octobre 2006, la société Plastic Services précisait : 'nous apprécions votre société et votre 'crieur' pour avoir participé plusieurs fois à des ventes organisées par vos soins' ;
Attendu qu'il résulte de ces pièces que les parties avaient convenu de l'animation de la vente par le crieur professionnel multilingue de la société Roux Troostwijk, et que le choix de la société Plastic Services s'est porté sur l'offre de cette société notamment en raison de la présence de ce crieur qu'elle avait eu l'occasion d'apprécier ; qu'il découle de l'offre du 28 septembre 2006, signée par Monsieur [V], Président directeur général de la société Roux Troostwijk, que le crieur professionnel multilingue proposé était celui qui assurait habituellement ses ventes, mais que ce rôle ne devait pas être assuré par lui-même ; qu'en réalité, la vente a été assurée par Monsieur [V] ;
Attendu que la société Roux Troostwijk n'a pas répondu à la lettre recommandée que lui a adressée la société Plastic Services le 12 décembre 2009 pour lui faire part de la 'piètre qualité' de la prestation de Monsieur [V] en qualité de crieur et d'animateur de la vente; qu'il résulte du procès-verbal de constat du 12 mai 2010 que la vente a été réalisée en français et en anglais pour uniquement dix-huit lots, en français, en anglais et en allemand pour cinq lots, en français et en allemand pour cinq lots également, sur deux cent vingt-quatre lots, de sorte que seulement 12,50 % des lots ont fait l'objet d'une criée en version multilingue; qu'il est ainsi suffisamment établi que la société Roux Troostwijk a failli à son obligation de faire assurer la vente par son crieur professionnel multilingue dans les conditions définies contractuellement ;
Attendu qu'à hauteur d'appel, cette société justifie de la réalisation de dépliants photos/catalogue et de leur diffusion, de la publicité effectuée sur son site internet, des annonces dans neuf journaux, de la diffusion d'une publicité de la vente sur le site internet e-plasturgy.com, par la mise en ligne d'un bandeau publicitaire, d'une annonce lors du salon de l'emballage à [Localité 5] ; qu'il n'est pas établi de manquement à ses obligations contractuelles à cet égard ;
Attendu que les griefs relatifs à des défaillances dans l'organisation de la salle et à l'arrivée tardive du personnel de la société Roux Troostwijk n'ont pas contribué à la réalisation du préjudice dont se prévaut l'intimée ;
Attendu que si le prix de vente estimé par les parties n'était qu'indicatif et ne constituait pas une garantie pour le vendeur en raison de l'aléa inhérent à toute vente aux enchères, et s'il avait été décidé de ne pas fixer de prix de réserve, la société Roux Troostwijk s'était engagée à tout mettre en oeuvre pour parvenir à la vente des machines au meilleur prix et, dans l'hypothèse où un prix raisonnable du marché ne pouvait être atteint, à prendre la décision de retirer les matériels de la vente ; que la proposition du 28 septembre 2006 fait apparaître que la société Roux Trootswijk n'envisageait, le jour de la vente, d'étudier la question du prix de réserve que pour une ou deux machines ; que si le représentant de la société Plastic Services était présent lors de la vente, il ne pouvait intervenir régulièrement au cours de celle-ci pour retirer des matériels, dès lors que les documents contractuels prévoyaient qu'il appartenait à la société mandataire de prendre les décisions appropriées, puisqu'elle seule était chargée de l'organisation de la vente ; qu'il ne s'est cru légitiment autorisé à interrompre la vente au cours de la période finale, pour deux machines, compte tenu du résultat décevant obtenu ; que la société Roux Troostwijk, qui avait pris l'engagement de ne pas brader les machines et de les retirer de la vente en deçà d'un prix raisonnable du marché, a incontestablement failli à son obligation, puisque, sur certaines machines les déficits constatés sont compris entre 16.000 et 3.000 euros, et qu'il résulte du procès-verbal de constat partiel établi à la requête de l'appelante, qu'ont été enregistrées des pertes de 46 % sur le lot 51, de 50 % sur le lot 53, de 43 % sur le lot 55, de 53 % pour le lot 92, de 32 % pour le lot 57, et de 16 % pour le lot 58 ; que certaines machines ont été vendues à un prix inférieur de près de 15.000 euros à la valeur marchande ; que la société Plastic Services établit par sa pièce numéro 47 qu'un acquéreur, qui avait proposé précédemment un prix de 55.000 euros pour une presse, a pu l'obtenir pour un montant de 30.000 euros, incluant les frais ; que la société TMP Convert atteste qu'elle a acheté une presse qu'elle n'avait pas prévu d'acquérir en raison d'un prix bien inférieur à celui du marché ; que certaines machines anciennes ont été vendues à un prix inférieur à celui du ferraillage ;
Attendu que la société Roux Troostwijk n'est pas fondée à se prévaloir de la morosité du marché liée à la crise de la plasturgie, dès lors qu'elle n'établit par aucun élément que ce secteur d'activité était frappé par une crise économique en 2006 ; que dans son propre courrier du 28 septembre 2006, elle estimait que compte tenu de la qualité des matériels présentés et de ses récentes expériences en ce domaine, le produit de la vente estimé entre 900.000 et 1.100.000 euros lui semblait réaliste ;
Attendu qu'il est ainsi démontré qu'elle a failli à son engagement de ne pas 'brader' le matériel en vendant un nombre important de machines à un prix largement inférieur au prix raisonnable du marché ;
Attendu que la premier juge a exactement considéré que la société Roux Troostwijk n'avait pas commis de manquement fautif dans le versement du prix de vente et dans l'organisation des enlèvements ;
Attendu que la société Plastic Services établit, notamment par ses pièces 18, 33, 34, 37, 39, 40, 52, 53, que les lots retirés entre l'estimation de septembre 2006 et la vente ont représenté 182.000 euros, que les lots nouveaux rajoutés à la vente, non compris dans l'estimation initiale, ont représenté 82.400 euros, que des lots supplémentaires de petits matériels, qui n'ont jamais été estimés, ont été adjugés pour une somme de 77.000 euros, et, que compte tenu des lots invendus et des matériels rajoutés par rapport à l'estimation initiale, elle a subi une perte de 302.450 euros hors taxes ; qu'en prenant en compte l'aléa inhérent à une vente aux enchères, il est certain qu'en l'absence des manquements commis par la société Roux Troostwijk, la société Plastic Services n'aurait pas subi un manque à gagner d'au moins 150.000 euros ; que le premier juge a fait une exacte évaluation de son préjudice économique en le fixant à ce montant ;
Attendu que la société Roux Troostwijk doit supporter les dépens et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces communiquées le 15 mars 2011 par la société Roux Troostwijk,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société Roux Troostwijk à payer à la société Plastic Services la somme supplémentaire de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.500 EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Roux Troostwijk présentée sur ce fondement,
Condamne la société Roux Troostwijk aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la Société Civile Professionnelle (Scp) Aguiraud-Nouvellet, avoués.
Le Greffier Le Président