R.G : 09/06344
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 02 septembre 2009
RG : 06/03629
ch n°1
SAS SIEMENS LEASE SERVICES
C/
[H]
[M]
[M]
[M]
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 1er Février 2011
APPELANTE :
SAS SIEMENS LEASE SERVICES
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Didier CAM, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Mme [A] [X] [H] épouse [M]
prise tant qu'es-qualité d'héritière de Mr [R] [M], qu'es qualité de représentante légale de son fils [T] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Fabienne CHATEL-LOUROZ, avocat au barreau de LYON
Melle [U] [K] [A] [M]
es-qualité d'héritière de Mr [R] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Fabienne CHATEL-LOUROZ, avocat au barreau de LYON
Melle [W] [V] [P] [M]
es-qualité d'héritière de Mr [R] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Fabienne CHATEL-LOUROZ, avocat au barreau de LYON
M. [T] [M], représenté par Mme [A] [H]
es-qualité d'héritier de Mr [R] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Fabienne CHATEL-LOUROZ, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 16 Novembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Décembre 2010
Date de mise à disposition : 1er Février 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Dominique ROUX, conseiller faisant fonction de président
- Claude MORIN, conseiller
- Bernadette AUGE, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Claude MORIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Claude MORIN conseiller, le président légitimement empêché, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSE DU LITIGE
Mr [R] [M], chirurgien-dentiste, avait conclu en 1998 et 1999 avec la société Siemens Finance, actuellement dénommée Siemens Lease Service (SLS) deux contrats de location d'une durée de 7 ans chacun, le premier portant sur du matériel médical et le second sur deux appareils de radiologie.
Mr [M] est décédé le [Date décès 1] 2001, laissant pour lui succéder son épouse et leurs trois enfants.
Des loyers étant demeurés impayés et le matériel loué n'ayant pas été restitué, la société SLS a saisi le 24/1/2006 le tribunal de grande instance de Lyon, qui, son jugement rendu le 2/9/2009, a condamné les consorts [M] à lui payer la somme de 30 000 € au titre du premier contrat (n° 9803128) ainsi que celle de 1 860.58 € au titre du 2ème contrat (n°9901085), outre intérêts au taux légal à compter du 24/1/2006 et capitalisation de ceux-ci, et a rejeté toutes les autres demandes des parties.
La société SLS a relevé appel.
Dans ses écritures reçues le 8/6/2010, elle conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
- constater que le contrat n° 9803128 est parvenu à son terme et que le matériel a été restitué,
- condamner les consorts [M] à lui payer la somme de 69 131.67 € arrêtée au 12/1/2006, outre intérêts au taux conventionnel sur la somme de 46 683.24 € à compter de cette même date, et capitalisation de ceux-ci, ainsi que la somme de 52 291 € représentant l'indemnité contractuelle de jouissance;
- constater que le contrat n° 9901085 est parvenu à son terme et que les consorts [M] sont détenteurs sans droit ni titre du matériel,
- les condamner à lui restituer les deux appareils de radiologie concernés sous peine d'astreinte, et l'autoriser à les appréhender au besoin avec l'assistance de la force publique,
- les condamner à lui payer une indemnité de jouissance de 786.16 € par mois à compter de l'assignation jusqu'à leur restitution, ainsi que la somme de 3 459.62 €, correspondant aux loyers impayés au 1/11/2001 et intérêts conventionnels arrêtés au 12/1/2006, outre les intérêts sur la somme de 1 860.58 € à compter de cette même date, et capitalisation de ceux-ci.
Elle réclame en outre la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Elle reproche au premier juge d'avoir considéré qu'elle avait eu une attitude fautive dans l'exécution du contrat , alors qu'elle a communiqué avec diligence le montant des sommes dues et a expliqué clairement à Mme [M] le 15 novembre 2004 les modalités de restitution du matériel, et d'avoir fait une évaluation forfaitaire de sa créance à la somme de 30 000 €, sans tenir compte des modalités contractuelles de calcul de celle-ci et de la valeur d'un matériel, qui n'a été ni restitué par la faute du locataire, ni a fortiori évalué.
Elle ajoute que seul le matériel, objet du premier contrat, a été finalement restitué en sorte que l'indemnité de jouissance continue de courir sur le matériel du 2ème contrat; qu'elle a démontré que le décompte de sa créance ést plus favorable aux débiteurs si les loyers dus sont comptabilisés au jour de leur échéance que dans le cas de la déchéance du terme.
Dans leurs conclusions reçues le 3 mai 2010, les consorts [M] soutiennent à titre principal que la société SLS a manqué à son obligation de conseil en s'étant abstenue de proposer une assurance invalidité-décès à Mr [M] lors de la souscription du premier contrat de location. Ils réclament en réparation du préjudice causé la somme de 166 647.99 € équivalente à la créance dont la société SLS demande le paiement.
Subsidiairement, ils demandent à la cour de constater la résiliation des contrats à la date du décès de Mr [M], de rejeter la demande au titre des loyers à échoir en l'absence de clause résolutoire prévoyant le paiement immédiat des loyers à échoir, de rejeter la demande au titre des intérêts de retard, lesquels ne sont pas dûs postérieurement au décès de Mr [M]. Ils contestent la demande en paiement des indemnités de jouissance, alors qu'ils n'ont jamais refusé de restituer le matériel litigieux, tenu à la disposition de la société SLS. Ils prétendent avoir désormais restitué ce matériel en sorte que la demande de restitution sous astreinte n'a plus d'objet. Ils réclament le paiement de la somme de 20 000 € en réparation du préjudice qui leur a été causé par la société SLS en maintenant artificiellement les contrats et en réclamant des indemnités de jouissance inapplicables.
Plus subsidiairement encore , ils demandent à la cour de réduire à un euro le montant des loyers à échoir, s'agissant d'une clause pénale, et sollicitent l'octroi de délais de grâce.
Ils réclament une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISCUSSION
Sur le contrat n° 9813128 :
Il n'y a pas lieu de reprocher à la société SLS l'absence de souscription par Mr [M] d'une assurance décès invalidité , aucune obligation ne pesant sur elle à ce titre. Si Mr [M] a décidé de souscrire une telle assurance lorsqu'il a conclu quelques mois plus tard le second contrat de crédit bail, rien ne l'empêchait de le faire aussi pour le premier contrat. Cette abstention lui est donc exclusivement imputable et ne peut justifier la demande en dommages-intérêts formée par les intimés.
Ceux-ci reprochent à l'appelante une exécution déloyale du contrat consistant dans le fait de l'avoir laissé se dérouler jusqu'à son terme pour obtenir le paiement de l'intégralité des loyers, sans avoir à déduire le prix de revente du matériel.
Il résulte de l'examen des pièces du dossier de la société SLS que des loyers étaient demeurés impayés avant même le décès de Mr [M]; qu'elle a pris contact dès le mois de décembre 2001 avec le notaire de la succession et lui a adressé une déclaration de créance dont la présentation ne laissait aucun doute sur la mise en oeuvre de la clause résolutoire puisqu'elle réclamait en plus des loyers impayés échus avant le décès, l'intégralité des loyers dus jusqu'au terme du contrat correspondant à l'indemnité de résiliation et faisait état de l'indemnité complémentaire de résiliation équivalente à 6 % des sommes dues, même si elle ne demandait aucune somme à ce titre.
L'exécution loyale du contrat imposait à la société SLS, professionnel de la finance, de donner aux héritiers de son cocontractant décédé toutes les informations utiles pour qu'ils soient en mesure de s'acquitter dans les meilleures conditions possibles des obligations qui leur étaient transmises. Elle avait l'obligation tout d'abord de leur dénoncer dans son intégralité l'article 11 du contrat qui dispose que l'indemnité de résiliation immédiatement exigible correspond à la totalité des loyers convenus de laquelle sera déduite la somme correspondant à 80 % du prix de revente du matériel. Elle devait ensuite leur préciser comment restituer ce matériel afin d'organiser sa revente tant qu'il avait encore de la valeur.
Or, la société SLS , après avoir informé immédiatement le notaire de la succession du montant de sa créance, est restée passive jusqu'à sa lettre du 23 mars 2004. Au lieu d'agir rapidement comme l'imposait la résiliation du contrat en réclamant la restitution immédiate du matériel, elle a adopté une attitude ambiguë qui a entraîné l'enlisement du dossier et suscité la méfiance de ses interlocuteurs auxquels elle opposait un maintien artificiel du contrat jusqu'à son terme. Ce comportement fautif a privé les consorts [M] de la possibilité d'obtenir au cours de l'année 2002 une réduction significative de l'indemnité de résiliation.
La résiliation du contrat étant intervenue à la date de la déclaration de créance faite au notaire, la créance de la société SLS doit être déterminée ainsi qu'il suit :
1) loyers impayés à la date du décès : 3 179.87 € outre les intérêts de retard au taux conventionnel;
2) frais de rejet bancaire : 546.96 €,
3) indemnité de résiliation :
Les loyers dus jusqu'au terme du contrat s'élèvent à la somme de 46 638.24 €. Ce montant est manifestement excessif eu égard au comportement fautif de la société SLS tel qu'il vient d'être caractérisé. Il apparaît justifié de le réduire à hauteur de 30 000 € afin de tenir compte de la valeur des biens d'équipement litigieux qui aurait pu être déduite si leur vente était intervenue au cours de l'année 2002 (le prix à la date de livraison s'élevait à 67 000 €). Le contrat ne prévoit pas que cette indemnité porte intérêt au taux convenu pour les loyers impayés à leur échéance. Il s'ensuit que les consorts [M] ne doivent que les intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice.
4) l'indemnité de jouissance :
La société SLS a réclamé dans l'assignation introductive d'instance la restitution du matériel. Rien n'empêchait les consorts [M] de le faire dans les plus brefs délais. Cette restitution n'est intervenue que le 5 mars 2010. La clause du contrat prévoyant le paiement
d'une indemnité de jouissance égale au montant du loyer doit donc s'appliquer dans toute sa rigueur. Le calcul de l'appelant étant conforme aux dispositions du contrat ne peut qu'être adopté. Les consorts [M] seront donc condamnés au paiement de la somme de 52 291 €.
Sur le contrat n° 9901085 :
Il est seulement dû au titre de ce contrat, résilié à la même date que le premier, les loyers impayés à la date du décès, soit la somme de 1 860.58 €, outre les intérêts au taux conventionnel et les frais de rejet bancaire à hauteur de 136.74 €. Les loyers dus jusqu'au terme du contrat ont été pris en charge par l'assureur.
En revanche, le matériel, objet de ce contrat. n'a pas été restitué. Ce refus de restitution ne peut s'expliquer que parce que les consorts [M] n'en sont plus les détenteurs. Il est par conséquent inutile d'en ordonner la restitution avec astreinte. La cour ne peut que faire droit à la demande en paiement de l'indemnité de jouissance et procéder à sa liquidation jusqu'au 5 mars 2010, date à laquelle l'impossibilité de restituer est finalement reconnue. Cette indemnité est donc égale à la somme de : 786.16 x 49 mois = 38 521 .84 €.
Compte-tenu des revenus dont dispose Mme [M] et du fait que ses enfants sont étudiants, il apparaît justifié de les autoriser à s'acquitter de la dette au moyen de 24 versements mensuels égaux.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement critiqué, sauf sur le rejet des demandes en dommages-intérêts des consorts [M],
Constate que la résiliation des contrats est intervenue à la date de la déclaration de créance faite au notaire de la succession de Mr [M],
Condamne les consorts [M] à payer à la société SLS les sommes suivantes :
- au titre du contrat n° 9813128 :
* loyers impayés à la date du décès : 3 179.87 € outre les intérêts de retard au taux conventionnel, et capitalisation de ceux-ci,
* frais de rejet bancaire : 546.96 €,
* indemnité de résiliation : 30 000 €, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation , et capitalisation de ceux-ci,
* indemnité de jouissance : 52 291 €,
- au titre du contrat n° 9901085 :
* les loyers impayés à la date du décès : 1 860.58 €, outre les intérêts au taux conventionnel et capitalisation de ceux-ci,
* frais de rejet bancaire :136.74 €.
* indemnité de jouissance : 38 521.84 €,
Autorise les consorts [M] à s'acquitter de leur dette au moyen de 24 versements mensuels égaux, le premier devant intervenir dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt;
Rejette les demandes en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dit que chacune des parties garde à sa charge ses dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe président