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14/12/2010 | FRANCE | N°09/03718

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 14 décembre 2010, 09/03718


R.G : 09/03718









Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE au fond

du 02 avril 2009



RG : 07.1093

ch n°





SCI MOULIN DE L'[Localité 16]



C/



[Z]















COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 14 DECEMBRE 2010







APPELANTE :



SCI MOULIN DE L'[Localité 16]

[Adresse 19]

[Localité 15]



représenté

e par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour

assistée de Me Thierry DUPRE, avocat au barreau de LYON









INTIME :



M. [Y] [Z]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 11]

[Adresse 17]

[Localité 15]



représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assisté de Me Pi...

R.G : 09/03718

Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE au fond

du 02 avril 2009

RG : 07.1093

ch n°

SCI MOULIN DE L'[Localité 16]

C/

[Z]

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 14 DECEMBRE 2010

APPELANTE :

SCI MOULIN DE L'[Localité 16]

[Adresse 19]

[Localité 15]

représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour

assistée de Me Thierry DUPRE, avocat au barreau de LYON

INTIME :

M. [Y] [Z]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 11]

[Adresse 17]

[Localité 15]

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assisté de Me Pierre LAVIROTTE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

******

Date de clôture de l'instruction : 12 Novembre 2010

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Novembre 2010

Date de mise à disposition : 14 Décembre 2010

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique ROUX, conseiller faisant fonction de président

- Claude MORIN, conseiller

- Bernadette AUGE, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Dominique ROUX a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique ROUX, conseiller faisant fonction de président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Selon un acte notarié en date du 14 octobre 1995 Madame [L] [S] veuve [J] a vendu à la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] constituée par Monsieur [F] [N] et Madame [K] [C] une propriété située à [Localité 15] (Ain) dénommée MOULIN DE L'[Localité 16] comprenant des bâtiments à usage d'habitation, dépendances, jardin, terre, pré, friche étang, réservoir, canal d'alimentation avec tout droit d'eaux, accès au barrage et barrage.

La propriété vendue d'une contenance de 4 ha 92 a 51 ca comprenait les parcelles cadastrées C [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 2], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

La parcelle [Cadastre 2] provenait de la division d'une ancienne parcelle cadastrée C [Cadastre 10] en trois autres parcelles : C [Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

La parcelle C [Cadastre 4] restait la propriété de Madame [J].

La propriété vendue comprenait un ancien moulin alimenté par un canal partant de la rivière 'LA CHALARONNE' à partir d'un barrage.

L'acte de vente précisait que ce canal alimentait un camping et servait de déversoir à la route de [Localité 18].

Ce même acte indiquait que les époux [J] avaient acquis le droit au barrage.

Il était précisé que le moulin ne fonctionnant plus les droits d'eaux devaient être considérés comme précaires.

L'acte indiquait également que la parcelle C [Cadastre 3] restant la propriété du vendeur Madame [J] était bordée par le canal et que Madame [J] devait en laisser le libre accès et en aucun cas entraver l'écoulement des eaux.

La parcelle C [Cadastre 4] a été revendue par acte du 25 octobre 2000 à Mademoiselle [A] [T] marchand de biens. L'acte précisait que le bien vendu n'était grevé d'aucun droit réel principal ni accessoire.

Cette même parcelle a été revendue par acte du 12 mars 2003 à Monsieur et Madame [M] [Z] puis par acte du 15 juin 2007 à Monsieur [Y] [Z].

Au début de l'année 2005 la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] a reproché à Monsieur et Madame [Z] d'avoir posé une clôture le long du canal ne laissant qu'un passage à pied alors que l'entretien du canal nécessitait l'accès d'engins mécanisés. Monsieur et Madame [Z] faisaient valoir qu'ils ne s'opposaient pas au passage de la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] sur leur propriété pour le curage du bief (ou canal) à titre de tolérance mais soutenaient que la Sci ne bénéficiait d'aucune servitude de passage mentionnée dans leur titre de propriété.

Par acte en date du 12 avril 2007 la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] a fait assigner Monsieur et Madame [Z] devant le Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE pour qu'ils soient condamnés sous astreinte à libérer l'accès au canal d'alimentation dont elle revendiquait la propriété. Elle invoquait la servitude de passage énoncée dans son acte d'acquisition ainsi que l'état d'enclave de sa propriété. Elle demandait qu'il soit rappelé qu'en aucun cas Monsieur et Madame [Z] ne pouvaient entraver l'écoulement des eaux.

Monsieur [Y] [Z] devenu propriétaire de la parcelle C [Cadastre 4] par acte du 15 juin 2007 est intervenu volontairement aux débats. Il résistait à la demande en soutenant que la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] ne démontrait pas son droit de propriété sur le canal d'alimentation du moulin ni l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle C [Cadastre 4].

Il invoquait l'article L 215-2 du Code de l'environnement aux termes duquel le lit des cours d'eaux non domaniaux appartient aux riverains.

Il soutenait par ailleurs que le canal n'était pas à l'usage exclusif de la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] puisqu'il desservait également une zone de loisirs et l'ancien moulin des [Localité 12]. Il contestait en conséquence l'état d'enclave de la propriété de la Sci.

Celle-ci répliquait que l'article L 215-2 du Code de l'environnement était inapplicable, la propriété du canal étant fondée en titre car antérieure à la révolution française.

Par jugement en date du 2 avril 2009 le Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE a relevé :

- qu'en vertu de l'article 546 du Code Civil le propriétaire d'un moulin était propriétaire du bief d'alimentation à la condition que celui-ci ait été creusé de main d'homme et qu'il serve à l'usage exclusif du moulin,

- qu'en l'occurrence il était rappelé dans l'acte du 14 octobre 1995 que le canal alimentait un camping et servait de déversoir à la route de [Localité 18],

- qu'il ressortait d'un rapport de la Société EPA (Environnement, Protection, Aménagement) rédigé en octobre 2007 que d'autres moulins existaient en 1759 à [Localité 15],

- qu'il n'était pas établi que le canal d'alimentation ait été creusé à l'usage exclusif du moulin de l'[Localité 16].

Le Tribunal tirait de ces éléments la conclusion que la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] ne démontrait pas son droit de propriété sur le canal.

Sur l'existence d'un droit d'eau le Tribunal relevait :

- que le droit d'eau était fondé en titre si l'ouvrage était antérieur à la Révolution française mais qu'il était perdu lorsque l'établissement avait subi des transformations ou avait cessé son activité pendant une longue durée;

- qu'en l'espèce le moulin de l''[Localité 16] existait avant 1789 mais qu'il n'était plus exploité depuis 1985,

- que le titre de propriété de la Sci rappelait que le moulin ne fonctionnant plus les droits d'eaux devaient être considérés comme précaires.

- que la Sci ne saurait revendiquer un droit d'eau qui, s'il avait existé dans le passé, avait été abandonné.

En l'absence de preuve de la propriété du canal et d'un droit d'eau le Tribunal estimait que la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] ne pouvait se prévaloir d'une servitude conventionnelle ni d'un état d'enclave et que ses demandes étaient sans objet. Il était par ailleurs relevé que l'existence d'une servitude de passage ne figurait pas sur le titre des époux [Z] propriétaires du fonds servant.

La Sci MOULIN DE L'[Localité 16] était en conséquence déboutée de ses demandes et condamnée à payer à Monsieur [Y] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par acte en date du 12 juin 2009 la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] a relevé appel de cette décision.

Elle soutient, en se fondant sur une note complémentaire du Cabinet EPA que le bief n'alimentait à l'origine que le seul moulin de l'[Localité 16], le moulin des [Localité 12] étant situé en aval après la jonction du canal de fuite et de La Chalaronne.

Elle soutient par ailleurs que ce canal est une création artificielle et non pas un bras de la rivière La Chalaronne, comme le prétend Monsieur [Z].

Elle déduit de ces éléments que les deux conditions de la propriété du canal, à savoir son caractère artificiel et sa destination exclusive à l'usage du moulin sont réunies.

Elle maintient par ailleurs qu'elle bénéficie d'un droit d'eau fondé en titre puisque son

moulin est antérieur à la Révolution française de sorte qu'elle peut utiliser librement la force motrice du bief sans autorisation administrative et entretenir les ouvrages de prise et de restitution des eaux. Elle soutient que ce droit d'eau fondé en titre est imprescriptible.

Elle expose qu'elle souhaite remettre en état les installations pour produire de l'électricité et qu'il lui est nécessaire de procéder au curage du bief qui lui appartient sur toute sa longueur.

Elle estime qu'elle est fondée à se prévaloir d'une servitude de passage sur la parcelle C [Cadastre 4] pour cause d'enclave.

Elle sollicite la réformation de la décision déférée et la condamnation de Monsieur [Y] [Z] à cesser toute entrave à la servitude de passage sur la parcelle C [Cadastre 4] sous peine d'astreinte.

Elle demande la condamnation de Monsieur [Z] à lui payer 2.500 euros à titre de dommages et intérêts, et la même somme en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [Y] [Z] soutient que le canal litigieux n'a pas été construit de main d'homme mais qu'il s'agit d'un bras de la rivière La Chalaronne qui était d'ailleurs le plus important si l'on se réfère au plan cadastral de 1811 ainsi qu'à un arrêté préfectoral du 23 novembre 1854 précisant que le moulin de l'[Localité 16] est situé 'sur la Chalaronne'.

Il soutient par ailleurs que ce canal n'est pas à l'usage exclusif du moulin de l'[Localité 16] puisqu'il alimente un camping et sert de déversoir à la route de [Localité 18].

Il soutient que le moulin ne fonctionnant plus depuis plusieurs années la Sci ne peut revendiquer aucun droit d'eau, et que le curage et le nettoyage du canal incombent au syndicat des Territoires de [Localité 13] et non pas à la Sci MOULIN DE L'[Localité 16].

Il conteste par ailleurs toute servitude de passage sur la parcelle C [Cadastre 4], qu'elle soit conventionnelle ou légale.

Il sollicite la confirmation de la décision déférée et demande la condamnation de la Sci appelante à lui payer 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

DISCUSSION

Attendu que la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] revendique une servitude de passage sur la parcelle C [Cadastre 4] le long du canal alimentant son moulin ;

Attendu qu'une servitude de passage a une origine soit conventionnelle, soit légale ;

Attendu qu'une servitude conventionnelle doit résulter d'un titre portant sur le fonds servant ;

Or attendu qu'il est constant qu'il n'en est pas fait mention dans les actes de vente passés entre Madame [J] et Mademoiselle [T], entre cette dernière et les époux [Z], puis entre les époux [Z] et Monsieur [Y] [Z] ;

Attendu qu'il n'existe pas de servitude conventionnelle de passage ;

Attendu que pour bénéficier d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] doit démontrer qu'elle est propriétaire du canal alimentant son moulin ; qu'il en est ainsi si le canal a été créé par la main de l'homme à l'usage exclusif dudit moulin ;

Attendu qu'il résulte du plan cadastral de 1811 que le cours d'eau alimentant le moulin de l'[Localité 16] est un bras de La Chalaronne, rivière qui se divise en deux bras au lieudit '[Localité 14]' soit bien en amont du 'moulin de l'[Localité 16]', lequel est d'ailleurs alimenté par le bras le plus important ;

Attendu que le rapport complémentaire du Cabinet EPA (pièce 27 versée par la Sci) précise que le tracé du bief sur le cadastre de 1811 est identique à celui que nous connaissons aujourd'hui ;

Attendu par ailleurs qu'il est mentionné dans un arrêté préfectoral du 23 novembre 1854 que Monsieur [U] est autorisé à maintenir son activité de moulin à blé dit MOULIN DE L'[Localité 16] 'qu'il possède sur La Chalaronne' ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que l'une des deux conditions cumulatives pour que la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] soit propriétaire du canal d'alimentation de son moulin n'est pas remplie ; que la seconde condition ne l'est pas davantage puisqu'il résulte de son titre de propriété que ce canal alimente un camping et sert de déversoir à la route de [Localité 18] ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] n'étant pas propriétaire du canal ne peut revendiquer une servitude de passage pour cause d'enclave;

Attendu par ailleurs que le moulin de l'[Localité 16] n'étant plus en activité depuis plusieurs décennies la Sci ne peut revendiquer un droit d'eau qui est qualifié dans son propre titre de précaire ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les demandes de la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] sont mal fondées et doivent être rejetées ;

Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré ;

Attendu que l'équité commande d'élever à la somme de 3.000 euros le montant de l'indemnité allouée à Monsieur [Y] [Z] en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à élever à la somme de TROIS MILLE EUROS (3.000 EUROS) le montant de l'indemnité allouée à Monsieur [Y] [Z] en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la Sci MOULIN DE L'[Localité 16] aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle (Scp) BAUFUME-SOURBE, Société d'avoués.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 09/03718
Date de la décision : 14/12/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°09/03718 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-14;09.03718 ?
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