R. G : 10/ 01313
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
du 01 février 2010 RG : 2009/ 01968
X...
C/
Y... SOCIETE LVL MEDICAL GROUPE SAS JCL FINANCES SA DE DROIT LUXEMBOURGEOIS FINAL SA DE DROIT LUXEMBOURGEOIS ULTIMAL
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2010
APPELANTE :
Mme Roselyne X... épouse Y... née le 2 janvier 1949 à Bron (69)... 69300 CALUIRE-ET-CUIRE
intimée dans la procédure 10/ 1491
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me LAFRAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES :
M. Jean-Claude Georges Y... né le 29 mars 1948 à Crépieux La Pape (69) ... 69006 LYON
appelant dans la procédure 10/ 1491
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Richard ZELMATI, avocat au barreau de LYON
SA LVL MEDICAL GROUPE 44 Quai Charles de Gaulle 69006 LYON
appelante dans la procédure 10/ 4801
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Cédric CHANAS, avocat au barreau de PARIS
SAS JCL FINANCES 34 Avenue des Champs Elysées 75008 PARIS
appelante dans la procédure 10/ 4801
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Cédric CHANAS, avocat au barreau de PARIS
SA FINAL, société de droit luxembourgeois 10 A rue Henri M. Schandt 2530 LUXEMBOURG
appelante dans la procédure 10/ 4801
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Cédric CHANAS, avocat au barreau de PARIS
SA ULTIMAL, société de droit luxembourgeois 10 A rue Henri M. Schandt 2530 LUXEMBOURG
appelante dans la procédure 10/ 4801
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Cédric CHANAS, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 05 Octobre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Octobre 2010
Date de mise à disposition : 23 Novembre 2010
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président-Dominique ROUX, conseiller-Claude MORIN, conseiller
assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Mr BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE :
Les époux Y... se sont mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.
Le 18 mai 1990, ils ont opté pour le régime de la séparation de biens.
Par acte du 18 octobre 1999, ils ont modifié leur régime matrimonial en le complétant par une société d'acquêts.
Après le dépôt d'une requête en divorce le 29 janvier 2007 suivie d'une ordonnance de non conciliation du 26 mars 2007, Monsieur Y... a assigné son épouse en divorce le12 mars 2009. Celui-ci a été prononcé par jugement du 9 septembre 2010, qui a notamment mis à la charge de Monsieur Y... une prestation compensatoire de 2. 000. 000 euros.
Par actes des 1er et 9 juillet 2009, Madame Y... a assigné Monsieur Y... ainsi que les sociétés LVL Medical Groupe, JCL Finances, Final et Ultimal devant le président du tribunal de grande instance de LYON à l'effet de :
- désigner un administrateur provisoire ayant pour mission de représenter les époux Y... pour les besoins de la gestion et de l'administration des titres faisant partie de l'indivision post-communautaire et constituant tout ou partie du capital des dites sociétés ainsi que tous autres titres ou droits indivis qui pourraient se révéler par la suite en ce compris tous les instruments financiers souscrits avec des fonds indivis (notamment toutes obligations convertibles en actions ou ouvrant droit à souscription d'actions) ainsi que tous les instruments financiers qui pourraient être rattachés aux actions indivises et notamment tous bons de souscription,
- dire que le mandataire accomplira sa mission jusqu'au terme des opérations de liquidation partage et que ladite mission sera exécutée dans le respect des dispositions des articles 1873-9 à 1873-9 du Code Civil,
- dire qu'en complément de sa mission le mandataire ad hoc devra également séquestrer le actions détenues par les époux Y... dans les sociétés LVL Médical Groupe et JCL Finances, les actions détenues par la société Final dans le capital de la société Ultimal, les actions détenues par la Société Ultimal dans le capital de la société LVL Medical Groupe, les actions détenues par la société JCL Finances dans la société LVL Medical Groupe et tous autres titres ou droits indivis qui pourraient se révéler par la suite en ce compris tous les instruments financiers souscrits avec des fonds indivis (notamment toutes obligations convertibles en action ou ouvrant droit à souscription d'actions ainsi que tous les instruments financiers qui pourraient être rattachés aux actions indivises et notamment tous bons de souscription),
- dire que les frais d'administration de l'indivision seront employés en frais de partage,
- condamner Monsieur Y... à lui verser une somme de 4. 500. 000 euros à valoir sur les droits qui lui sont dus au titre de liquidation et du partage de l'indivision.
Par ordonnance du 1er février 2010, le président du tribunal de grande instance de LYON a rejeté des exceptions d'incompétence matérielle et territoriale ainsi qu'un incident de communication de pièces, a désigné Monsieur Y... en qualité d'administrateur provisoire ayant pour mission de représenter les époux Y... pour les besoins de la gestion et de l'administration des titres faisant partie de l'indivision post-communautaire et constituant tout ou partie du capital des sociétés LVL Medical Groupe, JCL Finances, Final et Ultimal ainsi que tous autres titres ou droits indivis qui pourraient se révéler par la suite, en ce compris tous les instruments financiers souscrits avec des fonds indivis, dit que le mandataire accomplira sa mission jusqu'au terme des opérations de liquidation partage et que ladite mission sera exécutée dans le respect des dispositions des articles 1873-5 à 1873-9 du Code Civil, rejeté la demande de séquestre, et déclaré irrecevable la demande en paiement d'une avance.
Appel a été interjeté par l'ensemble des parties.
Madame Y... conclut à la réformation partielle de l'ordonnance et demande à la Cour de :
I)- désigner au lieu et place de Monsieur Y... un autre administrateur,
II)- dire qu'en complément de sa mission, le mandataire ad hoc désigné devra également :
1) obtenir l'accord unanime de tous les co-indivisaires pour :
* tous actes de disposition portant sur les titres inscrits en compte nominatif pur (c'est-à-dire non côtés) ou sur plus de 10 % des titres côtés détenus par l'indivision,
* toutes les opérations d'apports de titres,
* la perception des dividendes et toute demande de dissolution des sociétés,
2)) consigner les fonds recueillis par suite d'opérations de cessions ou de distribution de dividendes et procéder à leur partage,
3) supporter toutes les obligations de l'article 1873-11 du Code Civil et notamment l'obligation de :
* communiquer les documents concernant la gestion, et spécialement les comptes d'administration des opérations sur les valeurs mobilières, ainsi que tous les documents juridiques afférents aux sociétés concernées,
* rendre un compte trimestriel,
III) condamner Monsieur Jean-Claude Y... es-qualités de gestionnaire de l'indivision à lui verser une somme de 4. 500. 000 euros en avance sur les droits qui lui sont dus au titre de liquidation et du partage de l'indivision.
Elle se prévaut de l'existence d'une indivision post-communautaire et invoque notamment la subrogation réelle pour établir le caractère indivis de titres obtenus par substitution de titres indivis. Elle s'explique sur la composition de la manne indivise. Elle se prévaut de l'urgence à sauvegarder l'intérêt commun. Elle considère qu'aucun partage verbal n'est intervenu entre les co-indivisaires. Elle fait valoir que le président du tribunal de grande instance a compétence pour constater l'existence d'une indivision.
Monsieur Y... conclut à la réformation de l'ordonnance et au rejet des demandes formées par Madame X....
Il se prévaut à titre principal de l'absence d'indivision. Il soutient qu'il n'appartient pas au président du tribunal de grande instance, statuant en application de l'article 815-6 du Code Civil, de trancher le litige relatif à l'existence d'une indivision.
Il fait valoir que la propriété des titres de la société LMS inscrits à son nom découle des présomptions de propriété inscrite dans l'acte de changement de régime matrimonial du 18 mai 1990, et que les époux ont confirmé le jeu de cette présomption par un partage verbal.
A titre subsidiaire, il considère que l'éventuelle situation d'indivision revendiquée par Madame X... ne saurait affecter qu'un part minime des parts sociales inscrites à son nom.
Il se prévaut de l'absence d'urgence et estime que la mise en oeuvre des mesures sollicitées serait de nature à porter atteinte à l'intérêt commun, lié notamment à la valorisation des titres.
Il conclut à l'irrecevabilité de la demande d'avance, nouvelle en cause d'appel, puisqu'elle avait été formée en première instance à son encontre à titre personnel.
Les sociétés LVL Medical Groupe, JCL Finances Final et Ultimal, soulèvent, avant toute défense au fond, des exceptions d'incompétence matérielle et territoriale. Elles considèrent que la compétence relève du tribunal de commerce de LYON pour la société LVL Medical Groupe, du tribunal de commerce de PARIS pour la société JCL Finances et des tribunaux de commerce du Grand Duche du Luxembourg pour les sociétés Final et Ultimal, ces deux dernières, qui ont leur siège à Luxembourg, faisant valoir qu'elles ne peuvent être attraites devant les juridictions françaises. Elles concluent à titre subsidiaire au rejet des demandes de Madame X... et soulignent notamment l'incertitude portant sur l'assiette des titres indivis, l'absence d'urgence, et la contrariété à l'intérêt commun des mesures sollicitées.
MOTIFS
Attendu que les procédures suivies sous les numéros 10/ 1313 et 10/ 4801 concernant les appels formée contre la même décision, leur jonction doit être ordonnée ;
Attendu que les demandes de madame X... fondées sur l'article 815-6 du Code Civil relèvent de la compétence du président du tribunal de grande instance ; qu'elles ne concernent pas une contestation relative aux société commerciales et aux actes de commerce au sens de l'article L 721-3 du Code de commerce ; que par ailleurs, Madame Y... n'a assigné les sociétés LVL Medical Groupe, JCL Finances, Final et Ultimal en intervention qu'afin que la décision leur soit déclarée opposable ; que si en application de l'article 2 du règlement CE numéro 44/ 2001 du 22 décembre 2000, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites devant les juridictions de cet Etat, l'article 6 prévoit que lorsqu'il s'agit d'une demande en intervention, elles peuvent être attraites devant le tribunal saisi de la demande originaire, à moins qu'elle n'ait été formée que pour traduire hors de son tribunal celui qui a été appelé ; que les sociétés Final et Ultimal ne se prévalent pas de cette dernière réserve ; qu'en conséquence, les exceptions d'incompétence ont été à bon droit rejetées ;
Attendu que Monsieur Y... indique que sa demande tendant à ce que soient écartées les pièces numéros 6 et 15 produites par Madame X... est devenu inutile compte tenu de l'évolution procédurale des litiges opposant les parties ;
Attendu qu'en application de l'article 815-6 du Code Civil, le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun ; qu'il peut notamment désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre ; que les articles 1873-3 à 1873-9 du même code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge ;
Attendu que ce texte, qui a pour but de protéger l'intérêt commun de coindivisaires opposés sur la gestion de biens dont la nature indivise est assurée, ne peut trouver application lorsque l'indivision est incertaine dans son existence et dans son étendue, et que le conflit porte à titre principal sur la détermination de la nature propre ou indivise des biens litigieux ; que le premier juge ne pouvait considérer que Monsieur Y... admettait l'existence d'une indivision, puisque celui-ci soutenait au contraire à titre principal que son épouse ne pouvait se prévaloir d'aucune situation d'indivision s'agissant des parts sociales visées dans l'assignation ;
Attendu que Madame Y... ne démontre aucune situation d'urgence de nature à justifier les mesures qu'elle sollicite dès lors que la situation actuelle perdure depuis près de vingt ans et que, durant cette période, Madame Y... n'a jamais revendiqué une situation d'indivision sur les titres des sociétés et que les époux ont pris des dispositions pour sauvegarder leurs intérêts par deux modifications successives de leur régime matrimonial ; que dans ce contexte, le caractère négociable des titres allégués comme étant indivis n'est pas de nature à caractériser une situation d'urgence, alors qu'il est établi que la gestion du groupe LVL Medical par Monsieur Y... a permis une évolution remarquable de celui-ci ; que dans l'hypothèse où, comme le soutient Madame Y..., les titres détenus par son mari seraient indivis, tout acte de disposition qui porterait atteinte aux intérêts de Madame Y... constituerait également un appauvrissement des biens de Monsieur Y..., de sorte qu'l paraît exclu que ce dernier se livre à des opérations ou des actes de dispositions contraires à ses intérêts ; que les opérations qu'il a pu réaliser sur des sociétés civiles extérieures au groupe LVL Medical sont étrangères au présent litige ;
Attendu que la désignation d'un administrateur avec la mission souhaitée par Madame Y... serait en tout état de cause contraire à l'intérêt commun, à supposer qu'il existe des titres indivis, puisqu'en particulier, la demande tendant à ce que le mandataire obtienne l'accord unanime des indivisaires pour " tous actes de disposition portant sur les titres inscrits en compte nominatif pur (c'est à dire non cotés) ou sur plus de 10 % des titres cotés détenus par l'indivision, toutes les opérations d'apports de titres, toute réponse à une offre d'achat d'actions, la perception des dividendes et toute demande de dissolution des sociétés " paralyserait inévitablement le fonctionnement des sociétés, et serait de nature à porter une atteinte grave à la valorisation des titres ; qu'en conséquence, en l'absence d'urgence et de justification par l'intérêt commun de la désignation d'un administrateur provisoire ayant la mission sollicitée, Madame Y... doit être déboutée de sa demande ;
Attendu que dans ses dernières conclusions, celle-ci a renoncé à sa demande de séquestre des titres ;
Attendu que la demande en paiement d'une avance de 4. 500. 000 euros, dirigée contre Monsieur Y..., ès qualités de gestionnaire de l'indivision, alors qu'elle était dirigée en première instance contre Monsieur Y... à titre personnel, constitue une demande nouvelle, qui est par conséquent irrecevable ;
Attendu que Madame Y... doit supporter les dépens et des indemnités en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des procédures suivies sous les numéros 10/ 1313 et 10/ 4801,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'incompétence,
La réforme pour le surplus,
Déclare irrecevable la demande de Madame Y... en paiement d'une avance,
Déboute Madame Y... de ses autres demandes,
Condamne Madame Y... à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à Monsieur Y... la somme de huit mille euros (8. 000 euros), et à la société LVL Medical Groupe, la société JCL Finances, la société Final et la société Ultimal, à chacune, la somme de mille deux cents euros (1. 200 euros),
Condamne Madame Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct par la Société Civile Professionnelle (Scp) Baufumé-Sourbé, et la Société Civile Professionnelle (Scp) Laffly-Wicky, avoués.
Le Greffier, Le Président.